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La médiation pédagogique
Actuellement, un courent de recherche en psychologie inscrive le concept de médiation comme une condition essentielle de l’action d’enseignement qui interpelle le champ didactique et complexifie par sa dynamique interactive l’acte d’enseigner ou d’apprendre. La manière dont l’enseignant médiatise les savoirs, l’amène à réfléchir sur des aspects identitaires, lui permettant de redonner un sens à son agir professionnel et d’en dégager tant sur le plan professionnel que personnel, une représentation de son identité.
La médiation dans la dynamique enseignement-apprentissage
Houssaye30 définit, dans son modèle de triangle pédagogique, trois processus. D’abord, on trouve le processus « enseigner » qui privilégie l’axe professeur-savoir. Ensuite, le processus former » qui privilégie l’axe professeur-élèves et finalement, le processus « apprendre » qui privilégie l’axe élèves-savoir. Dans ce triangle, seul le processus « enseigner », typique des pédagogies traditionnelles centrées sur le contenu, exclut la médiation. Dans ce type de pédagogie, il n’y a pas de médiation entre l’élève et le savoir. En revanche, le processus former » est le type de pédagogie qui place pleinement le maître dans son rôle de médiateur. L’enseignant est un médiateur qui met en place des structures instituées par le groupe-classe et qui en est le garant. Il est un créateur, un autorisateur et un ordonnateur de systèmes de médiation.
Pour Houssaye, dans les pédagogies qui mettent l’accent sur le processus « apprendre », l’idée d’indépendance renvoie au fait que l’on ne situe plus le maître comme le grand médiateur entre le savoir et l’élève. L’individu ou/et le groupe deviennent leurs propres médiateurs dans l’accès au savoir, avec l’aide du spécialiste consultable et privilégié qui reste l’enseignant.
Raynal et Rieunier31 donnent une définition de la médiation qui correspond à l’ensemble d’aides ou de supports qu’une personne peut offrir à une autre personne en vue de lui rendre plus accessible un savoir quelconque. Pour ces chercheurs, le langage, l’affectivité, les produits culturels, les relations ou les normes sociales sont des médiations. Alors, l’enseignant est un médiateur.
Selon le même point de vue que celui des « pédagogies de la médiation », Avanzani32 définit la médiation comme un concept qui désigne l’entreprise de celui qui aménage et facilite la mise en rapport de la culture avec un sujet qui a, jusqu’à alors, échoué à l’assimiler et à la situation à laquelle on cherche à remédier. Pour Avanzini, la médiation est indispensable à l’activité d’apprentissage.
Cependant, toute action de médiation n’est pas une action didactique et tout médiateur n’est pas un enseignant. Il semble bien que toute relation pédagogique doive inclure des actions de médiation, et qu’un enseignant ait nécessairement à jouer le rôle de médiateur. Pour Aumont et Mesnier33, l’aide à l’apprentissage ne peut pas se résumer à une activité de médiation. Le libre accès à des ressources constitue un aspect essentiel de toute démarche d’appropriation d’un nouveau savoir. Même s’il s’agit de pairs engagés dans le même apprentissage, d’experts dans un savoir, de documents ou de guides interactifs. Pour ces chercheurs, c’est en ce sens qu’il est possible d’émettre une réserve quant à l’emploi du seul terme de médiation pour désigner la fonction d’aide à l’appropriation des savoirs.
De même, Cardinet34 affirme que l’adulte médiateur sélectionne, groupe, ordonne, cadre des stimuli qui n’arrivent plus par hasard. Ils ont été choisis avec une intention déterminée, claire et partagée par tous. Cette intervention, entre autres caractéristiques, se donne comme objectif de donner du sens, de permettre de créer des liens et d’entraîner au-delà de la situation d’apprentissage, concernant le temps et l’espace plus particulièrement, et serait impossible sans cette intervention intentionnelle, chargée de sens, d’un tiers. Pour cette chercheuse, l’intentionnalité réciproque, la transcendance et la signification sont les trois caractéristiques essentielles de l’expérience d’apprentissage médiatisé. Le médiateur sert de moteur en provoquant et canalisant l’activité mentale et la verbalisation de celle-ci, en guidant celui qui apprend pour l’amener à dépasser l’expérience et pour découvrir, au-delà de celle-ci, des possibilités de compréhension et d’action sur le monde que, seul, l’enfant ou l’adulte ne pourraient atteindre.
La médiation technique
Plusieurs chercheurs en sciences de l’éducation travaillant autour de la médiation technique, cherchent à comprendre comment la communication peut s’établir à travers un artefact technique. Les technologies mettent en œuvre de véritables systèmes symboliques de représentation. Ce qu’il faut comprendre, c’est que la médiatisation n’est pas un simple dispositif technologique plus ou moins neutre et transparent, au contraire, elle propose de véritables espaces perceptuels spécifiques. Comme nous l’avons déjà mentionné, Claire Bélisle35 signale que les médias se substituent au réel, ce qui rend possible des interactions dans un nouvel ordre perceptif. En ce sens, on peut affirmer que tout le processus d’apprentissage médiatisé repose sur la réussite d’une communication également médiatisée. Dans la formation à distance, par exemple, l’objet de l’apprentissage ne peut qu’exceptionnellement être connu par observation ou expérience directe. Il n’est pas présent en tant que « représenté » sur un support. Comme : texte, graphique, dessin, photographie, film, logiciel, etc. C’est donc à travers un média que l’apprenant va pouvoir interagir avec un contenu, des informations, des connaissances. Pour Elisabeth Fichez 36 , la médiatisation technologique est aussi une médiation pour les apprenants, car elle véhicule une communication, des intentions et des messages essentiels dans leurs apprentissages et leur projet. Cependant, Monique Linard37 signale que la médiatisation technologique est devenue l’occasion de repenser la médiation humaine de l’apprentissage selon un renversement radical. Ce renversement s’articule entre le pôle « enseignant » qui est vu du côté de l’expert et le pôle « apprentissage » qui est vu du côté de l’apprenant.
Vers une évolution de l’enseignement de l’espagnol en France.
