Télécharger le fichier pdf d’un mémoire de fin d’études
L’apport de James à l’étude de la conscience :
« La psychologie est la science de la vie mentale » (James, 1890). Ainsi, William James (1842 – 1910) délimitait le contour de la future psychologie cognitive, en mettant l’accent sur l’importance d’étudier scientifiquement les lois générales de la pensée. Cette affirmation propose ainsi de s’intéresser à un domaine subjectif que l’on considérait inaccessible à la méthode scientifique (Debru, Chauviré, & Girel, 2008).
L’un des apports majeurs de James, dans ce cadre, fut de développer une approche fonctionnaliste en réponse au «mind-body problem» en cherchant à appréhender les états mentaux en terme de fonctions cérébrales (Debru et al., 2008 ; Rubio, 2008). Cette proposition s’oppose au dualisme cartésien, mais aussi à l’idée répandue de l’esprit humain véhiculée par la pensée de Locke. Alors que cetteernièred conçoit les états mentaux comme un construit à partir de sensations simples 5, James va introduire la notion de « courant de la conscience », différente de celle profuse d’« étatde conscience », en ce qu’elle comporte une connotation dynamique et continue de « flux de conscience s’avançant, s’écoulant, se succédant sans trêve en nous.» (James, 1890, p. 225).
La conscience, selon James, est dépendante de l’expérience de chacun et permet ainsi de faire des choix personnels (Rubio, 2008). C’est en ce sens qu’il conçoit la conscience personnelle : « les pensées solidarisées à la façon dont nous les sentons solidarisées, c’est ce que nous concevons comme moi personnel » (James, 1892, p. 20-21). Elle serait composée d’un ensemble d’états mentaux ou pensées qui se sucèdent en nous de manière constante (stream of thought). La conscience personnelle serait un continuum qui assurerait l’identité et la continuité du soi. Elle est définie comme la «somme de tout ce que le moi peut appeler mien » (James, 1890, p. 292). Pour James (1890 ; 1892 ; Debru et al., 2008 ; Rubio, 2008), le moi se divise en moi matériel (ensemble des propriétés d’un individu), moi social (caractérisé par le groupe social qui gravite autour du moi et lui impose son sceau) et moi spirituel (intégrant le stream of consciousness et la vie subjective de l’individu). Nous verrons que cette conception princeps de la conscience a largement influencé la conception moderne de l’espace de travail conscient modélisé par Dehaeneet Naccache (2001), développée plus loin (cf. Chapitre I, § 1.3.2.).
La psychologie naissante a donc repris à son compte le problème de l’interaction corps-esprit, attribut jusque là de la philosophie, en considérant la conscience alternativement comme la méthode privilégiée d’examen des contenus conscients de la pensée humaine (Wundt et l’introspection), puis comme le sujet de réflexion privilégié de la jeune discipline (James et le fluxde conscience). A partir des années 1920, les psychologues expérimentalistes vont se détourner de la conscience en réfutant la possibilité de sonder des processus subjectifs dans une discipline scientifique. Une seule exception notable à ce cons tat nous est fournie par les observations de cas cliniques en neuropsychologie, relançant la réflexion autour du problème de la conscience.
L’exception neuropsychologique :
Les travaux en neuropsychologie ont maintenu le questionnement sur la conscience possible, alors même que la psychologie expérimentale montrait la plus grande circonspection vis-à-vis de l’étude des phénomènes subjectifs.
Qu’il s’agisse des illustrations cliniques de patie nts amnésiques, manifestant un apprentissage en dehors de toute introspection consciente (travaux de l’équipe de Milner sur près de 50 ans autour du cas HM, 1968 ; 1998 ; 2005), ou des études de cas de patients atteints de blindsight niant avoir perçu des stimuli mais dirigeant effic acement leurs actions vers les stimulations présentées dans le champ « aveugle » (Weiskrantz, Warrington, Sanders, & Marshall, 1974 ; Weiskrantz, 1986), ou bien encore les multiples exemples de patients présentant une héminégligence spatiale mais douése dcapacités résiduelles de traitement d’informations présentées dans l’hémichamp « inattentif » (Bisiach & Luzzatti, 1978; Marshall & Halligan, 1988), les travaux en neuropsychologie clinique regorgent de preuves de l’existence de traitements inconscients qui vont biaiser la perception et influencer la prise de décision consciente du patient sans qu’il soit capable de rapporter les raisons de ce choix.
