La médiation culturelle au sein de l’apprentissage

Le musée des beaux-arts conserve de nombreuses œuvres, les étudie, les expose à l’effet de les rendre accessibles au public. Il est question d’un véritable patrimoine. Il s’agit non pas d’un fac-similé présenté aux visiteurs, mais de l’authentique travail de l’artiste. Nous y découvrons, par exemple, ses traces de pinceaux, les impacts du taillant sur la pierre, les différents pigments, la sensation au toucher de la matière, et les diverses émotions éprouvées face à une œuvre .

Pour moi, la première raison d’être d’une étude dans le domaine des arts résulte de mon lien avec les disciplines artistiques. En effet, depuis mon enfance, le plaisir de toucher la matière, de la transformer, de lui donner forme ne m’a jamais quittée. C’est lors de mon entrée au gymnase que j’ai découvert un réel intérêt pour l’art. Au cours de mes trois ans gymnasiaux, ayant choisi art visuel comme option complémentaire, l’étude des œuvres a été essentiellement menée par le biais d’images projetées, de photographies et de livres. C’est uniquement au cours de ma dernière année que nous nous sommes rendus trois jours à Paris avec les étudiants, afin de visiter de nombreux musées tels que le Musée d’Orsay, de l’Orangerie ou du Louvre. Ces visites ont eu un réel impact au niveau de mes apprentissages. En effet, a contrario d’une explication descriptive, l’observation d’une œuvre m’apparaît plus propice à l’enrichissement de mes connaissances, de par les détails observés, les émotions ressenties et les souvenirs liés à cette rencontre. La citation de George Braque, artiste français du XXe siècle, prend sens dans mon besoin de me retrouver face à une œuvre « Tout ce qui est important dans l’art, se trouve au-delà des paroles ». J’ajouterais, pour ma part : étudier l’art est nécessaire pour la réelle compréhension de l’objet, cependant le plus précieux est ce que ce dernier nous offre à travers sa contemplation.

Définition et importance de l’objet de recherche

Nombreux sont les enseignants qui s’interrogent sur la bonne utilisation du musée. En parallèle, les musées se questionnent à leur tour sur la manière de placer leurs ressources au profit des écoles (Jost, Staubli & Grieve, 2014). Tous deux sont des intervenants riches et intéressants, cependant le présent mémoire se penchera sur les questionnements des enseignants et l’apport de nouvelles connaissances chez un élève suite à une visite muséale.

Musée et apprentissages

Un grand nombre d’entrées au musée proviennent du public scolaire, en majeure partie des élèves du primaire (Caillet & Lehalle 1995). En effet, l’intérêt porté à la transmission des savoirs en lien avec les objectifs du programme scolaire est un facteur de motivation majeur qui pousse les enseignants à visiter un musée avec leur classe (Gajardo & Perregaux, 2005). Au sein du Plan d’Études Romand (2012- 2014), la culture est l’un des quatre axes thématiques proposés dans le domaine des arts. Celui-ci a pour objectif d’apprentissage d’amener l’élève à « s’imprégner de divers domaines et cultures artistiques » . C’est alors qu’une première question se pose : quelle place ont réellement les musées d’arts au sein de ces apprentissages ?

Dans la perspective de répondre à cette interrogation, il semble juste de se pencher sur l’ouvrage de Cohen (2002) qui rappelle plusieurs éléments repris des paroles de Lacroix. D’une part « le musée n’est pas école », il s’agit de deux lieux bien distincts comprenant des caractéristiques propres à chacun, d’autre part, son interrogation « sur le fait qu’il puisse être défini comme un lieu d’apprentissage » (p.29) retient l’intention de mettre à profit la médiation culturelle au bénéfice de ces institutions.

Selon M. Allard (1999), les apprentissages diffèrent entre les établissements. A l’école se mène l’apprentissage des concepts, tandis que l’apprentissage à l’objet et par l’objet, au moyen d’un enseignement concret, se situe au niveau du musée.

Comme le mentionnent Vant-Praët et Poucet (1992) les objets « authentiques » jouent un grand rôle dans le discours muséal. Les deux établissements qui ont une «réflexion commune sur l’intérêt des objets dans l’apprentissage et sur l’importance des leçons de choses » démontrent que ceux-ci se situent au centre de la rencontre. Cependant, s’agissant de la place attribuée à l’objet, il est important de relever que l’œuvre ne peut être véritablement assimilée et comprise par le visiteur si aucun lien avec d’autres connaissances ne peut se construire. En d’autres termes, l’élèvevisiteur doit pouvoir s’approprier les objets présentés dans le but de leur donner du sens.

