La migration
Par rapport à la population mondiale, la vague de migrants n’a pas augmenté entre 1980 et 2000 (Milanovic 2016 : 178). Cependant d’autres chercheurs prétendent le contraire avec le flux migratoire. Selon Milanovic, les chercheurs croient qu’elle a augmenté juste parce que les pays européens en majorité sont maintenant devenus contre la migration. L’augmentation de la migration est également due aux avantages éducatifs qui ont favorisé les différences de revenus entre les gens de différentes parties du monde. En même temps, l’Europe a du mal à accueillir tous les réfugiés venant des pays pauvres (Milanovic 2016 : 178). Les États européens Les États européens sont obligés de recevoir ces migrants à cause des facteurs suivants : premièrement, les gens ont le droit de quitter leur pays. Deuxièmement, les facteurs de la globalisation (technique, production, commerce, etc..) favorisent aussi les vagues de migrants, tout en limitant la mobilité du travail (Milanovic 2016 : 182). Dans notre contexte, il s’agit d’une vague d’immigrants sénégalaise vers l’Espagne. Ces vagues d’immigrants clandestins ne comportent que des jeunes hommes prêts à conquérir une vie meilleure.
Le voyage clandestin – les risques d’atteindre l’eldorado
La différence économique et la pauvreté font que Daba et Coumba considèrent la demande en mariage d’un émigrant comme une grâce : « À qui confier cela quand de nombreuses demoiselles prennent la demande en mariage d’un émigrant pour une bénédiction et que la plupart des mères désirent ardemment voir leurs propres fils partir vers l’Europe » (Diome 2013 : 10 [sic] ). Les ressortissants de l’île Niodior qui naguère vécurent en Europe étaient des gens respectées. L’Europe est synonyme de respect et de réussite. Arame dans sa prière nous explique que le fait de laisser partir un membre de la famille vers l’Europe, c’est tout un acte de charité qui est en œuvre « Seigneur, veille sur mon petit ; qu’il gagne de l’argent et qu’il me revienne, j’espère qu’il me reviendra, j’espère qu’il n’en sera pas autrement » (Diome 2013 : 40). Arame est très consciente qu’un changement dans l’attitude de son fils n’est pas impossible, mais elle préfère espérer le meilleur. La chose la plus importante pour Arame est que Lamine réussit économiquement. L’Europe est le seul endroit où il peut réussir. Arame souhaite retrouver le même Lamine avec les mêmes normes et valeurs. Le voyage clandestin implique que les migrants mettent souvent leur destin entre les mains des inconnus qui les rassurent de migrer vers l’Europe. En dehors du voyage risqué, ces voyageurs font face à divergentes situations dangereuses et même aux trafics inhumains (Dahmann 2011). Diome mentionne dans son roman que l’initiative du voyage clandestin découle parfois de la mauvaise influence et pas même de l’objectif des jeunes clandestins. Bougna incite Arame à encourager les fils Lamine et Issa de partir en Europe : « -Oui, nos fils, Issa et Lamine ; eux aussi pourraient partir en Europe. Mais, comment pourraient-ils partir ? fit Arame. Les enfants de ta coépouse, eux, partent grâce aux bourses qu’ils ont obtenues. » (Diome 2013 : 58). L’idée du voyage en Europe vient de Bougna qui dispose d’informations suffisantes. Pour Bougna, l’Europe est l’unique manière de concurrencer sa coépouse jeune coépouse qui se vante de la réussite de ses enfants (Diome 2013 : 51). Arame se montre effrayée et méditative sur le projet du voyage clandestin. Compte tenu de la situation économique de sa maison, elle n’a pas d’autre issue. Elle a besoin du soutien financier de Lamine, alors elle montre de l’intérêt en demandant à Bougna : « -Oui, les pirogues, me