La médecine générale mobile : une réponse à la désertification médicale ?

INEGALITES D’ACCES AUX SOINS ET « DESERTS MEDICAUX » 

La notion de « désert médical »

Bien que largement employée dans le langage courant, y compris par les acteurs institutionnels, l’expression « désert médical » est un concept flou et mal défini, qui revêt une certaine charge symbolique et émotionnelle. Elle fait référence à l’inadéquation, sur certains territoires, entre l’offre de santé présente et la demande en soins des habitants (18). Selon les indicateurs utilisés, un désert médical peut correspondre à une multitude de situations différentes, englobant des territoires ruraux ou périurbains, voire certains quartiers des centres-villes qui verraient leur population s’expandre rapidement. Il existe également une composante temporelle importante, un territoire bien doté pouvant se retrouver rapidement en situation de « désert », suite par exemple au départ à la retraite d’une génération de ses professionnels de santé. Dans sa thèse, Mélissa Martin préfère parler de « problématiques d’offre de soin » plutôt que de « désert médical », afin de s’affranchir des connotations émotionnelles (17). Dans ce travail, nous choisissons d’assumer l’emploi de ce terme répandu et renvoyant à des réalités multiples. Nous en donnerons la définition suivante (18) :

« Un désert médical désigne un espace fragile en termes d’offre médicale disponible, couplée à l’enclavement du territoire et à l’importance des besoins de santé ». Nous traiterons ici principalement des déserts médicaux situés en zone rurale.

Plusieurs indicateurs peuvent être invoqués pour rendre compte de cette « fragilité »:
– La densité médicale est, historiquement, le plus utilisé. Selon l’INSEE, il s’agit du ratio qui rapporte les effectifs des médecins à la population d’un territoire donné. Elle s’exprime en nombre de médecins pour 100 000 habitants, et permet de mettre en évidence les écarts de dotation entre territoires.
– Un autre indicateur classiquement utilisé est l’accessibilité spatiale, qui désigne la distance et le temps par la route pour accéder aux soins les plus proches, estimé pour chaque commune. L’IRDES évaluait dans une étude de 2011 que les temps d’accès aux soins étaient globalement satisfaisants, avec 95% de la population  française qui avait alors accès à des soins de proximité en moins de quinze minutes (19). A supposer que l’on dispose d’un véhicule, on peut s’interroger sur la  pertinence d’un tel indicateur si le médecin, croulant sous les demandes, se trouve dans l’impossibilité de recevoir le patient. (5)

– L’accessibilité potentielle localisée (APL) a été développée plus récemment par la DRESS et l’IRDES pour mesurer l’adéquation entre offre et demande de soins de premier recours à une échelle plus fine (20). L’APL permet de croiser les notions de densité et d’accessibilité et ainsi de prendre en compte à la fois la dotation et l’éloignement. L’échelle retenue est celle du « territoire de vie-santé » (TVS), constitué d’un ensemble de communes. L’APL est exprimée en nombre de consultations accessibles par habitant et par an, et recouvre trois dimensions (21) :
– L’activité de chaque praticien (nombre d’actes par an), qui peut être très variable d’un médecin à l’autre.
– Le temps d’accès au praticien.
– La consommation de soins par classe d’âge, pour tenir compte des besoins différenciés en santé.

L’APL moyenne en France est de 3,8 consultations par an et par habitant. C’est l’indicateur utilisé depuis 2017 par les Agences Régionales de Santé (ARS) pour établir les zonages territoriaux.

– L’URPS propose, dans son étude Géosanté en 2018, un autre indicateur intéressant : le risque démographique pour un bassin de population (22). Prenant en compte l’âge des praticiens en exercice, il permet de révéler la fragilité de certains territoires face au risque de cessation d’activité non remplacée, à dix ans.

Etat des lieux de l’offre médicale en France 

Médecins toutes spécialités confondues 

D’après les chiffres du dernier recensement du CNOM, la France n’a paradoxalement jamais connu un taux aussi élevé de médecins inscrits au tableau, tous statuts confondus. Au 1er janvier 2020, on y recensait 307 130 médecins (2), soit 1.75% de plus qu’en 2019 (+ 5 288 médecins) et 14.9% de plus qu’en 2010 (+ 45 752). Comment expliquer ce paradoxe ? L’explication réside premièrement dans le fait que les médecins retraités ont la possibilité de renouveler leur inscription à l’ordre afin notamment de conserver leur droit de prescription pour eux et leur famille, et sont donc inclus dans le recensement. Ainsi, si l’on regarde spécifiquement le nombre de médecins réellement en activité régulière, on s’aperçoit qu’il baisse continuellement depuis 2010 (-2000 médecins), alors que le nombre de retraités inscrits ne cesse d’augmenter (+43800) (2).

Un autre élément d’explication réside dans l’inégale répartition des praticiens sur le territoire. La carte ci-dessous révèle ces disparités, certains départements gagnant des médecins actifs sur la dernière décennie (toute la façade Atlantique notamment), et d’autres en perdant (ladite « diagonale du vide »). La Région PACA a globalement perdu des médecins, exception faite du département des Hautes-Alpes.

