La microfinance et la pauvretรฉ
ย ย ย ย ย ย ย ย ย ย ยซ Un instrument fort efficace de libรฉration des pauvres, en particulier des femmes ยป si affirmer que la pauvretรฉ et le dรฉfaut de dรฉmocratie exacerbent et nourrissent les conflits est tout ร fait lรฉgitime, en revanche affirmer que le microcrรฉdit y contribue fortement est totalement erronรฉ ยป. Cette vision excessive des vertus du microcrรฉdit repose sur un mythe : celui du pauvre ยซ entrepreneur ยป. Ce mythe sโest forgรฉ grรขce ร la difficultรฉ dโรฉvaluer lโapport rรฉel de la microfinance pour les populations concernรฉes : la rigueur scientifique exige des procรฉdures coรปteuses et longues qui ne rรฉpondent, le plus souvent, ni aux contraintes ni aux besoins des praticiens ; les contextes et les modalitรฉs dโintervention limitent la portรฉe des comparaisons et rendent difficile toute gรฉnรฉralisation. Pourtant, toutes les analyses dโimpact rรฉalisรฉes ร partir dโun travail de terrain approfondi donnent le mรชme rรฉsultat : le microcrรฉdit amรฉliore la gestion des budgets familiaux et stabilise des petites activitรฉs entrepreneuriales et, il est fort utile ; mais il ne lutte pas contre la pauvretรฉ et il ne peut pas y prรฉtendre. Tout au plus cet outil financier permet-il dโรฉlargir lโรฉventail des choix et des opportunitรฉs des pauvres, de stabiliser et de diversifier leurs sources de revenus trop souvent alรฉatoires, de renforcer un patrimoine productif souvent dรฉrisoire. Cโest peu, diront ceux qui sont en quรชte de rรฉsultats miraculeux ร mรชme de redorer leur image de bienfaiteurs. Cโest dรฉjร beaucoup, rรฉpondent ceux qui connaissent de prรจs la complexitรฉ des problรจmes de pauvretรฉ. Lโattrait du microcrรฉdit repose sur une conviction forte, mais totalement erronรฉe : il suffirait de doter en ยซ capital ยป les pauvres par le biais du microcrรฉdit pour dรฉvelopper leur potentiel entrepreneurial. Or, dans nombre de pays, les pauvres ont accรจs ร toute une palette de services financiers de nature informelle (famille, voisins, tontine, prรชteurs privรฉs, gardes monnaies 5 employeurs, etc.). De tels services sont onรฉreux et parfois dangereux, car source de servitude, mais ils existent. Ce qui fait principalement dรฉfaut .Ce sont les compรฉtences techniques et commerciales donnant accรจs ร des marchรฉs solvables et, dans de nombreux cas, la demande solvable elle-mรชme. Quand bien mรชme les pauvres se transformeraient en micro-entrepreneurs, imaginรฉ que le marchรฉ puisse sโรฉtendre ร lโinfini grรขce ร une demande globale induite par les microprรชts est tout aussi utopique. Quand le crรฉdit sert ร lโachat de biens de consommation fabriquรฉs en dehors des lieux oรน vivent les emprunteurs (des mรฉdicaments par exemple). ร lโรฉchelle locale lโeffet multiplicateur sur les revenus est quasi nul et lโon observe une fuite des ressources hors de la communautรฉ. Seules des monnaies locales (comparables au systรจme WIR actif en Suisse depuis les annรฉes 1930 ; mais les organes de dรฉveloppement nโappuient pas de tels dispositifs) permettraient dโengendrer une dynamique endogรจne (par un effet multiplicateur du crรฉdit) et donc une croissance locale des revenus. La faible contribution du microcrรฉdit ร des investissements productifs additionnels et cette fuite des revenus hors des รฉconomies locales expliquent aussi pourquoi le microcrรฉdit peut conduire au surendettement dรจs lors que les revenus attendus ne sont pas crรฉรฉs par la dรฉpense
Lโanalyse de la complรฉmentaritรฉ chez G.-B. Richardson (1972)
