La valorisation cultuelle des cathédrales bretonnes
Notre objet d’étude est, comme nous l’avons dit, affecté à l’Église catholique, par l’intermédiaire du clergé. Les cathédrales bretonnes sont avant out « la Demeure de DIEU », « un lieu de prière et de culte »47, indications bien présentes à l’entrée des monuments, dont les termes employés varient d’une cathédrale à l’autre. Cette fonction des cathédrales découle des lois de 1905 et de 1907 qui déterminent « le régime de l’affectation cultuelle exclusive » des édifices religieux, la loi de 1907 n’ayant pas permis « de fixer les conditions de leur valorisation artistique et culturelle, ou encore de leur exploitation touristique ». La loi de 1905 relative à la séparation des Églises et de l’État prévoyait en effet que des associations cultuelles soient créées, associations qui seraient devenues propriétaires des lieux de culte. Toutefois, le pape Pie X ayant refusé que de telles associations soient créées, une deuxième loi a été instaurée, en 1907, relative à l’exercice public des cultes. Cette loi précise qu’à défaut d’associations cultuelles, les édifices religieux « deviennent propriété publique ». En ce qui concerne les cathédrales, celles construites avant 1905 et qui demeurent des sièges épiscopaux deviennent la propriété de l’État, celles qui ne sont plus des sièges épiscopaux reviennent aux communes. Dans tous les cas, ces monuments demeurent affectés gratuitement et exclusivement au culte catholique, sans précisions supplémentaires sur d’autres types d’activités. De la fonction cultuelle de tout édifice religieux non désacralisé, découle des activités et des supports de valorisation qui sont relativement uniformes au sein des cathédrales bretonnes. Toutes ces activités, ces supports et les délimitations de l’espace entre activités cultuelles et visites sont considérés ici comme faisant partie de la valorisation cultuelle des monuments dans la mesure où ils permettent de faire vivre le « message chrétien » ou de sensibiliser à ce message en délivrant des informations religieuses sur les monuments, la Bible ou l’histoire de la religion catholique.
Les activités cultuelles et leur promotion
En dehors des évènements spécifiques du calendrier liturgique (Carême, Pâques, Noël…), les activités cultuelles quotidiennes sont nombreuses dans chaque cathédrale. Généralement, les informations sur ces activités – telles que le planning des célébrations – sont visibles dès l’entrée de la cathédrale et marquent le premier contact du visiteur avec ce lieu, soulignant une fois encore sa fonction première. Afin de rendre plus intelligibles le nombre et la fréquence des activités cultuelles, nous avons choisi de les répertorier sous la forme du tableau suivant, à partir des informations relevées lors de la visite des monuments, informations complétées par les éléments présents sur le site internet des différentes paroisses.
Dans la mesure où la fonction cultuelle du monument est totalement indépendante de la période de construction du monument, la cathédrale Saint-Pierre de Rennes fait évidemment l’objet des mêmes activités : la messe y est célébrée chaque dimanche.
L’affichage des plannings des célébrations, des informations paroissiales et d’autres informations liées au culte, à l’Église est omniprésent à l’entrée de l’ensemble des cathédrales étudiées. Ce type d’affichage est aussi fréquemment rencontré au cours de la visite du lieu.
Dans cette démarche de promotion des activités cultuelles et d’informations sur la vie des paroisses voire des diocèses, la cathédrale Saint-Pierre de Vannes se démarque. En effet, il existe dans cette cathédrale une « chapelle d’accueil », la chapelle Saint-Patern, regroupant de nombreuses informations sur les actualités de la paroisse, du diocèse, sur le calendrier liturgique. Il s’y trouve également un dispositif qui peut être considéré comme un parcours d’exposition composé de plusieurs pancartes présentant la paroisse – les membres de l’équipe paroissiale, leurs activités, leur vision -, le rôle de la cathédrale au sein du diocèse, la cathédrale en elle-même, avec notamment des informations sur les éléments liturgiques à ne pas manquer, sur les endroits où il est possible de prier…
Les supports et activités de médiation relatifs à la culture religieuse
Dans chaque cathédrale se trouvent des éléments textuels rappelant au visiteur qu’il est dans un lieu de culte. Ces éléments constituent une forme de médiation autour de la religion catholique.
