La Méthodologie DIERS : Dimensionnement des évents par une méthode stationnaire

Les travaux de thèse que nous allons présenter s’intéressent à la sécurité industrielle, spécialement à la protection des réacteurs et des stockages contre les surpressions accidentelles. Une solution industrielle à ce phénomène est de prévoir des orifices de vidange de ces enceintes : ce sont les évents de sécurité. L’emballement de thermique de réactions chimiques, une cause possible de surpression accidentelle, est le scénario que nous avons voulu étudier. Parmi les systèmes chimiques, les systèmes dits non tempérés posent des difficultés dans le dimensionnement des évents de sécurité : problème de surdimensionnement, faible quantité d’études expérimentales. Or des systèmes chimiques susceptibles de s’emballer et de donner lieu à un comportement de type non tempéré sont nombreux dans la réalité industrielle (exemple typique des solutions de peroxydes organiques dans des solvants organiques). La maquette en similitude développée à l’Ecole Nationale Supérieure des Mines de Saint-Étienne (EMSE) par L. Véchot (2006) a permis d’engager une étude poussée de l’emballement d’un système non tempéré et de son comportement sous l’action d’un évent (emballement d’une solution de HPOC à 30 % en masse dans le butyrate sous l’effet d’un incendie). Cette étude a également permis de confirmer le caractère surdimensionnant de la méthode DIERS lorsqu’on l’applique à des systèmes non tempérés. D’autre part, la maquette en similitude 0,1 L a été développée pour devenir, à court terme, un réacteur un outil de screening voire de dimensionnement des évents à part entière. Mais elle n’a été testée et validée qu’avec une seule solution dans le cas d’un seul scénario d’emballement. Pour étendre sa validation, la maquette en similitude doit donc être testée et validée avec une plus large gamme de systèmes chimiques et de scénarios. Un accent particulier est à mettre au niveau des déperditions thermiques supplémentaires qui peuvent être introduites par la maquette, surtout dans le cas de scénarios adiabatiques. De la même façon, les conclusions issues de l’étude de la décomposition de HPOC en simulation incendie quant au déroulement du blowdown des systèmes non tempérés et à l’ampleur du surdimensionnement des méthodes DIERS méritent d’être confortées par des confrontations nouvelles avec d’autres systèmes non tempérés. En effet, il n’est pas exclu que ces observations soient un cas particulier. Pour atteindre ces différents objectifs et ainsi compléter la connaissance du blowdown des systèmes non tempérés, nous avons choisi de soumettre la maquette en similitude à d’autres systèmes chimiques tout en y introduisant l’étude d’une décomposition adiabatique. L’objectif étant d’avoir au moins un système le plus proche possible d’un pur gassy, et d’autres systèmes qui le sont moins. Nous pourrons ainsi étudier les effets induits par la présence d’une quantité de vapeur de plus en plus importante sur le déroulement du blowdown des systèmes non tempérés. Cette étude n’est possible que si les limitations techniques du VSP2 et de la maquette elle-même sont repoussées. En effet, jusque-là, l’installation VSP présente une insuffisance au niveau de la régulation en pression (en pressurisation comme en détente), et L. Véchot a mis en évidence les problèmes de vieillissement des vannes de fin réglage situées sur la ligne d’évent de la maquette en similitude. La mesure en temps réel de la quantité de gaz évacuée à travers l’évent durant le blowdown permettra aussi de compléter la maquette et d’améliorer l’analyse du déroulement d’un blowdown.

Laurent (2003) définit l’emballement thermique comme étant la conséquence de la perte de contrôle de la température d’une substance chimique, d’un mélange de réactifs et de produits ou d’un procédé dans une enceinte. D’après J. Wilday (1997), l’emballement de réactions chimiques peut être défini comme un système réactionnel thermiquement instable qui présente une augmentation croissante de la pression, de la température et de la vitesse de réaction, qui peut donner lieu à une explosion. De ces définitions concordantes, il ressort qu’un emballement de réaction met en jeu un système chimique instable (intrinsèquement ou par dérive du procédé) couplé à une insuffisance ou une défaillance des systèmes de contrôle du procédé. L’emballement de réaction peut donc être initié par plusieurs situations (Gustin [1]) :

– Perte de capacité de refroidissement (échange thermique) ;
– Température du fluide calorifique trop élevée ;
– Chauffage externe (exemple du cas d’un incendie) ;
– Introduction accidentelle ou excessive/insuffisante d’éléments tels que les catalyseurs, les réactifs contrôlants, les réactifs incompatibles… ;
– Accumulation de réactifs ;
– Durée excessive d’opération ;
– Ségrégation d’une phase instable.

