LA MISE EN OEUVRE DU CONTROLE REPRESSIF DE LA NORME REFERENDAIRE

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L’interdiction d’une utilisation « plébiscitaire » du référendum abrogatif, fondement politique du critère de l’homogénéité

Au-delà de l’argument juridique du respect du principe de liberté de vote, le fondement « politique » du critère de l’homogénéité réside dans le refus d’une utilisation « plébiscitaire » du référendum abrogatif par les acteurs politiques traditionnels, tentés d’utiliser l’article 75 de la Constitution pour obtenir du suffrage populaire une légitimation de leur action.
Dans son arrêt fondateur n° 16 de 1978, la Cour constitutionnelle évoque elle-même, et de façon explicite, sa répugnance à l’instrumentalisation de cette procédure semi-directe par les groupes, mouvements ou partis politiques. Elle affirme qu’« un instrument essentiel de démocratie directe comme le référendum abrogatif ne peut être transformé – de façon incontrôlable – en un instrument détourné de démocratie représentative, au moyen duquel sont en substance proposés des plébiscites ou des votes de confiance, vis-à-vis de choix politiques d’ensemble des Partis ou des groupes organisés qui ont pris et soutenu les initiatives référendaires160 ».
Ce « principe directeur », d’inspiration essentiellement politique, est immédiatement éprouvé : la Cour constitutionnelle avait notamment à juger de l’admissibilité d’une question référendaire, soutenue par le Parti radical, proposant la suppression de 97 articles du code pénal. Cette requête illustrait parfaitement l’inspiration libérale du Parti radical, qui imprégnait également les sept autres questions abrogatives posées la même année. Dans ce cas précis, il s’agissait de supprimer de nombreux reliquats de la législation pénale fasciste. Il faut rappeler que le Parti radical vitupérait la collusion des deux grandes formations politiques d’alors, communiste et démocrate chrétienne, qui avaient laissé perdurer cette législation.
La question emblématique de l’abrogation de pans entiers du code pénal « Rocco » fournit à la Haute Instance l’occasion de justifier son approche. Après avoir exprimé son refus d’une utilisation plébiscitaire du référendum, la Cour constitutionnelle affirme que cette perversion de l’institution a été, en cette occasion, manifeste : « c’est justement le cas, et de façon exemplaire, du référendum portant sur 97 articles du code pénal »161. La Consulta est cependant consciente que le « principe directeur » qu’elle a dévoilé n’a, en soi, aucune portée juridique. Il ne peut en effet s’agir que d’un obiter dictum, d’autant que la Cour a fondé le critère de l’homogénéité sur le respect de la liberté de vote (entendue dans sa signification substantielle, comme nous l’avons indiqué plus haut) et sur le principe de la souveraineté du peuple. Aussi, doit-elle préciser : « quelque effort interprétatif que l’on fasse, on ne peut réussir à extraire de telles dispositions une question commune et rationnellement unitaire ; cela fournit la démonstration que la requête ne peut être admise parce qu’elle est incompatible avec les dispositions des articles 1, 48 et 75 de la Constitution »162.
La rédaction singulière de cette motivation (principe méta-juridique – constat de l’hétérogénéité de la question abrogative – fondements juridiques) trahit la systématisation opérée par la Cour constitutionnelle : un principe méta-juridique (« politique » ou « directeur »), véritable « boussole » interprétative de l’appréciation formelle de la question, sur lequel se fonde le principe juridique (l’homogénéité) dégagé d’une lecture systémique du texte constitutionnel. En d’autres termes, nous pouvons affirmer que la volonté de distinguer nettement le référendum du plébiscite constitue le réel fondement du critère de l’homogénéité, que la Cour a traduit juridiquement en s’arrimant aux fondements textuels des articles 1er et 48 de la Constitution.
Ce fondement réel du contrôle de la structure formelle de la question est difficilement justifiable, en raison de la nature nécessairement duale de tout référendum (qu’il soit propositif ou abrogatif ou que son initiative relève d’une institution étatique ou d’une minorité populaire). Le référendum n’est pas, exclusivement, un procédé de démocratie semi-directe, emportant pouvoir non-médiatisé de décision. Il est aussi, et c’est ici que réside le paradoxe, un procédé apparenté à la démocratie semi-représentative.
On sait que le modèle représentatif « idéal » a vécu. Plus exactement, n’est-il sans doute jamais né. Dans un tel modèle, le suffrage n’a qu’un seul but : la désignation du député, étant entendu que ce dernier représente non pas la circonscription, mais l’ensemble de la Nation. En aucun cas, la désignation ne peut être utilisée pour contrôler politiquement la représentation. Pour que l’élection soit cantonnée à la seule finalité opératoire de la désignation, un tel modèle impose non seulement la prohibition du mandat impératif, mais aussi le non-renouvellement du mandat de l’élu, contrebalancé par l’interdiction corollaire de la dissolution de l’Assemblée par l’Exécutif. A notre connaissance, seule la Constitution française de 1791 a tendu, quoique imparfaitement, vers ce but163.
De l’impossibilité pratique d’un tel système est résulté un autre modèle, semi-représentatif celui-ci. On le sait, il a inspiré, et continue de le faire, les constitutions d’inspiration libérale. L’élection n’est plus seulement un procédé de désignation du représentant de la Nation, elle est aussi un instrument de contrôle mis à la disposition du peuple qui peut sanctionner l’élu et, à travers lui, son groupe d’appartenance, en raison de la politique menée pendant la législature (ou promue, si ce groupe s’inscrit dans l’opposition parlementaire). Cette sanction, positive ou négative (réélection ou non du représentant), peut être ordinaire (renouvellement des assemblées) ou extraordinaire (dissolution de la seule chambre basse en règle générale164). Dans un tel système, la confiance donnée par l’électeur à l’élu n’est pas un acte d’abandon, selon l’expression de René Capitant.
Le référendum s’immisce dans ce modèle. Certes, la décision est directe165. L’élément décisionnel, c’est-à-dire l’adoption ou le rejet de la question soumise aux suffrages, est juridiquement épuisé le jour de la votation. Pour autant, ses potentialités politiques perdurent. En effet, la majorité dégagée à l’issue de l’opération ne s’est pas exclusivement prononcée sur un texte ; elle n’a pas circonscrit politiquement l’expression du suffrage à la seule sanction juridique de la confirmation ou du rejet d’un texte. Plus encore dans le cas du référendum italien de l’article 75 de la Constitution, l’expression populaire déploie ses potentialités au-delà de la seule question posée, puisqu’il s’agit, aussi et surtout, de sanctionner l’oeuvre parlementaire, qu’elle soit active (un texte voté pendant la législature) ou passive (un texte non modifié ou supprimé).

