L’ENJEU DE L’EXPERTISE MEDICALE DANS L’EVALUATION DU DOMMAGE CORPOREL
La procédure d’expertise médicale participe, en raison de sa nature, à la recherche de la vérité juridique. En effet, au regard des conséquences qu’implique la survenance d’un dommage corporel, il est alors impératif d’établir une vision la plus objective possible afin de fonder la procédure d’indemnisation sur les bases les plus solides possibles.
Afin de permettre une évaluation du dommage corporel dans les meilleures conditions, la procédure d’expertise doit répondre à certaines exigences matérielles {Section 1), dans la mesure où celle-ci constitue une condition sinequa non de la preuve de l’étendue du dommage {Section Il).
L’organisation matérielle de l’expertise médicale
L’expertise judiciaire médicale, ordonnée d’office, ou demandée par l’une des parties par l’intermédiaire de son avocat, doit impérativement répondre à certaines exigences particulières lors de son déroulement (1), dans la mesure où celle-ci est strictement encadrée dans un souci de respect du principe du contradictoire {Il).
L’expertise médicale constitue l’une des premières étapes au cours du processus d’indemnisation des victimes de dommages corporels. Dès lors, la mise en œuvre de l’expertise médicale répond à divers impératifs {A), permettant de mener à bien cette mission d’évaluation {B).
La mise en œuvre d’une expertise médicale entraîne des conséquences particulièrement lourdes pour la victime, dans la mesure où l’étendue de l’indemnisation de cette dernière sera notamment liée par les conclusions de l’expert médical.
Ainsi, la désignation d’un expert médical doit par conséquent être encadrée, quelles que soient les différentes catégories d’expertises (1), afin de répondre aux exigences de mises en œuvre du cas particulier de l’expertise judiciaire médicale (2).
La désignation de l’expert médical dans les différentes catégories d’ expertises
La qualification du terme « expertise médicale » regroupe en réalité un large champ terminologique. En réalité, on dénombre différentes catégories d’expertises telles que l’expertise« officieuse» ou« privée», lorsque celle-ci est diligentée par une seule personne pour connaître l’étendue d’un dommage corporel. Qu’elle soit demandée par la victime ou son avocat à un médecin de son choix, ou par une société d’assurances à son médecin-conseil, cette expertise privée, unilatérale, n’a pas de caractère contradictoire.
L’expertise contradictoire amiable est décidée par accord entre les parties qui déterminent dans leur convention le choix de l’expert, l’étendue de sa mission et la charge de ses honoraires. Les conclusions de l’expert ne lient pas les parties car l’expertise médicale n’est jamais un arbitrage: elle ne constitue qu’un élément d’appréciation pour le tribunal.
L’expertise judiciaire, ordonnée par une juridiction, constitue une mesure d’instruction soumise à des règles procédurales précises.
Au-delà de cette classification générale, toutes ces différentes catégories d’expertises nécessitent, afin d’être mises en œuvre, les qualités d’un médecin expert ayant suivi un enseignement universitaire sanctionné par le diplôme de réparation juridique du dommage corporel. Quel que soit le cadre juridique de l’expertise, le choix de l’expert est en principe libre sous la seule réserve évidente de la qualité de docteur en médecine pour l’expertise médicale. Cependant, la seule compétence médicale ne garantit pas une compétence à la fois technique et procédurale, d’où la nécessité de justifier l’obtention du diplôme précédemment évoqué, garantissant le suivi d’une formation spécifique qui paraît indispensable dans un domaine particulièrement complexe.
La désignation d’un expert compétent est d’autant plus importante que celui-ci engage sa responsabilité professionnelle en cas de faute dans l’exécution de sa mission, qu’elle soit technique, déontologique ou procédurale.
La liste des différents experts judiciaires médicaux est établie au préalable par la cour d’appel et dans la plupart des cas, l’avocat de la victime fait appel à un médecin de recours afin d’apporter une analyse contradictoire de l’expertise médicale.
Les modalités de mise en œuvre de l’expertise judiciaire médicale
L’expertise judiciaire constitue une mesure d’instruction par laquelle le juge confie à des techniciens le soin de l’informer sur des questions purement techniques qui excèdent ses propres compétences. Toutefois, cette désignation doit être strictement appréciée par le juge.
