La mise en œuvre de la comptabilité par activités dans les entreprises françaises

L’origine de la comptabilité par activités remonte principalement aux travaux de Cooper et Kaplan au cours des années 80 (Jones et Dugdale, 2002 ; Major et Hopper, 2005 ; Vercio et Williams, 2005). Ces deux auteurs ont effectué un ensemble de travaux sur les systèmes de calcul des coûts d’un groupe d’entreprises américaines. Ils ont mis en évidence un décalage saillant entre les outils traditionnels de comptabilité de gestion et les nouveaux besoins d’information des entreprises pour la prise de décision : ces outils sont devenus obsolètes dans un environnement de plus en plus complexe et évolutif. Outre cela, ces auteurs ont constaté une absence d’adaptation de ces approches aux nouvelles méthodes déployées dans les autres domaines de la gestion, tels que le marketing et la qualité. Selon Kaplan (1986), un système de comptabilité de gestion efficace doit refléter la valeur créée par les activités de l’entreprise dans les opérations de marketing, de vente et de la fabrication des produits. En résumé, il doit être rénové et adapté aux processus de production de l’entreprise afin de permettre une prise de décision et un contrôle efficaces.

Les expériences de Cooper et Kaplan ont débouché sur la proposition d’une nouvelle méthode de calcul des coûts, à savoir, l’Activity Based Costing ou la comptabilité par activités (CA). Depuis ce temps, la CA a suscité beaucoup de débats sur sa pertinence, son utilité, ses avantages et les conditions de son adoption.

Les logiques explicatives de la diffusion de la CA : l’influence des facteurs contextuels 

La comptabilité par activités a la particularité de partir du terrain et a fait par la suite l’objet d’une théorisation (Godowski, 2001). Durant les années 80, elle a été expérimentée dans quelques usines aux Etats-Unis, puis à partir des années 90, elle s’est répandue dans les autres pays du monde. La première publication sur la CA date de 1988 (Staubus, 1988). Après cette date, plusieurs autres chercheurs se sont intéressés à cet outil de gestion, notamment à son architecture, au processus de son implantation et de sa diffusion ainsi qu’à son impact sur la performance. Dans la présente recherche, nous nous situons au niveau des recherches sur le processus d’implantation de la CA.

La méthode de la comptabilité par activités est conçue pour solutionner le problème d’inadéquation des outils traditionnels de calcul des coûts. Elle vise notamment à améliorer la pertinence des coûts complets par un meilleur traitement des charges indirectes. Mais au-delà de l’obtention des coûts de revient, la méthode semble aussi être un outil efficace de pilotage des entreprises. Elle permet en particulier de réaliser un diagnostic de l’origine des coûts, de personnaliser le suivi de la clientèle, d’améliorer la prise de décision stratégique, d’identifier les activités clés de succès et d’améliorer la compétitivité des entreprises. Bref, la CA ne se contente pas de proposer une méthodologie différente des coûts (Bescos et Mendoza, 1996), mais elle offre en plus une démarche permettant d’intégrer l’analyse des coûts dans la réflexion stratégique (Bouquin, 2006).

La comptabilité par activités : fondements de base et implantation 

L’histoire de la comptabilité de gestion marque l’existence de plusieurs évolutions complexes. Ces évolutions peuvent se résumer en quatre strates fondamentales (Bouquin, 2006). Au début, depuis la révolution industrielle, il fallait constater. Pour cela il fallait organiser l’information, grâce la partie double, afin de connaître ce que l’on consomme. Ensuite, progressivement, au long du 19ème siècle, on assiste à l’accroissement de la part des coûts indirects et fixes dans le coût total. Le débat s’oriente alors vers la recherche de la manière la plus optimale pour allouer ces coûts aux produits et aux services. Cependant, le coût de revient établi jusqu’à présent est un coût de revient passé et ne permet pas d’informer sur le futur. C’est à partir de là, qu’on remarque l’avènement d’une nouvelle étape qui concerne la recherche de la modélisation des comportements des coûts. Les managers cherchent à prévoir les prix futurs. Il faut connaître les formules des coûts et leurs lois économiques. Pendant cette étape, on assiste à l’apparition de plusieurs concepts, notamment la distinction entre coûts fixes et coûts variables, le point mort et les coûts standard. Néanmoins, au fur et à mesure de l’évolution du marché, de nouveaux besoins apparaissent. Les dirigeants cherchent de plus en plus à agir, non seulement à réagir. Ils cherchent à décider des coûts. Ainsi, il faut « les identifier avant qu’ils n’existent, au moment de prendre la décision qui va les provoquer » (Bouquin, 2006, p. 78). On assiste à l’apparition d’une nouvelle étape dans laquelle les débats s’orientent de plus en plus vers la compréhension des causes des coûts : pourquoi ces coûts existent-ils ?

