La microscopie électrochimique à balayage (SECM)

La microscopie électrochimique à balayage (SECM) 

La microscopie électrochimique à balayage, SECM pour «Scanning Electrochemical Microscopy », est une technique de microscopie à sonde locale (SPM) comme les microscopies à force atomique et à effet tunnel. Deux principales études sont à l’origine de cette technique qui remonte à la fin des années 80. La première, parue en 1986, est celle d’Engstrom et al. [1] qui sont parvenus à approcher une ultramicroélectrode de 10 µm de diamètre d’une microélectrode classique de 1 mm de diamètre à une distance de 5 µm. Ainsi, ils ont pu sonder des réponses ampérométriques dans la couche de diffusion de la microélectrode millimétrique. Parallèlement, la même année, Bard et al. [2] ont développé une technique similaire afin d’étudier la réponse électrochimique d’un couple rédox réversible. Ce n’est qu’en 1989 que Bard [3, 4] propose la dénomination de Scanning Electrochemical Microscopy (SECM) en publiant plusieurs travaux décrivant la technique et sa théorie. Depuis, le nombre de travaux mettant en œuvre cette technique ne cesse d’augmenter et un ouvrage de référence [5] et plusieurs revues [6-8] et chapitres de livres [9-13] lui sont consacrés. Pendant les dix dernières années, la recherche a été en partie consacrée à améliorer la résolution globale de la SECM pour, d’une part, examiner des phénomènes de surface à une échelle nanométrique (sur des cellules vivantes ou à travers différentes interfaces) et d’autre part, micro-fonctionnaliser différentes surfaces.

Principe

le principe de fonctionnement [5] du SECM consiste à approcher une ultramicroélectrode (UME) [14] d’une surface, dite substrat, l’ensemble étant immergé dans une solution contenant une espèce rédox (couple Red/Ox) responsable d’un courant faradique. La présence de ce substrat perturbe la réponse électrochimique à la sonde, fournissant ainsi des informations sur la nature et les propriétés du substrat.

Le dispositif de microscopie électrochimique est schématisé sur la figure 1. Il est constitué de :
– un système à 2 ou 3 électrodes : une électrode de travail (UME), une contre-électrode et éventuellement une électrode de référence.
– un système de positionnement (platines micrométriques motorisées symbolisées par les flèches sur le schéma) permettant le déplacement relatif de la microélectrode par rapport au substrat dans les trois directions de l’espace.
– un potentiostat ou bipotentiostat afin de contrôler ou mesurer le potentiel et le courant à la sonde et/ou au substrat. Les sondes locales du SECM étant constituées d’UME, nous allons en présenter les principales caractéristiques.

Les ultramicroélectrodes

Inventées par Christian Amatore et Mark Wightman au cours des années 70-80 [14, 15] , les microélectrodes appelées aussi ultramicroélectrodes (UME) continuent à être développées et optimisées [9, 16-28]. Leur développement s’associe, entre autres, à celui des techniques de mesure de courants très faibles. On appelle ultramicroélectrode une électrode dont au moins une des dimensions caractéristiques est suffisamment faible (typiquement inférieure à quelques dizaines de micromètres) pour permettre l’établissement d’un régime de diffusion stationnaire à l’électrode. Les UME ont permis d’effectuer des mesures électrochimiques qui se seraient révélées difficiles, voire impossibles, avec des électrodes millimétriques classiques. Leurs faibles dimensions permettent de réaliser des mesures électrochimiques dans des petits volumes (dans une goutte de quelques microlitres ou de dizaines de microlitres [29] ou dans des canaux microfluidiques [30]) ou de sonder des zones localisées [31]. En outre, les UME ont permis de grands progrès dans le domaine de la microbiologie et des microdispositifs médicaux. Elles sont capables de mesurer de très faibles concentrations de molécules dans et hors de la cellule [31, 32]. Des électrodes, d’environ un micron de diamètre ont permis de mettre au point la méthode dite de la « synapse artificielle » [33], qui est utilisée pour quantifier les petites molécules libérées, par exemple, au niveau d’une jonction, ou synapse, entre deux neurones du système nerveux.