Ainsi, dans la cathédrale Saint-Samson de Dol-de-Bretagne, il est possible de s’informer grâce à plusieurs pancartes présentant des prières, à un court descriptif sous le chemin de croix des scènes qui y sont représentées, à plusieurs pancartes réalisées par un calligraphe local, Yann Keromest, à la manière des enlumineurs, indiquant le Saint-Sacrement, la statue de la Vierge, saint Magloire…
Enfin, il y est aussi présenté une pancarte avec des citations et une prière à sainte Thérèse de Lisieux et des fiches « Croire » sur divers sujets religieux.
De même, à Saint-Malo, la fonction cultuelle de la cathédrale Saint-Vincent de Saragosse est signalée dès l’extérieur par de grands panneaux « Venez et priez ». À l’intérieur, il existe plusieurs plaques qui délivrent des informations de nature religieuse sur le maître-autel, le baptistère,Notre-Dame de la Grand’Porte dont la plaque rappelle son rôle de « Vierge protectrice de la Cité ».
La cathédrale ayant pour particularité d’abriter la tombe de Jacques Cartier, quatre pancartes sur « Jacques Cartier et la foi catholique » sont présentées à proximité de cette tombe et insistent sur la foi de Jacques Cartier, sur « l’affermissement » du catholicisme au XVIè siècle et sur le caractère évangélisateur des expéditions.
Dans la cathédrale Saint-Tugdual de Tréguier, il y a quelques éléments textuels mais qui sont peu mis en valeur, dans plusieurs lieux de la cathédrale. Il existe en effet quelques pancartes anciennes sur saint Yves – que la paroisse a pour projet de refaire du fait d’un état dégradé -, une pancarte d’informations sur les insignes d’une basilique et de courts textes sur la Vierge à la Grenade et Notre-Dame de la Clarté. Quelques petites plaques, à l’image des cartels, donnent de brèves informations sur les saints ou la Vierge représentés sur des statues.
Les éléments textuels de médiation autour du culte sont également assez minces à la cathédrale Saint-Paul-Aurélien de Saint-Pol-de-Léon. Un cadre rappelle que le visiteur se trouve dans la « maison où Dieu habite » et une signalétique très ancienne indique aux visiteurs les éléments à ne pas manquer, tels que les tableaux, retables et vitraux. Si cette signalétique présente très peu d’informations, elle permet tout de même de guider un minimum le visiteur dans la découverte du lieu. Enfin, près de la pierre tombale de Marie-Amice Picard, se trouve un texte biographique sur cette célèbre mystique locale et sur la manière dont elle vivait sa foi. La faiblesse de ces éléments textuels est palliée par un dispositif intéressant de médiation, « Magnific’Art ».
Cette manifestation a débuté début 2019, à l’initiative de Philippe Abjean, et est définie par la paroisse comme un cycle de « découverte de la culture chrétienne à partir de l’art sacré dans la cathédrale ». Deux dimanches par mois, une « causerie » permet à un spécialiste ou à un érudit local de présenter une oeuvre de la cathédrale dans le but « d’offrir une catéchèse succincte » aux personnes intéressées, qui peuvent ainsi développer leur « culture chrétienne », gratuitement. Pour donner quelques exemples des sujets abordés, une « causerie » était consacrée à la Vierge de l’autel du Mont-Carmel, une autre portait sur les stalles… Ouvert à tous, ce dispositif, de par sa régularité, s’adresse principalement à un public local.
La médiation cultuelle écrite est plus abondante à la cathédrale Saint-Corentin de Quimper.
La paroisse y a installé un parcours de culture religieuse tout au long de la visite, avec des informations répondant aux principales questions que les visiteurs posaient au prêtre ou aux bénévoles de la paroisse. Les pancartes contiennent toutes le même type d’informations : une partie qui relate des faits historiques, bibliques ou une légende, une citation du Pape, une action à réaliser et/ou une prière/un extrait des Évangiles/un psaume. Les pancartes ont pour sujet Notre-Dame de Lourdes, la chaire à prêcher, saint François d’Assise, la chapelle sainte Anne, Santig Du, la chapelle du Saint-Sacrement, « les sanctuaires diocésains : le pèlerinage à Notre-Dame », Julien Maunoir, saint Corentin, « les vitraux de la cathédrale : des vies qui deviennent lumière », sainte Thérèse de Lisieux, les trois gouttes de sang, saint Yves, le baptistère. Il y a également d’autres supports textuels comme des feuillets de prière et l’Historiogramme du chemin de l’Humanité (« 2000 ans de Christianisme ») que l’on retrouve dans d’autres cathédrales en France mais pas en Bretagne.