En dehors des apports des études auprès de patientscérébrolésés, il faudra attendre la fin du siècle dernier pour qu’une recrudescence des études des états mentaux complexes, réfléchis et subjectifs voit le jour dans le domaine des neurosciences cognitives (Gazzaniga, 2004). Ce renouveau est rendu possible grâce à un double mouvement : un abandon de l’introspection comme méthode d’accès à l’architecture mentale ; et une affirmation de la légitimité de l’étude des traitements conscients et introspectifs dès lors qu’ils constituent des patterns de traitements disponibles. Nous allons présenter, dans le point suivant, les modèles récents en psychologie cognitive mettant l’accent sur la possibilité, voire sur l’importance, d’étudier expérimentalement la conscience.
L’inconscient cognitif ou la conscience réinventée en psychologie :
L’introduction des modèles computationnels en psychologie, l’affleurement des théories du traitement de l’information au milieu du XXème, ainsi que le développement des techniques d’imagerie fonctionnelle ont permis à ce rtains « nouveaux explorateurs de la vie mentale »6 de renouveler notre intérêt pour l’étude de la «onscience » en neurosciences (Naccache, 2006). Paradoxalement, l’attention de ces premiers travaux s’est portée sur « la face cachée de l’iceberg»7, et plus précisément, sur les traitements non conscients possibles d’une manière subliminale.
La perception subliminale intervient à chaque fois qu’un stimulus, présenté en dessous du seuil de conscience, parvient néanmoins à influencer nos pensées, nos émotions et nos actions, supposées conscientes (Merikle, 2000). Ce paradigme a largement été repris dans le domaine du masquage attentionnel, notamment dans le cadre de la perception d’expressions faciales émotionnelles (Whalen et al., 1998 ; Morris, Ohman, & Dolan, 1998). Les résultats s’accordent pour rapporter une modulation du jugement conscient, en présence d’amorces subliminales alors même que les participants n’avaient pas conscience d’avoir perçu ce stimulus. Ainsi, dans l’expérience princeps de Whalen et al. (1998), la technique de masquage visuel permettait de supprimer la perception consciente d’un visage neutre, alors que les visages subliminaux exprimant la peur donnaient lieu à une activation de l’amygdale.
Ce champ d’étude repose ainsi sur deux postulats importants.
Premièrement, la conscience est « un phénomène réel, naturel, biologique, littéralement localisé dans le cerveau» (Revonsuo, 2000). En effet, la conception de la conscience comme une forme de traitement de l’information associée à un type particulier d’activité neuronale légitime la réintroduction dela conscience dans le domaine de la psychologie expérimentale, et permet l’étude des corrélations psycho-neurales à l’œuvre dans les traitements conscients, comme dans tout autre domaine de la vie mentale humaine.
Deuxièmement, dans l’ensemble de ces travaux, les auteurs considèrent qu’il existe un seuil de conscience au-delà duquel une information modifie les activations cérébrales et parvient à accéder à la conscience du sujet. Cette assertion suppose, in fine, que l’on puisse mesurer, grâce aux temps de réponses, aux potentiels évoqués et autres techniques d’imagerie, un état de conscience (Dehaene & Naccache, 2001).
Même si les recherches actuelles autour de cette notion de conscience d’accès ne permettent pas l’émergence d’un modèle conceptuel commun, les différentes contributions théoriques s’accordent sur l’existence de quatre propositions communément admises sur la nature et la fonction de la conscience. La conscience d’accès serait ainsi associée à (1) un système de supervision centrale ; (2) aurait une capacité limitée ; (3) serait alimentée par des boucles de réentrée dans le traitement de l’information des données sensorielles ; et (4) dédierait un espace interne de synthèse, de maintie et de partage des données.
Nous allons brièvement détailler ces quatre pointsd’accord sur la conception actuelle de la conscience en sciences cognitives, dans l’objectif de mettre en exergue les points d’accord importants dans la conception contemporaine de la conscience.
