CONTEXTE MACRO-ECONOMIQUE
Madagascar est l’un des pays les plus pauvres du monde. En 2003, le produit intérieur brut (PIB)1 était de 5,5 milliards de dollars US, soit un PIB par habitant de 319 dollars US. L’économie demeure essentiellement agricole. La pauvreté est essentiellement rurale. Au cours des deux dernières décennies, la grande île a connu la succession de dégradation et de reprise de l’économie, une situation persistante d’endettement et une détérioration continue des termes de l’échange ; ces situations ont entraîné des graves déficits de la balance de paiement et des budgets publics. Conscientes de l’ampleur de ces déséquilibres, les autorités malgaches ont décidé, vers le début des années 80, de mettre en oeuvre une série de programmes de réforme visant à redresser la situation économique. Malgré, les progrès substantiels vers la reprise économique et la croissance économique positive en terme réels, les troubles sociaux en 1991 ont interrompu cette tendance ; la crise a entraîné le pays dans un processus de dégradation économique et d’aggravation de la pauvreté ; elle a également crée un climat de grande incertitude et un flottement dans la conduite de la politique économique. Le taux de croissance est tombé à – 2,7% entre 1991 à 1996, l’inflation a atteint plus de 50% et le PIB par habitant était estimé à environ 257 dollars US, ce qui a placé Madagascar dans la catégorie des Pays les Moins Avancés (PMA). En vue de rétablir la confiance, le Gouvernement malgache s’est engagé au début de 1994 dans le renforcement du processus d’ajustement structurel en accordant une priorité dans la libéralisation de l’économie. Cette décision s’est notamment traduite par la mise en œuvre d’une série de reformes touchant l’ensemble de la vie de la nation dont : (1) les reformes des politiques budgétaires et monétaires, (2) la restructuration du secteur bancaire et financier, (3) la privatisation des entreprises publiques et para-publiques, (4) la politique de change et de paiement, (5) les réformes de la fonction publique. Par ailleurs, la maîtrise des dépenses courantes de l’Etat a eu des effets positifs sur le déficit budgétaire. La liquidation et la privatisation des entreprises publiques et para-publiques ainsi que les politiques macro-économiques adoptées par le biais des programmes de réforme ont permis au secteur privé et aux forces du marché d’accroître leur rôle au sein de l’économie. La réduction de distorsions majeures et d’obstacles importants a beaucoup contribué au développement du secteur privé afin de restaurer progressivement la confiance des investisseurs et des bailleurs de fonds. Madagascar a connu des améliorations du PIB de 5% entre 1999-2001 mais tous les indicateurs sociaux y demeurent défaillants. Pour la même période, la croissance des activités du secteur primaire est restée limitée et très inférieure à celle des secteurs secondaires et tertiaires. L’investissement et l’épargne étaient toujours insuffisants pour susciter un développement endogène. L’aide internationale, en recul, ne suffisait pas à pallier ces carences. Les infrastructures défaillantes ainsi que l’absence d’intégration régionale de politique de développement économique constituent des goulots d’étranglement et handicaps aggravés par la corruption, la bureaucratie et l’instabilité politique. En 2002, les troubles post-électoraux ont entraîné une récession ayant atteint 90 pour cent de l’ensemble des secteurs économiques. Le pays a traversé la plus grave crise de son histoire récente, avec la paralysie de l’économie de janvier à août 2002. Depuis 2003, l’on observe une tentative de relance de la croissance principalement amorcée et soutenue par les investissements publics car les demandes intérieures, restant peu dynamiques, n’ont pas pu stimuler de manière substantielle les initiatives et investissements privés. Pour l’année 2003, le taux de croissance a été évalué à 9,6% avec un taux d’inflation de 2,9% en terme de glissement annuel. En décembre 2004, Madagascar a atteint le point d’achèvement dans le cadre du processus de l’IPPTE pour la réduction de la dette extérieure dont le point de décision a eu lieu en 2000. La contrepartie des services de la dette effacée devait participer au financement du DSRP. En effet, l’endettement constitue une entrave au développement. Sans le réaménagement de la dette, le pays doit transférer une grande partie de ses recettes d’exportation au service de la dette, ce qui diminue la latitude à couvrir les besoins d’importation requise pour le développement économique.