Relation musée-école

L’interrogation des enseignants, abordée ci-dessus, n’est pas sans lien avec la relation élaborée entre les deux institutions. Selon Mili & Rickenmann (2005) « le rôle actuel de l’école en tant qu’institution spécifique de transmission du patrimoine culturel se voit (…) redéfini et transformé » (p.432) suite à l’importance accordée à l’enseignement artistique par le biais des sciences de l’éducation. En effet, ce sont de nombreux travaux menés dans ce domaine qui ont su donner à la méthode active une place reconnue au sein des apprentissages en permettant aux élèves d’expérimenter dans le but de progresser dans ces derniers (Gaillot, 2005). Par conséquent, les sciences de l’éducation ont non seulement permis au domaine artistique s’intéressant à l’expérimentation de trouver sa place actuellement dans les disciplines scolaires, mais ont également favorisé un rapprochement entre les deux institutions. Depuis lors, de nombreuses visites scolaires ont lieu.

Plusieurs termes sont associés aux spécificités de ces visites comme le mentionnent divers ouvrages (Buffet, 1995 ; Gajardo & Perregaux, 2005 ; Allard, Larouche, Lefebvre, Meunier & Vadeboncoeur, 1996) qui accordent à ces dernières les notions d’interrogation, de questionnement, de curiosité, d’observation. Se trouvant dans un lieu divergent du bâtiment scolaire, face à des éléments méconnus, la curiosité de l’élève se voit ainsi stimulée et l’amène donc à s’interroger. A noter que l’interrogation se situe au centre même de l’apprentissage, de ce fait, pour comprendre une œuvre, l’élève-visiteur doit questionner l’objet sur son origine, sur ce qu’il représente. On permettra d’y associer des apprentissages ultérieurs, afin d’acquérir d’autres connaissances. C’est par l’observation que ces divers éléments seront révélés. Cependant, afin que l’élève y trouve un réel intérêt, la notion de plaisir doit être prise en compte en motivant les élèves.

L’enseignant ayant recours à la médiation culturelle pour favoriser l’apprentissage se doit de tenir compte de ces divers facteurs et donc de savoir faire la différence entre l’établissement scolaire et le musée, dans le but premier de conserver les caractéristiques associées à ce dernier. En effet, selon Jost, Staubli & Grieve (2014) l’institution muséale est définie comme un lieu d’apprentissage. Ces auteurs annoncent qu’il est possible de mettre à profit la médiation culturelle dans l’enseignement pour nourrir les connaissances des élèves, mais cela engendre plusieurs contraintes, notamment le respect de la non-scolarisation du musée. Il s’agit d’enseigner en procédant d’une manière autre que dans l’établissement scolaire. Cela nécessite une réelle réflexion pour l’enseignant, car il se doit de cerner le(s) savoir(s) qu’il souhaite travailler avec les élèves hors des murs scolaires en respectant les caractéristiques de l’institution en question.

Premièrement, pour assurer une réelle prise en compte des établissements, il s’agira de définir la spécificité de chacun. Tout d’abord, l’institution muséale a de multiples fonctions. Elle conserve les différents objets qui la constituent, elle fait partie du secteur de la recherche et se doit de mettre en valeur son contenu (Jacobi & Coppey, 1995) dans le but de rendre ce dernier accessible. Quant au rôle de l’établissement scolaire décrit par Cohen (2002), il consiste à préparer les élèves à leur intégration dans la société. Son organisation étant articulée autour des contenus, des savoirs à enseigner et des élèves.

Deuxièmement, parmi d’autres domaines, le rôle éducatif connaît lui aussi une disparité entre les deux établissements. Selon les auteurs D. Jacobi et O. Coppey (1995), le musée est présenté comme ayant un rôle éducatif non formel, c’est-à-dire ouvert à tous. Ainsi, la visite du musée est « une activité volontaire, prise sur son temps de loisir, de type intermittent, sans programme préétabli et sans système de sanction ou de récompense susceptible de lui conférer une énergie motivationnelle». Une description contraire au cadre de l’école, évoquée comme formelle, car l’établissement contient « des règles et des usages fortement codifiés » (p.12) et l’enseignement y est précisément programmé pour un groupe d’élèves du même âge.