L’enseignement scolaire de l’espagnol en France vit actuellement une mutation importante. La tradition didactique hispanique est restée stable entre les années 1950 et les années 2000 autour de l’objectif de référence de la méthodologie active, reposant sur une conception non utilitariste de l’enseignement, dans la tradition léguée par les humanistes classiques. Depuis quelques années, cette tradition se trouve confrontée aux enjeux actuels d’un enseignement scolaire des LVE40 envisagé dans une perspective plus pragmatique et sociale, sans qu’ait été menée une réflexion didactique permettant d’intégrer cette nouvelle donne. Pour Pascal Lenoir41 cette nouvelle « ellipse méthodologique » donne lieu à une série de contradictions qui fragilisent la cohérence de cet enseignement. Elle désigne sous l’expression « méthodologie active hispanique » tout à la fois le paradigme méthodologique de référence et la situation assez exceptionnelle de l’enseignement de l’espagnol en France. Ainsi, nous pouvons constater qu’entre les années 1920 et les années 2000, le paradigme méthodologique de l’enseignement de l’espagnol est resté inchangé.
Vers les premières prescriptions institutionnelles de l’enseignement de l’espagnol en France.
L’objectif social de référence en méthodologie directe répondait au « besoin d’un outil de communication commun à une époque où les échanges internationaux se développent »43.
C’est de cette manière qu’est née la méthodologie directe, ainsi désignée puisqu’elle préconise de faire l’impasse sur la langue maternelle des élèves. Christian Puren signale que le but de cette méthodologie fait que la langue vivante s’acquiert dès lors « par imprégnation »44 . Le but de cette nouvelle prescription était d’être en mesure de parler la langue étrangère le plus tôt possible. La méthode interrogative se généralise ; c’est désormais le jeu des questions (celles du professeur) et des réponses (celles des élèves) qui fait avancer le cours. L’élève ne travaille plus en amont, il ne lui est plus demandé de préparer le document (il ne le traduit plus, comme dans la méthodologie traditionnelle) : il est désormais amené à réagir au document que le professeur a apporté et que ce dernier est donc seul à connaître quand la leçon commence.
La logique trop « pratique » de la méthodologie directe entraîne assez rapidement son aménagement sur le terrain, puis finalement son abandon, au profit d’une logique plus compatible avec le contexte scolaire, celle de la méthodologie active. En effet, l’enseignement français de l’époque repose sur des valeurs généreuses, celles de la République, et se donne en quelque sorte des objectifs « gratuits », de la formation générale de l’individu, d’élévation de son esprit à travers les différentes disciplines scolaires. L’objectif de référence de la méthodologie directe, trop pratique, n’était pas en concordance avec ces valeurs. L’école républicaine, lieu d’écrit, de réflexion, ne peut se contenter d’une approche trop centrée sur l’oral et la communication immédiate, et c’est ce qui peut expliquer que dans la méthodologie active appelée à supplanter la méthodologie directe soient privilégiés les objectifs culturels et formatifs, à travers le recours quasi systématique dès les débuts de l’apprentissage à des textes littéraires extraits des œuvres des meilleurs auteurs des pays où est parlée la langue étrangère.
Plusieurs principes fondamentaux de la méthodologie active, surtout en ce qui concerne les objectifs et le texte littéraire comme support privilégié, se trouvent résumés dans ce passage de l’instruction officielle de 1950, où le rédacteur décrit le schéma de classe unique pour toutes les langues.
Cet enseignement s’appuie à tous les échelons sur des textes empruntés, dès que possible, à des écrivains de qualité, immédiatement clairs pour leurs lecteurs contemporains de même langue, pleinement intelligibles par eux-mêmes sans le secours d’une documentation spéciale, historique ou biographique, et choisis pour leur valeur littéraire, humaine et sociale
Il a donc un double objet : exercer les élèves à la pratique de la langue et contribuer à leur enrichissement intérieur par l’étude de textes représentatifs de la vie et de la pensée du peuple étranger. Ces deux préoccupations ne peuvent jamais être dissociées. » 45
Cet extrait met très clairement en évidence l’accent mis sur la qualité des supports à apporter en classe, ainsi que les attentes du rédacteur vis-à-vis de ces documents et de la médiation que l’enseignant doit réaliser en cours. En premier lieu, ces matériels de qualité sont suffisamment denses pour se suffire à eux-mêmes, ce qui évite à l’élève de devoir mener des recherches supplémentaires. Pour Pascal Lenior46, cette évidence découle d’un héritage de la méthode directe, car l’élève ne prépare plus à l’avance, il doit trouver dans le texte des informations suffisantes sur la réalité de référence, que le professeur lui proposera de commenter par des questions appropriées. Avec ce texte officiel, s’installe donc durablement une logique de morceaux choisis qui permet en outre de garantir la place des LVE aux côtés des autres disciplines, puisque la valeur culturelle et formative des documents constitue un critère de sélection.
En outre, ces textes littéraires, écrits par des auteurs réputés, permettent à l’enseignant de présenter un modèle de langue à ses élèves. C’est dans ce sens, qu’on trouve dans les manuels scolaires des années 1970, 1980 et de 1990 des textes littéraires d’auteurs tels que, Miguel de Cervantes, Federico García Lorca, Julio Cortázar, Jorge Luis Borges, Gabriel García Marquez, Laura Esquivel, María Luisa Bombal, Pablo Neruda, Isabel Allende, parmi d’autres. L’objectif pratique de la méthodologie directe des années 1900 est donc évacué au profit d’une logique scolaire, généreuse et gratuite, de recherche d’élévation de l’esprit, d’éveil de la sensibilité de l’élève à travers l’activité canonique d’explication de textes. Pendant plusieurs décennies, en espagnol comme dans les autres langues enseignées en France, le recours à des « textes de qualité », c’est-à-dire empruntés aux meilleurs auteurs espagnols et hispano-américains, du collège au lycée, sera privilégié.
Bien des années plus tard et postérieurement à l’introduction de méthodes de l’audio-visuel, cette même méthodologie continue de faire référence en espagnol. Ainsi, on peut lire en 1970 dans une préface de l’ouvrage Sol y Sombra47, classes Terminales et Premier cycle de l’enseignement supérieur, le passage suivant, où les auteurs justifient leur choix des textes de l’ouvrage.