Les modalités du contrôle sur la structure formelle de la question

La Cour veille, depuis 1978, à ce que les requêtes ne contiennent pas une « pluralité de demandes hétérogènes, dépourvue d’une matrice rationnellement unitaire »182. La détermination de ces composantes de l’hétérogénéité, initialement formée des deux éléments que sont la pluralité de demandes et l’absence d’une matrice unitaire, est effectuée par la Cour elle-même, qui étudie objectivement la requête, c’est-à-dire sans prendre en compte les intentions subjectives des promoteurs (Section I).
Par ailleurs, l’examen de la structure formelle de la question référendaire s’est enrichi d’autres paramètres. Si, à l’origine, la Cour n’a fait que préciser le critère de l’homogénéité, elle lui a par la suite ajouté d’autres paramètres, qui tendent à déborder la stricte vérification de la structure interne de la question proposée (Section II).
Enfin, ce n’est que tardivement, en 1997, que la Cour constitutionnelle a jugé que les référendums utilisés à des fins manipulatrices étaient inadmissibles (Section III).

L’interprétation objective de la question référendaire

La Cour constitutionnelle, bien qu’ayant introduit en 1978 le principe de l’interprétation objective de la question référendaire et de l’insignifiance corrélative des intentions subjectives des promoteurs de la requête (§1), s’est parfois autorisée à y déroger (§2).