À la cathédrale Saint-Pierre de Vannes, la médiation autour de la religion catholique est aussi importante mais centrée principalement sur saint Vincent Ferrier, qui repose dans la cathédraleet qui fait l’objet de nombreuses pancartes d’informations. Il existe aussi une pancarte d’informations sur le culte de Notre-Dame du Mené, sous sa statue.
Enfin, à la cathédrale Saint-Pierre-et-Saint-Paul de Nantes, une pancarte indique le nom de chaque chapelle et donne des informations de culture religieuse sur le personnage ou la scène dont elle porte le nom ainsi que sur les oeuvres présentes dans la chapelle. Il y a également un espace avec une présentation du pèlerinage de Saint-Jacques de Compostelle. Enfin, des feuillets de prière étaient disponibles lors de la visite.
Une valorisation cultuelle peut aussi exister par l’intermédiaire de dépliants de visite, disponibles dans certaines cathédrales. À Dol-de-Bretagne, le dépliant bilingue – français-anglais – offre des clés de lecture de la cathédrale en tant que patrimoine religieux.
La médiation cultuelle écrite est plus abondante à la cathédrale Saint-Corentin de Quimper.
La paroisse y a installé un parcours de culture religieuse tout au long de la visite, avec des informations répondant aux principales questions que les visiteurs posaient au prêtre ou aux bénévoles de la paroisse. Les pancartes contiennent toutes le même type d’informations : une partie qui relate des faits historiques, bibliques ou une légende, une citation du Pape, une action à réaliser et/ou une prière/un extrait des Évangiles/un psaume. Les pancartes ont pour sujet Notre-Dame de Lourdes, la chaire à prêcher, saint François d’Assise, la chapelle sainte Anne, Santig Du, la chapelle du Saint-Sacrement, « les sanctuaires diocésains : le pèlerinage à Notre-Dame », Julien Maunoir, saint Corentin, « les vitraux de la cathédrale : des vies qui deviennent lumière », sainte Thérèse de Lisieux, les trois gouttes de sang, saint Yves, le baptistère. Il y a également d’autres supports textuels comme des feuillets de prière et l’Historiogramme du chemin de l’Humanité (« 2000 ans de Christianisme ») que l’on retrouve dans d’autres cathédrales en France mais pas en Bretagne.
À la cathédrale Saint-Pierre de Vannes, la médiation autour de la religion catholique est aussi importante mais centrée principalement sur saint Vincent Ferrier, qui repose dans la cathédrale et qui fait l’objet de nombreuses pancartes d’informations. Il existe aussi une pancarte d’informations sur le culte de Notre-Dame du Mené, sous sa statue. Enfin, à la cathédrale Saint-Pierre-et-Saint-Paul de Nantes, une pancarte indique le nom de chaque chapelle et donne des informations de culture religieuse sur le personnage ou la scène dont elle porte le nom ainsi que sur les oeuvres présentes dans la chapelle. Il y a également un espace avec une présentation du pèlerinage de Saint-Jacques de Compostelle. Enfin, des feuillets de prière étaient disponibles lors de la visite.
Les reliques : un outil de valorisation cultuelle des cathédrales inégalement utilisé
Toutes les cathédrales bretonnes ne disposent pas de reliques : des reliques sont présentes et exposées dans les cathédrales de Tréguier, Saint-Pol-de-Léon et Vannes. Néanmoins, ces reliques ne sont pas valorisées uniformément d’une cathédrale à une autre. À la cathédrale de Tréguier, les
reliques de saint Tugdual ne font pas l’objet d’une valorisation à proprement parler. Enfermées dans un reliquaire lui-même situé dans un meuble vitré, les reliques ne disposent ni d’un éclairage particulier, ni d’une pancarte ou de tout autre support les signalant. Les seuls documents textuels qui les entourent sont un texte hagiographique sur saint Tugdual et une prière. Une hypothèse qui peut expliquer ce manque de valorisation des reliques est que la renommée de la cathédrale est basée avant tout sur la présence du cénotaphe de saint Yves, saint très important pour les Bretons – la « Fête de la Bretagne » se déroule d’ailleurs sur la période encadrant la fête de saint Yves, le 19 mai.
