La médiation sociale
Du latin mediare (être au milieu de, s’interposer), la médiation selon son sens ordinaire réside dans l’action de servir d’intermédiaire. La médiation pédagogique est un concept développé par Vygotsky. Si le sujet construit de manière active ses savoirs, cette construction se fait dans son milieu social. Pour Vygotsky, cité par Loarer (1998), le développement cognitif de l’enfant est en lien étroit avec son développement social. L’enfant grandit, se construit, entouré de personnes qui lui font découvrir les outils culturels, l’aident à les utiliser et à développer les compétences nécessaires pour vivre de façon autonome dans la société. L’apprentissage précède le développement, puis il y a corrélation entre les deux, « dans un processus d’appropriation de l’expérience sociale accumulée » (p.7). Pour qu’il y ait construction de savoirs, les régulations interindividuelles engendrées par les interactions sociales doivent déboucher sur une autorégulation de l’apprenant.
Dans le développement culturel de l’enfant, toute fonction apparaît deux fois : dans un premier temps entre personnes (inter-psychologie) et dans un deuxième temps à l’intérieur de l’enfant lui-même (intra-psychologie). Ceci peut s’appliquer de la même manière à l’attention volontaire, à la mémoire logique et à la formation de concepts. Toutes les fonctions supérieures trouvent leur origine dans les relations entre les êtres humains. (Vygotsky 1978, p 57). L’enfant avance dans ses apprentissages à travers des interactions sociales dites de tutelles, interactions entre un expert et un novice, pour autant que celles-ci interviennent dans la zone proximale de développement, zone proche du développement potentiel de l’enfant, ce qui permet à l’enfant de réaliser une tâche grâce au guidage d’un expert. Ces interactions observées par Jérôme Bruner dans le cadre familial de l’enfant ont permis de théoriser le rôle de la médiation sociale dans l’éducation en général.
La médiation sociale à l’école
L’interaction seule entre l’élève et son environnement physique et social n’est donc pas suffisante pour la construction et l’intégration de nouveaux apprentissages. Weil-Barais & Resta-Schweitzer (2008, p.84) expliquent que ceux-ci s’élaborent grâce à la présence d’un médiateur permettant à l’élève de « s’en saisir de telle sorte qu’ils puissent en être transformés ». Elles définissent le système médiateur entre l’apprenant et le savoir, comme un système à différentes composantes : affective, relationnelle ou cognitive (p.85). A l’école c’est généralement l’enseignant, qui propose les différents systèmes constitués de formes de tutelles, d’exercices à résoudre, de situations-problèmes, de représentations sémiotiques. Il doit guider l’élève en lui offrant l’assistance dont il a besoin pour conduire sa tâche tout en l’incitant à l’auto-évaluation pour qu’il puisse petit à petit se gérer de manière autonome. Lafortune (2000) explique que pour pouvoir poser un regard métacognitif sur son apprentissage, un guide modèle et médiateur est, dans un premier temps, nécessaire. « Le modelage consiste à se donner en exemple et non à donner un exemple pour permettre d’évaluer et de faire évoluer consciemment sa démarche » (p.16). Pour prendre conscience de son fonctionnement cognitif, l’échange avec autrui est nécessaire et le questionnement indispensable. L’enseignant, en posant des questions métacognitives, guide l’élève progressivement vers l’intériorisation.
• Il incite l’élève à l’introspection pour une meilleure connaissance de lui-même. Exemples : « Comment te représentes-tu la situation ? », « Comment expliques-tu le résultat ? », « Quels sont tes besoins pour apprendre ? Comment l’élève peut-il décider d’adopter certains processus d’apprentissage, d’en changer d’autres, s’il ne sait pas ceux qui correspondent à son propre fonctionnement cognitif et à sa manière de fonctionner ?
• Il permet à l’élève de planifier son action et d’anticiper les procédures. Exemples:« Que t’est-il demandé ? Comment vas-tu t’y prendre ? Quelles sont les différentes étapes pour atteindre le but fixé ?
• Il incite l’élève à s’autoévaluer, à évaluer ses démarches, à les comparer à d’autres, à construire des stratégies de remédiation. Exemples : « Quelles sont tes erreurs ? », « Comment expliques-tu tes erreurs ? », « Comment les éviter ? »
Le rôle du langage Weil-Barais & Resta-Schweitzer (2008) expliquent que, selon la conception de Vygotski, le langage a une place primordiale dans la médiation : Il n’a pas seulement une fonction référentielle (expression de l’« état du monde »), c’est le système sémiotique majeur dont l’attribution contribue à transformer le sujet. En effet, la mise en langage des idées nécessite des opérations cognitives diverses dont les plus importantes sont la sélection, l’identification, la catégorisation, la mise en relation et la conceptualisation. (p.87) Cité par Doly (1999), Bruner, qui a développé la fonction d’étayage, considère le langage comme un outil privilégié, parce que non seulement il conduit la prise de conscience, mais aussi les interactions sociales. Il permet à l’expert la mise en place de l’étayage pour aider l’élève à acquérir petit à petit des attitudes propices à l’apprentissage et il permet à l’apprenant de verbaliser son action tout d’abord par une simple description avant d’arriver à travers tout un processus à une explication conceptualisée.
