La mise en activité de l’enseignant d’EPS

La mise en activité de l’enseignant d’EPS

« Il semblerait que la majorité des personnes dans la vie sociale ordinaire privilégie le texte (l’énoncé verbal) et considère les éléments co-textuels (vocaux et kinésiques) comme accessoires ou complémentaires. Ceci est lié au statut donné à la «verbalité». Or, ces trois aspects fonctionnent en synergie et peuvent être alternativement le support principal de l’information. Toutefois, les aspects verbaux sont plus faciles à étudier, car immédiatement visibles et appréhendables. Ils constituent la partie rationnelle de la communication à l’inverse des voies corporelles dont les processus sont plus inconscients et affectifs » (Cosnier, 2006).

C’est à ces voies corporelles que nous avons accordé notre attention dans cette étude et plus précisément, aux comportements en classe de l’enseignant d’éducation physique et sportive. Dans cette étude, il était entendu par mise en activité de l’enseignant d’EPS, une participation à l’activité motrice des élèves dans les tâches d’apprentissage qui leur sont prescrites. Autrement dit, c’est un engagement physique ou moteur de l’enseignant dans les différentes tâches. Plus précisément cela peut concerner plusieurs temps de la leçon, de l’échauffement à une tâche plus complexe, de la démonstration à une mise en situation avec les élèves. A première vue, cela peut arriver lorsqu’il manque un joueur dans une équipe, pour compléter un binôme, pour aider un élève en particulier, etc.

Il est possible de considérer cet engagement moteur de l’enseignant comme un moyen de communication entre l’enseignant et les élèves. La communication qui consiste en l’action d’établir une relation avec autrui et de transmettre une information, une connaissance ou une émotion, mobilise des processus cognitifs et affectifs, conscients ou inconscients. L’ensemble des communications auraient pour objectif de créer un climat de classe favorable au travail (Epstein, 1989) à travers la mise en place d’une relation pédagogique inscrite dans un contexte institutionnel déterminé, l’école (Hess & Weigand, 1994). Cela renvoie directement aux objectifs professionnels précédemment cités où l’on va chercher à savoir si cet engagement de l’enseignant peut être un levier en termes de relation pédagogique et dans la création d’un climat de classe favorable. En effet, le concept de relation pédagogique implique la confiance entre l’adulte et le jeune (Boizumault, 2013, p.145) ce qui possiblement intéresse les professeurs d’EPS, dans l’optique de construire avec leurs classes dès le début de l’année un climat et une relation pédagogique favorables aux apprentissages.

Boizumault et Cogérino (2012) clarifient les impacts des Communications Non-Verbales (CNV) de l’enseignant sur ses élèves, tant du point de vue didactique que des relations pédagogiques. Pour Corraze (1980, p. 12) cité par Boizumault (2013, p. 31), les communications non verbales sont « l’ensemble des moyens de communication existant entre des individus n’usant pas du langage humain ou de ses dérivés non sonores (écrits, langage des sourds muets, etc.) ». Autrement dit, « Ces CNV désignent tout mode de communication n’ayant aucun recours au verbe, consciemment ou non. Il s’agit des silences, gestes, postures, tensions du corps, mouvements, expressions faciales, regard, sourire, ton de la voix, rythme de l’élocution, vêtements, proxémie, etc., qui complètent le message verbal » (Boizumault, 2013) Ainsi, la Communication Non Verbale désigne les échanges qui s’effectuent par l’absence de la partie proprement linguistique entre des individus. De plus, Bateson, Birdwhistell, Goffman, Hall, Scheflen & Watzlawick cités par Boizumault (2013, p.31) ont mis en avant que la communication interindividuelle (« interaction ») constitue pour les recherches en sciences humaines un élément déterminant. Bien que cet article ne se soit pas appuyé sur l’engagement physique de l’enseignant dans la pratique des élèves mais sur les CNV que le professeur d’éducation physique et sportive entretient avec ces derniers, il a tout de même été question de la place du corps de l’enseignant dans la classe, ce à quoi indirectement nous nous intéressons. Bonaiuto (2007) cité par Boizumault (2013, p.32), propose une classification des CNV en se basant sur les travaux d’Ekman et Friesen (1969) et de Argyle (1972). Dans ces catégories, apparaissent : 1) l’aspect extérieur – morphologie, silhouette, vêtements ; 2) Le comportement spatial ; 3) Le comportement cinétique 4) Le visage – regard et contact visuel, expression du visage ; 5) les signes vocaux verbaux dotés de signification paraverbale, signes vocaux non-verbaux, silences. Au vue de notre recherche, ce sont principalement la seconde et la troisième catégorie auxquelles nous porteront un intérêt particulier. La seconde catégorie concerne le comportement spatial – distance interpersonnelle, contact corporel, orientation dans l’espace, parfum. La troisième catégorie se construit autour du comportement cinétique – mouvements du tronc et des jambes, gestes des mains, mouvements de la tête. Pour nous, il semble envisageable d’inscrire la participation de l’enseignant à l’activité motrice des élèves en marge de ces CNV. En effet, l’engagement physique du professeur d’EPS ne correspond pas dans sa totalité aux catégories définies précédemment mais prend en compte certains de leurs aspects. Cet engagement peut intégrer du contact corporel, des comportements spatiaux, des orientations différentes dans l’espace mais également des comportements cinétiques de l’enseignant d’EPS.