En effet, le juge ne délègue pas à l’expert médical son pouvoir de rendre la justice: seul le juge doit en tirer les conclusions, dans la mesure où l’expertise ne sert qu’à lui apporter une appréciation objective des faits dans le rendu de sa décision.
Présentant en principe un caractère subsidiaire, le juge ne devant en effet y recourir que dans la mesure où la victime ne dispose pas d’élément de preuve suffisant. En effet, l’expertise médicale demeure toujours facultative pour le juge, même en matière d’indemnisation d’un dommage corporel, conformément aux dispositions de l’article 263 du Code de procédure civile: « L’expertise n’a lieu d’être ordonnée que dans le cas où des constatations ou une consultation ne pourraient suffire à éclairer le juge». Cependant, en dépit de ce caractère facultatif, il apparaît dans les faits que l’expertise est systématique en cas de dommage corporel.
Le choix de l’expert est en principe laissé à l’appréciation du juge. Cependant, conformément à la loi du 29 juin 1971, modifiée par la loi du 11 février 2004 , il est établi chaque année une liste nationale dressée par le Bureau de la Cour de cassation et une liste dressée par chaque cour d’appel. Après une période probatoire de deux ans, la loi prévoit une procédure de contrôle des pratiques et connaissances de l’expert qui doit solliciter sa réinscription tous les cinq ans.
L’expertise judiciaire médicale est réglementée par les articles 263 à 284 du Code de procédure civile qui précise les règles relatives à la désignation de l’expert, aux opérations d’expertises et avis de l’expert.
Le décret n°98-1231 du 28 décembre 1998 a apporté au Code de procédure civile un certain nombre de modifications substantielles. Ainsi, l’article 155-1 crée un juge nouveau, spécialisé dans le contrôle de l’exécution des missions judiciaires confiées aux techniciens en matière civile. En outre, l’expert doit désormais informer le juge de l’avancement de ses travaux et diligences, en vertu des dispositions de l’article 273 du Code de procédure civile.
De plus, les parties doivent remettre sans délai à l’expert tous les documents nécessaires à l’accomplissement de sa mission, et en cas de carence le juge peut ordonner la production des documents demandés, conformément aux dispositions de l’article 275 du Code de procédure civile.
La détermination de l’imputabilté du dommage corporel par l’expertise médicale
La procédure d’indemnisation d’un dommage corporel tire nécessairement son origine de la survenance d’un préjudice physique ou psychique. Cependant, certes si l’étendue du dommage est évaluée au moyen d’une expertise médicale, celle-ci a également pour objectif de déterminer le lien de causalité entre le préjudice subi et le dommage dont souffre la victime.
Les problèmes de causalité juridique sont déterminés par !’imputabilité médicale du dommage à l’accident, question posée dans la mission d’expertise et à laquelle le médecin expert doit toujours répondre, selon que le dommage est imputable à l’accident lui-même {A), ou à un état antérieur de la victime {B).
L’enjeu de l’expertise dans !’imputabilité du dommage corporel à l’accident
Dans le cadre de la procédure d’indemnisation menée par l’avocat, il appartient à la victime non seulement d’apporter la preuve de la réalité de son dommage corporel, mais également la preuve de !’imputabilité des lésions au fait dommageable.
Le rôle du médecin expert est ici encore fondamental et l’étude du dossier complet, notamment du certificat initial, lui permet dans un premier temps d’apprécier ce lien de causalité entre le fait dommageable et les lésions constatées.
Dans la plupart des missions types, il est demandé au médecin expert d’une part de décrire en détail les différentes lésions que la victime rattache à l’accident, et d’autre part de se prononcer sur leur caractère direct. Il s’agit ainsi d’établir une hiérarchie entre les allégations de la victime et la réalité médico-légale de l’expertise qui seule permet, dans un deuxième temps, d’établir le lien entre les lésions et l’atteinte physiologique imputable à l’accident.
L’imputabilité médicale des dommages invoqués à l’accident conduira soit à une indemnisation totale, soit à une indemnisation partielle, soit à un refus d’indemnisation.
Cependant, l’expertise médicale peut conduire à des conclusions beaucoup plus nuancées en cas de causalité dite « douteuse » ou de causalité partielle.
