Les ceintures de comportement
Comme nous le disions précédemment, c’est F. Oury (amateur de judo par ailleurs) qui eut l’idée de mettre en place des ceintures de comportement pour symboliser des attitudes plus ou moins responsables.
Dans notre classe, il y a 4 ceintures possibles : blanche, jaune, orange, et verte. A chaque couleur de ceinture correspond une liste claire de droits et de devoirs (cf. Annexes D3).
Lorsqu’un élève se sent prêt à passer à la ceinture plus « foncée », il en fait la demande et cette dernière est étudiée par le groupe lors d’un prochain conseil. Si les membres du conseil estiment que cet élève est capable de respecter les devoirs liés à la ceinture visée, il change de couleur et accède alors à de nouveaux droits mais également à de nouvelles responsabilités.
On ne peut pas se voir retirer sa ceinture. En revanche, en cas de manquement à l’une des règles inhérentes à une ceinture, cette dernière peut être « gelée ». L’élève en question perd donc provisoirement ses droits.
Dans l’idée de favoriser la coopération dans la classe, les élèves aux ceintures « foncées » sont incités à davantage de solidarité, de bienveillance, d’aide dans la résolution de conflits ou pour permettre à un autre élève de progresser, etc… Par exemple, lorsqu’un élève demande à passer une ceinture plus foncée mais que le conseil estime qu’il n’en est pas encore capable, on identifie le ou les points d’amélioration nécessaire(s) et il n’est pas rare qu’un élève à la ceinture foncée (volontaire) soit nommé pour aider le premier dans cette tâche afin qu’il puisse redemander à passer sa ceinture au conseil suivant.
Les responsabilités
Citant René Laffitte, S. Connac écrit « L’enfant ne s’intègre au groupe que lorsqu’il s’y sent nécessaire. C’est sa fonction qui le fait reconnaitre par les autres. »
Or c’est bien de fonctions dont il est question dans notre classe :
– Des métiers d’abord, conférant à l’élève « non seulement un rôle au sein du groupe, mais également un statut »
. L’utilité (ou la nécessité) de chaque métier est décidée en conseil et il est attribué à l’élève qui en fait la demande (après acceptation du conseil là encore). Chaque élève peut ensuite demander à changer de métier. Sa demande est soumise au groupe lors du conseil suivant. Il doit alors trouver quelqu’un qui accepte d’échanger son métier avec le sien.
– La fonction de « chef d’équipe » ensuite. Comme nous le verrons plus avant, la classe est (physiquement) organisée en ilots. Chaque ilot forme une « équipe » hétérogène (niveau, sexe, origine socio-culturelle, …), partageant un certain nombre de choses (allant du matériel de classe à la réalisation de certaines activités). Le chef d’équipe devient alors une sorte de référent pour son ilot. Il doit veiller à la bonne gestion du matériel, servir d’interface éventuelle entre les membres de son « équipe » et l’enseignant (ex : « quand tout le monde est prêt, le chef d’équipe lève la main »), montrer le bon exemple, etc…
C’est une fonction valorisante pour l’élève désigné mais également très exigeante et nous faisons donc en sorte de changer assez régulièrement les chefs d’équipe (et les équipes). Par ailleurs, les chefs d’équipe savent qu’ils peuvent à tout moment demander de l’aide à l’enseignant. Notamment lorsqu’ils rencontrent des difficultés avec certains membres de leur équipe.
Favoriser la coopération
Au-delà des « outils », inspirés de la pédagogie institutionnelle, dont nous venons de parler, ma collègue et moi avions vraiment à cœur de favoriser la coopération au sein de notre classe et nous savions que cela devait également passer par une organisation de classe et une « attitude » globale incitant à cela.