« Un souci permanent a guidé le choix de ces textes. On a retenu ceux qui semblaient les plus riches d’implications diverses et d’interrogations latentes, ceux qui ont paru les plus propres à éveiller la curiosité et à susciter le commentaire dialogué. »
Comme on peut le remarquer, la sélection des textes répond au double critère repéré plus haut dans l’IO48 de 1950 : les textes doivent présenter un intérêt culturel, et d’autre part, ils doivent pouvoir se prêter à l’exercice type du Cours Actif à Orientation Culturelle.
Dans les années suivantes, dans la préface d’un manuel pour la classe de Seconde, les principes qui guident le choix des supports sont toujours les mêmes. En 1995 les auteurs de Díselo49, s’expriment ainsi, dans une préface à l’adresse de l’élève : […] Très vite, ce sont tes impressions, tes observations, tes jugements qui feront l’essentiel de ton activité linguistique […] Une grande diversité de documents te seront proposée (photographies, bandes dessinées, dessins humoristiques, cartes, affiches publicitaires, tableaux de maîtres, textes divers) : aucun d’entre eux n’est une simple illustration. Ils sont tous objet d’étude. »
Cette dernière citation permet, en outre, de remarquer que le double critère de sélection des textes (pour leur valeur linguistique et formative) s’est maintenant étendu à une large palette de supports, et ce dès les toutes premières années de l’apprentissage.
Nous nous aventurons à affirmer que si toutes les langues ont rapidement abandonné la méthodologie directe au profit de la méthodologie active, le trait particulier à l’espagnol est que ce paradigme méthodologique va se maintenir pendant des décennies, et ce depuis les années 1920 jusqu’à la fin du XXème siècle. Alors que les autres langues connaîtront dans les années 1960 les méthodologies audio-visuelles, audio-orales, ainsi que l’approche communicative dans les années 1980, l’espagnol restera, lui, figé pendant très longtemps sur le choix opéré au cours des années 1920.
La tradition didactique hispanique ne va pas adopter les méthodologies audio-visuelles et audio-orales, précisément parce qu’elles sont très proches de la méthodologie directe des années 1900. En effet, les théories behavioriste qui sont en arrière-plan de la méthodologi IO= Instruction Officiele audio-visuelle donnent lieu aux mêmes méthodes répétitives, ainsi qu’à une même insistance sur le travail à l’oral en excluant le plus possible le recours à la langue maternelle, comme en méthodologie directe. Au-delà des critiques fondamentales que leur adresse Noam Chomski au cours des années 196050, c’est sans doute encore parce que l’enseignement des langues en méthodologie directe perd de sa dimension scolaire qu’il n’est pas retenu en espagnol. Cependant, c’est à partir de cette période que l’on peut considérer que l’enseignement de l’espagnol évolue seul, et qu’il s’écarte des autres didactiques des LVE mises en œuvre en France. Cette évolution semble avoir été encouragée par une logique de concurrence entre les principales langues enseignées en France, chacune tendant à occuper un « créneau » sur le marché didactique. Dans ce contexte, pendant que l’anglais s’affirme au cours des années 1960 sur le « créneau » de la « langue de communication », l’espagnol se positionne sur celui de la culture. La situation actuelle de ces deux langues est celle d’une position dominante en LV1 pour l’anglais, équilibrée en quelque sorte par le quasi-monopole de l’espagnol en LV2.
Dans le sens de cette analyse, Roselyne Mogin-Martin 51 propose de son côté de prendre en considération deux autres critères. D’une part, la vision du monde hispanique au cours de ces années, et d’autre part, la situation en France de nombreux hispanistes d’origine espagnole ou latino-américaine. Jusqu’à la fin des années 70, les régimes et institutions espagnoles et de nombreux pays latino-américains étaient loin de constituer un encouragement à développer une compétence de communication auprès des publics scolaires français. L’enseignement républicain pouvait difficilement envisager de former des générations d’élèves à la communication avec ces pays. Bien au contraire, cette situation ne pouvait que favoriser un repli sur les valeurs éternelles de l’hispanité, présentées à travers les grandes manifestations artistiques espagnoles ou hispano-américaines, notamment à travers la littérature. Par ailleurs, beaucoup d’hispaniques français sont alors fréquemment des exilés, antifranquistes notamment, qui ne peuvent guère encourager la fréquentation des pays dont il leur a fallu s’éloigner. L’objectif de référence reste donc inchangé, car il s’agit de fréquenter les grands auteurs, ceux qui ont fait la réputation du monde hispanique, au-delà des vicissitudes qui rendent difficile la fréquentation des natifs des pays où est parlé l’espagnol.
De la méthodologie active à nos jours.
Après avoir récusé la méthodologie audio-visuelle, la tradition didactique hispanique se prépare au cours des années 1980 à faire l’impasse sur l’approche communicative pour des raisons analogues à celles qui ont encouragé l’évitement de l’audio visuel. A ce moment, la logique scolaire devait prévaloir, car c’est elle qui est la plus susceptible de garantir une qualité de contenu, sur les plans culturel et linguistique (l’ordre de présentation n’est pas anodin), et qui par voie de conséquence permet d’atteindre le « troisième objectif », formatif, qui fait des LVE une discipline scolaire de plein exercice. L’usage social de la langue en situation d’échange authentique n’est alors envisagé qu’à la marge et comme un projet dont sa manifestation sera présente seulement à long terme.
Nous constatons durant plusieurs décennies, que l’enseignement de la langue de Cervantes au lycée en France va reposer sur le schéma central de l’explication de textes. Pascal Lenoir52 affirme que la médiation du professeur d’espagnol autour des textes a deux objectifs simultanés. Ainsi, le but est de former l’élève à la langue d’auteurs réputés, de reconnaître les traits culturels les plus marquants que ces textes mettent en évidence, et enfin de se former aux valeurs sous-jacentes à ces documents, dans une logique très intégrée didactiquement.