Modes de fonctionnement du SECM 

Le microscope électrochimique à balayage (SECM) permet de manipuler une UME afin de caractériser des surfaces par imagerie de zones électroactives ou non [48, 49], et également d’obtenir des informations concernant la nature chimique et électrochimique des espèces liées au substrat en investiguant les réactions se produisant à la surface de l’échantillon [50]. Elle permet aussi la modification au niveau local des échantillons via l’électrodissolution [51] ou l’électrodéposition [52 54]. Ainsi, les progrès dans la miniaturisation et dans la diversification des microélectrodes offrent un champ d’application de plus en plus vaste dans de nombreux domaines tels que la corrosion [55-57], la biologie [58, 59] ou encore la science des matériaux [60, 61].

Ces différentes applications reposent sur différents modes du SECM. Pour tous ces modes, le contrôle de la distance substrat-UME (d), la taille et la forme de la microélectrode est primordial. Les principaux modes du SECM sont :

– le mode régénération ou « feedback» :
C’est le mode le plus utilisé en microscopie électrochimique depuis sa description en 1989 [4] ; il est à l’origine d’un grand nombre d’applications. Il sera étudié en détail dans la partie 4 car c’est le seul mode que nous avons utilisé.

– le mode générateur/collecteur :
Pour ce mode, le substrat et l’UME sont connectés à un bipotentiostat qui enregistre aussi bien la réponse électrochimique à l’UME que celle au substrat. Ce mode existe sous deux formes de fonctionnement: TG/SC (« Tip Generation/Substrate Collection») et SG/TC (« Substrate Generation/Tip Collection »). Dans le premier cas, l’UME génère des espèces redox qui diffusent vers le substrat où elles sont collectées et/ou détectées. Généralement, les dimensions du substrat sont beaucoup plus grandes que celles de la sonde, de façon à ce que l’efficacité de la collecte (rapport entre le courant au substrat et le courant à la sonde) soit proche de 1 en l’absence de réaction chimique couplée au transfert de charge. Si l’espèce produite réagit dans la zone entre la sonde et le substrat, le rapport des deux courants diminue quand la distance substrat-UME, d, devient plus faible. Sa variation en fonction de la distance entre la sonde et le substrat permet ainsi de déterminer la constante de vitesse de la réaction homogène. Ce mode a été utilisé par A.J. Bard et al. pour déterminer les constantes de vitesse de la réduction irréversible de l’oxygène sur platine en milieu acide [62] et plus récemment par LeSuer et al. pour étudier la cinétique du transfert électronique de l’oxydation du di-tert-butyl nitroxyde dans l’acétonitrile [63]. Pour le mode SG/TC, les rôles des deux électrodes sont inversés : le substrat joue le rôle de générateur d’espèces électroactives et l’UME celui de collecteur de ce qui est généré au substrat. L’UME peut être une sonde ampérométrique pour cartographier, par exemple, les sites électroactifs d’une surface (étude d’une corrosion localisée [56]). L’UME peut être aussi une sonde potentiométrique qui permet l’étude de profils de concentration d’une espèce cible déterminant le potentiel (à la manière d’une macro-pipette).

– le mode pénétration :
Comme le nom l’indique, une UME fonctionnant sous ce mode pénètre dans une microstructure de matière molle, par exemple un film mince de polymère contenant une espèce rédox (comme des cellules biologiques ou des liposomes). Ainsi, tout au long de son trajet, l’UME collecte des informations sur la variation de la réponse électrochimique. Ceci permet de tracer des profils de concentration, de cinétique et de paramètres de transport de matière à l’intérieur du film, de réactivité chimique en fonction de l’épaisseur ou de la profondeur.

– le mode direct :
Le mode direct de la SECM consiste à approcher une UME jouant le rôle de contre électrode d’un substrat conducteur opérant en tant qu’électrode de travail. Utiliser une contre électrode de taille réduite permet de localiser et focaliser les lignes de champ électrique entre l’UME et le substrat. Ceci implique de minimiser la distance UME/substrat et de choisir une UME de petite dimension si l’on souhaite créer des motifs microstructurés avec la meilleure résolution possible. La réaction électrochimique est alors focalisée sur un domaine micro- voire nanométrique. La durée de la réaction est également un paramètre très important à contrôler pour obtenir une bonne résolution et éviter l’expansion latérale de la modification. Ce mode, réservé aux échantillons conducteurs, est utilisé pour fonctionnaliser des surfaces par électrogreffage localisé ou par modification locale de la surface comme c’est décrit plus loin.