Les travaux de Boizumault et Cogérino (2012) ont montré d’une part que “l’enseignant, par ses CNV, module pourtant la motivation et l’implication des élèves dans l’activité (Christophel, 1990 ; Harris & Rosenthal, 2005) ce qui impacte aussi leur apprentissage (Forest, 2008)”. En effet, il n’y a pas d’apprentissages sans motivation, sans envie. C’est pourquoi « le professeur donne constamment de sa personne « physique » pour capter l’attention des élèves, plus même pour les séduire et les fasciner » (Pujade-Renaud, 1984 p.58). De plus, “parmi les facteurs qui influencent le sentiment de bien-être chez les élèves, la nature et la qualité des relations avec leurs enseignants (enseignants attentifs, justes et qui les prennent en considération) est le facteur le plus influent (Meuret & Marivain, 1997)”. D’autre part, Boizumault (2012) s’est appuyée sur le Concept d’immediacy » (Anderson 1979, Merhabian 1971) qui est un champ des sciences de l’éducation réalisant des travaux portant sur les comportements de proximité de l’enseignant avec les élèves. Ce concept d’immediacy émet l’idée que « la proximité favorise les liens. Dès que l’enseignant s’approche de l’élève, celui-ci devient plus attentif, vigilant et exécute les exercices attendus beaucoup plus sérieusement. Un élève dont l’attention est portée sur lui s’investira davantage en classe ». C’est pourquoi un des enjeux principaux de cette recherche est de savoir si l’engagement physiquement de l’enseignant dans l’activité des élèves permet également à l’élève de s’investir, d’être d’avantage motivé dans les tâches d’apprentissages pour tendre vers la réussite des élèves dans les apprentissages.

Théâtralisation de l’activité des enseignants

« Le contexte d’enseignement de l’Education physique et sportive est particulier puisque les lieux d’enseignement sont multiples et les espaces d’évolution variés (piscine, gymnase, stades, etc.). Cette gestion des espaces, des élèves et des apprentissages implique que les enseignants utilisent leur corps pour transmettre différentes informations » (Boizumault, 2013). Nous entendons par le terme théâtralisation le fait d’assimiler le cours à une pièce de théâtre dans laquelle l’enseignant jouerait un rôle. Autrement dit, nous nous intéressons à sa façon de communiquer avec ses élèves, d’amplifier ses réactions, ses émotions au service de la gestion de classe et de la réussite des élèves. Pujade-Renaud (1983) qualifie de « théâtralisation pédagogique », le corps de l’enseignant « mis en scène » avec tout ce qu’il implique de gestuelle, de paroles, de regards. Lorsque l’enseignant partage l’activité des élèves dans une tâche motrice, il s’opère une certaine théâtralisation de ses mouvements et de ses réactions, une capacité de mise en scène. Plus précisément, on peut les voir amplifier certains gestes, adapter leur motricité à celle de certains élèves en difficulté, exagérer certaines émotions dans le but de créer un effet. « L’attitude du maître comédien est à la fois inévitable et souhaitable » (Hannoun, 1989). En se basant sur des travaux réalisés à l’école primaire (Moulin, 2004), cette mise en scène pourrait être en éducation physique et sportive une condition sine qua non de l’efficacité de l’enseignant, tant dans la gestion de classe, dans la relation aux élèves que pour les apprentissages de ces derniers (Boizumault, 2013). Autrement dit, cette mise en scène de l’enseignant serait un facteur pédagogique à prendre en compte. Dans cette étude de cas, il va s’agir d’analyser cette question à partir de la perception des enseignants et des élèves à partir d’enregistrements en situation.