ย ย ย ย ย ย ย ย ย ย Dans la conception de Richardson, trois idรฉes principales vont guider notre rรฉflexion sur la complรฉmentaritรฉ entre banques et institutions de microfinance. Dโabord, Richardson dรฉfinit la complรฉmentaritรฉ en lโopposant ร la similitude, ensuite, il lโapprรฉhende ร travers la coopรฉration inter firmes, et enfin, il รฉvalue celle-ci ร travers les investissements rรฉalisรฉs simultanรฉment. Dโabord, Richardson considรจre des activitรฉs similaires comme des activitรฉs nรฉcessitant des compรฉtences identiques, par opposition aux activitรฉs complรฉmentaires qui requiรจrent des compรฉtences diffรฉrentes. Dans ce sens, lโintermรฉdiation microfinanciรจre peut รชtre qualifiรฉe de complรฉmentaire ร lโintermรฉdiation bancaire classique, dans la mesure oรน elle fait appel ร des techniques et compรฉtences spรฉcifiques. Lโintermรฉdiation bancaire comme celle microfinanciรจre repose fondamentalement sur la collecte de lโรฉpargne et la distribution de crรฉdits. Toutefois, les mรฉcanismes mis en ลuvre, les technologies utilisรฉes, les fondements mรชme de leurs activitรฉs diffรจrent รฉnormรฉment. Ce qui fortifie lโidรฉe de complรฉmentaritรฉ entre elles. En effet, lโactivitรฉ de collecte de ressources et dโoctroi de crรฉdit, dans la banque comme dans la microfinance, se fonde principalement sur la confiance. Seulement les fondements de cette confiance diffรจrent dโune institution ร lโautre. Dans lโintermรฉdiation bancaire, la confiance se fonde principalement sur des รฉlรฉments plus matรฉriels quโimmatรฉriels. Le crรฉdit bancaire est gรฉnรฉralement subordonnรฉ ร la fourniture de documents comptables fiables et de garanties suffisantes. Par opposition, la confiance, en microfinance, se fonde sur des รฉlรฉments plus immatรฉriels. La faiblesse, voire mรชme lโinexistence de garanties matรฉrielles au niveau des demandeurs, oblige les institutions ร recourir ร dโautres formes de garanties telles que la solidaritรฉ du groupe, la moralitรฉ du client, la pression sociale. Lโanalyse ci-dessus a mis en รฉvidence la complรฉmentaritรฉ technologique qui existe entre ces deux industries. Ceci, par ailleurs, est la preuve que lโapproche de justification par la thรฉorie de lโintermรฉdiation financiรจre nโest pas en rupture avec celle รฉtablie sur la thรฉorie de Richardson. Ensuite, Richardson dรฉfinit la complรฉmentaritรฉ dans lโaccord de coopรฉration par le fait que la profitabilitรฉ de lโun des partenaires nโaltรจre point celle de lโautre. Dans cette vision richardsonnienne, un partenariat simple de dรฉpรดt entre une banque et une institution de microfinance peut รชtre considรฉrรฉ comme une coopรฉration de nature complรฉmentaire, dans la mesure oรน il est mutuellement profitable. En effet, une augmentation de lโรฉpargne collectรฉe par lโinstitution de microfinance nโentraรฎne pas une rรฉduction de lโรฉpargne collectรฉe par la banque ; bien au contraire, toute hausse de lโรฉpargne collectรฉe par lโinstitution de microfinance vient accroรฎtre le montant de lโรฉpargne collectรฉe par la banque, dans la mesure oรน cette รฉpargne est redรฉposรฉe dans la banque. Ce simple partenariat de dรฉpรดt est gagnant-gagnant. LโIMF en dรฉposant son รฉpargne en banque contribue ร accroรฎtre lโรฉpargne de la banque, mais sโouvre aussi des possibilitรฉs de bรฉnรฉficier dโun รฉventuel refinancement en cas de nรฉcessitรฉ. Ce nouveau paradigme met en รฉvidence lโรฉvolution de la microfinance. Enfin, Richardson considรจre des investissements complรฉmentaires comme des investissements dont la rรฉalisation conjointe engendre un profit supรฉrieur ร la somme des profits rรฉalisรฉs sรฉparรฉment. ร cet รฉgard, toute coopรฉration entre les deux secteurs sur le plan institutionnel, financier, technique ou portรฉe sur lโรฉchange dโinformations ne