Par rapport à l’acquisition des formes idiomatiques, on va considérer pendant presque un demi-siècle que les textes sont d’une telle force évocatrice que l’élève, mû par l’impact que produit sur lui une langue d’auteur, est capable de passer directement de la mémorisation de formes idiomatiques à leur réutilisation spontanée en situation de résolution de problème (c’est-à-dire de commentaire à guidage souple, à partir de questions ouvertes). Ce spontanéisme est typique de la méthodologie active.
En outre et lorsque d’autres documents ont été rendus disponibles grâce aux progrès de l’édition, le même schéma de travail leur a été appliqué. Pour preuve, ce passage de l’instruction officielle de 1988 pour l’espagnol, où le rédacteur recommande l’utilisation du cinéma en classe d’espagnol : […] Il est souhaitable de consacrer quelques séances au moins à l’étude d’un film espagnol en version originale, de préférence non sous-titrée […] Grâce au magnétoscope, dont les manipulations sont aisées, le professeur ralentit le rythme de défilement des images, les arrête, revient en arrière, etc. On apprend ainsi à analyser chaque plan avec une rigueur analogue à celle que requiert l’exploration d’un texte, à cerner le propos du réalisateur et les procédés cinématographiques qu’il a choisis pour exprimer ses intentions. »53
Lorsque les technologies informatiques se développent en enseignement des langues, vers la fin des années 1980, on les considèrera dans d’autres langues, (notamment en anglais), non pas comme un adjuvant, mais véritablement comme un concept, susceptible donc de bouleverser en profondeur la méthodologie, alors qu’en espagnol on se placera dans une logique intégratrice consistant à ajouter de nouveaux supports ou de nouveaux matériels à un schéma de classe immuable, comme nous venons de le voir pour le cinéma. Durant toute la seconde moitié du XXème siècle, les différentes instructions officielles pour l’espagnol appliqueront à tous les supports le schéma du commentaire de texte préconisé en méthodologie active. Cependant, les environnements numériques et l’Internet utilisés en complément du cours traditionnel d’espagnol, ne peuvent se prêter à un tel schéma.
Plus tard, entre 1995 et 1998 commença la création et la rédaction du Cadre Européen Commun de Référence pour les langues (CECR)54. Ainsi, plusieurs années de recherche linguistique menée par des experts des Etats membres du Conseil de l’Europe ont donné fruit cette approche complètement unifiée et nouvelle quant à l’enseignement et l’apprentissage des langues étrangères. Le CECR a été publié en 2001, ayant comme objectif de repenser les objectifs et les méthodes d’enseignement des langues et, surtout, il fournit une base commune pour la conception des programmes, des diplômes et des certificats. En ce sens, il est susceptible de favoriser la mobilité éducative et professionnelle. Le CECR a été pensé comme un outil pour répondre à l’objectif général du Conseil de l’Europe qui est de « parvenir à une plus grande unité parmi ses membres » et d’atteindre ce but par l’« adoption d’une démarche commune dans le domaine culturel ». L’objectif est, dans un premier temps, du genre politique, puisqu’on essaye, grâce à cet aspect pluriculturel, d’asseoir la stabilité européenne en luttant contre « la xénophobie » et veiller au bon fonctionnement de la démocratie. De ce fait, les langues se présentent comme l’enjeu essentiel pour contribuer à une meilleure connaissance des autres.
Les changements que cette approche préconise se manifestent d’un point de vue organisationnel et méthodologique. L’organisation du niveau de langue se fera à travers une échelle de compétence langagière globale, laquelle fait apparaître trois niveaux généraux subdivisés en six niveaux communs. Donc, nous trouvons le niveau A qui correspond au niveau qui aurait un utilisateur élémentaire de la langue. Puis, nous avons le niveau B qui équivaut au niveau langagier d’un utilisateur indépendant de la langue cible et finalement, il existe le niveau C qui concorde avec le niveau qui aurait un utilisateur expérimenté de la langue étrangère. 55 Le but de cette échelle est d’asseoir sur une base solide et objective la reconnaissance réciproque des qualifications en langue étrangère. L’étalonnage qu’il fournit permet d’élaborer des référentiels cohérents dans chaque langue et pour chaque niveau commun de l’échelle et aide les enseignants, les élèves, les concepteurs de cours et les organismes de certification à coordonner leurs efforts et à situer leurs productions les unes par rapport aux autres. Suivant ce sens organisationnel, il est possible de constater que le CECR établit un découpage de la compétence communicative en activités de communication langagière56 . Nous soulignons que l’expression d’activité de communication langagière, utilisée dans le Cadre Européen Commun de Référence pour les langues, est à entendre dans le sens que l’on donne habituellement à « compétence » : compréhension de l’oral, expression orale en continu, interaction orale, compréhension de l’écrit, expression écrite. Ainsi, on parlera désormais de « groupes d’activités de communication langagière » au lieu de groupes de compétences ». Nous constatons, également que le terme de compétence ici employé servira à désigner des composantes plus générales : compétences sociolinguistique, pragmatique ou encore linguistique comprenant le lexique, la grammaire et la phonologie. La dernière compétence que le CECR prend en compte correspond à la compétence culturelle. Celle-ci a la fonction de présenter tous les éléments qui permettent de mieux connaître le ou les pays où la langue est parlée et la culture qui leur est propre faute de quoi la communication ne pourrait s’établir correctement.
Un autre changement que cette nouvelle prescription préconise est l’introduction de la notion de « tâche ». Ici, la tâche est à relier à la théorie de l’approche actionnelle du cadre au
Les trois niveaux A, B et C sont eux-mêmes subdivisé. Donc, niveau A1 correspond à un niveau introductif de découverte et A2 à un niveau intermédiaire ou usuel. Niveau B 1 est considéré comme un niveau seuil et B2 à un niveau avancé ou indépendant. Le niveau C1 est pour un usager autonome et C2 pour un usager qui a une maîtrise de la langue.