disais-tu, mais comment s’organise tout ça ? interrogea-t-elle. » (Diome 2013 : 59). Bougna dans ses recherches, apprend que leurs fils peuvent s’en servir d’une pirogue pour aller en Europe. Selon les médisances, plusieurs jeunes clandestins prennent ce chemin (Diome 2013 : 61). Les frais de voyage sont trop élevés pour ces mères. Arame se demande : « -Mais où trouver tout cet argent ? » (Diome 2013 : 62). Pour les mères (Bougna et Coumba), la perspective que leurs fils partent et arrivent est déjà suffisante. C’est ainsi que Karl Mogenfelt constate : « Le simple fait que les jeunes avaient accosté sur la côte espagnole signifiait, pour beaucoup, les prémisses d’une réussite certaine » (Mogenfelt 2017 : 8). Face aux voyages de leurs fils elles sont prêtent à tout vendre et même à s’endetter pourvu que la chance soit de leur côté ; Juste que leurs fils Lamine et Issa réussissent à immigrer en Europe. Diome démontre les risques encourus pour atteindre l’eldorado tant espéré et l’exploitation dont sont victimes les éventuels candidats à l’immigration. Bougna se préoccupe de la santé d’Arame : « voyant les yeux rougis de son amie, tu pleures encore à cause de cette terrible histoire de pirogue perdue ? » (Diome 2013 : 154). Pendant le voyage clandestin, les parents s’impatientent de savoir si leurs fils sont encore en vie. Ils passent des jours et des mois sans nouvelles : « Les enfants sont arrivés. Oui je vois bien, ils sont tous là. Non, en Espagne, ils sont arrivés en Espagne et ils ont téléphoné, quelqu’un est venu me le dire tout à l’heure. » (Diome 2013 : 156). L’arrivée des enfants en Europe en bonne condition est un nouveau chapitre de vie qui débute pour ces parents désespérés. Les mères et les épouses des clandestins osent croire et rêver à nouveau.
Celles qui attendent – le destin féminin
En dehors du mouvement migrant, il existe aussi un groupe de femmes qui attendent et espèrent. Clairement, les mères et leurs belles-filles attendent patiemment le retour de leurs fils ou fiancés. Arame qui a déjà perdu un fils avant semble être solitaire (Diome 2013 : 15) : « Je suis devenue une mère de l’absence (Diome 2013 : 129) ». Arame à l’impression d’être sans enfant. Dans son chagrin, elle prie pour la réussite et le retour de Lamine. Lamine est tout ce qui lui reste. « Arame était certaine que l’amélioration de ses conditions de vie et la paix de son ménage dépendent de l’avenir de son fils. » (Diome 2013 : 59). Elle le considère comme sa motivation de vie. Elle est restée avec son mari grâce à lui. Maintenant qu’il est parti, la vie semble n’avoir aucun sens. Cette période d’attente est remplie de surprises. Coumba découvre qu’elle a une coépouse (Diome 2013 : 233). Lors d’une visite au village, Issa est accompagné de son épouse espagnole. Coumba n’ayant aucun choix prend soin de sa coépouse, ses enfants et Issa. Beauvoir invite les femmes de toutes couleurs à être solidaires entre elles (Beauvoir 1986 : 21). Mogenfelt affirme que « C’est parce que le mariage avec l’Européenne représente pour Issa une source d’argent, un accès à l’autre continent puissant, qu’il a abandonné Coumba. Il s’agit donc d’une Europe qui prend ce qu’elle veut à l’Afrique, parce qu’elle le peut. » (Mogenfelt 2017 : 13). Sa coépouse espagnole ne comprend pas bien la situation de Coumba quand elle annonce : « La polygamie n’est pas si terrible que ça ! » (Diome 2013 : 235). Elle reste juste quelques jours en Afrique et doit partager son époux quelques heures, tandis que Coumba est presque tout le temps seule. Cette énonciation est par conséquent purement ironique. C’est ainsi que Diome dénonce les effets de la polygamie.