(1) La conscience d’accès serait ainsi associée à un système de supervision centrale. Il est important de rappeler, à ce stade, que cette notion de supervision centrale se trouve aujourd’hui totalement admise dans les théories courantes de la psychologie (e.g. : Posner, Klein, Summers, & Buggie, 1973 qui proposent une distinction entre processus automatiques et contrôl és ; ou Norman & Shallice, 1980 pour qui les comportements conscients dépendent d’un système de supervision supérieur aux traitements automatiques). Elle trouve en réalité son origine dans le travail fondateur de James (1890), pour qui la conscience est un système supérieur dont le rôle est de réguler les opérations et le fonctionnement des autres systèmes 8.
La métacognition : une interprétation en termes de « conscience de soi » :
Introduction :
Le précédent chapitre était l’occasion pour nous derappeler l’ubiquité de la question de la « dualité de l’esprit » dans les controverses philosophiques et psychologiques depuis Descartes (1596 – 1650) et jusqu’à l’approche neuro psychologique du « Self-awareness » (e.g. Stuss & Benson, 1986). Comme nous allons le démontrer, les travaux de l’école métacognitive initiée par les études de Flavell (1971 ; 1979) ont permis la réintroduction de l’étude des phénomènes inconscients en sciences cognitives.
Le présent chapitre sera donc consacré à l’exposé esd cadres théoriques métacognitifs permettant de mettre en perspective la notion de « Self-awareness » déjà esquissée (cf. Chapitre I, § 1.4.3.) avec celle de la conscience de soi. Nous confronterons les divers modèles de métacognition disponibles dans la littérature neuropsychologique (Flavell, 1971 ; 1976 ; 1979 ; Flavell & Wellman, 1977 ; Noël, 1991 ; 1999 ; Noël, Romainville, & Wolfs, 1995), avec un intérêt tout particulier pour les travaux utoura de la métamémoire (Nelson & Narens, 1990) et de l’anosognosie des troubles mnésiques (Schacter, 1990a ; 1990b ; Agnew & Morris, 1998 ; Morris & Hannesdottir, 2004). Nous proposerons ainsi une première compréhension des déficits de conscience de soi appliquée à la mémoire, au moyen de ces modélisations. La seconde grande partie de ce chapitre sera dédiée à la présentation des données cliniques explorant le « Self-awareness » dans le vieillissement cognitif normal et pathologique, qui sont tous les deux caractérisés arp des plaintes et des déficits mnésiques (Souchay, 2007 ; Dunlosky & Metcalfe, 2009).
Métacognition – Cadre conceptuel :
Nous faisons régulièrement l’expérience d’opérations mentales triviales dans notre quotidien cognitif, comme l’impression de connaître une information sans pouvoir se la rappeler. Le phénomène du « mot sur le bout de la anguel » en est un exemple éloquent. En effet, lors du « tip-on-the-tongue phenomenon », (TOT), nous faisons la constatation particulière de la « connaissance d’une absence de connaissance » (Brown, 1991). Nous savons que l’information est disponible tout en étant dans l’incapacité de la retrouver. L’ensemble de ces expériences quotidiennes mettent en exergue la comparaison continuelle faite entre nos perceptions conscientes et l’ensemble des connaissances accumulées en mémoire, entre le degré de confiance estimé en la éponser et la performance réelle (Kunimoto, Miller, & Pashler, 2001). Dans son travail princeps, Hart (1965) a introduit une méthode originale pour l’étude de ce phénomène. Elle a constitué le point de départ de nombreux travaux dans le domaine de la métacognition. Pour évaluer la précision des rapports verbaux des sujets sur leurs expériences métacognitves, Hart (1965) a développé le jugement du Feeling of Knowing (FOK ou sentiment de savoir) basé sur ce décalage entre la capacité limitée à rappeler des informations stockées, maisqui peut être facilitée par une situation de reconnaissance à choix multiples, et le sentiment d e connaître la réponse même si elle n’est pas disponible. Il va ainsi remettre au centre de toute introspection métacognitive le rapport verbal du sujet sur ses propres opérations mentales. C’est dans ce sens que Dehaene et Naccache (2001) ont considéré, bien des années plustard, la rapportablité de l’expérience subjective comme la condition sine qua none de tout accès à la conscience.
Malgré les réticences des psychologues cognitiviste à s’attacher au rapport verbal du sujet comme méthode d’accès aux processus cognitifsqu’il a mis en place, Lieberman (1979) va prôner un retour limité à cette méthode pour comprendre les comportements et pensées d’un être humain en respectant le critère suivant :« The only reasonable criterion is an empirical one : whether or not introspective data help us to understand behavior » (p. 320).