À la cathédrale de Saint-Pol-de-Léon, il semble compliqué de visiter la cathédrale sans s’arrêter devant les reliques : elles sont mises en valeur par un éclairage particulier, et, un panneau indique le « reliquaire de bronze contenant le crâne de St Paul Aurélien ». En outre, un document sous format papier mentionne que le reliquaire renferme des reliques de saint Paul-Aurélien, saint Hervé et saint Laurent. Ce document présente des textes hagiographiques mais ne mentionne pas davantage les reliques. Elles sont donc bien visibles, une forme de valorisation a été développée mais elle nous paraît insuffisante pour constituer un réel outil de valorisation cultuelle de la cathédrale.
Le Tro Breiz : un pèlerinage breton
Le « Tro Breiz » est un pèlerinage qui remonte au Moyen Âge et qui consiste à se rendre dans les villes des sept saints considérés comme les saints fondateurs de la Bretagne : saint Samson, saint Malo, saint Brieuc, saint Tugdual, saint Paul-Aurélien, saint Corentin, saint Patern (Vannes). Plusieurs associations ont recréé le « Tro Breiz » à la fin du XXè siècle, dont l’association « Les Chemins du Tro Breiz », créée en 1994 par Philippe Abjean. Cette association propose de réaliser le pèlerinage sur sept années, en se rendant d’une ville à une autre chaque année, en été. Toutefois, le « Tro Breiz » débuté en 2018 est inédit puisqu’il se déroulera sur neuf ans, en incluant
exceptionnellement les cathédrales de Rennes et de Nantes, soit en passant par l’intégralité des cathédrales de la Bretagne historique. Bien que ce pèlerinage soit réalisé par tout type de personnes, pas seulement des croyants, l’eucharistie est proposée deux fois par jour. Des temps spirituels ont lieu également et des messes sont célébrées dans les différents édifices qui ponctuent le chemin.
Le pèlerinage du « Tro Breiz » amène donc de nombreuses personnes, croyants ou non, par le biais de pèlerinages organisés par des associations ou individuellement, d’une cathédrale à une autre.
Pour conclure, nous ne pouvons pas constater une absence de valorisation cultuelle des cathédrales bretonnes : nous l’avons vu, il existe des supports et des activités permettant une meilleure compréhension de la fonction des monuments en tant que lieux de culte et des oeuvres qu’ils contiennent en tant qu’objets liturgiques. Néanmoins, ces dispositifs sont ponctuels et ne permettent pas aux visiteurs de se représenter la fonction, l’utilité de chaque objet. Comme l’écrit Florence Descamps, historienne spécialiste d’histoire orale, « en même temps que ce patrimoine religieux est peu à peu, dans la plupart des départements français, recensé, inventorié, décrit minutieusement et rigoureusement, il serait opportun, avant que la mémoire s’en soit définitivement perdue, de porter aussi un autre regard sur ce patrimoine, en ne le centrant plus seulement sur le monument, l’objet ou l’oeuvre (sa datation, son auteur, ses caractéristiques matérielles, ses qualités esthétiques et artistiques, sa provenance), mais sur les usages et les gestes qui l’ont accompagné, sur les pratiques qui ont entouré son apparition, sur les représentations et les croyances qui s’y rattachent, sur les sensibilités religieuses, spirituelles ou dévotionnelles qu’il traduit. […] Et si ce savoir existe au sein des services patrimoniaux spécialisés, dans les musées d’art sacré, dans les institutions de recherche, dans les laboratoires d’histoire ou d’ethnographie religieuse ou dans les commissions diocésaines d’art sacré, ne serait-il pas nécessaire de l’expliciter davantage, en tenant compte du fait que le public ne semble plus disposer de la culture religieuse chrétienne suffisante pour comprendre de façon immédiate ce qui lui est donné à voir ? ». Si cet article porte sur la nécessité de sauvegarder la mémoire des pratiques religieuses au XXè siècle, il souligne bien les difficultés actuelles que peuvent rencontrer les visiteurs des cathédrales bretonnes dans leur compréhension du lieu, en rapport avec la perte de la culture chrétienne dont disposait une part indéniable de la population auparavant.