Le principe de l’interprétation objective de la question référendaire

La Cour se livre à une lecture exclusivement objective de la requête référendaire, qui consiste à examiner s’il existe un « principe commun » sous-tendant la « série de dispositions à abroger »183, c’est-à-dire, en définitive, si la requête présentée est ou non homogène. En d’autres termes, l’homogénéité ou l’hétérogénéité de la question abrogative doit résulter de son énoncé, abstraction faite de tout autre considération. Ainsi, une requête peut bien contenir une pluralité de demandes, si celles-ci se rapportent toutes au même principe, à la même « matrice rationnellement unitaire »184 ; elle est alors homogène. Inversement, si les dispositions visées par la question abrogative ne se rapportent pas toutes à la même « matrice », elle sera qualifiée d’hétérogène et sera donc jugée inadmissible.
Prenons l’exemple, déjà étudié, de la requête proposant l’abrogation de 97 articles du code pénal. La Cour a jugé qu’elle était hétérogène, parce que les différentes normes ne relevaient pas d’un même principe185. Une autre requête, présentée trois ans plus tard, déférait 31 articles du même code, incriminant des infractions d’opinion, de réunion et d’association ; elle fut également rejetée pour le même motif186. Ces deux requêtes ne présentaient pas une « matrice rationnellement unitaire ». L’absence d’un principe unificateur commun était révélatrice de leur hétérogénéité.
En revanche, deux des trois requêtes relatives à l’avortement présentées en 1981 furent déclarées admissibles car les normes proposées à l’abrogation, elles aussi issues du code pénal, tendaient toutes à libéraliser l’avortement187. L’existence d’une « matrice rationnellement unitaire » étant avérée, les deux questions abrogatives ont été jugées homogènes et, partant, admissibles.
La Cour a ainsi affirmé, dès 1978, le principe de l’« insignifiance des intentions subjectives des promoteurs ou des signataires de la requête »188 relativement à la détermination de la signification de la question référendaire. Cette position semble relever du truisme juridique : les intentions subjectives des initiateurs de la requête, signataires et promoteurs, ne peuvent pas apparaître dans la formulation de la requête, qui ne constitue qu’une énonciation de normes à abroger, voire de simples fragments de textes juridiques, sans portée normative189. Dans l’arrêt n° 28 de 1981, la Cour justifie la nécessité d’une lecture strictement objective de la requête, en affirmant que « l’homogénéité de la question référendaire ne peut être évaluée […] à l’aune des intentions subjectives des présentateurs et des signataires de la requête, en raison notamment du caractère fluctuant de leurs intentions qui pourraient induire les électeurs à voter pour ou contre l’abrogation »190.

L’homogénéité et ses corollaires

Nous l’avons déjà vu, le critère de l’homogénéité était synthétisé en 1978 dans une formulation négative ramassée : « sont inadmissibles les requêtes formulées de façon que chaque question à soumettre au corps électoral contienne une telle pluralité de questions hétérogènes, dépourvue d’une matrice rationnellement unitaire, qu’elle ne puisse être ramenée à la logique de l’article 75 de la Constitution, se détachant ainsi de façon manifeste et arbitraire des buts en vue desquels l’institution du référendum abrogatif a été introduite dans la Constitution, en tant qu’instrument de manifestation authentique de la volonté populaire »204.
L’homogénéité réside donc, originellement, dans la détermination d’une matrice unitaire, en cas de pluralité de questions contenues dans une même requête abrogative.
L’arrêt n° 27 de 1981 va préciser l’utilité du critère de l’homogénéité en procédant à l’analyse fonctionnelle du référendum, qui doit résulter d’une alternative, c’est-à-dire de la présentation claire d’un choix entre deux solutions, entre deux possibilités : « le référendum, dans sa signification, avant même que dans sa réglementation, dans sa place et sa valeur dans le système consiste en un choix. L’élément essentiel et fondamental de ce choix pour la détermination du concept technique de référendum […] se trouve donc avant tout dans les élections. Mais le concept de choix, à son tour, est intimement lié à celui de possibilité, avec la conséquence suivante : s’il n’y a pas de possibilité, il n’y a pas de choix, et s’il n’y a pas de choix, comme il n’y a pas d’élections, il n’y a pas de référendum »205.
Ce choix doit être garanti, sinon le référendum est faussé : « la possibilité de choix, c’est-à-dire le “proprium” de l’institution référendaire disparaît quand la liberté de vote de l’électeur est étouffée. Celle-ci est étouffée non pas seulement, évidemment, dans le cas limite de la violence physique, comme dans les cas plus réalistes de violence morale, mais aussi dans les cas où les formulations des questions ne sont ni simples ni claires »206. La Cour répond ainsi aux critiques formulées en 1978207 en affirmant, de façon explicite cette fois, que la liberté de vote sur laquelle est fondée l’homogénéité doit être entendue dans une acception substantielle.
Or, l’hétérogénéité de la question abrogative est révélatrice d’une atteinte au libre choix de l’électeur car elle manifeste, en définitive, la violation du principe de liberté de vote : « la formulation peut ne pas être simple ou claire du fait de l’hétérogénéité des demandes ou de la contradiction entre la requête d’abrogation d’une réglementation et l’absence d’abrogations d’autres dispositions édictées dans le même ensemble normatif et intimement liées à celles que l’on souhaiterait supprimer. Dans les consultations populaires (et donc également référendaires) dans lesquelles une réponse articulée est irrecevable, la netteté du choix postule la netteté de la question, sa simplicité, son caractère essentiel, son absence de confusion »208.
Les corollaires de l’homogénéité résident ainsi dans la simplicité et la clarté de la question proposée par les initiateurs de la requête référendaire qui, logiquement, impliquent une absence de confusion de la question ou, plus précisément, son univocité, ainsi que l’exprime la Cour dans l’arrêt n° 22 de 1981209. Ces exigences avaient été en réalité mises en exergue dès 1978 par la Cour, qui en appelait alors à une réforme de la loi de procédure n° 352 de 1970210. C’est parce qu’il n’y eut aucune réforme que la Cour s’employa à contrôler elle-même ces garanties nécessaires de la question référendaire.
Clarté, univocité, simplicité de la question ne sont que des précisions du critère substrat de l’homogénéité. Ils ne s’appliquent qu’à la structure interne de la requête proposée. L’évaluation de l’homogénéité est « exclusivement fondée sur une évaluation ab intra de la réglementation objet de la proposition abrogative »211, c’est-à-dire qu’on ne procède à son examen qu’à partir de la seule considération de la requête, sans intervention d’éléments extérieurs d’appréciation. On demeure ainsi dans l’évaluation de la formulation rationnelle de la question.