Par une configuration de classe en ilots
Dès le début de l’année, ma collègue et moi avons décidé (suite à une proposition de sa part) de disposer les tables de la classe afin de créer des ilots de 4 à 5 élèves. Lorsque les élèves sont entrés pour la première fois dans la classe, il était assez spectaculaire de voir à quel point leur « tendance » naturelle les amenait à former des ilots « homogènes » (essentiellement d’un point de vue socio-culturel, voire éthnique). Cela ne correspondait évidement pas à l’esprit d’échange, de coopération et de partage que nous souhaitions voir se développer. Dès le lendemain donc, nous procédions à un premier changement afin de former des ilots hétérogènes en termes de répartition des sexes et des origines socio-culturelles.
Mais, très vite, à l’image de ce que F. Oury avait déjà proposé, nous fîmes passer un « sociogramme express » (cf. Annexes D2) à nos élèves afin de nous permettre de revoir la répartition des élèves dans les ilots en tenant compte du ressenti de ces derniers. Là encore, il s’agit d’avoir conscience qu’en termes de coopération, notre rôle d’enseignant est de suggérer, d’initier, d’inciter, éventuellement de relancer mais en aucun cas d’imposer. Il serait d’ailleurs illusoire de penser que cela soit possible. Il convient donc le plus souvent de respecter les ressentis des élèves et de leur faire confiance pour proposer des solutions pertinentes. En ce sens, le sociogramme s’est donc avéré être un outil précieux.
Par l’incitation aux échanges et à l’entraide
Comme nous venons de le dire, l’un des rôles de l’enseignant qui veut voir se développer la coopération dans sa classe consiste à suggérer, voire inciter les élèves dans ce sens. Je cherche pour ma part à multiplier les moments propices à l’échange ou à l’entraide. Au début de l’année, je répétais plusieurs fois par jour aux élèves qu’ils pouvaient s’aider mutuellement lorsque l’un d’entre eux avait compris (et fini) ses exercices par exemple. D’ailleurs, pour faciliter « l’organisation » de ces échanges, nous avons fabriqué des petits chevalets sur lesquels est écrit « J’ai besoin d’aide » (cf. Annexes C4) et les avons disposés sur chaque table afin qu’un élève en difficulté (sur un exercice en particulier) puisse le faire savoir (à l’un de ses camarades ou à l’enseignant bien sûr).
Mais, d’une manière plus générale, j’ai vite ressenti au début de l’année qu’il fallait faire comprendre aux élèves que la classe n’était pas le lieu d’une grande compétition permanente.
A la fin des premières journées, je ne comptais plus le nombre d’élèves m’ayant interpelé pour me dire « Maitre, untel copie sur moi » ou ayant dressé une muraille de trousses et de cahiers entre eux et leurs voisins à chaque mise en activité. A force de répéter que les uns pouvaient demander de l’aide et que les autres pouvaient la leur apporter, et surtout, à force de féliciter ceux qui demandent de l’aide comme ceux qui la proposent, ces « tensions » se sont grandement apaisées au fil de l’année.
Comme le souligne A. Baudrit (citant l’étude de Hertz-Lazarowitch et Zelniker), l’apprentissage coopératif fonctionne mieux lorsque la motivation est intrinsèque ; opposant par là les encouragements et félicitations à la compétition et aux récompenses.
Limites et conséquences de cette mise en place partielle
Quelques semaines après la mise en place de ces « institutions » et modes de fonctionnement, force était de constater que le bilan s’avérait contrasté. Certaines choses avaient évolué dans le bon sens (comme nous venons de le décrire), mais d’autres semblaient bloquées dans leur évolution, voire même tendre vers une légère dégradation.
Un conseil générateur de tensions et de frustrations
Comme nous l’avons vu, dans une classe coopérative, le conseil est à la fois l’œil, le cerveau, le rein et le cœur du groupe. Or, pour moi, la plupart de ces organes étaient malades.