Lorsqu’un emballement de réaction se produit, cela peut avoir pour conséquence :
– L’apparition de réactions secondaires (indésirables) qui ne se produiraient pas dans les conditions nominales du procédé. Il peut s’agir de la décomposition du mélange réactionnel ;
– L’augmentation de la vitesse de réaction ;
– L’augmentation de la pression causée par deux phénomènes : l’augmentation de la pression de vapeur du mélange à cause de l’augmentation de la température et la production rapide de gaz incondensables par les différentes réactions ayant lieu. Ces deux phénomènes peuvent avoir lieu en même temps ou séparément selon la nature des systèmes chimiques.

Lorsqu’un emballement de réaction se produit et si aucune mesure n’était prise, la pression dans le réacteur continuerait d’augmenter et pourrait atteindre sa limite de rupture mécanique. Il risquerait alors d’exploser. Il faut donc tout mettre en œuvre pour éliminer toutes les causes possibles pouvant entraîner un emballement. Mais il convient aussi de prévoir des dispositifs permettant de dépressuriser les enceintes sous pression en dernier recours. Ces dispositifs portent le non générique d’EVENTS de sécurité. Les évents de sécurité sont des systèmes de dépressurisation ayant pour objectif de protéger les enceintes (réacteurs, colonnes, réservoirs…) contre les surpressions accidentelles. Les systèmes d’évents se présentent sous deux principales formes : les disques de rupture et les soupapes.

La Méthodologie DIERS : Dimensionnement des évents par une méthode stationnaire

Les méthodes stationnaires se basent simplement sur un bilan d’énergie et de matière dans le réacteur en supposant que l’évacuation à travers l’évent est stationnaire à la pression considérée (Friedel et Korfmann, 2000). Ces méthodes incluent également des sous modèles pour évaluer l’énergie produite par la réaction exothermique considérée et le flux de matière à travers l’évent (généralement, on considère un rejet diphasique liquide-gaz/vapeur dont il faut évaluer la fraction volumique de la phase gazeuse). Le DIERS est au départ un consortium de 29 compagnies américaines réunies en 1976 sous l’égide de l’AIChE (American Institute of Chemical Engineers) pour développer des méthodes de dimensionnement d’évent pour la protection des enceintes contre les emballements de réactions chimiques. En particulier, les travaux du DIERS ont porté sur la prédiction des conditions dans lesquelles l’évacuation d’un mélange diphasique peut avoir lieu. Dans la suite, nous verrons que ce point est d’une importante capitale car la composition du mélange évacué influence directement la taille de l’évent nécessaire. Les travaux du DIERS ont ainsi conduit à :
– La mise au point de méthodes de calculs simplifiées, basées sur des données calorimétriques de l’emballement et sur des propriétés physico-chimiques facilement accessibles ;
– L’élaboration d’appareillages de laboratoire permettant d’étudier les réactions en phase d’emballement et de fournir les données calorimétriques nécessaires au dimensionnement des évents.

La méthodologie générale du DIERS est constituée de quatre grandes étapes :
(1) Définition du scénario majorant (scénario conduisant à la plus grande taille d’évent) servant de base au dimensionnement de l’évent. Cette démarche est généralement connue sous la dénomination de « screening ».
(2) Caractérisation thermodynamique et hydrodynamique du système étudié.
(3) Acquisition des données expérimentales nécessaires au calcul de l’évent grâce aux techniques de calorimétrie pseudo adiabatiques, la nature des données nécessaires étant fonction du type de système réactionnel. Il est important que les données expérimentales, qui sont acquises à une échelle très réduite par rapport aux enceintes industrielles, le soient dans des conditions proches de l’adiabatique (ou en reproduisant l’apport de chaleur si le scénario comporte un incendie).
(4) Sélection des méthodes de calcul de l’évent et de l’écoulement diphasique en fonction du type de système réactionnel.

Une procédure plus générale indiquerait que le dimensionnement des évents doit s’accompagner du dimensionnement des canalisations et des enceintes de collecte de la matière évacuée à travers ces évents lorsqu’ils sont amenés à fonctionner. Dans ce chapitre (et dans la suite de nos travaux), nous allons traiter uniquement du dimensionnement des évents.

