La mesure de performance composée
Contrairement à un investissement dans les classes d’actifs traditionnelles, un investissement en Private Equity consiste à investir dans une série de cash-flows. Il y a parmi les actifs traditionnels, comme par exemple les obligations, des structures qui consistent également à un investissement dans une série de cash-flows, mais il y a cependant une différence cruciale entre ces actifs et le Private Equity : l’incertitude quant au timing et aux montants de ces cash-flows. En raison de cette incertitude il n’est pas possible de mesurer des performances périodiques journalières, hebdomadaires, trimestrielle ou annuelles pour les fonds de Private Equity. Deux éléments principaux expliquent cela. Le premier est simplement qu’il s’agit d’un actif illiquide et le second que les cash-flows interviennent à des périodes différentes de la vie du fonds (10-12 ans) avec typiquement les drawdowns6 ayant majoritairement lieu sur la première moitié de la vie du fonds, puis les distributions7 commençant généralement à partir de la cinquième année de vie du fonds (pour un Buyout).
La taille de ces cash-flows rendrait également l’annualisation de la performance très subjective étant donné que les plus grosses distributions tendent à être faites très proche de la fin de vie du fonds. La performance composée consiste simplement à mesurer la performance depuis le début du fonds jusqu’à la date d’évaluation. En Anglais, since inception to date. Par exemple, disons que si l’on s’intéresse à la performance d’un fonds de la Vintage 2009, on va regarder sa performance composée depuis 2009 jusqu’à aujourd’hui. Finalement, la performance ne peut être connue que lorsque le fonds est complétement liquidé. Avant sa liquidation totale, autrement dit au courant de sa vie, la performance est calculée sur les cash-flows réalisés et en considérant que la valeur résiduelle des investissements non-réalisés (sujet à un gros biais d’estimation) est payée en un seul et unique cash-flow afin de pouvoir mesurer ce qu’on appelle le IRR, Internal Rate of Return.
Modified Public Market Equivalent (« mPME »)
Une analogie bien connue dans le milieu du Private Equity dit que comparer la performance d’un investissement en Private Equity avec celle d’un marché public revient à comparer des pommes avec des oranges étant donné que l’un est mesuré de manière composée, soit sous forme d’IRR soit sous forme de multiple, et l’autre simplement en Time Weighted Return (« TWR »). Les trois mesures, chacune de nature bien différente, ne sont pas comparables les unes avec les autres. Dans le but de pouvoir comparer des pommes avec des pommes, la mesure du Public Market Equivalent a été développée. Aujourd’hui, cette méthode est largement utilisée dans l’industrie et plusieurs méthodologies différentes ont été créées afin de retravailler les indices publics en Public Market Equivalent. La méthodologie mPME de Cambridge Associates sera utilisée dans cette analyse, c’est donc la seule qui est expliquée ciaprès. « Selon la méthode mPME, les réelles contributions privées sont investies dans l’indice public. Les distributions, quant à elles, sont calculées dans la même proportion que dans l’investissement privé.
En essence, le Public Equivalent « vend » la même proportion en nominal d’actions publiques contenue dans la NAV que l’investissement privé vend en actions privées. Les rendements publics, combinés avec ces cash-flows mPME, génèrent un flux de Public-Equivalent NAV (c-à-d, la valeur dans le temps du portefeuille synthétique). […] L’idée au centre du mPME est que, intuitivement, les distributions sont censées être proportionnelles à la croissance. C’est pourquoi le mPME distribue mécaniquement au même taux de distribution (et moment) que l’investissement privé, tentant de (dans l’ensemble) de répliquer l’investissement privé dans les conditions du marché public. Cette méthodologie est robuste, étant donné qu’en contraste avec les autres méthodologies PME, elle s’assure que les distributions de Public Market Equivalent ne dépasseront jamais ce qui est disponible à distribuer, évitant le problème bien connu et documenté de la NAV négative. » (Ma traduction) (Thomson Reuters Private Equity Benchmarking Add On, Powered by Cambridge Associates, p. 13).
Cyclicité des performances
La crise financière de 2008 a causé une période d’anxiété chez les investisseurs en créant des doutes sur la capacité des fonds de Private Equity à continuer de livrer une surperformance relative aux marchés publics. A ce moment-là, les fonds avaient acquis leurs actifs à des prix élevés lors du pic des marchés et le prix de ces derniers avait chuté suite à la crise. Le rally des marchés publics, tirant les valorisations vers le haut et supportant les activités de M&A et d’IPO, mêlé à la force de la croissance économique et à la disponibilité de la dette pas chère et abondante, avait brusquement cessé, laissant les fonds Buyout dans une situation d’incertitude et les investisseurs dans une situation gênante avec leurs intérêts bloqués dans des fonds illiquides. La reprise des marchés financiers de 2009-2010 a cependant permis aux fonds des Vintage 2006-2008 de voir la valorisation de leurs actifs remonter, leur permettant d’afficher à nouveau une NAV correspondant aux prix payés pré-crise. Au troisième trimestre 2016, les fonds des Vintages 2006-2008 présentaient respectivement des IRR de 7.88%/14.65% (pooled return / upper quartile) pour 2006, 11.29%/17.43% pour 2007 et 14.81%/19.88% pour 2008 (C|A Benchmark, 2017), soulignant le fait que les performances du Private Equity augmentent avec le temps et qu’il est délicat de juger ces performances sur le court terme.