Notamment, plus les semaines avançaient et plus nous nous enfoncions dans ce que S. Connac appelle la « dérive judiciaire ». Une dérive qui se manifeste lorsque les conseils sont essentiellement consacrés à la gestion des critiques. Le conseil devient alors une sorte de « tribunal » et perd tout son sens. Pire, il finit par agir à l’exact opposé de ce pour quoi il existe : augmentation des tensions, blocage/refus/évitement des critiqués, arrêt des critiques de certains élèves pensant que cela ne sert plus à rien, etc…
Ainsi, l’heure consacrée au conseil chaque mercredi était vite passée à traiter ces critiques et les élèves n’ayant pas été concernés ou sollicités en étaient très frustrés, augmentant encore les tensions en fin de conseil.
Par ailleurs, le conseil est habituellement présidé par 2 élèves de la classe mais, pour faciliter son démarrage (pensions-nous), ma collègue et moi avions décidé d’en prendre la présidence provisoire.
Une coopération poussive
A l’inverse de ce qui se passait avec le conseil, les échanges et l’entraide entre les élèves ont vite progressé dans les premières semaines de l’année. Mais, ensuite, l’évolution s’est arrêtée et, à moins de les relancer systématiquement, les élèves susceptibles d’aider un camarade avaient tendance à ne pas y penser ou à préférer profiter d’avoir fini des exercices pour se précipiter vers d’autres occupations.
Pour certains également, le travail en binômes ou en groupes semblait se dégrader. Comme si ces élèves ne voyaient dans le travail à plusieurs qu’une possibilité de discuter avec l’autre avant ou après que chacun ait fini ses exercices de son côté.
Enfin, après une rapide évolution des passages de ceintures, motivant les prétendants à satisfaire aux critères d’obtention de ces dernières, nous rentrâmes dans une phase de statu quo. Les plupart des ceintures jaunes avaient perdu l’espoir d’obtenir une ceinture plus foncée et à l’inverse, les ceintures vertes, satisfaites, ne voyaient plus de raison de maintenir leurs efforts (notamment pour aider les ceintures moins foncées).
Tous ces dysfonctionnements et ces tensions générées avaient probablement des causes multiples. Je crois notamment que, alors même que j’espérais vivement voir les choses s’améliorer, j’étais l’un des principaux freins à cette évolution. Je me demandais s’il ne fallait pas faire marche arrière sur certains points pour mieux reprendre le contrôle, alors que c’était tout le contraire. Il fallait à l’inverse accepter de perdre un peu de ce « contrôle » et donner aux élèves l’espace d’expression nécessaire (et suffisant) pour qu’ils puissent réellement coopérer. Et il ne fallait pas faire marche arrière mais bien aller de l’avant en proposant d’autres « institutions » complémentaires qui viendraient soutenir et/ou consolider celles qui étaient déjà en place et ainsi favoriser la coopération dans la classe.
De nouvelles institutions au service de la coopération
Le conseil était la première institution sur laquelle il convenait de se pencher. Parce qu’il dysfonctionnait bien sûr, mais également parce qu’en étant la clé de voûte des institutions, il est probablement aussi le plus représentatif de la « santé » de la classe coopérative.
Les messages clairs
Comme nous l’avons vu, le principal problème, s’exprimant de façon très visible lors des conseils, vient de la quantité de « petites critiques » que se font les élèves entre eux. Bien que la majorité des causes à l’origine de ces critiques peuvent sembler dérisoire, les débats prennent parfois de longues minutes, faisant intervenir d’abord les principaux intéressés, puis les témoins lorsque les premiers n’arrivent pas à se mettre d’accord, pour revenir aux intéressés, etc…. Et, souvent, tout ceci en conséquence d’un simple « il m’a bousculé dans les couloirs » par exemple. Non seulement ces petits conflits nuisent grandement aux conseils, mais ils peuvent prendre des proportions bien plus importantes que s’ils avaient été réglés sur le moment.
Or, là encore, le problème s’était déjà posé à d’autres avant moi et c’est notamment Danielle Jasmin dans les années 90 qui obtint de bon résultats en proposant les « messages clairs » à ses élèves. De son côté, S. Connac en donne la définition suivante : « Un message clair est une petite formulation verbale entre deux personnes en conflit : une victime, qui se reconnait comme ayant subi une souffrance, et un persécuteur identifié par la victime comme étant la source de ce malaise. Il part du principe que si l’on souhaite sortir d’un problème relationnel, il vaut mieux s’attacher aux solutions qu’aux raisons qui en sont la cause. ».