Ericsson et Simon (1980) ont permis de spécifier cecritère en considérant, sur la base du modèle de mémoire de Atkinson et Shiffrin (1968), que nous pouvons réaliser des jugements introspectifs valides sur un aspect de la cognition dès lors que cet aspect est disponible en mémoire à court terme et que le rapport verbal est bien fidèle à la tâche cognitive réalisée. Leur revue de littérature montre ainsi que les jugements introspectifs des sujets sont efficients lorsqu’ils sont directs (ne nécessitent pas un recodage des performances par exemple en pourcentage) et qu’ils renvoient au contenu actuel d’une mémoire transitoire.
En réhabilitant les rapports verbaux des sujets dans la compréhension de certains aspects de leur cognition, Ericsson et Simon (1980) ont ainsi posé la pierre angulaire de « l’école métacognitive », même si plusieurs auteurs ont auparavant utilisé des concepts, voire des méthodes, que nous considérons aujourd’hui comme appartenant à la tradition métacognitive (TOT – Hart, 1965).
C’est à Flavell (1979) que nous devons le développement de cette école et notamment la première conceptualisation de la métacognition littéralement( : «au-delà de la cognition ») comme « la connaissance qu’on a de ses propres processus cognitifs, de leurs produits et de tout ce qui y touche, par exemple, les propriétés ertinentesp pour l’apprentissage d’informations ou de données […]. La métacognition se rapporte entre autres choses, à la surveillance active, à la régulation et l’orchestration de ces processus en fonction des objets cognitifs ou des données sur lesquels ils portent habituellement pour servir un but ou un objectif concret » (p. 906).
Sur la base d’un modèle de contrôle cognitif, Flave ll (1971 ; 1979) a initié tout un champ de recherche en sciences cognitives. Il distingue quatre grandes classes de phénomènes psychologiques inhérents à la métacognition :
les connaissances métacognitives, acquises grâce aux différentes expériences, et qui correspondent à un savoir général sur le contenu, le fonctionnement et les produits de nos processus cognitifs. Parmi les connaissances métacognitives qui influencent la performance cognitive, Flavell et Wellman (1977) distinguent celles qui portent sur (a) les personnes, (b) celles qui ont trait à des tâches cognitives particulières, (c) et celles qui se rapportent aux stratégies efficaces permettant de réaliser ces tâches. Notons, par ailleurs, que les connaissances métacognitives portant sur les personnes correspondent, en fait, à toutes les connaissances ou croyances que nous avons par rapport au fonctionnement cognitif des personnes, y compris de soi même.
les expériences métacognitives,plus dépendantes de la tâche en cours, et qui se rapportent aux expériences affectives et cognitives conscientes inhérentes à toute activité cognitive qui assurent une régulation de l’activité en cours.
les buts cognitifs : sont les objectifs qui initient et astreignent les activités cognitives entreprises.
les actions cognitives : sont celles mises en œuvre pour accomplir les buts fixés .
De plus, le modèle de contrôle cognitif (Flavell, 1976 ; cf. figure 1) est élaboré autour de deux niveaux hiérarchiquement distincts :le niveau de l’objet (object level), conçu comme le niveau des processus cognitifs à la base de la c onstruction et de l’organisation des représentations mentales de premier ordre sur le monde ; le méta-niveau (meta level) qui contient un modèle de compréhension de ces représentations ou méta-représentations. Cette conception métacognitive nouvelle n’est pas sans rappeler la notion de « higher order thought » (Rosenthal, 2000) présentée lors de notre premierchapitre, définie comme la capacité de formuler des pensées supérieures sur sleétats conscients du type « je sais que je sais » (Nelson, 2000). La hiérarchie instaurée entr ces deux niveaux permet de réguler les flux d’informations grâce à deux mécanismes métacognitifs en interaction. Le monitoring qui correspond à la capacité d’accéder consciemment à nos propres opérations mentales, et de les rapporter à nous-mêmes ou à autrui15. La fonction principale du monitoring serait de mettre à jour les informations et le modèle de représentations que nous possédons par une activité ascendante. Alors que le contrôle métacognitif, défini comme la capacité à réguler nos propres processus mentaux, permettrait d’agir sur nos propres processus mentaux une fois que l’information est prise en compte au niveau métareprésentationnel. Cette action descendante permettrait ainsi d’initier ou de modifier une activité cognitive en cours, au vu des informations fournies par le mécanisme de monitoring.