Malgré la fonction cultuelle des cathédrales, les monuments bretons font l’objet également d’autres formes de valorisation, culturelle et touristique, qui sont parfois liées à cette fonction, et qui sont, comme toute forme de valorisation, soumises à l’accord de l’affectataire, lorsqu’il n’en est pas lui-même à l’origine.
Les cathédrales bretonnes, un patrimoine collectif qui fait l’objet d’une ouverture culturelle et touristique
Si notre hypothèse initiale est celle d’un manque global de valorisation des cathédrales bretonnes qui laisse le visiteur relativement seul dans sa découverte du monument, nous nous sommes attachée à relever aussi exhaustivement que possible les différents supports et activités qui favorisent un lien entre les visiteurs et la cathédrale, par le biais d’activités culturelles, ou qui l’accompagnent dans sa découverte du lieu, dans une perspective touristique. Il s’agit donc ici dans un premier temps d’exposer nos recherches en matière de valorisation culturelle puis, dans un second temps, en matière de valorisation touristique. L’analyse et les conclusions tirées de ces différents éléments sont volontairement ponctuelles et partielles : des explications similaires permettent de justifier le constat des valorisations culturelle et touristique que nous dressons dans cette partie. Ces explications nécessitent selon nous d’être énoncées dans une partie dédiée pour plus de clarté et seront donc développées par la suite, dans la troisième et dernière partie du mémoire.
La fonction culturelle des cathédrales bretonnes
Dans les cathédrales bretonnes, des manifestations culturelles de nature diverse, ayant souvent un lien direct avec la fonction cultuelle, sont organisées tout au long de l’année.
Néanmoins, certaines cathédrales font l’objet d’une programmation culturelle un peu plus variée, un peu plus ambitieuse. L’objet de cette étude n’étant pas de débattre de ce qui appartient ou non à la culture, nous considérons en tant que valorisation culturelle toutes les manifestations artistiques ainsi que tout support visant à développer les connaissances historiques, architecturales et artistiques du public sur le lieu visité.
Les pardons : une particularité cultuelle et culturelle de la Bretagne
Cette première sous-partie peut interroger : pourquoi, en effet, placer les processions et pèlerinages que sont les pardons dans une partie sur la valorisation culturelle ? Nous l’avons dit, culte et culture sont souvent liés dans la valorisation des lieux de culte. Les pardons ont certes une dimension religieuse très importante mais sont aussi l’occasion de fêtes folkloriques, de concerts…
L’association Bretagne Culture et Diversité qui oeuvre à la « promotion et la diffusion de la matière culturelle de Bretagne » a d’ailleurs lancé un inventaire participatif de ces pardons, qu’elle définit comme des « événements pluriels et polymorphes, les pardons allient aspects cultuels et culturels où la fête et le sacré s’entremêlent », dans le but de les intégrer à l’Inventaire National du Patrimoine Culturel Immatériel.
Il existe plusieurs pardons autour des cathédrales bretonnes. Le plus connu, l’un des plus importants pardons de Bretagne, est le grand pardon de saint Yves, célébré à Tréguier chaque année, le troisième dimanche du mois de mai et faisant l’objet d’une semaine d’évènements. Ainsi, du 13 au 21 mai 2019, la cathédrale Saint-Tugdual a accueilli la célébration de multiples offices mais également un concert du groupe Hopen, manifestation musicale liée au culte puisqu’étant un concert de « pop louange » à destination des jeunes. Un deuxième pardon, le petit pardon de saint Yves, est célébré le dernier dimanche d’octobre. À l’occasion de ces pardons, des processions sont organisées en habits traditionnels, avec des bannières, faisant ainsi vivre la culture bretonne.
À Dol-de-Bretagne, le pardon de saint Samson se tient le dernier dimanche du mois de juillet. Il commence par une messe à la cathédrale et se poursuit par des manifestations artistiques et folkloriques. Par exemple, en 2019, le pardon de saint Samson a pris la forme d’un « grand festival folklorique » le dimanche, avec une messe à la cathédrale et plusieurs défilés et concerts de musique bretonne. La veille, le samedi 27 juillet, un « fest noz géant » et un feu d’artifice avaient aussi été organisés.
À Saint-Pol-de-Léon, le pardon de saint Paul-Aurélien se tient le deuxième dimanche de septembre. Une procession accompagnée d’instrumentistes locaux mène les participants à la cathédrale, où a lieu une messe.