La comptabilité par activités, les concepts fondateurs

La comptabilité par activités se base sur quatre concepts clés, ces concepts ont permis d’une part de renouveler la démarche générale de calcul des coûts et d’adapter, d’autre part, le système de contrôle de gestion aux besoins de l’entreprise. Nous exposerons successivement les notions suivantes : activité/processus, inducteur et causalité.

Les notions d’activité et de processus 

L’idée de base sur laquelle s’appuie la comptabilité par activités est que tout résultat est la conséquence d’un processus, c’est-à-dire d’un enchaînement d’actions ou d’activités (Bouquin, 2003). Un résultat est une performance, il est obtenu par ce que l’on fait et par la manière dont on le fait, c’est-à-dire par la maîtrise et le pilotage des activités et de leur agencement en processus (Lorino, 1991). D’une autre manière, ce sont les interdépendances entre les activités – organisées sous forme de processus – qui aboutissent en fonction d’une stratégie, à l’obtention des résultats souhaités. Le processus est un ensemble d’activités complémentaires et interdépendants ayant une finalité commune, il concourt directement ou indirectement à la réalisation de l’offre de l’entreprise (Bouquin, 2006). Il est considéré comme « le trait d’union entre les objectifs de l’entreprise et le déroulement concret des activités » (Lorino, 1991, p. 41).

Ainsi, la notion centrale de la CA est « l’activité ». Elle constitue le point de renouvellement du mode de fonctionnement de l’entreprise. C’est à partir de ce mode d’organisation en activités que sera définie toute la démarche de la CA (Pesqueux, 2002). Néanmoins, la littérature sur la CA ne propose pas de définition positive de cette notion mais plutôt une description de son contenu (Pesqueux, 2002, p. 62).

Les principaux éléments qui décrivent une activité sont les suivants :
– L’extrant : l’activité réalisée permet de fournir un extrant à une activité destinataire
– éventuellement au client final – (Ex. : Pièces fraisées, factures émises, marchandises livrées). Lorino (1991) distingue l’extrant principal, qui constitue le rôle prépondérant de l’activité, des extrants secondaires qui peuvent être physiques ou informationnelles.
– Le client : c’est le destinataire de l’activité de l’extrant, il peut être interne ou externe.
– L’unité choisie pour mesurer le niveau de l’activité : il est nécessaire de déterminer une unité de mesure quantifiable de l’activité réalisée. Cet indicateur doit pouvoir mesurer pertinemment le niveau de l’extrant principal.
– L’ensemble des intrants : il s’agit d’intrants physiques ou informationnelles.
– La liste des caractéristiques de performances : c’est l’ensemble d’indicateurs qui permettent d’évaluer les performances de l’activité réalisée. Il s’agit des indicateurs de coûts, de délai et de qualité.
– Le fait générateur : c’est le phénomène qui déclenche l’activité.

Dans ce sens, une entreprise organisée en activités fait que chacune de ses sections
– fonction ou service – soit divisée en plusieurs activités. Par exemple, la fonction «exploitation » d’une entreprise de remorquage portuaire peut contenir deux activités principales, la préparation et le remorquage. A cet égard, la CA cherche à déterminer les causes de la consommation des ressources par ces deux activités, définies comme un ensemble de tâches complémentaires et coordonnées dont l’objectif est de fournir une prestation identifiée (Bouquin, 2006). Ces causes sont nommées « inducteurs d’activités » qui sont les facteurs qui déclenchent les activités, ils sont responsables de leurs coûts. La CA relie par conséquent tous les éléments qui contribuent aux résultats de l’entreprise, à savoir, les ressources, les activités et les produits/services. C’est « une représentation dont l’entreprise lie ses ressources et les résultats – les performances – qu’elle tente de faire payer aux clients » (Bouquin, 2003, p. 64).

La notion d’inducteur

En comptabilité par activités, le concept « d’inducteur » prend une place importante et mérite un éclaircissement afin d’éviter toute confusion avec « l’unité d’œuvre ». Le mot inducteur est un adjectif qui vient du mot « induction ». Selon le petit Robert, le vocable « induction » est « l’opération mentale qui consiste à remonter des faits à la loi, de cas donnés (propositions inductrices) le plus souvent singuliers ou spéciaux, à une proposition plus générale ». En d’autres mots, c’est une manière de raisonner qui consiste à inférer une chose à une autre, à généraliser à partir de cas singuliers ou encore à aller des effets aux causes. On cherche ce qui cause un effet quelconque. L’inducteur est en conséquence ce qui cause l’effet. D’où les deux concepts couramment utilisés en CA, inducteur d’activité et inducteur de coût.