Emergence du développement local
Le concept de développement local ne date pas d’hier en Europe comme en Afrique. Les réalités nous renvoient au moyen âge, par exemple : « lorsque les moines s’installaient pour mettre en valeur un espace, ils produisaient du développement » et à Madagascar, de temps pré-coloniaux, on a déjà connu le développement local avant la lettre par l’installation des fokonolona, les communautés traditionnelles qui étaient considérées comme institutions de développement local. L’expression « développement local », utilisée depuis quelques décennies dans les pays développés, est d’usage relativement récente dans le pays du Sud. Le milieu rural était le premier champ d’application du concept de développement qui s’est progressivement répandu vers les villes. Aujourd’hui, la notion de développement local est présente dans de nombreux discours de développement des pays. Des organisations sociales, des opérateurs économiques, des institutions publiques décentralisées y font régulièrement référence ; il n’y a plus un programme d’action initié par des collectivités territoriales qui ne le mentionne, notamment dans sa dimension économique. Des Etats eux-mêmes en font aujourd’hui un élément de leur politique de développement. Les approches de développement local sont montées en puissance à la suite d’une série des faits tels que : (i) inégalités ou déséquilibres créés par la croissance de l’économie mondiale au cours de ces quinze dernières années dans les pays du Nord, (ii) crises durables des pays du Nord dues aux chocs pétroliers (taux de chômage important, fermeture des usines), (iii) appauvrissement accru de la population et chute de l’offre de services de base (santé, éduction, logement, sécurité sociale, …) comme conséquence souvent extrême des politiques d’ajustement structurel prônées par les institutions de Bretton Woods. Ces constats d’échec ont ainsi amené à faire une réflexion sur les limites de stratégies de développement sous l’égide de l’Etat puis à remettre en question la croissance économique fondée sur le développement des entreprises industrialisées et le méga-projet dans les pays du Nord, les séries de reformes entreprises dans le cadre de l’ajustement structurel dans les pays du Sud. A partir des années 60, les initiatives et dynamiques locales ont été privilégiées ; l’on a ouvert la voie au plan local pour la création d’emploi sur la micro et petite entreprise et le développement de l’entreprenariat local ; des travaux d’infrastructures et des aides à l’investissement ont été entrepris en faveur des régions défavorisées. Puis, des tentatives de modernisation de l’agriculture ont été visibles. En Afrique, le développement local a mis de l’avant l’explosion des initiatives d’économie sociale (association, groupement villageois, mutuelle, association communautaire d’épargne, …) qui avaient comme objectif de s’appuyer sur leurs propres initiatives et leurs propres ressources et développer de nouvelle forme d’entraide, de solidarité et de protection sociale en revitalisant les communautés traditionnelles. Ainsi, le développement local favorise la participation active d’un grand nombre d’habitants aux gestion et décisions des ressources et à l’élaboration des projets ou des programmes locaux de développement. Un peu plus tard, dans les années 80 et 90, l’Etat a inventé des procédures pour l’organisation institutionnelle du développement local en donnant ainsi un cadre juridique à des dynamiques déjà présentes : il s’agit donc de la décentralisation.
Sources endogènes
L’on peut retrouver au moins trois sources nationales dans le financement des projets et micro-réalisations, à savoir : (i) le budget national, (ii) les privés nationaux et les sociétés publiques, (iii) les mouvements associatifs.
– Le budget national : Il s’agit de la première et de l’unique source pendant fort longtemps pour le financement des projets de développement dans le pays. C’est un devoir et une exigence pour les Gouvernements respectifs qui essayaient d’adjoindre au budget national des financements extérieurs. En effet, le budget national est constitué des recettes propres de l’Etat dont des taxes fiscales, des taxes douanières, des recettes d’exportations et des prélèvements divers. Bien évidemment, les possibilités qu’offre le budget national sont limitées du fait des contraintes budgétaires elles-mêmes, car en plus des investissements de projets, elle doit servir à beaucoup d’autres affectations (salaires, participation aux organismes internationaux, règlement de la dette, etc.).
– Les privés nationaux et les sociétés publiques : Dans les années 80, les privés nationaux regroupent des sociétés ou des entreprises individuelles ou familiales. Auparavant, le secteur privé jouait peu de rôle dans l’économie nationale. Le processus d’ajustement structurel entamé depuis 1985 dans le cadre des reformes économiques successives a amené l’Etat à adopter des politiques de promotion et de développement du secteur privé. Pour ce qui concerne les sociétés publiques et para-publiques, leur grande majorité est caractérisée par la défaillance et la mauvaise gestion ; elles constituent ainsi un lourd fardeau pour l’économie et les finances publiques du pays. Les recettes de leur privatisation permettront de contribuer au rétablissement de l’équilibre macrofinancier de l’Etat et au financement des projets de développement. Quant aux banques en rapport avec le financement de l’économie, il y a lieu de mentionner que les ressources provenant des dépôts de la clientèle (dépôt à vue et dépôt à terme) ont un caractère incertain, eu égard aux possibilités de leur retrait par les déposants. Cette situation oblige souvent les banques à faire appel aux marchés financiers pour des lignes de crédit (argent froid) à taux concurrentiels et remboursables sur une longue période provenant des bailleurs de fonds internationaux. A l’épreuve des faits, les banques se sont révélées culturellement, économiquement et socialement en rupture avec les pratiques sociales. Le financement bancaire n’a pas pu combler les attentes en matière de promotion de développement. Or, les banques, après la restructuration du secteur bancaire effectuée en 1996, sont paradoxalement aujourd’hui en situation de surliquidité et montrent peu d’attrait pour le financement de petits projets d’entreprise.
