L’ oedème aigu de poumons (OAP) est défini comme une accumulation anormale intrapulmonaire de liquide séreux ou sérosanglant à l’extérieur des vaisseaux. Il existe deux grands types d’OAP: l’OAP d’origine cardiogénique c’est à dire la conséquence d’une insuffisance cardiaque gauche, et les OAP lésionnels (sans cause cardiaque). L’OAP cardiogénique qu’est l’objet de notre étude résulte d’une accumulation pathologique d’eau et de solutés transudatifs plasmatiques dans le parenchyme pulmonaire, avec inondation brutale de l’interstitium, puis des alvéoles pulmonaires. Il se traduit cliniquement par un tableau d’insuffisance respiratoire aigue. Ce qui fait sa gravité et son caractère souvent dramatique. Il s’agit d’une urgence médicale. L’OAP cardiogénique constitue l’un des motifs de consultation dans les services des urgences médicales, en particulier chez les sujets âgés. Et sa prise en charge nécessite une collaboration multidisciplinaire étroite (cardiologues, pneumologues et réanimateurs).
GENERALITES
L’ oedème aigu de poumons (OAP) cardiogénique résulte d’une accumulation brutale et anormale de liquide dans les secteurs extravasculaires des poumons suite à une hyperpression capillaire pulmonaire. Ce phénomène serait lié à trois mécanismes:
– une élévation brutale de la pression télédiastolique du ventricule gauche (VG) qui est le plus souvent secondaire à une dysfonction diastolique aggravée par l’hypoxémie , l’ischémie myocardique ou l’hypertension artérielle .
– une perturbation de l’écoulement sanguin lors de la valvulopathie mitrale ou aortique, de myxome de l’oreillette gauche .
– un trouble de la fonction systolique du VG altéré par la perte de la masse contractile: cas de l’infarctus de myocarde , la cardiomyopathie primitive ou secondaire.
Dans tous ces cas , l’OAP constitue la principale manifestation d’une insuffisance cardiaque gauche aigue. Toute augmentation de façon brutale de la volémie, comme le cas de l’insuffisance rénale anurique ou de perfusion liquidienne massive en grande quantité ,conduit à une élévation, également brutale, de la pression capillaire pulmonaire, d’où œdème pulmonaire par surcharge.
Ce phénomène mécanique de l’OAP cardiogénique le distingue de l’ OAP lésionnel. Dans ce dernier, il y a lésion de la membrane alvéolo-capillaire, et par conséquent une augmentation de sa perméabilité.
EPIDEMIOLOGIE
L’OAP est une des causes fréquentes d’admission à l’Hôpital. L’OAP cardiogénique devient un motif de consultation de plus en plus fréquent dans les services des Urgences hospitaliers, en particulier chez les sujets âgés.
Une étude prospective et rétrospective de cas d’OAP durant les années 1998,1999 et 2002 au service de cardiologie de l’Hôpital Befelatanana a montré que la majorité des patients présente un tableau d’OAP cardiogénique , soit 56% des cas contre 16% seulement d’OAP lésionnel. L’association ou la complication réciproque des deux étiologies est retrouvée dans 14% des cas.
LA MEMBRANE ALVEOLO-CAPILLAIRE
Rappel morphologique
La cloison inter alvéolaire est composée de vaisseaux capillaires pulmonaires entourés par l’épithélium alvéolaire . Chaque capillaire est constitué des cellules endothéliales supportées par une membrane basale qui délimite avec la membrane basale de l’épithélium alvéolaire un espace interstitiel d’épaisseur variable constitué de : tissu conjonctif, quelques macrophages et fibroblastes. La quasi-totalité de la surface alvéolaire est formée par des prolongements des pneumocytes de type I constituant ainsi l’épithélium alvéolaire. Cet épithélium est normalement très hermétique aux solutés bien davantage que les endothéliums vasculaires et lymphatiques qui sont très perméables aux solutés. Les quelques pneumocytes II transportent activement vers l’interstitium le sodium et l’eau présents dans les alvéoles. Le surfactant contribue probablement à la prévention de l’accumulation de fluide dans les poumons en diminuant la tension de surface à l’interface air-liquide . Les vaisseaux lymphatiques s’individualisent dans l’interstitium au niveau des bronchioles terminales, et dans les tissus conjonctifs (juxta alvéolaires, inter lobulaire, pleuraux et péribronchovasculaire). Compte tenu des dimensions des acini, les capillaires pulmonaires sont à moins de 1mm d’un vaisseau lymphatique. L’espace interstitiel péribronchovasculaire constitue le lieu où les fluides s’écoulent de la zone de filtration vers la zone de drainage lymphatique.