Les effets de la migration
Le changement d’économie s’est premièrement effectué dans le ménage de Bougna. Son mari, étant retraité, n’assure plus l’économie familiale. Au fil des années la situation a changé. Bougna ne compte désormais que sur son fils Issa pour améliorer son sort (Diome 2013 : 45 – 52). La situation économique d’Ansou s’est améliorée avec son nouveau travail, il a un statut social respecté dans le village (Diome 2013 : 213), « Les jeunes restés au village, portés par une liberté qu’on ne sent que chez soi, travaillaient vaillamment et contribuaient à l’essor du pays » (Diome 2013 : 214). Les mères des clandestins regrettent d’avoir encouragé leur fils à partir si loin d’eux. Dans l’île Niodior la migration a facilité l’emploi. Un autre changement économique se produit dans le sens où Lamine et Issa envoient de l’argent à leurs parents et fiancées. Certes, les protagonistes reçoivent de l’aide financière, Bougna et sa belle fille Coumba demeurent dépendantent du fils de la jeune coépouse de Bougna, étant donné que l’aide d’Issa ne subsiste pas à leur besoin quotidien (Diome 2013 : 212). C’est ainsi que Beauvoir déclare dans le Deuxième sexe 1 (Beauvoir 1986), que la femme envisage de rester dans son ménage malgré les souffrances : On voit que dans sa lutte contre son mari elle n’a jamais envisagé de le quitter. C’est tout un art d’« attraper son mari » : c’est un métier de le « retenir », l’enjeu est le plus sérieux qui soit : la sécurité matérielle et morale, un foyer à soi, la dignité d’épouse, un succédané plus ou moins réussi de l’amour, du bonheur. (Beauvoir 1986 : 300 – 301 [sic] ). Sans moyens économiques, Coumba et Bougna n’ont pas de pouvoir. Issa manipule Coumba en lui disant, qu’il est avec sa seconde épouse espagnole par intérêt d’argent. Face aux paroles trompeuses, Coumba passe des nuits avec lui pendant sa visite au village. Coumba se retrouve à nouveau enceinte : « Elle pleure parce que, cette fois encore, elle n’aurait personne pour masser ses jambes lourdes ou déchiffrer avec elle toutes les devinettes que la vie lui adresserait, en grandissant en son sein » (Diome 2013 : 239). Issa avant de rentrer accumule des soucis qui est une seconde charge pour Coumba. Consciente d’avoir tout perdu, elle se replie dans son foyer pour l’avenir de ses enfants (Diome 2013 : 239). Lamine par contre fait preuve d’amour et de bonté en pardonnant à Daba et en acceptant sa fille comme la sienne. Lamine l’a prise pour épouse et décide de rester au pays (Diome 2013 : 273). Daba se sent privilégiée de l’avoir comme époux et avec Lamine son économie est assure. D’une part, nous avons Bougna, qui serait partie de son foyer, si elle en avait les moyens économiques. Son fils Issa ne s’occupe pas assez d’elle. Il l’appelle très rarement au téléphone. N’ayant aucun choix, elle est obligée d’assumer son destin. Bougna regrette d’avoir poussé son fils vers l’Europe, « En regardant Ansou et son groupe de copains évoluer, améliorant petit à petit leur vie et celle des leurs, Arame et Bougna finissaient par trouver alléchant ce qu’elles avaient dédaigné pour leurs fils. » ( Diome 2013 : 214). D’autre part, Coumba ayant arrêté ses études en classe de troisième, ne compte que sur son époux (Diome 2013 : 233). Diome critique aussi le fait que la tradition exhorte les belles filles à être dociles envers leurs belles mères et que ces dernières sont obligées de prendre soin de leurs belles-filles. Bougna ne veut plus prendre en charge Coumba : « Nos belles-filles ne doivent pas tout attendre de nous, qu’elles se prennent en main » (Diome 2013 : 182). Coumba voyant la situation s’empirer, finit par se trouver un petit travail, où elle faisait la lessive (Diome 2013 : 184). Diome met en évidence aussi la bravoure des femmes de cette île. « Portée par la douceur de l’amour et la persévérance qu’exige le devoir ; Arame et Bougna travaillaient