L’activité d’enseignement, est régulièrement comparée à celle d’un comédien évoluant sur scène (Runtz-Christian, 2000). « En effet, il suffit d’évoquer les acteurs, l’entrée en scène, le besoin de tenir son public ou de produire un effet sur lui, pour décrire ce qui se passe dans une classe. » (Visioli, 2011). Cela nous semble particulièrement intéressant à traiter de façon à coupler cette théâtralisation avec la notion d’engagement moteur de l’enseignant. Dans leur recherche, les résultats montrent que les enseignants ont développé une capacité à rendre significatif par leur comportement leurs propres intentions d’action pour les élèves : c’est entre autres par des postures, gestes, placements et déplacements qu’ils donnent à voir et à comprendre ce qu’ils attendent des élèves (Visioli, 2011). De plus ces enseignants mobilisent la dimension expressive de leurs gestes professionnels afin d’exploiter une large palette d’émotions et d’obtenir des effets variés sur les élèves : réprimer, inhiber, atténuer les émotions des élèves, faire diversion, mais aussi imprimer une tonalité, établir une ambiance qui soit à la fois studieuse et détendue. Est-ce que la partage de l’activité motrice des élèves ne pourrait pas participer à créer des effets variés sur l’activité des élèves ?

Les postures professionnelles des enseignants d’EPS

Dans cette étude, nous voulions tenter d’établir des profils d’enseignants en fonction de ce qui les caractérisait dans leur manière d’intervenir physiquement dans l’activité des élèves et de théâtraliser leur enseignement. Notre objectif était d’identifier différents profils d’enseignant pour pouvoir confronter la perception qu’ils avaient de leur manière d’enseigner avec celle des élèves.

Delignières (2016) distingue trois postures professionnelles de l’enseignant d’EPS : le scientifique, le didacticien, le coach. Pour lui, l’enseignant scientifique est celui qui « se trouve face à un objet (le corps de l’élève) qu’il doit régénérer, développer ou renforcer […] Il est important de noter que dans ce cadre l’élève n’apprend rien qu’il ne possède déjà. Il développe ce qu’il est, ses « ressources », son adaptabilité, son « intelligence motrice»». Autrement dit, l’enseignant qui adopte cette posture s’appuie sur des savoirs scientifiques pour développer le corps et la motricité de l’élève. La posture de didacticien ne se centre plus « sur l’élève, mais sur l’élève apprenant, donc sur les rapports de l’élève au savoir. Il est important de noter que l’on ne peut parler de didactique qu’à partir du moment où un savoir extérieur à l’élève a été clairement identifié ». Ce qui va caractériser l’enseignant adoptant cette posture, c’est sa capacité à transposer des « savoirs savants » en savoirs scolaires qui sont accessibles à l’élève. « Enfin, ce qui est visé par le professeur « coach », c’est que « l’élève construise une capacité à agir dans des situations complexes, incertaines, collectives, chargées de sens et d’enjeu […] Clairement dans ce nouveau cadre l’enseignant n’apparaît plus comme le dépositaire d’un savoir identifié qu’il va transmettre à l’élève. L’élève va devoir construire une capacité singulière, à gérer des situations complexes et incertaines. Il me semble que dans cette optique, l’enseignant a surtout un rôle d’accompagnateur, de guide, de compagnonnage, d’assistance, de conseil ou pour reprendre un terme plus actuel, de « coach » » (Delignières, 2016). Autrement dit, un enseignant adoptant cette posture est caractérisé par la volonté que l’élève ne soit pas seulement en action mais qu’il soit acteur dans les tâches d’apprentissage. Un des enjeux est qu’il construise lui mêmes les réponses aux problèmes posés pour s’approprier les savoirs correspondants. « Les évolutions récentes des finalités de l’Ecole tendent à orienter les missions de l’enseignant dans ce sens ».