Ces activités de communication langagière peuvent relever de :
-� la réception : écouter, lire
-� la production : s’exprimer oralement en continu, écrire
-� l’interaction : prendre part à une conversation
sens de réalisation de quelque chose, d’accomplissement en termes d’actions. Dit d’autre manière, l’usage de la langue n’est pas dissocié des actions accomplies par celui qui est à la fois locuteur et acteur social. Ceci peut aller du plus pragmatique (monter un meuble en suivant une notice) au plus conceptuel (écrire un livre, un argumentaire, emporter la décision dans une négociation). Suivant cette perspective, la compétence linguistique peut être sollicitée en totalité dans l’exemple du livre, en partie dans le cas de la notice de montage, ou pas du tout ; par exemple dans la réalisation d’un plan de mémoire. La compétence linguistique est un type de compétence qui entre dans la réalisation de tâches.
La redéfinition de la compétence de communication prend en compte plusieurs composantes hiérarchisées de A1 à C2. En ce sens, il est possible de trouver la composante linguistique, sociolinguistique et la pragmatique.
La composante linguistique est induite par la nature des tâches et des situations de communication. Elle fait appel aux savoirs et savoir-faire relatifs au lexique, à la syntaxe et à la phonologie. La composante sociolinguistique, qui est très proche de la compétence socio-culturelle, est prise en compte tel qu’un phénomène social, puisque parler n’est pas seulement faire des phrases. Dans l’acte de parole, des traits relatifs à l’usage de la langue entrent en jeu. C’est-à-dire qu’on prend conscience des marqueurs de relations sociales, règles de politesse, expressions de la sagesse populaire, dialectes et accents. Finalement, la composante pragmatique renvoie à l’approche actionnelle et au choix de stratégies discursives pour atteindre un but précis. Dans cette composante, il nous est possible d’induire la capacité à organiser, adapter, structurer le discours, parmi d’autres. Elle fait le lien entre le locuteur et la situation.
Le Cadre Européen nous conduit dans une prescription méthodologique qui met l’accent sur la communication57. L’approche communicative a pour but de faire communiquer les élèves en cours pour qu’ils apprennent ainsi à communiquer (on continue donc à y appliquer l’homologie fins-moyens de la langue, mais c’est désormais la langue en tant qu’instrument de communication). Dans cette approche, ainsi comme dans les autres méthodologies, il existe la logique de faire dire, même si les sources d’initiation se sont diversifiées. Dans cette approche communicative, toutes les activités doivent être envisagées
Pour le Cadre Commun Européen de Référence, communiquer c’est utiliser un code linguistique (compétence linguistique) rapporté à une action (compétence pragmatique) dans un contexte socio-culturel et linguistique donné (compétence sociolinguistique).
dans une fonction de communication. Ainsi, Christian Puren58 affirme que même si le texte (document très utilisé auparavant) prétexte à production langagière s’est ajouté à la situation prétexte (dans la simulation) ; et même si encore, à côté du faire traditionnel à la charge de l’enseignant, a émergé, avec la notion d’acte de parole, un « faire par le dire » assumé par l’élève. Contrairement à ce que préconisait la méthodologie directe et active, cette approche fait recours à de multiples situations de la vie quotidienne. Dans ce sens, il nous est difficile d’imaginer en dehors de la situation scolaire une homologie fins-moyens appliquée à la communication sur un texte littéraire en tant que tel ; c’est-à-dire dans ses dimensions à la fois esthétique et culturelle. Ainsi, le texte littéraire reste tout à fait inadapté à la mise en œuvre et la médiation d’une approche communicative en classe de langue, car il est utilisé comme support à une communication conçue à la fois comme objectif et comme moyen. D’après Christian Puren, ce document tend mécaniquement à se réduire vers un prétexte scolaire, à être instrumentalisé au service de l’apprentissage linguistique au même titre qu’un passage au récit d’un dialogue fabriqué ou qu’un exercice grammatical.
Dans le chapitre du CECR intitulé « Une perspective actionnelle » 59 , on voit réapparaître, même si les séquences didactiques n’en sont pas tirées, une distinction entre l’agir d’apprentissage et l’agir d’usage que l’approche communicative s’était forcée de neutraliser : l’activité de référence de cette approche, la simulation, consistaient en effet pour l’élève à parler en tant qu’apprenant comme s’il était un usager, à y réaliser des actes de parole en faisant mine d’agir ainsi en société. Néanmoins, les auteurs du CECR affirment :
« Si les actes de parole se réalisent dans des activités langagières, celles-ci s’inscrivent elles-mêmes à l’intérieur d’actions en contexte social qui seules leur donnent leur pleine signification »60
Finalement, on pourrait résumer, à ce stade, le CECR comme la somme de niveaux de maîtrise de compétences, soient-elles langagières ou non langagières, entrant dans la réalisation des tâches. Cette approche méthodologique a des incidences sur les apprentissages et leur conception car cela veut dire sérier les activités langagières et les croiser, hiérarchiser les difficultés et associer le dire du faire.
Evolution méthodologique de la pratique du professeur d’espagnol.
Nous avons vu précédemment trois grands modèles de la prescription institutionnelle quant à l’enseignement/apprentissage de la langue espagnole en France. Les méthodologies directe, active et l’approche communicative orientent les contenus à aborder en classes, ainsi que les directives quant à la praxis de l’enseignant. Les demandes faites au professeur d’espagnol, d’un point de vue ministériel, ont eu depuis 1950 le but de motiver l’expression orale des élèves en langue cible. De ce fait, nous pouvons affirmer qu’à partir de cette période le travail réalisé par l’enseignant en cours de langue devait donner la priorité aux échanges oraux, et plus encore développer chez eux des échanges les plus spontanés possibles. Dans la méthodologie, connue comme méthodologie de type active, l’action du professeur devait être pensée sous forme d’activités permettant à l’élève de s’exprimer grâce à une « économie » des stratégies communicatives. Pour y arriver, l’enseignant doit organiser des activités au sein desquelles il guide et aide à cette expression « économique » de l’élève, tout en s’effaçant le plus possible et en laissant la place aux interventions spontanées des élèves. Ainsi, l’enseignant libère l’élève de la tâche de compréhension et lui permet de s’exprimer le plus tôt possible. Le professeur doit inciter l’élève, dans le cadre d’un dispositif d’intégration maximale, à reproduire une expression qui relève de la résolution de problèmes, c’est-à-dire de l’amener à réaliser une « tâche finale ».