sans relâche et veillaient sur leur grande famille 18(20) comme si de rien n’était. » ( Diome 2013 : 14). Elles sont seules, pour la plupart du temps, à ramener de quoi vivre au foyer. Arame et Bougna pour subvenir au besoin quotidien, ont des dettes chez le boutiquier du quartier, comme qui dirait vivent à crédit. Elles n’ont aucun soutien de leurs maris retraités (Diome 2013 : 17 ; 22). Tantôt, Bougna se fait entretenir par les enfants de sa jeune coépouse. Arame de sa part une bonne relation avec sa belle-fille Daba, donc elle prend très bien soin d’elle avec le peu qu’elle a. En dehors de son époux Koromâk, Arame s’occupe aussi des enfants de son fils décédé. Tantôt, Bougna et Arame partent chercher des fruits de mer pour les vendre. Elles se nourrissent de ce petit commerce (Diome 2013 : 55). En effet, Beauvoir constate dans un autre contexte que : C’est précisément l’enfant qui selon la tradition doit assurer la femme une autonomie concrète qui la dispense de se vouer à aucune autre fin. Si en tant qu’épouse elle n’est pas un individu complet, elle le devient en tant que mère : l’enfant est sa joie et sa justification. (Beauvoir 2003 : 325). Selon la tradition, le fils a le devoir d’entretenir ses parents et de leur apporter un soutien financier à un certain âge. Cela implique que la femme n’est jamais perdante dans un ménage, si elle a enfanté. Les femmes dans le roman s’exhortent en se disant que le mariage en soi n’est pas une carrière, en particulier Arame : « Plus tard, mes enfants veilleront sur mes vieux jours. » (Diome 2013 : 17). Les enfants sont censés soutenir le vieillissement de leurs parents.
La jeunesse
Pour dissimuler les facteurs derrière l’immigration clandestine, Diome indique dans son ouvrage que l’avenir des jeunes dépend du statut social des parents. Les jeunes hommes ainsi que les jeunes femmes dont les parents peuvent financer l’éducation ont un avenir assuré. Diome se charge dans son écriture de nous donner l’image réelle des situations économiques que traversent les jeunes hommes de l’île. Ces jeunes sont prêts à perdre leur vie s’il le faut, lorsqu’ils s’engagent vers l’Europe dans de mauvaise conditions. Lamine et Issa sont des jeunes débrouillards. Avant d’aller en Europe, ils ont travaillé au port pour aider les leurs (Diome, 2013 : 66) : « La pêche, ils n’y allaient plus avec le sentiment de perdre leur temps, mais avec la joie de contribuer à réunir, petit à petit, la cagnotte qui paierait leur traversée. » (Diome 2013 : 68). Entre temps, la pêche ne marche plus comme autrefois. Sans avoir fait de longues études, ils comprennent qu’il faut se rendre en Europe pour changer leur situation. Bien que ce soit un voyage en bateau (de survie et de mort) et malgré le fait que leurs connaissances sur la vie d’un immigrant sont limitées, ils se sont décidés de partir (Diome, 2013 : 68). Diome rajoute que nombreux périssent par ignorance : « Et les jeunes Africains, poussés par leur détresse et l’inaptitude des gouvernements censés leur tracer un avenir ; affluent, inconscients ce qui les attend et résignés à leur nouveau statut de cheptel de l’Occident. » (Diome 2013 : 210). Pendant le voyage, ils ne sont pas certains d’arriver à destination et quand ils arrivent, ils se trouvent dans une situation tragique. C’est un voyage secret vers l’inconnu dans l’espoir de trouver un meilleur avenir. (Diome 2013 : 72).
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Table des matières
1 Introduction
1.1 But
1.2 Études antérieures
2 Approche théorique et méthodique
2.1 Le réalisme
2.2 La migration
2.3 La méthode
3 L’analyse du livre
3.1 Les traditions et la condition des femmes
3.2 Le voyage clandestin – les risques d’atteindre l’eldorado
3.3 La vie illégale
3.4 Celles qui attendent – le destin féminin
3.5 Les effets de la migration
3.6 La jeunesse
4 Conclusion
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