Rappel physiologique
L’endothélium capillaire pulmonaire
Les mouvements liquidiens à travers l’endothélium sont déterminés par l’équation de STARLING qui explique que le flux liquidien dépend des pressions hydrostatiques et oncotiques.
Qf = k[(Pmv-Ppmv) – σ(Πmv-Πpmv) ]
Qf = flux liquidien net à travers l’endothélium
K = coefficient de filtration ( facteur de perméabilité)
Pmv et Ppmv = la pression micro vasculaire et la pression périmicrovasculaire (ou interstitielle)
σ = coefficient de réflexion de l’endothélium décrivant sa perméabilité aux protéines
Πmv et Πpmv = pression oncotique micro vasculaire et périmicrovasculaire . .
Les molécules ayant un poids moléculaire inférieur à 1000 traversent librement la barrière . Leurs concentrations sont à peut près égales de part et d’autre de la membrane.
L’épithélium alvéolaire
Il apporte une protection quasi complète contre l’accumulation des liquides alvéolaires par sa perméabilité faible pour tous les solutés.
Vaisseaux lymphatiques et espace interstitiel
Les espaces conjonctifs servent de réservoir et drainent un flux lymphatique basal estimé chez l’homme à 1mL/heure. Ce flux peut augmenter jusqu’à dix fois dans l’œdème pulmonaire. A l’état normal, une faible quantité de liquide est filtrée en permanence à travers l’endothélium capillaire pulmonaire. Puis ce liquide est éliminé par les vaisseaux lymphatiques, évitant ainsi son accumulation au niveau des parois alvéolaires et des espaces aériens.
PHYSIOPATHOLOGIE
On peut admettre le mécanisme suivant dans cette pathologie:
– une augmentation de la pression hydrostatique capillaire moyenne dépassant les 25 à 30 mmhg (elle est en fait très hétérogène , variant en hauteur dans les poumons, étant plus élevée à la base) entraîne selon l’équation de Starling une augmentation de liquide dans l’interstitium augmentant ainsi la compliance de celui-ci. Cette situation lui permet d’accepter un débit filtré liquidien accru que les lymphatiques n’ont pas eu le temps d’évacuer.
– la perméabilité de l’épithélium alvéolaire est très faible et les possibilités de filtration vers l’alvéole sont très réduites. Cependant, la distension liquidienne de l’interstitium favorise la rupture des cloisons alvéolaires (ou bronchiolaire). Il survient alors l’œdème alvéolaire. Le mélange de l’eau, le sang et l’air est à l’origine de la mousse rosée que le patient éliminera par ses voies aériennes.
– les voies aériennes représentent un espace particulièrement compliant où les liquides s’engagent préférentiellement et réduisent le débit lymphatique.
Par conséquent, l’œdème alvéolaire engendre un véritable cercle vicieux. Il peut prendre un aspect cataclysmique même s’il n’est dû qu’à une augmentation modeste des zones de filtration au delà d’un seuil donné. Les mécanismes compensateurs sont chroniquement activés dans l’insuffisance ventriculaire gauche chronique (épaississement de la barrière alvéolo-capillaire, augmentation du débit lymphatique…). Ceci explique l’existence des niveaux de pressions capillaires pulmonaires de 20 à 25 mmHg bien tolérés. Dans certaines circonstances où ces mécanismes compensateurs n’ont pas eu le temps de se mettre en place, l’œdème pulmonaire survient de façon cataclysmique. C’est le cas de l’infarctus aigu de myocarde et de l’insuffisance mitrale aigue. Chez un sujet âgé dont la capacité pulmonaire est réduite, l’ OAP ne s’associe pas nécessairement à une surcharge volémique généralisée, et une faible quantité de liquide extravasé dans les poumons suffit à asphyxier le patient. Tout œdème pulmonaire cardiogénique prolongé peut s’accompagner des lésions de la membrane alvéolo-capillaire.