Le screening : détermination du scénario majorant (pire des cas ou « worst case »)

Selon la méthodologie DIERS, le scénario majorant est celui nécessitant la taille d’évent la plus importante. Du point de vue industriel, le scénario majorant (ou scénario catastrophe) est une combinaison crédible de défaillances d’équipement et/ou de procédé donnant lieu à l’installation du plus grand système d’évent par rapport à d’autres scénarios crédibles. Pour déterminer (voire confirmer) le scénario majorant, il est nécessaire de procéder à l’étude expérimentale des différents scénarios de dérive. Un appareillage de type DIERS (VSP) peut être mis en contribution à cet effet. Le screening peut se faire en suivant les étapes successives suivantes(J. Etchells et al. 1998) :

– Considérer le fondement de sécurité le plus approprié pour la protection de l’enceinte. Ceci peut conduire à la conclusion que les évents ne sont pas appropriés (exemple d’un réacteur ouvert).
– Si les évents sont appropriés, établir une liste de dysfonctionnements crédibles pouvant conduire à des emballements exothermiques de réactions et à la pressurisation des enceintes.
– Dans la liste précédente, extraire un petit nombre de scénarios candidats potentiellement catastrophes. Et, dans cette liste réduite, déterminer le pire des cas. Des essais calorimétriques peuvent être nécessaires pour cela.
– Dimensionner le système d’évent à partir des données calorimétriques pour le scénario sélectionné.
– Si le système d’évent calculé est trop grand (d’un point de vue technologique) :
✔ Reconsidérer la base de sécurité ou
✔ Trouver des moyens fiables pour prévenir le scénario catastrophe afin de réduire la taille d’évent requise.

Cette procédure peut être itérative.