Un pardon est également organisé à Quimper, le pardon de saint Corentin, qui a lieu le troisième dimanche de décembre. Dans la cathédrale, en dehors des deux messes – l’une en breton et l’autre en français -, se déroule un récital d’orgue à cette occasion.
Les pardons et autres célébrations autour des saints patrons des cathédrales bretonnes ou dont les reliques ou gisants sont conservés dans ces cathédrales sont donc des évènements certes liés à la fonction cultuelle des édifices, mais ils sont aussi l’occasion de manifestations culturelles, musicales, artistiques, folkloriques qui font vivre et qui valorisent les cathédrales. S’il n’existe pas de données officielles sur le public qui assiste à ces pardons, nos recherches montrent que le nombre de participants et leur origine géographique varie selon le saint célébré. À titre d’exemple, le pardon de saint Yves regroupe des milliers de personnes, de Bretagne mais pas seulement – saint Yves étant le saint patron des avocats, des juristes de différentes régions se déplacent lors de cet évènement –, alors que les autres pardons rassemblent moins de personnes, comme le pardon de saint Corentin qui aurait regroupé en 2019 environ un millier de personnes lors de la messe puis environ 200 personnes pour la procession.
Les concerts
La programmation musicale dans les cathédrales bretonnes est plutôt homogène : à l’exception de quelques manifestations, les concerts sont majoritairement des concerts de musique sacrée, classique ou d’orgue. En revanche, le nombre de manifestations d’une cathédrale à l’autre peut être très différent. Les données exploitées dans cette partie relèvent des informations communiquées par les paroisses et des informations trouvées sur des sites internet en complément.
Tout d’abord, pour qu’un concert puisse avoir lieu dans une cathédrale bretonne, comme dans tout autre lieu de culte, il faut que l’organisateur en fasse la demande à l’affectataire. De
manière générale, une lettre de demande est adressée au prêtre responsable de l’édifice en question.
Ces lettres contiennent de multiples informations sur l’organisateur, les moyens techniques et financiers, les oeuvres interprétées et elles sont centralisées par un.e bénévole paroissial.e en charge de ces manifestations. Si le prêtre donne son accord, il doit être confirmé par le propriétaire du monument, par le biais des services municipaux ou de l’architecte des Bâtiments de France selon que la cathédrale soit toujours une cathédrale au sens religieux du terme ou non. La lettre rappelle le caractère sacré du lieu par la mention suivante qui doit être acceptée par l’organisateur : « Nous avons bien noté que notre programme doit être compatible avec le caractère religieux de l’édifice, conformément à l’exigence exprimée par le Droit Canonique » et une note renvoie vers le droit canonique, qui précise cela : « canon 1210 : « Ne sera admis dans un lieu sacré que ce qui sert ou favorise le culte, la piété ou la religion, et y sera défendu tout ce qui ne convient pas à la sainteté du lieu. Cependant, l’Ordinaire peut permettre occasionnellement d’autres usages qui ne soient pour tant pas contraires à la sainteté du lieu » ». Le nombre et la diversité des manifestations dépendent donc en grande partie de la vision que le prêtre a du lieu de culte et de sa volonté d’ouvrir ou non « sa » cathédrale à ce type de manifestations. Ainsi, à la cathédrale Saint-Corentin de Quimper, par exemple, le prêtre se dit « très enclin et favorable » à une ouverture culturelle de la cathédrale. A contrario, d’autres prêtres sont moins favorables à cette ouverture, considérant que les cathédrales sont des lieux de culte avant tout et qu’il ne doit s’y passer que des activités et manifestations en lien étroit avec cette fonction cultuelle.
Plusieurs concerts ont également lieu dans les cathédrales dans le cadre de festivals. Certains de ces festivals se déroulent uniquement dans les cathédrales ou, plus largement, dans des lieux cultuels. C’est le cas du Festival de Musique Sacrée de Saint-Malo qui a lieu tous les étés. Ce festival a pour but de « faire vivre culturellement cet édifice très visité, en proposant les oeuvres du vaste répertoire de la musique classique écrite pour l’église ». En 2019, du 18 juillet au 18 août, il y a eu cinq concerts, exclusivement à la cathédrale.