– Les mouvements associatifs : Ils regroupent les institutions entrant dans le cadre de SFD. Face à la défaillance et aux insuffisances des banques, les dispositifs du SFD (coopérative, mutuelle d’épargne et crédit, etc) restent pratiquement les seules alternatives possibles en valorisant leur accessibilité en relation avec les principes de solidarité et de confiance. L’on retrouve parmi ces institutions les expériences de mutuelles d’épargne et de crédit calquées sur le modèle des caisses Raiffeisen ou des caisses Desjardins, les institutions de crédit solidaire bâties sur le modèle de Grameen Bank, les crédits directs avec les associations et ONG ou des sociétés et le projet de développement « à volet crédit ». Les activités du SFD, centrées sur les besoins des populations n’ayant pas accès aux services des banques (femmes, paysans, micro-entrepreneurs, …) se révèlent être une voie prometteuse en matière de financement du développement local, malgré que les services financiers proposés sont encore loin de couvrir les besoins des populations aux ressources productives. Bien que prêtant à des cibles considérées comme pauvres, le SFD parvient à obtenir des taux de remboursement des prêts tout à fait remarquables. Pour beaucoup d’expériences, il apparaît aussi que les crédits octroyés permettent de créer des emplois certes modestes, mais dont l’impact social n’est pas négligeable. Toutefois, les interventions du SFD sont limitées à des zones particulières et spécifiques ; leur portée au niveau national, en terme de taux de couverture du territoire, n’est que de 5%11, ce qui est jugé relativement faible.
Refinancement pour les systèmes mutualistes
Le financement des opérations des IMF mutualistes s’appuie normalement sur la collecte de l’épargne nationale ; celle-ci est stimulée par les appuis pour l’extension des activités des IMF et par le développement de points de service. L’idée communément répandue est que les systèmes mutualistes sont toujours surliquides (OTIV et TIAVO). Pour le cas de CECAM, la situation est différente ; en effet, malgré une croissance importante des taux de transformation des dépôts au sein de ce réseau, les demandes de crédits restent largement supérieures aux ressources. De plus, les ressources restent de court terme, alors qu’il y a de plus en plus des demandes pour des crédits à moyen terme et à long terme. De ce fait, il n’est pas exclu dans la stratégie des réseaux mutualistes de faire recours à des ressources externes telles que :
. les fonds de crédit provenant de bailleurs de fonds jugés généralement comme ressources intéressantes, compte tenu de leur coût faible voire nul. Ils permettent aux réseaux d’accroître leur capacité d’octroi, c’est le cas de CECAM et ADEFI.
. le refinancement bancaire pour OTIV et TIAVO : En effet, sous l’impulsion du PNUD/FENU par le système de fonds de garantie, des IMF ont appris à nouer des relations d’affaires avec les banques en œuvrant dans leurs livres des comptes de dépôt, en initiant des opérations courantes et en demandant des crédits de refinancement.
L’expérience de refinancement bancaire remonte en 1996. La BOA entretient des relations privilégiées avec des IMF ; outre les services d’opérations courantes (dépôts, virements, etc…), elle accorde aux IMF des facilités de refinancement qui permettent à ces institutions de développer leurs activités de crédit. Cependant, il est à relever que le volume du refinancement accordé par BOA au secteur reste limité. Les données recueillies au cours des dernières années révèlent une moyenne annuelle de l’ordre de 2,5 milliards de Ariary23 avec une pointe de 3 milliards de Ariary en 2002. Actuellement, les autres banques commencent à s’intéresser au refinancement des IMF. On considérera aussi les possibilités de recours au marché financier local, en appréciant mieux la péréquation emplois/ressources. Le refinancement inter-IMF serait également une option possible. Par ailleurs, la CEM, en voie de transition vers un statut d’établissement financier à part entière, souhaite intervenir comme un « grossiste de crédit » pour les IMF agréées.