peut quโรชtre complรฉmentaire, dans la mesure oรน elle contribue ร accroรฎtre lโefficacitรฉ du systรจme de financement de lโรฉconomie. รย titre dโexemple, nous pouvons noter quโune coopรฉration financiรจre entre les secteurs bancaire et micro-financier peut contribuer ร rรฉduire le niveau de rationnement du crรฉdit dans lโรฉconomie : des projets viables, qui jusquโalors รฉtaient gelรฉs, faute de financements, voient le jour grรขce ร la coopรฉration banques et institutions de microfinance. Par ailleurs la cohabitation des deux secteurs est source dโapprofondissement financier dans les รฉconomies en dรฉveloppement. Lโapproche bancaire classique, dans ces pays, ne permettant pas lโinclusion de nombre dโagents รฉconomiques, en particulier les micro-entrepreneurs, les structures de microfinance en proposant des produits et services appropriรฉs aux besoins de ce milieu, offrent des possibilitรฉs dโรฉlargissement de la surface dโintermรฉdiation financiรจre. Cette dรฉfinition de la complรฉmentaritรฉ peut รชtre inscrite dans la perspective de la finance accessible ร tous. La finance accessible ร tous est le nouveau paradigme de la microfinance. Il sโagit dโune nouvelle approche de la microfinance qui se fonde sur la complรฉmentaritรฉ des diffรฉrents acteurs, afin de mettre en ลuvre des systรจmes financiers qui rรฉpondent aux besoins de toutes les couches de la population. En effet, avec le paradigme de la microfinance, celui-ci est traitรฉ comme un secteur ร part, alors quโavec la finance accessible ร tous, la microfinance est considรฉrรฉe comme partie intรฉgrante du systรจme financier.
La phase dโรฉmergence des IMF (1990-1996)
ย ย ย ย ย ย ย ย ย ย L’รฉmergence des IMF a รฉtรฉ surtout favorisรฉe par la conjugaison des interventions de trois entitรฉs :
๏ท les Bailleurs de fonds : Banque Mondiale, Union Europรฉenne, Agence Franรงaise de Dรฉveloppement, Coopรฉration Allemande, Inter-coopรฉration Suisse, …
๏ท le Gouvernement au travers de sa politique en faveur de ce secteur avec le concours du financement de la Banque Mondiale ร travers:
๏ญ le Projet dโExรฉcution PATFR/ADMMEC jusquโen 1997 ;
๏ญ puis le Projet Microfinance (PMF) pour une phase de deux ans 1998-1999 ;
๏ญ et lโAGEPMF : gestion du Programme Microfinance planifiรฉ sur quinze ans dont le dรฉmarrage officiel a dรฉbutรฉ en juin 1999.
๏ท les agences d’Implantation et de dรฉveloppement ou opรฉrateurs techniques spรฉcialisรฉs et qui ont assurรฉ l’encadrement technique des IMFs. Il s’agit, entre autres, de Dรฉveloppement International Desjardins (DID), Formation pour l’Epanouissement et le Renouveau de la Terre (FERT),lโ Institut de Recherches et dโApplications des Mรฉthodes de dรฉveloppement (IRAM), le Centre International de Dรฉveloppement et de Recherche.
Au cours de cette pรฉriode, de nombreuses IMFs, mutualistes ou non mutualistes, se sont crรฉรฉes ร Madagascar.LesIMFs Mutualistes qui se sont crรฉรฉes au cours de cette pรฉriode sont :
๏ญ 1990 : Association d’Epargne et de Crรฉdit Autogรฉrรฉe (AECA) dans la rรฉgion de Marovoay ;
๏ญ 1993 : Caisses dโEpargne et de Crรฉdit Agricole Mutuels (CECAM) dans la rรฉgion du Vakinankaratra encadrรฉ par FERT ;
๏ญ 1993 : OmbonaTahiryIfampisamborana Vola (OTIV) dans la rรฉgion de Toamasina assistรฉ par DID ;
๏ญ 1994 : OmbonaTahiryIfampisamborana Vola OTIV dans la rรฉgion du Lac Alaotra assistรฉ par DID ;
๏ญ 1995 : ADรฉFi(: Association pour le Developpement et Financement des microentreprises) ร Antsirabe
๏ญ 1996 : Tahiry Ifamonjenaaminnโny Vola (TIAVO). WOCCU รฉtait l’opรฉrateur qui a lancรฉ l’implantation initiale du Rรฉseau TIAVO. Il a รฉtรฉ ensuite relayรฉ par l’IRAM ร partir de l’annรฉe 1999.