Nous avons vu précédemment qu’autant la méthodologie directe que la méthodologie active incitent un enseignement et apprentissage de la langue espagnole à travers des documents variés, mais surtout à partir de textes littéraires. Cependant, à différence de la méthodologie directe, la méthodologie active propose un travail autour de ce document dans lequel il n’apparaît guère les questions directives auxquelles professeurs étaient habitués, sinon tout le contraire. Ici, la didactique propose quelques tâches de repérage assez simples sur les documents, puis, sans transition, le professeur guide ses étudiants à passer à des questions très complexes, sur l’économie générale du document, sa portée, son actualisation quant à l’expérience des élèves, etc. L’enseignant doit proposer aux apprentis, les moyens de comprendre afin de mieux présenter et exprimer leur point de vue. Suivant cette ligne d’action, le professeur d’espagnol doit médiatiser l’enseignement et l’apprentissage des structures grammaticales et du lexique toujours en fonction de la compréhension du document. De ce fait, cette médiation sera aussi enrichie par l’acquisition des tournures et expressions implicites dans le document.
En outre, nous avons pu apprécier précédemment que la méthodologie directe propose une étude approfondie de la langue. Ainsi, le professeur menait une démarche didactique autour des textes littéraires longs et complexes. Il devait conduire l’élève, sans transition, de ses propres représentations de la langue maternelle à celle de la langue cible, ainsi que de sa propre culture à la culture du pays ou des pays où la langue est parlée. Par contre, nous savons également, que la méthodologie active conseille à l’enseignant une médiation linguistique et culturelle dans laquelle il y aura un processus de transition entre la langue maternelle et la langue étrangère. L’action de l’enseignant sera donc orientée par des activités d’interfaces ayant comme objectif de connecter la langue maternelle à la langue cible à travers un mécanisme d’interlangue. Cette médiation est aussi vue sous l’angle culturel, dans lequel l’enseignant aide l’élève à établir le lien entre la culture de la langue maternelle et celle de la langue étudiée grâce à un mécanisme d’interculture. Pascal Lenoir 61 , rappelle que cette modification quant à la médiation enseignante, conçoit que le passage d’une langue vers l’autre, d’une culture vers l’autre n’aille pas de soi et que l’élève ait besoin de s’interroger régulièrement sur ses propres représentations des faits de langue et de culture auxquels il est confronté. De cette manière et comme on l’a déjà mentionné, l’action du professeur se centre également sur l’enseignement de la langue à travers des écrits d’auteurs réputés. Il doit interpréter et reconnaître les traits culturels les plus importants et marquants, ainsi que se former aux valeurs sous-jacentes aux documents exploités en cours. Ceci, dans une logique très intégrée didactiquement.
Le travail que la méthodologie active demandait à l’enseignant était de centrer toutes les activités didactiques sur l’apprenant, afin qu’il puisse développer ses propres stratégies d’apprentissage. C’est l’enseignant qui réalisait l’essentiel du travail, car il devait guider les représentations culturelles et linguistiques que les élèves ont de la langue espagnole. C’est donc, l’enseignant qui devait médiatiser l’approche culturelle sous une conception « civilisationniste » de la langue étudiée.
Actuellement, sous la normative issue du Cadre Commun Européen de Référence des langues, les enseignants continuent à guider les apprentissages autour d’une approche appelée approche communicative.
Suivant la logique de cette approche, les enseignants doivent inciter les élèves à interagir en langue cible de la manière la plus spontanée possible. Pour ce faire, la médiation des contenus langagiers et culturels est faite de façon à que les élèves puissent agir ouvertement face au document travaillé. L’enseignant est censé créer en cours des situations de simulation semblables à celles trouvées dans la vie réelle. Cette action professionnelle est basée sous le concept de « faire comme » qui permettra aux étudiants d’établir une communication sociale, où ils agissent en tant qu’usager de la langue, c’est-à-dire qu’ils doivent communiquer en exprimant ce qu’ils diraient dans une situation donnée. Ainsi, la qualité de la simulation est évaluée en fonction de son degré de réalisation immédiate. Ceci veut dire que l’enseignant a pour objectif la conduite des élèves à s’exprimer sans préparation linguistique ou culturelle préalable. Mais aussi la réflexion sur les stratégies que devraient mettre en oeuvre les interlocuteurs en fonction de leurs enjeux communicatifs qui est aussi restreinte.
Dans cette perspective de communication sociale dans le cours d’espagnol, il n’est pas question d’imiter le social, mais tout le contraire ; c’est le social qui doit imiter la classe. L’enseignement de la langue cherche à introduire des actions authentiques dans les classes qui sont de véritables lieux sociaux et des lieux de socialisation. Ainsi, l’enseignant médiatise son enseignement autour de documents authentiques qui devraient permettre et favoriser ces enjeux de communication et de sociabilisation. Nous constatons également que les documents authentiques, prescrits dans cette approche, donneront aux étudiants une vision plus directe et réelle des aspects culturels de la langue cible.
En outre, nous rendrons compte que la praxis enseignante est orientée par la préoccupation pour mieux guider les élèves et leur travail à ces fins communicatives. La gestion de la classe sera, elle aussi, intégrée à cette dynamique communicative ; raison pour laquelle, la mise en place de l’enseignement et l’apprentissage de la langue étrangère se fera par groupe de travail restreint. Ces groupes de travail appelés « Ateliers » sont des espaces physiques et symboliques pouvant être occupés respectivement par les élèves et par l’enseignant dans la classe. Ces groupes de travail sont conçus comme le lieu où l’enseignant met en place l’idée de l’« agir social ».
La mécanisation de l’agir dans l’approche communicative se présente sous une forme de séries chronologiques fonctionnelles plus ou moins ritualisées. Dans ce sens, on constate l’usage des savoir-faire comme par exemple ; saluer, s’excuser, demander, remercier et prendre congé, entre autres. En conséquence, il y a une forte liaison langue-culture, puisque l’enseignant place au centre de l’enseignement, la nécessité première d’une reproduction intensive des formes linguistiques de base. Cette reproduction tend à provoquer mécaniquement une signification des contenus culturels et une ritualisation de leur traitement.