Changements sociologiques de la pratique médicale

A la baisse des effectifs de médecins généralistes se surajoutent des changements sociologiques dans l’exercice médical. D’après une enquête du CNOM conduite en 2019 sur les déterminants à l’installation, il ressortait que les jeunes générations de médecins aspiraient à des conditions d’exercice plus flexibles, moins engageantes, avec des volumes horaires moins lourds. Le travail en réseau avec d’autres professionnels de santé était largement préféré à un exercice isolé. L’installation libérale présentait un moindre attrait par rapport à l’exercice salarié, mixte ou faits de remplacements.

Ces changements sociologiques participent aux problématiques d’offre de soin d’une part (réduction relative du volume horaire), et de répartition de cette offre d’autre part. Le cadre de vie, la dynamique du territoire (avec la présence ou non de services et de possibilités d’emploi pour le conjoint), la proximité du réseau professionnel, rendent certains territoires plus attractifs que d’autres, au détriment actuel des zones rurales isolées.

POLITIQUES DE LUTTE CONTRE LA DESERTIFICATION MEDICALE 

Le numerus clausus à l’entrée des études de médecine a, depuis 1971, été l’outil-clé de régulation de l’offre médicale par les pouvoirs publics, répondant à une logique quelque peu panglossienne . Son verrouillage drastique des années 80 et 90 a eu des effets décalés dans le temps dont nous mesurons aujourd’hui les conséquences. Malgré sa ré-augmentation à partir des années 2000, les problèmes de pénurie et d’inégalités territoriales persistent. D’une part les nouveaux formés ne compensent pas les départs à la retraite, et d’autre part leur liberté d’installation ne permet pas une régulation géographique fine de l’offre en médecins (18,24). Depuis une dizaine d’années, les pouvoirs publics ont dû mettre en œuvre diverses politiques pour tenter de corriger les inégalités d’accès sur le territoire.

Les incitations financières 

Les dispositifs d’incitation financière ont été multipliés, de la part des ARS, de l’assurance-maladie, des collectivités territoriales et des services fiscaux. En 2017, les rapporteurs de la Commission d’enquête sur l’égal accès aux soins regrettaient que ces dispositifs n’aient pas fait l’objet de véritables évaluations, et ils estimaient le coût annuel de ces mesures à… 225 millions d’euros, pour une efficacité qu’ils jugeaient « toute relative » (5).

Les aides fiscales ont été les premières à être déployées, avec la création en 2005 des ZRR (Zones de Revitalisation Rurale) dans lesquelles la fiscalité entend favoriser la création de nouvelles entreprises, incluant les cabinets médicaux (25). Un médecin s’installant dans l’une de ces zones bénéficiera ainsi d’une exonération de cotisations sociales pour l’embauche de salariés, ainsi que d’une exonération fiscale totale pendant 5 ans (puis de façon dégressive les années suivantes). Cependant, malgré son coût exorbitant (55 millions d’euros en 2017), ce dispositif serait, d’après la Direction générale des finances publiques, d’une efficacité limitée et fortement pourvoyeur d’effet d’aubaine (5), sans garantir pour autant le maintien de l’offre à long terme.

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Table des matières

INTRODUCTION
PARTIE I – LA DESERTIFICATION MEDICALE
1- INEGALITES D’ACCES AUX SOINS ET « DESERTS MEDICAUX »
a- La notion de « désert médical »
b- Etat des lieux de l’offre médicale en France
c- Le zonage territorial
2- POLITIQUES DE LUTTE CONTRE LA DESERTIFICATION MEDICALE
a- Les incitations financières
b- Les mesures organisationnelles : exercice coordonné et délégation de tâches
c- La télémédecine
d- Les mesures contraignantes
3- SITUATION DU DEPARTEMENT DES ALPES-DE-HAUTE-PROVENCE (AHP)
a- Principales caractéristiques du territoire
b- L’offre de soin
c- Les besoins de santé de la population
PARTIE II – LA MEDECINE GENERALE MOBILE
1- DEFINITION ET HISTORIQUE
a- Définition
b- La médecine foraine et son interdiction
c- Le cadre législatif actuel
d- La démarche d’ « aller-vers »
2- EXPERIENCES EXISTANTES D’UNITES MEDICALES MOBILES
a- Dans les pays du Sud
b- Dans les pays du Nord
c- Expériences françaises
PARTIE III – ETUDE AUPRES DES MEDECINS GENERALISTES DES ALPES-DEHAUTE-PROVENCE
1- MATERIEL ET METHODE
a- Type d’étude
b- Population étudiée
c- Objectifs
d- Hypothèses
e- Elaboration du questionnaire
f- Structure du questionnaire
g- Recueil des données
h- Analyse statistique
2- RESULTATS
a- Description de la population
b- Connaissances de la médecine générale mobile (MGM)
c- Acceptabilité de la MGM dans le département
Adhésion à la MGM (variable à expliquer n°1)
Les leviers
Les freins
d- Implication potentielle des médecins (variable à expliquer n°2)
e- Esquisse d’un modèle de MGM dans les AHP
3- DISCUSSION
a- Discussion sur la méthode
b- Discussion sur les résultats
CONCLUSION
Vers une transformation des soins de premiers recours ?
BIBLIOGRAPHIE
ABREVIATIONS
ANNEXES

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