On constate avec ces chiffres qu’il y a un spread important entre les IRR constatés sur les Vintages précédant la crise et ceux constatés directement après la crise. Le même phénomène est observé autour de la Bulle Technologique (Sébastien Gyger et Serge Ledermann, 2016). Higson et Stucke (2012) ont également noté que les Vintages des premières moitiés de décennies avaient en moyenne mieux performé que les Vintages des secondes moitiés de décennies. Leur recherche n’incluait alors pas encore les chiffres de la Vintage 2009, trop récente à l’époque, qui fait exception à cette découverte. En lien avec la cyclicité des marchés publics, on note que les premières moitiés de décennies étaient jusqu’à la fin des années 2000 des périodes ayant subi d’importantes pertes sur le S&P 500 avec la Bull Depression en 1980-1982, la crise économique du début des années 90 et l’explosion de la Bulle Technologique en 2001. Joana Rocha de Neuberger Berman a également mentionné lors du Geneva Investment Summit d’octobre 2016 que bien qu’il soit excessivement difficile de jouer sur le timing du Private Equity en raison de la répartition des investissements sur plusieurs années, on observe que les Vintage Years sur les pics ou peu de temps après ont comparativement mieux performé.
Sur la figure 3, le pooled IRR et le upper quartile IRR des US Buyouts (C|A Benchmark, 2017) sont mis en perspective avec l’évolution du S&P 500 en échelle logarithmique. Ce graphique n’a pas pour but de comparer les performances mais d’illustrer la relation entre les pics du marché et l’IRR produit par les US Buyouts : les vintage 2000-2001 ont produit une performance supplémentaire de l’ordre de 12-14% de plus que les années précédant le pic de 1999 (le véritable pic de début 2000 n’est pas reflété sur le graphique), puis comme mentionné précédemment le même phénomène peut être observé autour de la crise financière de 2008 avec une augmentation de l’IRR marquée par un pic à 20.61% (pooled return) et à 26.78% (upper quartile) pour la vintage 2009. Les Vintage 2001-2003 et 2009 sont les seules Vintage du 21ème siècle à figurer dans le Top 10 de ces 30 dernières années (mesuré en Pooled return selon les données de C|A Benchmark (2017) pour les vintage 1986-2016).
US Secondaries
Le marché secondaire US montre également une certaine cyclicité avec le S&P 500 (mPME) bien qu’elle soit moins prononcée que celle des US Buyouts. Deux raisons principales expliquent cette similarité, la première étant que les Secondaries sont principalement acheteurs d’intérêts dans des Buyouts (Preqin, 2016) et la seconde que le volume de transactions des Secondaries augmente généralement en période de stress, ce qui signifie également de plus grands discounts sur le rachat des intérêts des LPs et donc in fine, lorsque les marchés publics dégringolent, les Secondaries font des rachats d’intérêts à des prix attractifs qui permettent d’obtenir par la suite, lorsque les valorisations remontent aux niveaux pré-stress, des recettes de ventes intéressantes. Figure 5 : Illustration des performances des US Secondaries et du S&P 500 (Graphique : LAUBER, Jérôme, 2017 ; Source des données : Cambridge Associates, 2017) Cette cyclicité semble cependant tendre à se dissiper sur les 5 dernières années en raison de la démocratisation des Secondaries et de leur utilisation croissante en tant que moyen de gestion de portefeuille. Lors d’une interview de Benoit Verbrugghe, Head de Ardian US, l’un des plus gros acteurs du marché secondaire, il a très justement dit : “
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Table des matières
Déclaration
Remerciements
Résumé
Table des matières
Liste des tableaux
Liste des figures
1. Introduction
1.1 Evolution du Private Equity
2. Performances du Private Equity et cyclicité
2.1 Les mesures de performance
2.1.1 La mesure de performance composée
2.1.2 Internal Rate of Return (« IRR »)
2.1.3 Total Value to Paid-In (« TVPI »)
2.1.4 Quartile Returns
2.1.5 Performances agrégées
2.1.6 Modified Public Market Equivalent (« mPME »)
2.2 Cyclicité des performances
2.2.1 US Buyouts
2.2.2 US Secondaries
3. Méthodologie
3.1 Objectif de ce travail
3.2 Revue de la littérature
3.3 Source des données
3.4 Données de performance
4. Analyse de la cyclicité de la performance
4.1 La recherche existante en condensé
4.2 Exposition aux conditions macroéconomiques
4.2.1 US Buyouts
4.2.1.1 Vintages en sous-performance relative
4.2.1.2 Vintages en surperformance relative
4.2.2 US Secondaries
4.2.2.1 Vintages en sous-performance relative
4.2.2.2 Vintages en surperformance relative
4.3 Corrélation avec le S&P 500
4.3.1 Thomson Reuters Private Equity Buyout Index
4.3.2 Indice synthétique
4.3.2.1 US Buyouts
4.3.2.2 US Secondaries
5. Conclusion
Bibliographie
Annexe 1 : Performance US Buyouts & mPME S&P 500
Annexe 2 : Performance US Secondaries & mPME S&P 500
Annexe 3 : Factsheet TRPEI Index
Annexe 4 : Performances trimestrielles du SPX Index et du TRPEI Index
Annexe 5 : Résultat complet régression TRPEI Index vs SPX Index
Annexe 6 : Indices synthétiques
Annexe 7 : Résultats complets régressions indices synthétiques vs SPX Index
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