Approche piagétienne de l’acquisition des processus métacognitifs :
Très influencé par les thèses piagétiennes, Flavell(1979) souligne l’importance de la métacognition dans l’éducation, notamment à travers la mise en place de stratégies de recherche active en mémoire. La conception de la métamémoire, notamment comme une incorporation et une généralisation des régularitésissues des différentes expériences mnésiques (Flavell & Wellman, 1977) n’est pas sans nous rappeler la notion d’abstraction réfléchissante,notion centrale dans le cadre théorique du constructivisme piagétien (Piaget, 1975). Ce mécanisme dynamique est conçu dans les thèses piagétiennes comme impliquant deux niveaux codicillaires et indissociables: l’abstraction réfléchissante permet de se représenter une action et de la reconstruire en généralisant des modes de pensées antérieurs formés lors des paliers développementaux précédents.Elle converge à des niveaux supérieurs à ce que Piaget (1975) désigne sous le terme d’abstraction réfléchie,et qui consiste en une « thématisation rétroactive» (Berthoud-Papandropoulou, 1991), ou une prise de conscience après coup, de la construction réalisée. Ce qui revient à parler de connaissance sur la connaissance ou de métacognition telle que la conceptualisent Flavell et ses successeurs (1971 ; 1979).
En conclusion, et en référence au mécanisme de l’abstraction réfléchissante, la métacognition peut être envisagée comme un réaménagement de plus en plus réflexif des expériences et connaissances cognitives accumulées au cours du développement, puis à se les représenter et les rapporter à autrui , avant d’être en capacité de les comparer et de porter dessus un jugement « métacognitif ». C’est donc le développement de l’enfant qui précède et détermineles apprentissages. Les pré-acquis (e.g. les connaissances métacognitives, Flavell & Wellman, 1977) se trouvent ainsi au centre du processus d’apprentissage car ils déterminent les acquisitions futures.
Vygotsky ou l’origine sociale de la Métacognition :
Flavell et Wellman (1977) proposaient dans leur article princeps sur la métamémoire que cette capacité métacognitive joue un rôle fondateur dans le développement des capacités mnésiques en ce qu’elle permet d’améliorer le fonctionnement de la mémoire en fonction des connaissances déjà acquises lors d’expériences précédentes. L’apport de Vygotsky (1896 – 1934) est à ce niveau différent de l’école piagétienne puisqu’il inverse la relation apprentissage-développement et considère que c’est bien les apprentissages qu’acquiert le sujet tout seul, ou en compagnie de l’adulte, qui favorisent le développement. Par ailleurs, Vygotsky (1978 ; 1985) met en exergue le rôle des i nteractions sociales de l’enfant dans l’acquisition de la métacognition. Comme le rappelle Combe-Pangaud (2001), l’entourage familial et social de l’enfant « fait office de …métacognition externe favorisant à la fois les apprentissages, en anticipant sur le développement –notion de zone de développement proximal- et la prise de conscience des phénomènesde mémoire. » (p. 198)
En résumé, les propositions de Flavell et Wellman 1977)( sur les expériences métacognitives, et notamment leur rôle dans le développement de la mémoire, trouvent leurs racines dans les axiomes de Vygotsky (1978 ; 1985) des origines sociales des processus cognitifs, notamment à trave rs l’acquisition du langage, conçu comme un outil primordial pour la construction et la rapportabilité de tout savoir métacognitif. C’est bien ce que nous rappelle Vygotsky (1985) en prônant que « l’histoire du progrès de l’internalisation du langage social est aussi l’histoire de la socialisation de l’intellect des enfants » (p. 27).
Métamémoire – modèles de base :
Aspects conceptuels de la métamémoire :
Le domaine le plus exploré dans la tradition métacognitive est indiscutablement celui de la métamémoire, inauguré par les travaux de Hart(1965) autour du sentiment de savoir (feeling of knowing) avant d’être conceptualisé par Flavell et Wellman(1977).
La métamémoire se réfère ainsi à la connaissance deses propres capacités de mémoire ainsi que des stratégies qui peuvent l’aider. Elle inclut aussi une connaissance de tous les processus impliqués dans l’auto-surveillance de sa mémoire, depuis l’apprentissage de nouvelles informations jusqu’à leur rappel ultérieur (Pannu & Kaszniak, 2005 ; Dunlosky & Metcalfe, 2009).