OTIV et CECAM constituent les deux plus grands rรฉseaux dans cette catรฉgorie tant en termes de volume d’activitรฉs que de couverture gรฉographique. Dans la catรฉgorie dโInstitutions de Microfinance Non Mutualistes crรฉรฉes pendant cette pรฉriode figurent :
๏ญ 1987 : Association pour la Promotion de lโEntreprise ร Madagascar (APEM/PAIQ) qui intervient par systรจme de partenariat sur Antananarivo et Tulรฉar ;
๏ญ 1990 : Sociรฉtรฉ d’Investissement pour la Promotion des Entreprises ร Madagascar (SIPEM) s’installant ร Antananarivo
๏ญ 1993 : VOLA MAHASOA appuyรฉe par CIDR et implantรฉe dans la partie Sud de l’Ile ;
๏ญ 1990 : Entreprendre ร Madagascar (EAM), initiรฉe sous forme de projet au dรฉbut mais transformรฉe en Association de droit malgache en 1996 ;
๏ญ La Caisse dโEpargne de Madagascar (CEM) est la plus ancienne Institution Financiรจre qui pratique le volet รฉpargne orientรฉe vers les populations ayant des bas revenus
Problรจme dโaccรจs auprรจs de la microfinance liรฉ aux infrastructures
ย ย ย ย ย ย ย ย ย Dans le graphique suivant, nous allons voir les divers problรจmesdโexclusion auprรจs de lโIMF. Graphique nยฐ11 : Le pourcentage de personnes vers chaque destination pour une durรฉe de moins de 30 minutes. La plupart de la population a une difficultรฉ dโaccรจs ร lโIMF, 9% seulement se destine vers cette institution.
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Table des matiรจres
INTRODUCTION
PARTIE I : APROCHE THEORIQUE SUR LA MICROFINANCE
Chapitre I : GENERALITES SUR LA MICROFINANCE
Section 1- Brรจve histoire de la microfinance
Section 2- Concept de la Microfinance
Section 3- Les influences de lโIMF
3-1. La microfinance et la pauvretรฉ
3-2. La microfinance aux niveaux รฉconomiques et sociaux
Chapitre II : LA MICROFINANCE ET LE DEVELOPPEMENT FINANCIER
Section 1- La complรฉmentaritรฉ entre les secteurs bancaires et la microfinance
1-1. Lโanalyse de la complรฉmentaritรฉ chez G.-B. Richardson (1972)
1-2. Les divers aspects de la relation entre la banque et lโIMF
Section 2- LA POLITIQUE ET LA PROGRAMME DE DEVELOPPEMENT FINANCIER : CAS DU MEXIQUE
2-1. La Politique active dโinclusion financiรจre
2-2. Le programme Patmir dโassistance technique ร la microfinance rurale au Mexique
PARTIE II : LA MICROFINANCE : UNE INSTITUTION OFFRANT DE SERVICES SFINANCIERS DE PROXIMITE POUR POURMOUVOIR LโACTIVITE ECONOMIQUE DE LA POPULATION MALGACHE A FAIBLE REVENU
Chapitre I : LโEVOLUTION DE LA MICROFINANCE A MADAGASCAR
Section 1- Historique
1-1. La phase dโรฉmergence des IMF (1990-1996)
1-2. La phase de dรฉveloppement et de croissance (depuis 1996)
1-3. Rappel des grandes รฉtapes
Section 2- Les diffรฉrentes types de la microfinance ร Madagascar
2-1. La liste des institutions de microfinance ร Madagascar
2-2. Classification et formes juridiques des IMF
Chapitre II : IMPACT DES ACTIVITES DE LA MICROFINANCE A MADAGASCAR
Section 1- Lutte contre la pauvretรฉ
Section 2- La microfinance face aux besoins de la population Malgache
Section 3- Les diverses causes dโexclusion ร lโIMF
3-1. Lโรฉpargne et Investissement
3-2. Lโemprunt et le crรฉdit
Section 4- Les divers problรจmes dโexclusion
4-1. Problรจme dโaccรจs auprรจs de la microfinance liรฉ aux infrastructures
4-2. Les รฉducations financiรจres souhaitรฉes
Conclusion
Bibliographie
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