Des thérapies, comme la psychanalyse ou la systémie incitent le sujet à verbaliser, non seulement pour qu’il puisse se désencombrer, mais aussi parce que le choix des mots pour décrire la situation vécue, préciser la problématique rencontrée, permet au sujet de se décentrer, de prendre de la distance et ainsi adopter un autre angle de vue. L’écriture constitue également un support à la réflexion en la structurant. Combien de fois aije expérimenté qu’en couchant mes idées sur papier, je parvenais à les organiser dans un tout plus cohérent avec une réflexion distanciée ! L’écriture est un outil qui peut favoriser et conduire l’introspection. Seul avec lui-même, le sujet précise ainsi sa pensée sans être préoccupé par le regard extérieur. Il a la possibilité de revenir sur ses écrits pour les modifier en fonction de nouvelles expériences et prises de conscience et ainsi développer un regard toujours plus précis sur qui il est. Dans une activité pédagogique, Weil-Barais & Resta-Schweitzer (2008) précisent que n’importe quel système sémiotique, texte écrit, schéma… permet l’accroissement des compétences cognitives et est nécessaire à la pensée réflexive. A ce titre le journal de bord me parait être un outil intéressant. Il accompagne l’élève durant l’année scolaire, témoigne de ses démarches réflexives et de ses acquis. Il permet à l’enseignant d’observer se élèves réfléchir et à l’élève d’apprécier le chemin parcouru.
Démarche méthodologique
Mon travail s’inscrit dans une démarche pragmatique de recherche action qui, à partir de l’analyse critique d’expériences réalisées dans ma pratique professionnelle, propose un nouveau dispositif pédagogique. La méthodologie de recherche que je vais appliquer se base plus précisément sur la recherche orientée sur la conception (DBR Collective, 2003) en lien avec le design experiment théorisé par Brown (1992). La méthodologie est caractérisée par une démarche qui évolue sur plusieurs cycles en se basant sur les observations et analyses de l’expérience réalisée. La flexibilité du processus de la Recherche orientée par la Conception est liée au fait que, en raison de l’émergence de connaissances concomitantes, des révisions du plan initial peuvent être rendues nécessaires, mais ces révisions doivent être compatibles avec le plan d’ensemble de la recherche (Sanchez & Monod-Ansaldi, 2015, p.86). Les réflexions faites suite aux deux premiers designs (conceptions) expérimentés m’ont conduite à réviser certaines croyances ou hypothèses pour apporter des modifications en vue de tendre toujours davantage vers l’objectif fixé, à savoir le développement des capacités métacognitives de mes élèves.
Comme l’expliquent Sanchez & Monod-Ansaldi (ibid.), la pratique teste la théorie qui s’affine et se précise au travers des résultats obtenus pour ainsi offrir de nouvelles possibilités de mises en pratique testées à leur tour et ceci jusqu’à l’obtention d’une démarche satisfaisante adaptée à la réalité complexe du terrain. Ma recherche se porte sur les quatre activités du 3ème design. J’ai choisi de l’effectuer sur mon lieu de travail dans une école secondaire à Neuchâtel, avec des élèves de 9ème harmos, auxquels j’enseigne le français niveau 1. Ma classe est composée de 16 élèves rencontrant des difficultés plus ou moins importantes en français. J’ai choisi de privilégier un recueil de données qualitatives. Une première partie des données provient des productions écrites de mes élèves dans leur journal de bord, à partir des observations qu’ils ont faites après le prétest et après l’évaluation sommative. Une seconde partie des données comprend mes observations de leurs prétests et de leurs évaluations sommatives. Et une troisième partie des données est composée de l’analyse que j’ai faite en comparant leurs observations et les miennes. Les observations ont été consignées dans un tableau pour chaque activité.
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Table des matières
1. Introduction
2. Cadre théorique
2.1. La métacognition
2.1.1. La métacognition à l’école
2.2. La médiation sociale
2.2.1. La médiation sociale à l’école
2.2.2. Le rôle du langage
2.2.3. Le travail coopératif comme élément de médiation
3. Démarche méthodologique
3.1. « Premier design » : Les cours « Apprendre à Apprendre »
3.2. « Second design » : Pratiquer la métacognition entre pairs
3.2.1. Evaluation du « second design »
4. Problématique en vue d’un « troisième design »
4.1. Elaboration du dispositif
4.2. Présentation des résultats
4.2.1. Construction et ajustement du dispositif
4.2.2. Synthèse de la progression des élèves dans leurs observations cognitives au cours de ce « troisième design »
4.2.3. Etude de cas à travers le dispositif
4.2.4. Parcours des élèves en difficultés à travers le dispositif du « troisième design»
4.2.5. Bilan du dispositif en lien avec ma pratique d’enseignante
4.2.5.1. Communication
4.2.5.2. Métacognition relationnelle
5. Articulation à l’enseignement spécialisé
6. Conclusion
7. Bibliographie
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