Tout d’abord, en cas de causalité douteuse l’atteinte physiologique et le handicap ne peuvent être des conséquences du traumatisme, mais l’analyse scientifique apporte des arguments pour, et des arguments contre, dont il revient au médecin expert d’analyser. Il existe toutefois une sorte de présomption d’imputabilité de fait dès lors que l’accident est avéré et des lésions corrélatives sont constatées.
Ensuite, en cas de causalité partielle, le médecin expert peut démontrer que l’accident et les lésions traumatiques sont une cause parmi une pluralité de facteurs ayant contribué aux atteintes physiologiques et au handicap de la victime: le cumul causal de plusieurs facteurs trouve ses illustrations les plus connues dans l’état antérieur pathologique de la victime et dans les accidents successifs.
L’enjeu de l’expertise dans l’imputabilité du dommage corporel à un état antérieur a l’accident
L’accident peut saisir une victime déjà atteinte de certains troubles. C’est pourquoi, les missions-types demandent au médecin expert de retranscrire le certificat médical initial et les différents documents médicaux permettant de connaître les lésions initiales, et « d’analyser dans une discussion précise et synthétique /’imputabilité à l’accident des lésions initiales, de leur évolution, et des séquelles en prenant compte, notamment, les doléances de la victime et les données de l’examen clinique; se prononcer sur le caractère direct et certain de cette imputabilité et indiquer l’incidence éventuelle d’un état antérieur».
En réalité, la notion d’état antérieur renvoie à des situations différentes selon les prédispositions pathologiques latentes de la victime (1) ou des capacités antérieures réduites (2).Le 0% d’incapacité représente la norme théorique pour un individu ne présentant a priori aucun dommage physique ou psychique. Cependant, ce taux de 0% n’est que subjectif, dans la mesure où chacun possède de légères déficiences ou pathologies, souvent méconnues ou inconnues, car parfaitement compensées ou surmontées dans le cadre d’une vie « normale». Toutefois, de même qu’il existe une présomption d’innocence en matière pénale, il est légitime d’admettre une présomption de pleine capacité en matière d’expertise médicale.
La recherche de l’état antérieur est notamment effectuée lorsque les conséquences de l’accident paraissent d’une gravité disproportionnée par rapport au traumatisme subi: infirmités préexistantes, maladies ignorées ou cachées, prédispositions pathologiques peuvent alors expliquer une évolution dramatique. Le silence de la victime et le secret médical invoqué par le médecin traitant peuvent rendre encore plus difficiles les investigations du médecin expert.
Dès lors, lorsque l’accident a été l’élément déclenchant d’une pathologie antérieure latente, ou lorsque le traumatisme a entraîné une «décompensation» d’un équilibre jusque-là maintenu par une compensation naturelle, l’événement traumatique est considéré comme la cause de l’entier dommage et son auteur doit alors assumer la réparation intégrale des préjudices subis.
Ainsi, la Cour de cassation avait rappelé dans une décision du 8 juillet 2010 que« le droit de la victime à obtenir indemnisation de son préjudice corporel ne saurait être réduit en raison d’une prédisposition pathologique, lorsque l’affection qui en est issue n’a été provoquée ou révélée que par le fait dommageable ».
LA MISE EN ŒUVRE DE L’EXPERTISE DANS LA DETERMINATION DES DIFFERENTS PREJUDICES DE LA VICTIME DIRECTE
Le domaine du droit du dommage corporel demeure l’une des branches du droit la plus récente de notre système juridique, puisque jusqu’à une époque récente, celui-ci n’était soumis à aucune détermination légale des préjudices subis mais était essentiellement jurisprudentiel.
Cette situation a connu une première évolution à la suite de l’adoption de l’article 25 de la loi du 21 décembre 2006 ayant opéré une réforme des tiers payeurs. La mise en place d’un modèle de recours devant impérativement s’opérer poste par poste a en effet imposé l’utilisation d’une nomenclature commune, actuellement reconnue sous la dénomination de « nomenclature DINTILHAC ».
Cette nomenclature repose sur deux principes fondamentaux : le premier étant la distinction claire des préjudices patrimoniaux et extrapatrimoniaux, le second étant l’articulation de la distinction des préjudices autour de la date de consolidation, qui conduit à différencier les préjudices temporaires et permanents et reconnaît donc à la victime directe une vingtaine de chefs potentiels de préjudices.