Les dispositions à contenu constitutionnellement lié

Certains constitutionnalistes italiens s’étaient interrogés sur l’existence de lois particulières qui, en raison de leur lien spécifique avec la Constitution, auraient dû être soustraites au référendum car son éventuelle issue positive aurait porté atteinte au principe, à la disposition, à l’institution ou à l’organe constitutionnel correspondant279. La doctrine désigna cette catégorie comme constitutive des « lois constitutionnellement nécessaires » ou « obligatoires ». Ce concept paraissait cependant trop large, puisque de très nombreuses lois contribuent à mettre en oeuvre la Constitution. Ainsi, son accueil par la Cour aurait considérablement restreint le champ d’incidence du référendum abrogatif.
C’est pourquoi les juges constitutionnels ont prudemment repoussé, dans l’arrêt n° 16 de 1978, la proposition avancée par l’Avvocatura dello Stato, qui demandait que toutes les requêtes référendaires portant sur des lois constitutionnellement nécessaires fussent jugées inadmissibles : « il n’est pas soutenable que toutes les lois ordinaires mettant en oeuvre des institutions, organes, procédures, principes établis ou prévus par la Constitution, soient soustraites au référendum abrogatif. […] Le référendum subirait des limitations extrêmement larges et indéterminées »280. La Consulta précise ensuite son propos. La catégorie des lois constitutionnellement nécessaires (ou obligatoires) n’est pas univoque car elle recouvre en fait deux catégories de lois prévues par la Constitution, mais dont les modalités de traduction législative diffèrent sensiblement. Il est des lois dont le texte fondamental se borne à poser le principe, sans prédéterminer leur contenu, de sorte que le Législateur ordinaire peut choisir entre différentes modalités d’adaptation du prescrit constitutionnel. Cette marge de manoeuvre opératoire est en revanche interdite pour les lois dont le contenu est constitutionnellement déterminé ou, selon la terminologie de la Cour, lié. L’unification, dans un concept générique, de ces deux types de lois est, dès lors, très contestable, car elle confond le genre (les dispositions constitutionnellement obligatoires) et l’espèce (les dispositions à contenu constitutionnellement lié)281 : « la référence aux lois constitutionnellement obligatoires s’avère viciée par une équivoque de fond. Cette formule ferait en effet penser que ces lois, et non d’autres, sont, dans leurs actuels contenus normatifs, indispensables pour concrétiser les dispositions constitutionnelles correspondantes. Cette assertion est tout au contraire fausse, du moment que ces actes législatifs – à la seule exception des dispositions constitutionnellement liées – ne réalisent qu’une solution parmi tant d’autres possibles pour actualiser la Constitution »282.
La Cour explicite sa position dans l’arrêt n° 24 de 1981 en réaffirmant que sont admissibles les requêtes portant sur des normes qui, « même si elles constituent une réalisation d’un principe constitutionnel, ne représentent pas l’unique moyen à travers lequel ce principe se réalise »283. Dans l’arrêt suivant, n° 25 de 1981, elle précise que le critère des lois à contenu constitutionnellement lié embrasse seulement les lois « qui incorporent des principes ou des dispositions constitutionnelles déterminés en en reproduisant les contenus ou en les concrétisant de la seule façon constitutionnellement permise »284.