Notons par ailleurs que les messages clairs sont nommément cités (NB : au même titre que les conseils d’élèves) dans les programmes de 2016 comme l’une des « techniques » pouvant être mises en place pour répondre aux objectifs suivants :
– Identifier et exprimer en les régulant ses émotions et ses sentiments.
– S’estimer et être capable d’écoute et d’empathie.
– Se sentir membre d’une collectivité.
Pour faciliter leur utilisation, les messages clairs s’appuient sur une formulation ritualisée qui s’énonce de la façon suivante.
Le tutorat
Le tutorat (sous toutes ses formes) est une pratique qui a déjà fait l’objet d’un grand nombre d’études. Il n’est plus à démontrer qu’il peut être porteur de grandes réussites, tant pour le tuteur que pour le tutoré, mais il semble également qu’il faille t enir compte de nombreuses limites et/ou dérives. Par ailleurs, la mise en place du tutorat dans la classe de CE2A répond avant tout à un objectif d’amélioration des liens de coopération entre certains élèves. Nous ne délaisserons pas pour autant les apports pédagogiques de cette formule mais, dans le cadre de ce mémoire, c’est bien sur cet objectif précis que nous focaliserons notre attention.
Définition
S. Connac définit simplement le tutorat comme une relation coopérative dans laquelle « un enfant accepte pour un temps donné et avec un objectif précis d’accompagner un de ses camarades afin qu’il devienne autonome dans le domaine du tutorat ».
Comme le précise M.-F. Peyrat-Malaterre, il y a bien sûr dans la notion de tutorat l’idée de « guidage ou d’étayage d’un plus compétent envers un moins compétent » mais elle ajoute (citant E. G. Cohen) que « la coopération fonctionne lorsque les élèves se considèrent égaux, ce qui ne signifie pas qu’ils se considèrent de capacités égales dans chaque habileté, mais qu’ils ont un droit égal de participer à la tâche et d’apprendre » . Nous veillerons donc à ce que ce sentiment d’égalité ne soit pas perdu au fil du temps après la mise en place du tutorat (faire prendre conscience que tuteur et tutoré profitent du tutorat, éventuel tutorat réciproque, etc…).
Les atouts de la classe
Le fait de mettre en place du tutorat dans une classe de niveau unique n’allait pas de soi.
Certes, l’hétérogénéité de niveaux est forte dans la classe de CE2A et, comme le rappelle S. Connac, « Si l’on souhaite que des formes de coopérations voient le jour, mieux vaut que les acteurs aient des choses à échanger, à partager. » (2011, page 69). Le tutorat pourrait donc profitablement se nourrir de cette hétérogénéité. Mais, au-delà de cette dernière, les résultats des différentes études sur le tutorat mettant en relation des élèves « proches » (en âge notamment) nous intéressent particulièrement.
En effet, pour pouvoir aider efficacement son tutoré, le tuteur doit être capable de s’adapter à lui, de se mettre à sa place. S. Connac (citant A. Marchive) précise que « la force des situations coopératives est que l’enfant sollicité, pour aider, peut s’adapter au niveau de compréhension de son partenaire parce qu’il partage avec lui une même culture, un même langage, une même expérience » (2011, page 55).
Cette capacité du tuteur à s’exprimer dans le « langage » des tutorés, à expliquer dans des termes compréhensibles par eux, ou à faire usage de notions et de concepts qui leur sont familiers est appelée « congruence cognitive » par de nombreux auteurs.
La mise en place de ces nouvelles institutions dans la classe de CE2A
Méthodologie
Ca va, ça ne va pas
Le « ça va, ça ne va pas » ne devait a priori pas être une nouveauté trop compliquée à mettre en œuvre et à expliquer aux élèves. Je voulais en revanche qu’ils en connaissent la raison d’être… en partie tout au moins : l’envie d’améliorer nos échanges lors du conseil et faire en sorte que tout le monde puisse s’exprimer.