Par ailleurs, ce nouveau cadre prescrit l’organisation didactique de l’enseignement et la manière dont se déroule l’apprentissage de la langue espagnole au collège et au lycée. Cette nouvelle donne d’organisation didactique se manifeste à travers de l’accomplissement de différentes actions appelées « tâches ».
Le travail de l’enseignant dans la « pédagogie par tâches » est de placer l’étudiant dans une situation identique au monde réel, une situation dans laquelle la communication orale est essentielle pour accomplir une tâche précise. L’enseignant guide son enseignement afin de permettre à l’étudiant d’utiliser ses capacités à son propre niveau développant ainsi son langage à travers l’utilisation de la langue. Il doit également aider l’étudiant à se concentrer sur les buts à atteindre de telle sorte que le langage devienne un outil et ainsi, transformer l’usage de la langue en nécessité.
La pédagogie par tâche mène également celle du projet que devient une pratique professionnelle permettant à l’enseignant et à l’élève de générer des apprentissages à travers la réalisation d’une production concrète. D’ailleurs, il semble important de mentionner que cette pédagogie par tâche ou du projet est aussi conçue d’une manière plus large et globale. Ainsi, la prescription institutionnelle oriente la pratique enseignante sous un angle interdisciplinaire. L’enseignement de l’espagnol, comme de toutes les autres disciplines, se fera à travers des projets pluridisciplinaires ayant comme but le développement chez les élèves d’un intérêt linguistique et culturel. Les EPI62 permettent d’établir des liens entre les langues vivantes et les autres apprentissages. La finalité est de concrétiser les apprentissages autour d’activités riches et variées et de capter l’attention, voire la motivation, des élèves nécessaire à tout apprentissage. Donc, l’objectif de ce projet interdisciplinaire est à la fois linguistique, culturel et pragmatique, car il s’agit d’appuyer sur des thématiques culturelles communes aux différentes langues, de percevoir les points communs et les ruptures entre les aires culturelles pour aider les élèves à acquérir connaissances, compétences et stratégies communes d’apprentissages.
Nous constatons que dans la prescription du Cadre Commun Européen de Référence des langues, se réfléchit la praxis professionnelle du professeur d’espagnol autour d’une véritable concrétisation et continuité d’objectifs. Ceux-ci par le biais de supports et de démarches diversifiés et adaptés à la réalité culturelle de la langue espagnole et celle des élèves. Le professeur entraîne les élèves pour leur permettre de développer des compétences et des savoir-faire nourris de connaissances mobilisables en situation, c’est-à-dire ; compréhension de ce qui est lu ou entendu, prise de parole en continu, dialogue, expression écrite, … entre autres. La praxis du professeur d’espagnol contribue, en liaison avec les apprentissages des autres disciplines, à la maîtrise des langues, à l’ouverture culturelle et à la citoyenneté.
Vers une théorisation du rapport au savoir du professeur d’espagnol.
Nous avons étudié précédemment les théories concernant la pratique enseignante et sa médiation, ainsi que la praxis enseignante institutionnelle du professeur d’espagnol. De ce fait, nous avons révisé les principales prescriptions d’enseignement et d’apprentissage instaurées dans les établissements éducatifs en France depuis les années 1950 jusqu’à nos jours. Nous avons également étudié le rôle de l’enseignant dans ces méthodologies et de leur fonction demandée par le Ministère d’Education à travers des programmes d’enseignement, inspecteurs académiques, manuels scolaires …).
Nous savons actuellement, que certains gestes professionnels du professeur d’espagnol sont orientés par des préconisations ministérielles, afin d’économiser et de rendre plus efficace la transmission des savoirs. Nous avons rendu compte aussi que ces gestes professionnels sont, de façon simultanée, la récapitulation et l’actualisation constante d’une expérience passée.
En outre, nous pouvons également faire le constat que l’acte professionnel de l’enseignant est unique et qu’il ne peut pas suivre une voie applicationiste des gestes professionnels. Malgré les orientations méthodologiques instaurées et les différentes prescriptions institutionnelles ; l’enseignant confronte les consignes établies à ses propres représentations idéelles de son métier. Ces représentations, dont on fait allusion, concernent autant les savoirs disciplinaires et les valeurs sous-jacentes, comme les expériences vécues dans l’exercice de la profession et de sa formation. En même temps, ces facteurs sont conçus par le rapport au savoir que l’enseignant a construit et construit tout au long de sa vie sociale, mais surtout psychique.
Dans la partie suivante de ce travail de recherche, nous allons réviser les théories pertinentes à la compréhension du rapport au savoir des enseignants, mais plus particulièrement des professeurs d’espagnol travaillant au lycée. Nous allons nous appuyer d’autres recherches validées, ainsi que d’une littérature travaillant l’idée du rapport au savoir vu sous un angle psychanalytique. Nous visons élucider ce qui est invisible et inconscient quand aux choix pédagogiques et didactiques de l’enseignant lorsqu’il réalise une médiation autour de la Guerre Civile et du Franquisme en Espagne, de même que des révolutions et dictatures latino-américaines.
Contextualisation de la théorisation du rapport au savoir.
Avant de commencer à traiter les théories du rapport au savoir de l’enseignant, il semble important de mentionner le contexte de réflexion mené autour de la notion du rapport au savoir ». Les travaux dont on fait allusion, se situent actuellement dans plusieurs champs de recherche. De cette manière, il nous est possible d’apprécier des travaux basés sur une perspective anthropologique, sociologique, psychosociale et sur une approche de type psychique (clinique).