L’utilité théorique de la catégorie des dispositions à contenu constitutionnellement lié

La catégorie des lois à contenu constitutionnellement lié n’a pas été unanimement approuvée par la doctrine italienne. La subtilité de la distinction entre cette catégorie et celle, plus large, des lois constitutionnellement obligatoires, n’a pas convaincu tous les commentateurs.
Achille Chiappetti, dans un ouvrage fondateur301, envisageait nombre de causes implicites d’inadmissibilité reprises ensuite par la Cour en 1978. Il proposait entre autres que les référendums portant sur des lois constitutionnellement obligatoires soient déclarés inadmissibles. Cette position a été soutenue par de grands noms du droit constitutionnel italien, notamment Vezio Crisafulli302 ou Costantino Mortati303, dont le projet proposé à l’Assemblée constituante avait contribué à l’introduction du référendum abrogatif dans le texte constitutionnel.
C’est pourquoi la thèse finalement retenue par la Cour constitutionnelle, dans son arrêt n° 16 de 1978, n’a pas convaincu tous les commentateurs. L’un de ses contempteurs les plus sévères, Franco Modugno, n’hésite pas à juger que le critère des dispositions à contenu constitutionnellement lié est « arbitraire »304. L’auteur dénonce la distinction entre cette catégorie, qui relèverait du jugement d’admissibilité de la requête référendaire, et celle des dispositions constitutionnellement obligatoires, dont l’abrogation ne pourrait être contrôlée qu’après la votation : « cette distinction n’est qu’apparente et résulte d’un formalisme exacerbé. On observe que toutes les fois qu’une loi, une disposition ou une norme est touchée par une décision d’inconstitutionnalité pour vices substantiels, la Cour ne fait pas autre chose que considérer la loi ou la disposition en question à l’aune du texte dans lequel elle est insérée, en considérant, dans le même temps, la situation résultant de la décision d’inconstitutionnalité […]. La véritable raison de la séparation entre inconstitutionnalité et inadmissibilité réside dans le fait que tout ce qui touche à la requête serait logiquement disjoint de ce qui concerne en revanche le résultat référendaire. En réalité, plus que d’une distinction logique, il s’agit d’une pure disjonction chronologique »305. L’auteur dénonce aussi le travail interprétatif opéré par la Cour : « celle-ci affirme que ce ne sont pas toutes les lois constitutionnellement obligatoires qui doivent être soustraites au référendum, mais seulement celles qui ne permettent pas le choix d’un, parmi tant d’autres, des moyens législatifs “possibles” destinés à la satisfaction d’une finalité constitutionnellement prescrite, en exprimant le “seul moyen législatif possible”. Mais, pour établir concrètement s’il s’agit ou non du seul moyen possible, la Cour finit par discriminer arbitrairement entre les “choix” législatifs, les considérant certaines fois comme pouvant être établis par des choix différents, alors qu’elle les juge dans d’autres occasions liés »306.
Nous ne partageons pas ces critiques, adhérant en cela au jugement de la Cour constitutionnelle selon laquelle « le référendum subirait des limitations extrêmement larges et indéterminées »307. Le paramètre des lois à contenu constitutionnellement lié est fondé pour deux ordres de raisons. Il est, tout d’abord, respectueux de la fonction législative parlementaire. Il est, de plus, respectueux de la liberté de l’initiateur référendaire.
La distinction doctrinale, reprise par la jurisprudence constitutionnelle, entre les dispositions à contenu constitutionnellement lié et les dispositions constitutionnellement obligatoires nous semble tout d’abord fondée parce que nombre de normes constitutionnelles ne sont effet que programmatiques. Il s’agissait, pour les forces politiques représentées au sein de l’Assemblée constituante, de fixer une orientation, une ligne politique partagée sur un certain nombre de valeurs308. Or, affirmer que toutes les lois traduisant ces normes sont fixées dans l’airain, c’est nier la fonction législative du Parlement qui se doit, dans un contexte politique donné, d’adapter au mieux les consignes données par le Constituant. Nous partageons l’appréciation de Gustavo Zagrebelsky selon laquelle cette « thèse des lois à contenu constitutionnellement nécessaire a des conséquences inadmissibles parce qu’elle est trop générique, trop large et susceptible, dans ses applications, de faire disparaître l’institution en tant que telle »309 310. Certaines des normes constitutionnelles n’admettent en revanche aucune appréciation politique du Législateur. Ces dernières ne peuvent dès lors pas être abrogées car elles représentent la seule traduction législative possible d’une norme constitutionnelle.