J’avais donc décidé de l’introduire assez simplement lors d’un conseil en l’ajoutant à la fin de l’ordre du jour traditionnellement affiché au tableau avant chaque début de conseil. Intrigués, les élèves n’attendirent bien sûr pas d’arriver à ce point de l’ordre du jour pour poser des questions et émettre des hypothèses. Ces suggestions de leur part me confortaient dans l’idée qu’ils comprendraient vite le principe (beaucoup avaient déjà deviné l’essentiel).
Au départ, je ne souhaitais pas nécessairement contraindre les élèves à parler de la vie de la classe. Ils pouvaient très bien choisir de dire, comme le fit Fatoumata ce jour là : « ça va parce que ma cousine vient dormir chez moi ce soir et que j’aime trop quand on parle ensemble ».
Aujourd’hui, l’immense majorité des sujets abordés (et développés par les élèves) sont liés à ce qui se passe ou s’est passé dans l’école. Mais il est vrai qu’il est difficile de savoir à quoi fait référence un élève répondant « ça ne va pas mais je préfère pas en parler ». Pour ce cas (assez régulier), je commence systématiquement par poser la question « tu es sûr(e) de ne pas vouloir nous en dire plus ? » (sans insister davantage) et rappelle ensuite que je suis disponible s’il/elle souhaite en parler avec moi plus tard. Mais, au-delà de cette ouverture au dialogue de ma part, je suis heureux de constater que les élèves ne sont jamais insensibles à ce genre de situations. Parfois, on lit assez nettement sur certains visages que l’élève en question s’est déjà confié à un ou plusieurs de ses camarades. D’autres fois, on peut aisément imaginer que la question sera posée dans un moment plus intime et donnera donc l’occasion à l’élève pour qui « ça ne va pas » de se confier.
Une chose est sûre, le « ça va, ça ne va pas » a été tout de suite adopté par l’ensemble de la classe. Sa formule est assez souple pour ne stresser personne à l’idée de devoir prendre la parole et, à l’inverse, la bienveillance qui s’est installée naturellement au fil des conseils incite le plus grand nombre à s’exprimer.
Une autre chose très intéressante, que je n’avais pas forcément anticipée, est que ces moments sont également l’occasion de lever certains doutes ou de justifier certaines décisions parfois considérées comme injustes. Un exemple classique pourrait être : « ça va pas parce que j’ai eu une barre de gène ce matin alors que je répondais juste à Samyr qui me demandait quel Pokémon je préférais ». Il m’est alors facile de rappeler les circonstances exactes (l’élève ayant généralement tendance à s’être tellement focalisé sur « l’injustice » qu’il en avait oublié tout le reste) et de reléguer le sentiment d’injustice au simple statut de « vexation temporaire » (ce qui est beaucoup moins problématique à mon sens).
NB : Au vu de la variété des sujets abordés grâce au « ça va, ça ne va pas », et pour lui assurer un temps de déroulement suffisant, j’ai récemment décidé de le placer en début de conseil.
Les messages clairs
A l’inverse du « ça va, ça ne va pas », nous avons décidé (après discussion avec ma binôme) d’introduire les messages clairs en plusieurs étapes. En effet, même s’il est certainement plus facile de l’envisager avec des élèves de CE2 qu’avec des cycles 1, l’utilisation des messages clairs nécessite une certaine maturité affective et un vocabulaire des émotions assez riche pour permettre de les formuler « à chaud » et de manière précise.
Notons par ailleurs qu’à l’heure de la rédaction de ce mémoire, nous n’avons pas finalisé la mise en place des messages clairs. Mais voici la description de ce qui a déjà été fait et de ce que nous envisageons pour la suite.
La première étape consistait donc à travailler sur ce vocabulaire spécifique des émotions.