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Table des matières

Introduction générale
Chapitre 1 : Etudes bibliographiques
I. La microscopie électrochimique à balayage (SECM)
I.1. Principe
I.2. Les ultramicroélectrodes
I.3. Modes de fonctionnement du SECM
I.4. Fonctionnement du SECM en mode régénération ou « feedback »
I.4.1. Principe
I.4.2. Théorie
I.4.3. Importance du rayon adimensionnel RG
I.4.4. Cinétique hétérogène irréversible au substrat
I.4.5. Cinétique de réactions homogènes
I.5. Fonctionnalisation de surfaces par SECM
I.5.1. Génération localisée de réactifs à l’UME
I.5.2. Couplage de réactions homogènes et hétérogènes
I.5.3. Mode direct
I.6. La SECM : un bon outil de micro-fabrication de surfaces ?
II. Fonctionnalisation de surface du polystyrène par oxydation
II.1. Présentation
II.2.Traitement par plasma
II.2.1. Principe
II.2.2. Effets du traitement de surface par plasma
II.2.3. Oxydation de la surface du polystyrène par plasma
II.3. Photo-oxydation
II.4. Autres traitements d’irradiation
II.5.Impression
II.6.Traitement chimique par O¯ solvaté
II.7.Traitements électrochimiques
II.8.Comparaison des traitements de surface de polystyrène
III.Fonctionnalisation de surface de monocouches auto-assemblées fluorées par réduction
III.1. Présentation
III.2. Electrons solvatés
III.3. Solution de radicaux anions
III.4. Traitements par plasma
III.5. Autres traitements d’irradiation
Références bibliographiques
Chapitre 2 : Fonctionnalisation localisée de couches auto-assemblées fluorées destinées à immobiliser sélectivement des entités chimiques ou biologiques
1. Introduction
2. Article
3. Supporting information
4. Analyse
Chapitre 3 : Fonctionnalisation localisée de surfaces de polymères hydrogénés destinées à immobiliser sélectivement des entités biologiques
1. Introduction
2. Article
3. Supporting information
4. Analyse
Chapitre 4 : Oxydation localisée du polystyrène par microscopie électrochimique .
1. Introduction
2. Article
3. Supporting information
4. Analyse
Chapitre 5 : Immobilisation de nanoparticules sur des supports modifiés
1. Introduction bibliographique
2. Les nanoparticules fonctionnalisées cœur-coquille Fe2O3@SiO2
3. Immobilisation de nanoparticules sur une surface « modèle »
3.1. Principe et intérêt
3.2. Préparation de la surface modifiée par électrogreffage des groupements carboxyliques
3.2.1.Choix du substrat
3.2.2.Greffage par voltamétrie cyclique
3.2.3.Greffage par chronoampérométrie
3.3. Caractérisation électrochimique de la surface modifiée
3.3.1.Sur électrode de carbone vitreux (CV)
3.3.2.Sur électrode d’or
3.4. Autres caractérisations d’une surface d’or modifiée
3.4.1.Ellipsométrie
3.4.2.IRRAS (Infra Red Reflexion Absorption Spectroscopy)
3.4.3.Angles de contact – Etude de la réversibilité COOH/COO- sur une surface d’or greffée par l’acide benzoïque
3.5. Etude de l’immobilisation des nanoparticules
3.5.1.Caractérisation électrochimique de la surface modifiée
3.5.2.Autres caractérisations de la surface
3.6. Fonctionnalisation des nanoparticules
3.6.1.Introduction et principe
3.6.2.Fonctionnalisation par la fluorescéine
3.6.3.Fonctionnalisation par des nanoparticules
3.7. Rupture des interactions nanoparticules/substrat ?
4. Immobilisation de nanoparticules sur une surface de polystyrène modifiée
5. Conclusions et perspectives
Conclusion générale

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