C’est Nelson et Narens (1990) qui précisent explicitement le cadre conceptuel de la métamémoire en proposant un modèle intégratif de tamémoire largement répandu et distinguant un niveau cognitif, gérant les activités en cours, et un autre métacognitif, susceptible d’intervenir pour modifier les stratégies employées. Sur la base des propositions de Flavell (1971 ; 1976 ; 1979), Nelson et Narens (1990) vont proposer une conception de la métamémoire comme un système cognitif en interactio grâce à deux fonctions : le monitoring et le control (cf. figure 2). Le monitoring, ou surveillance, intervient avant la résolution de la tâche pour la formulation d’un plan d’action permettant de la résoudre. Lors de cette phase, les connaissances métacognitives dusujet entrent en interaction avec la tâche mnésique en cours pour donner des informations sur l’efficacité de l’apprentissage et la nécessité (ou non) de le poursuivre. Le niveau ducontrol, ou de la régulation, qui se fait au cours de la réalisation de la tâche, correspond quant à lui à une phase de contrôle on-line de l’efficacité du plan adopté, permettant d’interveni pour changer le plan d’action et modifier la stratégie adoptée.
|
Table des matières
Résumé/ Abstract
Introduction Générale:
Première Partie: Conscience de Soi et de l’Autre
Introduction:
Aspects Théoriques:
Chapitre I: Polysémie et pluridisciplinarité de la « Conscience »:
1.1. Introduction :
1.2. Que faut-il entendre par « conscience » ?
1.2.1. Les trois principaux sens du terme conscience :
1.2.2. La notion de « conscience de soi » :
1.3. Rappels de quelques théories de la conscience :
1.3.1. La conscience comme objet et méthode de la psychologie :
1.3.1.1. L’apport de James à l’étude de la conscience :
1.3.1.2. L’exception neuropsychologique :
1.3.2. L’inconscient cognitif ou la conscience réinventée en psychologie :
1.3.3. La conscience de haut niveau :
1.3.4. Les théories sociales de la conscience :
1.4. Conscience et vieillissement normal et pathologique :
1.5. Synthèses et perspectives :
Chapitre II : La métacognition : une interprétation en termes de « conscience de soi » :
2.1. Introduction :
2.2. Métacognition – Cadre conceptuel :
2.3. Origines du concept :
2.3.1. Approche piagétienne de l’acquisition des processus métacognitifs :
2.3.2. Vygotsky ou l’origine sociale de la Métacognition :
2.4. Métamémoire – modèles de base :
2.4.1 : Aspects conceptuels de la métamémoire :
2.4.2. Conscience et métamémoire :
2.4.2.1. Différences et similarités conceptuelles et méthodologiques :
2.4.2.2. Les modèles neuropsychologiques de l’anosognosie :
2.5. La métamémoire et sa fonction de monitoring dans le vieillissement normal et pathologique
2.5.1. Vieillissement normal de la fonction de monitoring métamnésique
2.5.2. Maladie d’Alzheimer et monitoring en métamémoire
2.6. Synthèses et perspectives
Chapitre III : La Théorie de l’Esprit comme représentation de la conscience de l’autre
3.1. Introduction :
3.2. Théorie de l’Esprit : aspects conceptuels
3.3. Origine du concept de Théorie de l’Esprit
3.3.1. La philosophie de l’esprit
3.3.2. L’éthologie cognitive
3.3.3. Les travaux sur l’Autisme et la TdE
3.3.4. La cognition sociale selon Vygotsky
3.3.5. L’école métacognitive et l’influence piagétienne
3.4. Théorie de l’Esprit dans le vieillissement normal et pathologique
3.4.1. Vieillissement normal des capacités de Théorie de l’Esprit
3.4.2. Maladie d’Alzheimer et Théorie de l’Esprit
3.5. Synthèses et perspectives
Questions Critiques:
Chapitre IV : Etat des connaissances sur les liens entre la Métamémoire et la TdE