Nous nous sommes inspirés pour cela de l’affichage intitulé « des mots pour dire ses émotions » proposé par S. Connac . L’idée étant de lister avec les élèves des listes de mots (et de synonymes) pour permettre d’exprimer les principales émotions en jeu dans les relations entre élèves. Nous retrouvons donc par exemple les mots « colère », « tristesse », « peur », « honte » mais également « joie » ou « amour » ainsi que des synonymes apportant de la variété au registre choisi. Pour « tristesse », on trouvera « malheureux », « déçu », « attristé », « déprimé », « blessé », …
Sur la dimension pédagogique
Bien que n’étant pas au cœur de notre réflexion dans ce mémoire, il va de soi qu’en tentant d’améliorer les liens de coopération dans la classe, nous espérons voir apparaitre des effets sur la dimension pédagogique. Comme le dit très bien S. Connac : « Par essence, la classe coopérative se veut le lieu où la coopération est un facteur permettant et favorisant les apprentissages ».
Nous évoquions plus haut certaines dyades ayant été réunies à l’occasion du lancement du tutorat. Grégoire et Yasmina par exemple sont 2 élèves pour lesquels nous espérions voir agir le tutorat à plusieurs niveaux.
D’abord, Grégoire ayant tendance à manquer de confiance en lui, s’est tout de suite senti très valorisé par son nouveau statut de tuteur. Il s’y est donc investi avec entrain et, dès la première semaine, des améliorations étaient notables sur la tenue et le nombre d’exercices traités dans son cahier de classe.
Ensuite, bien qu’étant moins avancée que son binôme en mathématiques, Yasmina est une jeune fille très dynamique et se lançant volontiers dans les différentes activités proposées. Elle entraine donc avec elle un Grégoire plus « rêveur ».
Du point de vue de Yasmina, il semble trop tôt pour prétendre à de réels progrès de sa part mais elle semble néanmoins satisfaite de cette nouvelle « association » et des quelques « explications » proposées pas Grégoire lors de séances de numération.
D’autres exemples peuvent nous laisser penser que le tutorat apporte, au moins ponctuellement, un soutien pédagogique appréciable à ceux qui en bénéficient. C’est le cas lorsque certains élèves (« tutorés ») me présentent fièrement leurs cahiers sur lesquels ils viennent de terminer un exercice. Leur joie ne vient pas tant du fait qu’ils aient trouvé la solution mais du fait d’avoir réussi alors qu’ils s’en sentaient incapables quelques minutes plus tôt. J’entends également parfois des « ahhhh, ça y est, j’ai compris » sortir de discussions entre tuteurs et tutorés.
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Table des matières
INTRODUCTION
1 Etat des lieux – apports théoriques et éléments préexistants
1.1 Des éléments de pédagogie institutionnelle déjà mis en place dans la classe
1.1.1 Le conseil
1.1.2 Les ceintures de comportement
1.1.3 Les responsabilités
1.2 Favoriser la coopération
1.2.1 Par une configuration de classe en ilots
1.2.2 Par l’incitation aux échanges et à l’entraide
1.3 Limites et conséquences de cette mise en place partielle
1.3.1 Un conseil générateur de tensions et de frustrations
1.3.2 Une coopération poussive
1.4 De nouvelles institutions au service de la coopération
1.4.1 Il faut sauver le conseil
1.4.1.1 Ca va, ça ne va pas
1.4.1.2 Les messages clairs
1.4.2 Le tutorat
1.4.2.1 Définition
1.4.2.2 Les atouts de la classe
1.4.2.3 Qui en profite ?
1.4.2.4 Des limites et des pièges à éviter
2 La mise en place de ces nouvelles institutions dans la classe de CE2A
2.1 Méthodologie
2.1.1 Ca va, ça ne va pas
2.1.2 Les messages clairs
2.1.3 Le tutorat
2.2 Analyse des effets produits
2.2.1 Sur la dimension pédagogique
2.2.2 Sur la relation entre les élèves
2.2.3 Limites et difficultés de démarrage
CONCLUSION
ANNEXES
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