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Table des matières

PREMIERE PARTIE : LE CONTROLE PREVENTIF D’« ADMISSIBILITE » DE LA REQUETE REFERENDAIRE
TITRE I LE CONTROLE DE LA STRUCTURE FORMELLE DE LA QUESTION 
Chapitre I Les fondements du contrôle de la structure formelle de la question
Section I la souveraineté du peuple et la liberté de vote, fondements « déclarés » du critère de l’homogénéité de la requête référendaire
Section II L’interdiction d’une utilisation « plébiscitaire » du référendum abrogatif, fondement politique du critère de l’homogénéité
Chapitre II Les modalités du contrôle sur la structure formelle de la question
Section I L’interprétation objective de la question référendaire
§1 Le principe de l’interprétation objective de la question référendaire
§2 Les dérogations jurisprudentielles au principe de l’interprétation objective de la question référendaire
Section II L’évolution des critères d’appréciation de la structure formelle
§1 L’homogénéité et ses corollaires
§2 La « cohérence-exhaustivité » de la requête
A. L’incohérence par omission de l’initiateur référendaire
B. L’incohérence par commission du Législateur ordinaire
Section III L’interdiction des référendums manipulateurs
§1 Les difficultés d’application du principe de l’interdiction des référendums manipulateurs
§2 L’ignorance du principe de l’interdiction des référendums manipulateurs en matière électorale
TITRE II LE CONTROLE DU RESPECT DES LIMITES SUBSTANTIELLES AU REFERENDUM ABROGATIF
Chapitre I Les dispositions à contenu constitutionnellement lié
Section I Les fondements de la catégorie des dispositions à contenu constitutionnellement lié
§1 Les origines de la distinction entre dispositions constitutionnellement obligatoires et dispositions à contenu constitutionnellement lié
§2 L’utilité théorique de la catégorie des dispositions à contenu constitutionnellement lié
Section II Dispositions à contenu constitutionnellement lié et système politique
§1 La Cour constitutionnelle et les référendums d’incitation législative.
A. La confusion des catégories des dispositions à contenu constitutionnellement lié et des dispositions constitutionnellement obligatoires
1) La discrimination injustifiée des choix du Législateur
2) La censure critiquable de questions incluant des dispositions législatives purement répétitives de normes constitutionnelles
B. L’utilité pratique du paramètre des dispositions à contenu constitutionnel lié
1) Une protection effective des droits constitutionnellement garantis
a) La censure de questions abrogatives individualisant un droit constitutionnellement garanti
) La protection des droits sociaux
) La protection des droits fondamentaux : la question emblématique de l’avortement
b) La conciliation des droits constitutionnellement protégés
2) Un amoindrissement toléré des compétences institutionnelles
a) Les requêtes proposées en matière de loi-cadre sur la chasse
b) Les requêtes proposant la suppression de départements ministériels
§2 La jurisprudence constitutionnelle en matière de lois électorales
A. Le principe de l’admissibilité des référendums abrogatifs partiels relatifs aux lois électorales
B. L’existence d’une « finalité intrinsèque de l’acte abrogatif » : le contrôle substantiel de la question abrogative
C. La nécessité d’empêcher une « paralysie de fonctionnement » des Assemblées
Chapitre II Les limites explicites de l’article 75 alinéa 2 de la Constitution
Section I Les limites relatives aux lois d’autorisation
§1 La limite relative aux lois d’autorisation à la ratification des traités internationaux
A. L’extension prétorienne de la limite textuelle
1) L’application de la limite de l’article 75 alinéa 2 de la Constitution aux conventions internationales