L’approche anthropologique a été inspirée, en grande partie, par les recherches menées par Chevalard63. Pour mieux comprendre le « rapport au savoir », ces études se centrent sur deux perspectives distantes d’autres recherches. D’une part, il existe la volonté d’étudier le savoir, afin de mieux élucider la nature de la construction et le rapport au savoir ciblé. Et d’une autre part, on trouve la prise en compte de la relation qu’il existe entre le sujet ou une institution avec un objet de savoir. D’après cette approche, il y a deux grands types de rapport au savoir : des rapports individuels pour chaque individu et des rapports institutionnels pour chaque institution. Ici, le terme institution couvre à la fois les structures scolaires (l’école, la classe, les Ecoles Supérieurs du professorat et de l’Éducation (ESPÉ), entre autres) et aussi d’autres structures sociales comme une famille particulière ou les mécanismes de socialisation d’une profession. Dans cette perspective, l’individu est perçu comme institution du moment où il connaît un objet s’il existe une relation, n’importe laquelle, entre cet objet et l’individu ou l’institution. Suivant cette voie, Chevalard affirme que “apprendre un objet de savoir pour un individu revient donc à rendre conforme son rapport personnel avec cet objet au rapport institutionnel”64. Nous constatons que cette théorie anthropologique de ce lien guidera aussi les travaux menés par les didacticiens.
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Table des matières
Motivations pour ce travail de recherche
1. Pratique professionnelle de l’enseignant
1.1. La pratique professionnelle
1.2. La pratique professionnelle des enseignants
1.2.1. Les dimensions de la pratique professionnelle
1.2.2. La pratique professionnelle des enseignants : une médiation
1.2.3. Qu’est-ce que médiatiser?
1.3. La médiation pédagogique
1.3.1. La médiation dans la dynamique enseignement-apprentissage
1.3.2. La médiation technique
1.3.3. La médiation humaine
1.3.4. L’apprentissage à travers la médiation
2. L’enseignement de l’espagnol en France
2.1. Vers une évolution de l’enseignement de l’espagnol en France
2.1.1. Vers les premières prescriptions institutionnelles de l’enseignement de l’espagnol en France
2.1.2. De la méthodologie active à nos jours.
2.2. Evolution méthodologique de la pratique du professeur d’espagnol
3. Vers une théorisation du rapport au savoir du professeur d’espagnol
3.1. Contextualisation de la théorisation du rapport au savoir.
3.2. Vers une définition du rapport au savoir.
3.2.1. De la pratique enseignante à l’idée du rapport au savoir institutionnalisée.
3.2.2. De la pratique enseignante à l’idée du rapport au savoir-faire
4. La pratique enseignante. Un lien entre Savoir et psychanalyse
4.1. Vers une psychanalyse du rapport au savoir.
4.1.1. Freud : le désir de savoir
4.1.2. Bion : vers la capacité de pensée
4.2. L’identification projective dans la construction de savoir.
4.2.1. L’identification projective du professeur d’espagnol
4.2.2. L’identification projective du professeur d’espagnol quand aux contenus culturels
4.3. Compréhension de l’objet transitionnel dans la construction du rapport au savoir
4.3.1. De l’objet transitionnel vers l’objet savoir.
4.3.2. De l’aire intermédiaire d’expérience à la médiation de l’objet savoir.
Deuxième Partie
5. Analyses de la pratique enseignante. Un regard sur les prescriptions institutionnelles
5.1. Une contextualisation pour l’analyse des programmes d’enseignement et des manuels scolaires d’espagnol au lycée
5.2. Une méthodologie adaptée pour l’analyse des programmes d’enseignement de l’espagnol au lycée.
5.2.1. Les contenus culturels en classe de Seconde générale et technologique
5.2.2. Les contenus culturels en classe de Première et en Terminale séries générales et technologiques.
5.2.3. Les contenus culturels en Terminale séries générales et technologique
6. Analyse des manuels scolaires d’espagnol au lycée. Une articulation de la Guerre civile et du Franquisme en Espagne et des dictatures et révolutions en Amérique latine.
6.1. Une méthodologie et éléments d’analyse du manuel scolaire d’espagnol au lycée
6.2. Manuels scolaires d’espagnol en seconde.
6.2.1. La manifestation quantitative des contenus culturels dans les manuels scolaire de Seconde
6.3. Manuels scolaires d’espagnol en Première.
6.3.1. La manifestation quantitative des contenus culturels dans les manuels scolaires de Première.
6.3.2. Manuels scolaires d’espagnol en Terminale.
6.3.3. La manifestation quantitative des contenus culturels dans les manuels scolaires de Terminale.
Troisième Partie: Analyse du discours des praticiens
7. Méthodologie
7.1. Méthodologie clinique
7.1.1. Vers l’entretien clinique
7.1.2. Vers une technique de l’entretien clinique.
7.2. Le choix d’un entretien clinique
7.2.1. Corpus de l’entretien clinique non-directif
7.2.2. Le cadre de l’entretien
7.3. Les éléments d’analyse d’entretien.
7.3.1. La retranscription
7.3.2. L’analyse du discours
7.3.3. Vers un outil d’analyse du discours.
7.3.4. Vers une organisation d’analyse
8. Analyse du discours des praticiens
8.1. Discours des professeurs ayant un vécu générationnel affectif « externe ou indirect »
8.1.1. Isabelle: Le refus des nouvelles prescriptions institutionnelles
8.1.2. Jean : Un rapport au savoir journalistique et anecdotique
8.2. Discours des professeurs ayant un vécu générationnel « interne ou direct »
8.2.1. Carlos : Entre la reconnaissance et l’institutionnalisation de ses savoirs
8.2.2. Pablo : Un rapport au savoir littéraire.
8.3. Discours des professeurs n’ayant aucun vécu générationnel affectif « direct ou indirect ».
8.3.1. Claire : Un rapport de satisfaction et d’insécurité professionnelle
8.3.2. Léa : Un rapport au savoir et des gestes professionnels maternelles
9. Interprétation globale
9.1. Vers le désir de la médiation de l’identification projective
9.2. Vers le désir de la médiation de l’objet transitionnel
9.3. La médiation des contenus culturels sous l’illusion d’une Aire intermédiaire d’expérience.
9.3.1. Discours des enseignants, vers une dynamique de transfert et de contretransfert 280
9.3.2. La dynamique d’introjection dans le discours des enseignants.
9.3.3. Le transfert
9.3.4. Le contre- transfert, une partie composante de l’analyse du discours enseignant.
10. Conclusions
10.1. Limites de la recherche
10.2. Perspectives
Bibliographie
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