4.1. Introduction
4.2. Relations entre métacognition et TdE
4.2.1. Différences entre métacognition et TdE
4.2.2. Similarités entre métacognition et TdE
4.2.3. Arguments en faveur d’une convergence entre la conscience de soi et la conscience de l’autre
4.2.3.1. Les apports développementaux :
4.2.3.2. Les modèles théoriques :
4.2.3.3. Qu’en est-il des soubassements anatomiques ?
4.3. Métacognition, TdE et fonctionnement exécutif : Quels niveaux de contrôle de l’action engagés?
4.3.1. Fonctions Exécutives : aspects conceptuels
4.3.2. Dépendance ou indépendances entre TdE et FE ?
4.3.3. Fonctionnement exécutif et métamémoire
4.4. Explorations expérimentales des relations TdE-métacognition dans les populations cliniques
4.4.1. Etudes développementales :
4.4.2. Etudes en psychopathologie:
4.4.3. Etude dans la pathologie frontale :
4.5. Quel intérêt dans la MA ?
4.6. Synthèses et perspectives :
Problématique Générale et Hypothèses Théoriques
Contributions Cliniques & Expérimentales
Chapitre V : Etude des capacités de métamémoire dans la MA
5.1. Introduction :
5.2. Rappels théoriques & critiques :
5.3. Méthodologie :
5.3.1. Construction du matériel expérimental:
5.3.2. Procédure expérimentale:
5.3.3. Evaluation neuropsychologique
5.3.4. Population & critères d’inclusion
5.4. Hypothèses opérationnelles
5.5. Résultats
5.6. Discussion
5.7. Synthèse et perspective
Chapitre VI : Etude des capacités de TdE dans la MA
6.1. Introduction
6.2. Rappels théoriques & critiques
6.3. Méthodologie
6.3.1. Présentation du matériel expérimental
6.3.2. Procédure expérimentale
6.4. Hypothèses opérationnelles
6.5. Résultats
6.6. Discussion
6.7. Synthèse et perspective :
Chapitre VII : Fractionnement de l’architecture frontale : étude des liens entre TdE, Métamémoire & fonctionnement exécutif dans la MA
7.1. Introduction
7.2. Cadre théorique de questionnement
7.2.1. Rappels théoriques et critiques
7.2.2. Hypothèses exploratoires
7.3. Résultats
7.3.1. Corrélations entre les variables métamnésiques et de TdE
7.3.2. Analyse des profils individuels
7.4. Discussion
7.5. Synthèse et perspective
Chapitre VIII: Discussion de la première partie et perspectives de travail :
8.1. Introduction
8.2. Principales avancées de notre travail :
8.3. Limitations méthodologiques :
8.4. Qu’en est-il des écueils théoriques ?
8.4.1. Les paradigmes classiques d’évaluation de la cognition sociale:
8.4.2. La notion d’interaction :
8.4.3. L’ approche cognitive de la TdE :
8.5. Synthèse & Perspective :
Deuxième Partie: De la cognition à l’interaction sociale Contibutions Théoriques & Critiques
Chapitre IX: Interaction, représentation & prise de perspective sociale
9.1. Introduction
9.2. La représentation des relations à autrui abordée par la sociologie
9.2.1. Mead ou l’interaction sociale symbolique
9.2.1. Goffman et la mise en scène de la vie quotidienne
9.3. La représentation des relations à autrui abordée par la psychologie sociale
9.4. Réinterprétation neuropsychologique des concepts sociaux et psycho-sociaux
9.4.1. La notion d’adhérence cognitive
9.4.1.1. Adhérence cognitive & résolutions de problèmes insolubles
9.4.1.2. Adhérence cognitive & tâches d’arrangement de scripts
9.4.1.3. Adhérence cognitive & comportement de dépendance à l’environnement
9.4.2. De la résolution de problèmes…sociaux
9.4.3. De la production de récits en neuropsychologie
9.4.4. Approche comportementaliste de la TdE
9.4.2. Qu’en est-il dans le vieillissement
9.5. Synthèse et perspectives
Apports Clinqiues & Expérimentaux:
Chapitre X: Etude de la prise de perspective sociale dans la MA
10.1. Introduction
10.2. Rappels théoriques & critiques
10.3. Méthodologie
10.3.1. Matériel & procédure expérimentale
10.3.2. Population & critères d’inclusion
10.4. Hypothèses opérationnelles
10.5. Résultats
10.6. Discussion
10.7. Synthèse & Perspectives
Discussion & Conclusions Générales
Références Bibliographiques
Télécharger le rapport complet