2) L’application de la limite de l’article 75 alinéa 2 de la Constitution aux obligations résultant du droit communautaire
B. La critique doctrinale
§2 La limite relative aux lois budgétaires
A. L’interprétation restrictive de la limite relative à la loi budgétaire
B. L’assimilation de la loi financière à la loi budgétaire
Section II La limite relative à la matière fiscale
CONCLUSION DE LA PREMIERE PARTIE
DEUXIEME PARTIE : LE CONTROLE REPRESSIF DE CONSTITUTIONNALITE DE LA NORME REFERENDAIRE
TITRE I LA JUSTIFICATION DU CONTROLE REPRESSIF DE CONSTITUTIONNALITE DE LA NORME REFERENDAIRE
Chapitre I La place de la norme référendaire dans la hiérarchie des normes
Section I La soumission du Législateur référendaire au principe de constitutionnalité
§1 Le corps électoral : un organe institué de l’Etat
A. Le corps électoral italien, organe institué de l’Etat
B. Le corps électoral français, un pouvoir à définir
§2 Le référendum, « instrument de contrôle populaire des choix législatifs du Parlement »
Section II L’appartenance de la norme référendaire à la catégorie des « actes ayant force de loi »
§1 Le référendum abrogatif : un acte de production normative
A. L’absence de spécificité abrogative du référendum
B. L’inexistence d’un « fait normatif » référendaire
§2 La norme référendaire : un « acte ayant force de loi »
Chapitre II L’autonomie du contrôle de constitutionnalité répressif de la norme référendaire
Section I La justification de l’autonomie du contrôle de constitutionnalité de la norme référendaire
§1 L’absence d’autorité de chose jugée des ordonnances rendues par le Bureau central pour le référendum près la Cour de cassation
§2 L’absence d’autorité de chose jugée des décisions de la Cour constitutionnelle rendues en matière d’admissibilité de la requête
Section II L’assimilation abusive de l’évaluation formelle de la requête référendaire et du contrôle de ragionevolezza de la loi
§1 Ragionevolezza et jugement de constitutionnalité
A. La ragionevolezza en tant que paramètre de contrôle du principe d’égalité
B. La ragionevolezza en tant que paramètre de contrôle de pondération des principes constitutionnels impliqués dans la norme législative
§2 Ragionevolezza et modalités de contrôle formel de la requête référendaire
TITRE II LA MISE EN OEUVRE DU CONTROLE REPRESSIF DE LA NORME REFERENDAIRE
Chapitre I Les cas d’ouverture du contrôle de constitutionnalité répressif
Section I Les vices formels de la norme référendaire
§1 La régularisation possible des vices affectant les formalités non substantielles de l’initiative référendaire
§2 L’invalidation envisageable de la norme référendaire pour violation des formalités substantielles
A. Les vices formels relatifs à la vérification du quorum
B. Les vices formels relatifs au décompte des suffrages exprimés
Section II Les vices substantiels de la norme référendaire
§1 Contrôle de l’abrogation in re ipsa et contrôle de la norme référendaire
§2 Hypothèses de contrôle de constitutionnalité des vices substantiels de la norme référendaire
Chapitre II Les remèdes au risque de « délégitimation » de la Cour
Section I Les « directives » de la Cour au Législateur
Section II L’utilisation des techniques contentieuses du contrôle de constitutionnalité.
CONCLUSION DE LA DEUXIEME PARTIE
CONCLUSION GENERALE
ANNEXES
ANNEXE I : TEXTES DE REFERENCE
Annexe I.a. Constitution de la République italienne du 27 décembre 1947
Annexe I.b. Loi constitutionnelle n° 1 de 1953
Annexe I.c. Loi n° 352 de 1970
ANNEXE II : INDEX DES DECISIONS
ANNEXE III : INDEX DES AUTEURS
ANNEXE IV : RESULTATS DES REFERENDUMS
BIBLIOGRAPHIE

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