La fonction de l’inducteur dans la modélisation de la consommation des ressources se joue sur deux niveaux : à court terme et à long terme (Bouquin, 2003). Dans le court terme, l’inducteur est l’évènement qui déclenche – ou qui cause – l’activité consommatrice des ressources, c’est ce qu’on appelle inducteur d’activité. Par exemple, l’activité remorquage dans l’exemple précédent (cf. p. 23), est déclenchée par les commandes clients – entrée et sorties des bateaux – qui est un inducteur d’activité. Dans le long terme, l’inducteur est la loi qui détermine le niveau des coûts à travers l’organisation de l’activité, c’est ce que l’on appelle inducteur de coût. Le coût pour l’activité remorquage peut être influencé par plusieurs éléments tels que la durée du remorquage, la taille du bâtiment remorqué, la qualification des marins, la puissance des remorqueurs et le climat. Cependant, pour permettre d’allouer le coût de l’activité à l’objet de coût, en CA on choisit un seul inducteur – qui peut être composé – considéré comme le plus significatif, dans l’exemple, c’est la durée du remorquage et la taille du bâtiment remorqué. Ainsi, l’identification des inducteurs de coûts permet de regrouper les activités ayant les mêmes causes dans des centres de regroupement. Ceci permet d’identifier les processus et de réunir les coûts sensibles aux mêmes lois (Bouquin, 2003).

La place de la causalité dans les systèmes de CA

En s’appuyant sur le développement précédent, nous constatons que la causalité est la grande affaire de la CA et pour le calcul des coûts et pour la gestion de la performance (Mévellec, 2003). Au sens de la CA, la performance ne se limite pas aux chiffres, mais elle concerne d’une manière plus globale la création de la valeur pour l’ensemble des partenaires de l’entreprise.

Dans la structuration des systèmes de CA, le fonctionnement des ressources et des activités est soumis à des relations de causalité, ces relations se concrétisent dans des inducteurs d’activités et de coûts. Ainsi, la relation directe entre l’objet de coût et la consommation des ressources est abandonnée (Mévellec, 2003), car les ressources sont consommées d’abord par les activités selon une relation de causalité entre les deux. Ceci ouvre bien évidemment une étude très fine des causes de consommation des ressources par les activités (Mévellec, 2003) afin de réaliser l’objectif de la CA qu’est la modélisation de la consommation des ressources.

De ce fait, l’étude de causalité renvoie à relier chaque travail à sa finalité, chaque niveau à un niveau supérieur qui lui donne un sens, afin de tracer la relation entre consommation et finalité poursuivie (Bouquin, 2006). Se faisant, les causes s’enchaînent en créant un réseau d’analyse dans lequel les différentes causes s’articulent. Ceci est vital en comptabilité par activités, il permet d’une part de concevoir les logiques à court terme déclencheurs des activités et de l’autre de comprendre les lois, qui, à long terme déterminent leurs coûts.

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Table des matières

INTRODUCTION GENERALE
PARTIE I – LES LOGIQUES EXPLICATIVES DE LA DIFFUSION DE LA CA : L’INFLUENCE DES FACTEURS CONTEXTUELS
CHAPITRE 1 – LA COMPTABILITE PAR ACTIVITES : FONDEMENTS DE BASE ET IMPLANTATION
Section 1 – La comptabilité par activités, une nouvelle approche de modélisation des flux
Section 2 – L’implantation de la CA
CHAPITRE 2 – LE CADRE DE REFERENCE DE BASE DES TRAVAUX SUR LA DIFFUSION DE LA CA
Section 1 – L’innovation, définition et typologie
Section 2 – La contribution des approches sur la diffusion des innovations à l’étude de diffusion de la CA.
CHAPITRE 3 – L’ADOPTION ET LE SUCCES D’IMPLANTATION DE LA COMPTABILITE PAR ACTIVITES
Section 1 – La diffusion de la CA, vers l’explication du paradoxe de la CA
Section 2 – Une synthèse des travaux sur la diffusion de la CA
Section 3 – L’élaboration des hypothèses et modèles de recherche
PARTIE II – EVALUATION EMPIRIQUE DES MODELES DE DIFFUSION DE LA CA
CHAPITRE 4 – DESCRIPTION DE LA METHODOLOGIE DE RECHERCHE
Section 1 – Les choix épistémologiques et méthodologiques
Section 2 – La collecte des données
Section 3 – Les méthodes de traitement et d’analyse des données
CHAPITRE 5 – LES DETERMINANTS DE L’ADOPTION ET DE SUCCES D’IMPLANTATION DE LA COMPTABILITE PAR ACTIVITES
Section 1 – L’évaluation des retours des questionnaires
Section 2 – Les variables expliquées et explicatives
Section 3 – La vérification des hypothèses et modèles de recherche
CONCLUSION GENERALE
BIBLIOGRAPHIE
ANNEXES

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