Dès lors, même si par voie de conséquence le préjudice corporel provoque tout un ensemble de dommages envers les victimes par ricochet, la mise en œuvre de l’expertise médicale, en se basant sur la nomenclature DINTILHAC, permet de déterminer à la fois des préjudices patrimoniaux {Section 1) et des préjudices extrapatrimoniaux {Section Il) de la victime directe.
La nécessité de l’expertise médicale dans la détermination des préjudices patrimoniaux de la victime directe
Si au moment de l’expertise médicale, la constatation du dommage est avérée en raison d’une atteinte physique ou psychique à la victime, cette expertise peut également jouer un rôle dans la détermination des conséquences découlant de ce dommage, dans la mesure où il est alors possible de relever des préjudices patrimoniaux temporaires {I) et permanents {Il).
La détermination de l’étendue des préjudice patrimonial par la procédure d’expertise médicale
La nomenclature DINTILHAC, outil fréquemment utilisé comme support de l’expertise médicale, reconnaît différents postes de préjudices patrimoniaux temporaires. Outre la prise en compte des frais divers dont l’énumération n’aura que peu d’intérêt ici, l’expertise médicale, grâce à cette nomenclature, permet dès lors de déterminer les dépenses de santé actuelles (A}, mais également d’estimer les pertes de gains professionnels actuels (B}.
L’enjeu de l’expertise médicale dans la détermination des dépenses de santé actuelles.
Conformément au choix opéré par la nomenclature DINTILHAC, le poste des Dépenses de Santé Actuelles (DSA} regroupe l’ensemble des frais médicaux et paramédicaux« réalisés durant la phase temporaire d’évolution de la pathologie traumatique», selon la formule consacrée par le rapport DINTILHAC.
Ainsi, l’expertise médicale permettra, en s’appuyant sur cet outil, d’envisager la prise en compte des frais médicaux et paramédicaux dans le cas de l’intervention des organismes sociaux tiers payeurs (1), ainsi que celles non prises en charges par ces organismes (2).
Au jour du «règlement», c’est-à-dire de l’évaluation des préjudices par l’expertise médicale notamment, le traumatisme a entraîné divers frais chirurgicaux, médicaux et paramédicaux, des frais pharmaceutiques, des frais d’hospitalisation, ou encore des frais de rééducation.
Toutes ces dépenses particulièrement lourdes sont directement prises en charge par la Sécurité sociale, dont la garantie est souvent complétée par des mutuelles. Même si la victime ne les a pas directement assumées, l’intégralité de ces frais doit être recensée par son conseil, qui doit en demander réparation afin que le recours des tiers puisse s’exercer normalement.
Les conséquences d’un oubli apparaissent toutefois moins gênantes pour la victime que par le passé.
Désormais, le recours se faisant poste par poste, l’absence d’une demande de la victime quant aux dépenses de santé aura pour seul effet l’impossibilité pour le tiers payeur d’exercer son recours. La situation sera donc neutre pour la victime, mais en revanche fort préjudiciable au tiers payeur, dont il apparaît que le recours peut en réalité être conditionné par les demandes de la victime. L’expertise médicale a donc vocation à statuer sur les préjudices actuels subis par la victime directe. Dès lors, cette mise en œuvre n’a pas seulement vocation à admettre le degré d’incapacité dans les actes de la vie courante et l’impact des séquelles du dommage corporel au regard de la vie quotidienne de la victime, mais surtout de prendre en considération le manque à gagner professionnel de la victime en raison de son handicap temporaire.
Ainsi, la nomenclature DINTILHAC admet l’indemnisation, au titre des préjudices patrimoniaux temporaires de la victime directe, des pertes de gains professionnels actuels (PGPA), qui visent les pertes de revenus subies par la victime antérieurement à la consolidation.
L’incapacité temporaire se caractérise par l’impossibilité transitoire dans laquelle se trouve la victime d’utiliser ses facultés physiques antérieures à un accident. La perte d’autonomie, souvent totale, parfois partielle, de la victime entraine des conséquences légales en droit pénal où sa durée qualifie les infractions d’atteintes involontaires à l’intégrité de la personne, ou en droit social où l’inaptitude temporaire à exercer l’activité professionnelle donne lieu au versement d’indemnités journalières.