Mentionné dans l’ouvrage d’Anahy Gajardo (2005), Van-Praët met en exergue les trois points spécifiques qui sont pour lui primordiaux dans la distinction entre l’école et le musée : Premièrement, il considère le musée comme un lieu ouvert, à contrario de l’école, lieu fermé. Cette définition rappelle le rôle éducatif décrit ci-dessus. La seconde particularité se situe au niveau du temps : une visite avec une classe dans un musée dure rarement plus de deux heures, contrairement à l’école, qui a non seulement des horaires quotidiens à respecter mais s’étend de plus sur l’intégralité de l’année scolaire. Le dernier point relevé par cet auteur concerne la présence d’objets, qui sont les éléments clefs constituant une exposition . En fait, c’est par ces derniers que l’élève-visiteur acquerra de nouvelles connaissances.

Dans leur ouvrage, Jacobi et Coppey (1995) décrivent le musée comme un facteur de motivation possible pour un élément, un domaine, un sujet qui ne semblait guère attractif pour le visiteur avant sa visite. Cependant, si la situation se retourne, dû à une mauvaise « utilisation » du musée par l’école, l’effet inverse se produit. Selon Caillet (1995) « l’assimilation école-musée est peut-être l’une des causes de la désaffectation à l’âge adulte des visites de musée. Seuls les premiers de la classe s’adaptent à ce modèle où ils montrent leur savoir-faire, leur savoir-penser » (p. 128) Ces derniers sont donc susceptibles de s’intéresser aux objets par la mise à profit de leurs compétences, contrairement aux élèves ne disposant pas des outils nécessaires à la compréhension des éléments présents dans l’exposition. Par conséquent, il revient à l’enseignant d’amener l’enfant à savoir lire un objet pour pouvoir le comprendre, le traduire, lui donner du sens et de lui éviter tout dégoût de l’espace muséal.

La place de l’élève et l’importance de le guider dans ses connaissances sont de ce fait exprimées par les deux ouvrages cités ci-dessus en tant que facteur d’aisance pour l’apprentissage des savoirs à l’intérieur même du musée et vice-versa.

En conclusion du présent chapitre, il semble indiqué de souligner les propos de Cohen (2002) « les contraintes de l’école sont alors transposées dans les murs du musée » (p.25). Dès lors, il importe de trouver un juste équilibre entre la fonctionnalité des deux établissements tout en prenant en considération la nécessité de la non-scolarisation du musée.

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Table des matières

Introduction
Chapitre 1. Problématique 
1.1 Définition et importance de l’objet de recherche
1.1.1 Musée et apprentissages
1.1.2 Relation musée-école
1.2 Etat de la question
1.2.1 Origine et bref historique
1.2.2 Cadre théorique
1.2.3 Synthèse
1.3 Question de recherche et objectifs ou hypothèses de recherche
1.3.1 Identification de la question de recherche
Chapitre 2. Méthodologie 
2.1 Fondements méthodologiques
2.1.1 Type de recherche
2.2 Nature du corpus
2.2.1 Population
2.2.2 Choix du musée
2.2.3 Choix de l’apprentissage
2.2.4 La séquence : forme et contenu
2.2.5 Récolte des données
2.3 Méthodes et/ou techniques d’analyse des données
2.3.1 Traitement des données
2.3.2 Méthodes et analyse
Chapitre 3. Analyse et interprétation des résultats 
3.1 Point de vue global
3.2 Changement de cadrage portrait/paysage
3.2.1 Avec acquisition de connaissances
3.2.2 Sans acquisition de connaissances
3.3 Suppression des objets parasites
3.3.1 Avec acquisition de connaissances
3.3.2 Sans acquisition de connaissances
3.4 Avec rapprochement ou éloignement du sujet
3.4.1 Avec acquisition de connaissances
3.4.2 Sans acquisition de connaissances
3.5 Présence plus forte de l’objet
3.5.1 Avec acquisition de connaissances
3.5.2 Sans acquisition de connaissances
3.5.3 Un même élève, des résultats différents
3.6 Remédiation de la séquence didactique
Conclusion

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