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Table des matières
INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE : REVUE DE LA LITTERATURE
I. GENERALITE
II. EPIDEMIOLOGIE
III. LA MEMBRANE ALVEOLO-CAPILLAIRE
III.1.Rappel morphologique
III.2.Rappel physiologique
III.2.1.L’endothélium capillaire pulmonaire
III.2.2.L’épithélium alvéolaire
III.2.3.Vaisseaux lymphatiques et espace interstitiel
IV. PHYSIOPATHOLOGIE
V. ETIOLOGIE
VI. DIAGNOSTIQUE
VI.1.Diagnostic clinique
VI.2. Diagnostic paraclinique
VI.2.1.ECG
VI.2.2.Analyse de gaz du sang artériel
VI.2.3.Radiographie pulmonaire
VI.2.4.Mesure hémodynamique par sonde de Swan Ganz
VI.2.5.Echocardiographie
VI.2.6.Angiographie coronarienne
VI.2.7.Analyse de liquide d’œdème
VII. PRISE EN CHARGE
VII.1.Mesures générales
VII.2. Les moyens thérapeutiques
VII.2.1.Traitements médicaux
VII.2.2.Traitement chirurgical
VII.3.Schéma de prise en charge aux urgences
VII.3.1.Accueil du patient
VII.3.2.Prise en charge aux urgences
DEUXIEME PARTIE : RESULTATS DE NOTRE ETUDE
I. CADRE D’ETUDE
II. BUT
III. OBJECTIFS
IV. PATIENTS ET METHODE
IV.1. Patients
IV.2. Méthode
V. PROTOCOLE DE TRAITEMENT
VI. RESULTATS
VI.1. Répartition de l’OAP cardiogénique selon le sexe
VI.2. Répartition selon l’adresse des malades
VI.3. Répartition des patients selon les tranches d’âge
VI.4. Répartition selon les signes cliniques
VI.4.1. La dyspnée
VI.4.2. Les caractères de la toux et de l’expectoration
VI.4.3. Les signes d’insuffisance cardiaque
VI.4.4. L’état de conscience
VI.4.5. La pression artérielle
VI.4.6. Les autres signes accompagnateurs
VI.4.7. Les signes de gravité
VI.5. Répartition selon les antécedents
VI.5.1. L’antécedent de cardiopathie
VI.5.2. Les autres antécedent
VI.6. Répartition selon les étiologies
VI.7. Répartition selon les facteurs déclenchant
VI.8. Répartition selon les imageries
VI.8.1. Le tracé de l’électrocardiographie
VI.8.2. La radiographie pulmonaire
VI.8.3. L’échocardiographie
VI.9. Répartition selon les bilans biologiques
VI.10. Répartition selon la prise en charge
VI.10.1. Les traitements ventilatoire
VI.10.2. Les traitements médicamenteux
VI.11. Répartition selon la durée de séjour aux urgences
VI.12. Répartition selon l’issue des malades
TROISIEME PARTIE : COMMENTAIRE ET SUGGESTION
I. DEMOGRAPHIE DES PATIENTS
I.1. L’âge
I.2. Le sexe
I.3. La résidence
II. LES SIGNES CLINIQUES
II.1 La dyspnée
II.2.La toux et l’expectoration
II.3.Les signes cliniques de l’insuffisance cardiaque
II.4. Les autres signes accompagnateurs
II.5.L’état de consciences
II.6. La valeur de la pression artérielle
II.7. Les signes de gravité
III. LES ANTECEDENTS
III.1. Les antécedents de cardiopathie
III.2. Les autres antécedents
IV. LES ETIOLOGIES
V. LES FACTEURS DECLENCHANT DE DECOMPENSATION DE LA CARDIOPATHIE CHRONIQUE
VI. LES IMAGERIES
VI.1. L’ECG
VI.2. Les manifestations radiologiques
VI.3. Les manifestations échographiques
VII. LES BILANS BIOLOGIQUES
VIII. LA PRISE EN CHARGE DES PATIENTS
VIII.1. Les traitements ventilatoires
VIII.2. Les médicaments
IX. LA DUREE DE SEJOUR DANS LE SERVICE
X. L’ISSUE DES MALADES
SUGGESTION
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
ANNEXE