|
Table des matières
INTRODUCTION
PARTIE I : ETAT DES LIEUX DE LA MICROFINANCE
CHAPITRE A : SITUATION MACRO-ECONOMIQUE DE MADAGASCAR
1.1. CONTEXTE MACRO-ECONOMIQUE
1.2. SITUATION DE LA PAUVRETE
1.3. MICROFINANCE ET DSRP
1.4. CONCEPT ET PROCESSUS DE DEVELOPPEMENT LOCAL
1.4.1. Emergence du développement local
1.4.2. Essai de définition
1.4.3. Outils de développement local
1.4.4. Contexte de développement local à Madagascar
1.5. FINANCEMENT DE DEVELOPPEMENT
1.5.1. Sources endogènes
1.5.2. Sources exogènes
CHAPITRE B : SECTEUR DE LA MICROFINANCE
1.6. SITUATION MONDIALE
1.6.1. Emergence de la microfinance
1.6.2. Développement de la microfinance en Afrique
1.6.3. Concept de la microfinance
1.7. POLITIQUE MONETAIRE ET FINANCIERE A MADAGASCAR
1.8. LA MICROFINANCE A MADAGASCAR
1.8.1. Description globale de l’évolution du secteur
1.8.2. Système de microfinance à Madagascar
1.8.3. Environnement de la microfinance
1.8.4. Tentative de politique nationale
1.8.5. Cadre juridique et institutionnel
1.8.6. Situation actuelle du secteur microfinancier
1.8.7. Organisation et appui au secteur
1.9. ANALYSE ET EVALUATION DU SECTEUR
1.9.1. Positionnement sur le marché
1.9.2. Analyse comparative des dispositifs de microfinancement existants
1.9.3. Risques du secteur microfinancier
1.9.4. Analyse des sources de financement des IMF
1.9.5. Enjeux de la microfinance pour la lutte contre la pauvreté
1.9.6. Contraintes et problématiques du secteur
1.9.7. Enjeux de la microfinance pour le développement de ME/PE
1.9.8. Contribution de la microfinance au développement local
1.9.9. Analyse de la situation et du développement du secteur à Madagascar
PARTIE II : INSTITUTION DE MICROFINANCE : CAS D’EAM
2.1. PRESENTATION D’EAM
2.1.1. Historique
2.1.2. Organisation
2.1.3. Principales activités
2.2. DESCRIPTION DU DISPOSITIF DE CREDIT ET PRESENTATION DES ACTIVITES DE MICRO-CREDIT
2.2.1. Activités de micro-crédit
2.2.2. Problématiques des approches et méthodologies
2.3. EXPERIENCE EAM : TRANSFORMATION ONG SOCIALE EN INSTITUTION FINANCIERE
2.4. POSITIONNEMENT DES SERVICES MICROFINANCIERS D’EAM : CIBLAGE, PHILOSOPHIE
2.5. POLITIQUE D’APPUI ET DE FINANCEMENT D’EAM
2.6. PROBLEMATIQUE DE FINANCEMENT DE ME/PE
2.6.1. Financement de ME/PE et Entreprenariat
2.6.2. Source de financement de ME/PE
2.6.3. Lignes de financement fragilisées
2.7. ATOUTS ET OPPORTUNITES d’EAM
2.7.1. Quelques acquis
2.7.2. Structure décentralisée
2.7.3. Expériences en appui des ME/PE
2.8. CONCLUSION CRITIQUE DES ACTIVITES DE MICRO-CREDIT D’EAM
2.8.1. Activités de micro-crédit à faible rentabilité
2.8.2. Acquis non capitalisés
2.8.3. Analyse et synthèse des activités de micro-crédit
PARTIE III : PERSPECTIVES ET RECOMMANDATIONS
3.1. PROMOTION DES ACTIVITES DE MICRO-CREDIT : Cas IMF EAM
3.1.1. Viabilité de micro-crédit
3.1.2. Structures décentralisées : nouveau mode d’intervention
3.1.3. Développement du marché par le renforcement des interventions financières
3.2. DEVELOPPEMENT DU SECTEUR
3.2.1. Amélioration de l’accès aux services de microfinance pour les ME/PE
3.2.2. Diversification des services de la microfinance
3.2.3. Fonds de garantie, facteur de succès du microfinancement
3.2.4. Amélioration des remboursements des IMF
3.2.5. Synergie politique entre le développement local et la politique la microfinance
3.2.6. Réflexion sur la viabilité et la pérennité du secteur de la microfinance en rapport avec le développement local
3.2.7. Stratégie de développement du secteur de la microfinance
CONCLUSION
REFERENCES ET BIBLIOGRAPHIES
ANNEXE
– ANNEXE 1 : Les axes stratégiques de la microfinance
– ANNEXE 2 : Liste des tableaux
Télécharger le rapport complet