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Table des matières

1. Introduction
1.1. Question de départ et motifs
1.2. Enjeux professionnels
2. Question de recherche
3. Revue de littérature et cadre théorique
3.1. La mise en activité de l’enseignant d’EPS
3.2. Théâtralisation de l’activité des enseignants
3.3. Les postures professionnelles des enseignants d’EPS
4. Méthode
4.1. Recueil des matériaux
4.1.1. Présentation et contexte
4.1.2. Autorisations préalables
4.1.3. Participants
4.1.4. Enregistrements des comportements et des communications en situation
4.1.5. Les focus groups
4.1.6. Les entretiens d’auto-confrontation
4.2. Traitement des données
4.2.1. Transcription des focus groups
4.2.2. Catégorisation des commentaires pour les focus groups
4.2.3. Transcription des entretiens d’auto-confrontation
4.2.4. Catégorisation des commentaires pour les entretiens d’auto-confrontation
5. Résultats
5.1. Intervention de l’enseignante (Mme Gautier) et perception des élèves
5.1.1. L’intervention du point de vue de l’enseignante
5.1.1.1. Etre directive dans sa communication avec les élèves pour fixer un cadre
5.1.1.2. Démonstration en situation nouvelle : compréhension et résultat immédiat
5.1.1.3. Pendant la mise en activité : analyser et intervenir pour réguler les élèves en difficulté
5.1.1.4. Synthèse
5.1.2. Perception des élèves de 5ème de l’intervention de l’enseignante
5.1.2.1 Perception des élèves filles
5.1.2.1.1 Démonstration nécessaire en situation nouvelle : meilleure compréhension des consignes
5.1.2.1.2. Des régulations jugées importantes et nécessaires, un engagement physique de l’enseignante jugé trop faible
5.1.2.1.3. Synthèse
5.1.2.2. Perception des élèves garçons
5.1.2.2.1. Une enseignante jugée sévère : préférence pour un enseignant jugé moins sévère
5.1.2.2.2. Démonstration nécessaire en situation nouvelle : meilleure compréhension des consignes
5.1.2.2.3. Ils apprécient le fait qu’elle vienne les réguler mais ils estiment qu’elle le fait trop peu ou alors que les régulations sont peu efficaces voir même démoralisantes. Ils aimeraient qu’elle s’engage davantage physiquement dans l’activité des élèves pour les réguler
5.1.2.2.4. Synthèse
5.2. Intervention de l’enseignant (M. Rousseau) et perception des élèves
5.2.1 L’intervention du point de vue de l’enseignant
5.2.1.1 Théâtraliser son corps et sa communication, utiliser la plaisanterie et les métaphores comme ruses pédagogiques : organiser la classe, mettre en place un climat de classe favorable
5.2.1.2. Se mettre devant les élèves et pratiquer en même temps pour engendrer du sérieux dans la quantité et la qualité de travail. Réduire son engagement physique pour amener les élèves à s’autogérer
5.2.1.3. Pour réguler les élèves en difficulté, les reprendre et leur montrer en même temps ce qu’il faut faire. Ne pas hésiter à les encourager et à créer une proximité avec l’élève
5.2.1.4. Synthèse
5.2.2. Perception des élèves de 4ème sur l’intervention de l’enseignant
5.2.2.1. Perception des élèves filles
5.2.2.1.1. Elles comparent le professeur à un coach sportif. Elles apprécient beaucoup le fait qu’il pratique avec eux puisque : effets positifs sur la motivation, leur implication et leur compréhension des consignes
5.2.2.1.2. Démonstration nécessaire en situation nouvelle : meilleure compréhension des consignes
5.2.2.1.3. Elles apprécient le fonctionnement du professeur en deux temps : en début de leçon, qu’il s’engage physiquement dans l’activité des élèves et leur montre ce qu’il faut faire puis ensuite arrête de pratiquer pour qu’ils développent leur autonomie, les observe et régule les élèves en difficulté
5.2.2.1.4. Un enseignant ou une enseignante ne change rien : c’est le fonctionnement qui diffère
5.2.2.1.5. Synthèse
5.2.2.2. Perception des élèves garçons
5.2.2.2.1. Les élèves apprécient le cours du professeur puisqu’il s’investit beaucoup. Pour eux, l’investissement d’un enseignant est corrélé à sa motivation d’enseigner. De même, l’implication de l’enseignant impacte celle des élèves en classe
5.2.2.2.2. Ils apprécient que l’enseignant pratique devant eux pour les guider et prendre un repère en cas de difficultés. Ils disent apprendre plus rapidement, que cela les motive et les implique davantage
5.2.2.2.3. Ils apprécient le fonctionnement du professeur en deux temps : en début de leçon, qu’il s’engage physiquement dans l’activité des élèves et leur montre ce qu’il faut faire puis ensuite arrête de pratiquer, les observe et régule les élèves en difficulté pour qu’ils développent leur autonomie
5.2.2.2.4 Ils estiment qu’un enseignant ou une enseignante ça ne change rien
5.2.2.2.5. Synthèse
6. Discussion
6.1. Les croyances des élèves : quelques modes de fonctionnement pour être un enseignant efficace
6.1.1. Lien entre engagement physique de l’enseignant et engagement des élèves
6.1.2. Impact de l’engagement physique de l’enseignant sur la construction de connaissances chez les élèves
6.1.3. L’engagement physique de l’enseignant au service du climat de classe
6.2. Perspectives et limites méthodologiques
6.2.1. Perspectives de formation
6.2.2. Limites de cette étude
7. Conclusion
Table des matières
Bibliographie
Annexes

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