À Dol-de-Bretagne, l’association des Amis des Orgues du Pays de Dol organise des « concerts d’été » de musique classique, sacrée ou celtique, mêlant divers instruments classiques, celtiques, l’orgue et le chant. En 2019, sur les douze concerts programmés, onze se sont déroulés à la cathédrale Saint-Samson.
La même configuration est visible à Vannes où l’association des Amis de la Cathédrale organise chaque année des « Soirées musicales » entre mi-juillet et mi-août, les mardis, avec des concerts d’instruments classiques, celtiques ou d’orgue.
D’autres festivals ont lieu dans divers lieux de la ville, y compris la cathédrale, ce qui peut être interprété comme une intégration de la cathédrale dans le tissu culturel local, comme un symbole très fort et populaire dans la ville mais aussi comme une volonté de l’affectataire de faire vivre, de dynamiser et d’ouvrir le lieu à tous, par la mise en place de bonnes relations partenariales avec les organisateurs de ces festivals.
C’est le cas à Quimper, où la cathédrale a accueilli un concert, le 23 mai 2019, dans le cadre du festival Sonik organisé par le Théâtre de Cornouaille, où l’ensemble belge Bl!ndman et l’organiste B. Van Nespen ont revisité deux oeuvres d’Haendel. La cathédrale Saint-Corentin a aussi accueilli un concert de musique classique par Camerata Venezia et Kristi Gjezi, le 13 août 2019, dans le cadre du festival des Semaines Musicales de Quimper.
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Table des matières
Avertissement
Remerciements
Introduction
Première partie. Les cathédrales bretonnes, des lieux de patrimoine qui ont conservé leur fonction, du XIXè siècle à nos jours
Chapitre 1. La mise en patrimoine des cathédrales : essai de synthèse historique et débats contemporains
a. Histoire de la patrimonialisation des cathédrales en France
b. Synthèse historiographique
Chapitre 2. La valorisation cultuelle des cathédrales bretonnes
a. Les activités cultuelles et leur promotion
b. Les supports et activités de médiation relatifs à la culture religieuse
c. Des espaces réservés au culte
d. Les reliques : un outil de valorisation cultuelle des cathédrales inégalement utilisé
e. Le Tro Breiz : un pèlerinage breton
Deuxième partie. Les cathédrales bretonnes, un patrimoine collectif qui fait l’objet d’une ouverture culturelle et touristique
Chapitre 3. La fonction culturelle des cathédrales bretonnes
a. Les pardons : une particularité cultuelle et culturelle de la Bretagne
b. Les concerts
c. Des évènements ponctuels qui valorisent culturellement les cathédrales bretonnes
d. Supports de médiation visant à développer les connaissances historiques, artistiques,
architecturales des visiteurs
Chapitre 4. La valorisation touristique des cathédrales
a. Les cathédrales bretonnes, un levier d’attractivité touristique pour les villes
b. Les visites guidées
c. Le Cathedral Oscope : un outil réussi de valorisation des cathédrales, au service du
développement touristique local
d. Une autre manière de visiter les cathédrales bretonnes : les visites virtuelles
e. La question de la commercialisation dans les cathédrales
Troisième partie. Les cathédrales bretonnes, un symbole médiéval peu valorisé
Chapitre 5. Perspectives comparatives et raisons d’une faible valorisation
a. Un éparpillement des actions et des moyens dû à une multiplicité des acteurs en présence
b. Les cathédrales de Quimper et de Nantes : une valorisation plus développée qui résulte de
plusieurs facteurs
c. La valorisation du patrimoine, une mise en perspective à travers l’exemple des châteaux
Chapitre 6. Suggestions et pistes de valorisation
a. Développer une meilleure connaissance inter-acteurs et des publics
b. Supports de promotion et de valorisation
c. Dispositifs de médiation orale ou interactive
Conclusion
Annexes
Sources
Comptes-rendus d’entretiens avec les acteurs de la valorisation des cathédrales
Dépliants
Dépliant de la cathédrale Saint-Samson de Dol-de-Bretagne
Dépliant de la cathédrale Saint-Pierre-et-Saint-Paul de Nantes
Dépliant de la cathédrale Saint-Pierre de Rennes
Dépliant « L’art roman en Auvergne, cinq églises majeures »
Sites internet des différents acteurs et articles de presse
Autres sites
Bibliographie
Ouvrages
Articles
ENGAGEMENT DE NON PLAGIAT
Résumé
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