Cependant, dans le domaine du droit civil, la notion d’incapacité temporaire a pendant longtemps été ambiguë. Avant l’adoption des nomenclatures des chefs de préjudices réparables, étaient en effet indemnisées sous cette dénomination à la fois la gêne causée à la victime dans les actes de la vie courante, et les pertes de gains professionnels consécutives à la cessation temporaire d’activité.
Cette confusion est aujourd’hui abandonnée, puisque la classification du déficit fonctionnel temporaire, volet personnel de l’incapacité temporaire, au sein des préjudices patrimoniaux est aujourd’hui acquise. C’est la raison pour laquelle la nomenclature DINTILHAC abandonne la notion d’ITI au profit du terme de « perte de gains professionnels actuels».
Ainsi, seule doit donc être prise en compte dans ce poste de préjudice la perte de revenus professionnels prouvée et chiffrée in concreto, de manière quasi comptable entre le jour de l’accident et le jour de la consolidation.
Une fois de plus, la mise en œuvre d’une expertise médicale, amiable ou judiciaire, prendra ici toute son importance dans la détermination de cette date charnière qu’est la consolidation.
La fixation de la date de consolidation par l’expert médical entrainera nécessairement des répercussions dans la recherche de la perte de gains professionnels et actuels.
En pratique il apparaît qu’en la matière une contre-expertise sera très souvent demandée par l’une ou l’autre des parties afin d’obtenir un maximum de certitudes médicales, dans la mesure du possible.
Outre la détermination des préjudices patrimoniaux temporaires par la mise en œuvre de l’expertise, il convient d’admettre que cette procédure est également de nature à estimer l’étendue des préjudices patrimoniaux permanents de la victime.
La nécessité de l’expertise médicale dans la détermination des préjudices extrapatrimoniaux de la victime directe
A la différence des préjudices patrimoniaux qui nécessitent une réparation au regard du patrimoine de la victime, le droit du dommage corporel a également vocation à réparer, sur le fondement de l’expertise médicale, l’ensemble des préjudices extrapatrimoniaux de la victime, c’est-à-dire ceux touchant à l’intégrité même de la victime directe du dommage corporel. Dès lors, l’expertise médicale permet de distinguer des préjudices extrapatrimoniaux temporaires (1) et permanents (Il) envers la personne même de la victime directe.
Parmi les différents postes de préjudices extrapatrimoniaux temporaires que la nomenclature DINTILHAC distingue, la procédure d’expertise permet notamment de déterminer le déficit fonctionnel temporaire (A) ainsi que d’œuvrer dans la réparation des souffrances endurées (B).
A L’enjeu de l’expertise médicale dans la détermination fonctionnel temporaire
Le déficit fonctionnel temporaire (DFT) a été défini par un arrêt de principe de la Cour de cassation du 28 mai 2009 comme incluant « l’incapacité fonctionnelle totale ou partielle ainsi que le temps d’hospitalisation et les pertes de qualité de vie et des joies usuelles de la vie courante durant la maladie traumatique »
Cette définition prétorienne appelle toutefois un certain nombre de remarques.
Le DFT est tout d’abord une notion protéiforme, qui doit donc englober l’ensemble des incidences personnelles de l’invalidité, bien entendu détachées de toute incidence professionnelle. Doit ainsi être indemnisée à ce titre l’incidence fonctionnelle elle-même, qui selon les cas va être totale ou partielle, et que la mission d’expertise devra déterminer.
L’encadrement juridique de l’expertise dans le respect primordial du principe du contradictoire
Si l’expertise, judiciaire ou amiable, repose certes sur des principes de déontologie médicale tels que le secret médical, il s’avère cependant que sa mise en œuvre doit s’effectuer en conformité avec les principes juridiques fondamentaux, en particulier le respect du contradictoire {A), notamment dans le cas de l’expertise médicale sur pièces {B).
CONCLUSION
Le caractère de la procédure d’indemnisation du dommage corporel se révèle ainsi particulièrement intrinsèque à celui de l’expertise médicale, dans la mesure où celle-ci conditionne nécessairement toute l’évolution du schéma procédural de la réparation du préjudice corporel.