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Table des matières

Introduction : contexte général
PARTIE I : Etude bibliographique
Introduction générale : les évents de sécurité pour la protection des enceintes contre les emballements de réactions
I La Méthodologie DIERS : Dimensionnement des évents par une méthode stationnaire
I.A Le screening : détermination du scénario majorant (pire des cas ou « worst case »)
I.A.1 Caractérisation cinétique et thermodynamique des systèmes
I.A.2 Etudes expérimentales pour le screening et le dimensionnement des évents
I.A.3 Caractérisation hydrodynamique des systèmes
I.B Méthodes « classiques » de dimensionnement des évents
I.B.1 Dimensionnement des évents pour les systèmes vapogènes
I.B.2 Dimensionnement des évents pour les systèmes hybrides tempérés
I.B.3 Dimensionnement des évents pour les systèmes hybrides non tempérés
I.B.4 Dimensionnement des évents pour les systèmes gazogènes
I.B.5 Mesure expérimentale de la vitesse spécifique de production de gaz par VSP
I.B.6 Application de la méthode DIERS sur les cas réels : problème de surdimensionnement
I.C Dimensionnement des évents pour les systèmes non tempérés : Méthodologies dérivées du DIERS
I.C.1 La méthode de Creed & Fauske (1990) : prise en compte de l’effet de la vaporisation
I.C.2 Prise en compte de la masse évacuée selon Leung
II Dimensionnement des évents par similitude
Introduction au dimensionnement par similitude
II.A Le « Direct Scaling »
II.A.1 Principes du «direct scaling»
II.A.2 Avantages et limites de la méthode du «direct scaling»
II.B L’installation en similitude ONU 10 L
II.B.1 Principe de l’installation ONU 10 L
II.B.2 Avantages et limites de la méthode ONU 10 L
II.C L’installation EMSE « en similitude 0,1 L » (Véchot et al. 2008)
II.C.1 La ligne d’évent : simulation du fonctionnement d’un disque de rupture
II.C.2 Le système de mesure de la masse évacuée à travers la ligne d’évent
II.C.3 Avantages et limites de la maquette en similitude à 0,1 L
III Définition d’un système non tempéré
Introduction
III.A Système hybride tempéré ou non tempéré selon la littérature
III.B Synthèse : notre définition d’un système hybride non tempéré
Conclusion de l’étude bibliographique : Rappel des problématiques et introduction des démarches globales
PARTIE II : Etude Expérimentale
I Améliorations technologiques et compléments à la maquette en similitude
I.A Augmentation de la vitesse de montée en pression dans l’enceinte VSP2 4 L
I.A.1 Objectif
I.A.2 Principe des modifications réalisées et résultats expérimentaux
Conclusions sur l’augmentation de la vitesse de pressurisation de l’enceinte VSP 4L
I.B Augmentation de la vitesse de dépressurisation de l’enceinte VSP2-4L
I.B.1 Objectifs
I.B.2 Principe de la modification
I.B.3 Evaluation de la modification
Conclusion sur l’amélioration de la détente de l’enceinte VSP 4L
Conclusion générale sur les améliorations technologiques
I.C Complément à la maquette en similitude : système de mesure du volume de gaz évacué à travers la ligne d’évent
Introduction
I.C.1 Développement d’une méthode pour la mesure du volume de gaz
I.C.2 Utilisation du système de mesure du volume de gaz sur un emballement de réaction
Conclusion sur la méthode développée : limites et améliorations possibles
I.D Modification de la ligne d’évent
I.D.1 Contexte
I.D.2 Améliorations réalisées
II Etude de la décomposition thermique de 2 peroxydes organiques : le tBPEH et le peroxyde de dicumyl
II.A Sélection des peroxydes et des solvants
II.A.1 Sélection et présentation des peroxydes
II.A.2 Sélection des solvants
Conclusion sur les nouveaux systèmes chimiques sélectionnés
II.B Définition des études expérimentales réalisées
II.B.1 Caractérisation des systèmes réactionnels : tests calorimétriques
II.B.2 Etude des échanges thermiques induits par la maquette : tests en configuration maquette fermée
II.B.3 Etude du blowdown et évaluation des méthodes de dimensionnement des évents pour les systèmes hybrides non tempérés : tests en configuration maquette
II.B.4 Conditions opératoires générales
II.C Description générale du déroulement des essais
II.C.1 Déroulement des essais en cellule ouverte
II.C.2 Déroulement des essais en cellule fermée (et en maquette fermée)
II.C.3 Déroulement des essais en configuration maquette
II.D Remarques générales sur l’étude expérimentale des nouveaux systèmes chimiques
II.E Quelques précautions sur l’usage des essais expérimentaux
II.E.1 Limites de l’adiabaticité du VSP2®
II.E.2 Stabilité thermique des solvants organiques
Conclusion sur l’étude expérimentale
PARTIE III : Discussion sur les résultats expérimentaux
I Caractérisation des solutions testées : à la recherche d’un système purement gassy et de systèmes hybrides non tempérés
I.A Etude des essais en cellule fermée
I.A.1 Estimation des pressions de gaz incondensable et vapeur à Tmax
I.A.2 Test : est-ce bien une pression de vapeur ?
I.A.3 Ecarts à la pression de vapeur saturante du solvant : produits de décomposition et cinétique de vaporisation
Conclusion sur l’analyse des essais en cellule fermée
I.B Etude des essais en cellule ouverte
I.B.1 Sensibilité de la cinétique à la vaporisation
I.B.2 Conclusion sur l’étude de la sensibilité des systèmes chimiques à la vaporisation
I.C Classification des solutions selon les méthodes DIERS : le diagramme de décision VSP (Leung 2003)
I.C.1 Deux exemples : DCP 40 % en masse dans le butyrate et dans le xylène
I.C.2 Synthèse sur les autres solutions
II Evaluation de la vitesse de production de gaz ( g,max n& ) : comparaison des méthodes
II.A Etude HSL (Etchells et al. (1998b))
II.B Analyse de nos essais calorimétriques
II.B.1 Application à un système proche du pur gassy : DCP 40 % dans le butyrate
II.B.2 Application à deux systèmes sensibles à la vaporisation : DCP 40 % et tBPEH 25 % dans le xylène
II.C Discussion sur les quantités de gaz absorbé
III Etude des fuites thermiques : validation/extension de l’usage de la maquette à 0.1 L
III.A Validation de l’usage de la maquette en simulation incendie
III.B Validation de l’usage de la maquette en mode adiabatique
III.C Analyse du problème des fuites sur la maquette
IV Déroulement du blowdown
IV.A Evolution de Pmax en fonction des rapports A/V
IV.B Les aspects thermiques du blowdown
IV.B.1 La température d’ouverture de l’évent (Tset)
IV.B.2 Evolution de la température avec la pression et le temps
IV.B.3 La température maximale et ∆Tr
IV.B.4 La vitesse de montée en température : mesure de la cinétique de décomposition
Conclusions sur les aspects thermiques du blowdown
Conclusion

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