Il apparaît ainsi que l’expertise médicale s’avère être particulièrement primordiale afin de déterminer une situation corporelle objective d’un individu, en prenant compte l’ensemble de ses composantes subjectives, telles que son vécu, sa situation professionnelle, personnelle et familiale. Toutefois, s’il a été démontré que l’expertise médicale semble être un prérequis fondamental dans la mise en œuvre de la procédure d’indemnisation par l’avocat, il apparaît alors que celle-ci présente certaines limites.
En effet, si dans la plupart des cas le préjudice corporel peut relativement s’évaluer lors d’une expertise, notamment au moyen d’un barème médico-légal, il demeure cependant que la branche du droit du dommage corporel regroupe tout un ensemble d’handicaps dits «invisibles», particulièrement dans le cas des personnes souffrant d’un traumatisme crânien léger.
Ainsi, l’expertise relèvera certes les conséquences physiques d’un tel dommage, mais toute la difficulté sera d’appréhender les troubles sociaux découlant de cet accident. En effet, dans de nombreux dossiers de traumatisés crâniens traités par le cabinet PROXIMA AVOCAT, la victime d’un tel dommage ayant peu de séquelles sur le plan physiologique se trouve en réalité confrontée à une altération de sa personnalité provoquant parfois divers troubles sociaux et en particulier affectifs. Dès lors, la victime peut souffrir d’apragmatisme, c’est-à dire un symptôme psychiatrique se caractérisant par une perte d’initiative motrice, une inaction prolongée, ainsi qu’une incapacité à entreprendre des actions.
Par conséquent, face à un tel handicap « implicite», comment expertiser à un instant précis une victime à qui les répercussions joueront sur le long terme? Si l’expertise médicale demeure toujours à l’heure actuelle une procédure objective relativement fiable, celle-ci trouve rapidement ses limites dans l’évaluation des répercussions psychiques de la victime directe.
De plus, il est légitime de s’interroger quant à la multiplicité des barèmes médicolégaux d’évaluation du dommage corporel, utilisés comme base de l’expertise médicale. En effet, les récentes réformes législatives tendent de plus en plus à unifier l’ensemble de ces différents barèmes. Or, l’expertise médicale par principe doit incontestablement évaluer la situation personnelle d’un individu et non pas se contenter de répondre à des critères objectifs mis en avant par ces différents outils.
Si à l’heure actuelle les projets d’unification de ces barèmes sont restés lettre morte, il est tout à fait envisageable d’arriver à terme à une standardisation de l’expertise médicale en raison de la frontière de plus en plus poreuse entre expertise médicale subjective et barème médico-légal objectif. L’intérêt du recours à l’expertise, imposée par une juridiction ou demandée par une partie, reste en effet celui d’une évaluation personnelle de la victime dans la mesure où un même dommage n’entraine pas nécessairement les mêmes conséquences d’un individu à l’autre.
Face à ce risque de dénaturation de l’expertise médicale, le rôle de l’avocat sera d’autant plus important dans la mise en œuvre de la procédure d’indemnisation adéquate. Tout son travail argumentaire prendra son importance dans sa capacité à convaincre le juge de la légitimité d’une indemnisation au regard d’un dommage corporel qui parfois ne semble pas être évident et dont les conséquences ne sont pas toujours parfaitement établies.
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Table des matières
Introduction générale
Présentation de la structure
Journal de bord
Étude et analyse:« Le rôle de l’avocat dans la réparation du dommage corporel: la mise en œuvre fondamentale de l’expertise dans l’indemnisation du préjudice »
Introduction
Chapitre 1: L’enjeu de l’expertise médicale dans l’évaluation du dommage corporel
Section 1: L’organisation matérielle de l’expertise médicale
Section Il: L’expertise médicale, prérequis substantiel de la preuve du dommage corporel
Chapitre 2: La mise en œuvre de l’expertise dans la détermination des différents préjudices de la victime directe
Section 1: La nécessité de l’expertise médicale dans la détermination des préjudices patrimoniaux de la victime directe
Section Il : La nécessité de l’expertise médicale dans la préjudices extrapatrimoniaux de la victime directe
Conclusion
Conclusion générale
Annexes
Bibliographie
Table des matières
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