La mécanique newtonienne et son aura

La mécanique newtonienne et son aura

Ce travail de thèse propose une manière d’aborder la dynamique et la gravitation newtonienne, pour l’enseignement secondaire ou le début de l’enseignement supérieur. Une tradition académique consiste à introduire son travail en justifiant la valeur de ses enjeux. C’est l’occasion d’identifier ce qui a motivé la recherche effectuée, ainsi que ses orientations.

La mécanique newtonienne est fréquemment citée comme l’un des plus grands succès de l’histoire de la physique. Par sa conceptualisation du mouvement et des forces, elle permet la description et prédiction d’une grande variété de phénomènes par un petit nombre de lois. Son pouvoir prédictif est immense, comme en témoignent la généralité, l’efficacité et la robustesse de ses applications, de la construction de ponts à l’envoi d’astronautes dans l’espace.

La théorie de la gravitation quant à elle, représente la première des grandes unifications de la physique théorique. D’un point de vue historique, elle établit un lien explicite entre la chute des corps sur Terre et les mouvements de révolution des astres, pour la première fois dans l’évolution des idées. Ce lien est d’autant plus symbolique qu’il consacre l’idée même « d’Univers », en tant que monde unifié plutôt que séparé en zones distinctes. Cet accomplissement justifie l’impulsion pour la recherche de lois physiques à la fois universelles – valables partout – et unifiées, reliées entre elles par des principes de plus en plus généraux.

Cette révolution dans la façon de penser le monde, ainsi que la puissance et la simplicité de la dynamique, sont à l’origine des premières émotions scientifiques de nombreux physiciens, ayant parfois contribué à leur vocation. Mettre en évidence ces aspects profonds de la théorie newtonienne peut être considéré comme un des objectifs majeur de son enseignement. Son importance reste à comparer à celle d’autres enjeux – comme celui de l’efficacité opératoire – dont les priorités sont en définitive une question de choix, revenant pour une part importante aux décisionnaires politiques. La mise en avant des aspects fondamentaux de la mécanique est en tout cas un objectif partagé et argumenté par de nombreux chercheurs. Certains vont même jusqu’à étendre son importance pour une familiarisation avec la science d’une manière générale, avec des articles au titre aussi évocateur que « Mechanics as the Logical Point of Entry for the Enculturation into Scientific Thinking » :

« Force is well defined by a set of axioms that not only structures mechanics but science in general. […] The central point of this article is that if we taught mechanics as the forum to discuss the nature of mechanics itself, then we would serve to better secure a learner’s understanding and appreciation of both science and mathematics. » (Carson and Rowlands, 2005) .

Ce point de vue était également exprimé par Galili en 1995, justifiant la place de la mécanique comme introduction à l’étude de la physique.

« A huge edifice, which today we call physics, consists of various domains. The importance of mechanics is more than just being one of these domains. It determines the ‘rules of the game’, defines the main tools in physics, presents the most imiversal laws of nature. It actually describes the method of the discipline of physics which is then applied in all other domains in this discipline. This is why mechanics always opens any physics curriculum. » (Galili, 1995b) .

La théorie newtonienne est en effet la première des grandes théories physiques à laquelle les élèvent sont exposés, allant servir plus tard de référence pour la construction de l’électromagnétisme, de la relativité ou encore de la mécanique quantique. La quantité et la nouveauté des concepts fondamentaux apparaissant dans l’introduction à la mécanique newtonienne lui donnent ainsi un statut particulier vis à vis de l’apprentissage de la physique. L’importance de cette introduction est soulignée notamment par les auteurs du célèbre cours de Berkeley dans leur manuel de mécanique :

« La première année de physique à l’université est de loin la plus difficile. Au cours de la première année, on développe beaucoup plus d’idées, de concepts et de méthodes nouveaux que dans les cours de licence avancés ou de troisième cycle. Un étudiant qui comprend clairement la physique de base développée dans ce premier volume, même s’il n’est pas encore capable de l’appliquer facilement à des situations complexes, a mis derrière lui la plupart des vraies difficultés pour apprendre la physique. » (Kittel et al., 2001).

Un cheminement fondateur

Une insatisfaction comme impulsion initiale

Une des spécificités centrales de l’approche proposée résulte du cheminement de ma réflexion sur le sujet, et en particulier de son point de départ. J’ai commencé ce travail avec l’intention de m’intéresser essentiellement à l’enseignement de la gravitation newtonienne. Ce choix avait pour origine subjective le souvenir révolté du contraste entre l’image donnée de cette théorie dans l’enseignement secondaire, et sa découverte par d’autres moyens extrascolaires. Comment un sujet aussi riche et fascinant pouvait-il être restitué de manière aussi appauvrie et fade ? Le temps a relativisé progressivement cette indignation par l’ouverture à d’autres expériences que la mienne, mais une certaine rancune pédagogique est tout de même restée enfouie : on m’avait menti par omission. Après quelques années captivé par l’étude de la physique, cet intérêt c’est finalement éloigné de lui-même, laissant de l’espace à d’autres sensibilités. Plus tard, la découverte d’un champ de recherche sur l’enseignement raviva le souvenir d’anciennes réflexions suscitées par ma déception lycéenne. Ce terrain pouvait se prêter à faire germer les idées que mon insatisfaction avait engendrées. M’engageant dans cette voie, je découvris alors que j’avais beaucoup à apprendre sur ce genre de culture là. La familiarisation avec les recherches en didactique m’a permis de réaliser l’étendue et la nature des difficultés des élèves, dans l’apprentissage des concepts associés à la gravité. J’y ai découvert également des pistes pour interpréter et appréhender les questions associées, parmi lesquelles j’ai pu situer ma représentation du problème, l’ouvrir et l’enrichir.

Une approche de la gravitation

Tandis que l’on attribue au champ de la pédagogie les préoccupations d’ordre général pour les méthodes d’enseignement, une réflexion sur l’enseignement d’un contenu particulier, prenant en compte ses spécificités et les difficultés qui lui sont propres, est académiquement rattachée à l’appellation de didactique  . La didactique de la physique, et plus précisément la réflexion didactique sur un contenu physique donné, exige ainsi une compréhension en profondeur de celui ci, avant de pouvoir dire quoi que ce soit sur son enseignement ou son apprentissage.

Pour aborder le thème de la gravitation, il me fallait donc approfondir son étude, en particulier par une analyse de son histoire, et des questions épistémologiques associées. Cette imprégnation, ainsi que les idées initiales à l’origine de cette entreprise, ont particulièrement orienté la lecture des recherches sur les difficultés des élèves. La première réflexion articulant ces différents éléments a conduit à la mise en relation des trois points de vue suivants.

— Au niveau des élèves d’une part, de nombreuses idées a priori à propos de la gravité peuvent être reliées à la séparation dans la façon de considérer les phénomènes sur Terre et dans l’espace. Il s’agit par exemple des conceptions comme « la gravité nécessite la présence de l’air », « il n’y a pas de gravité dans l’espace » ou encore « les objets en orbite n’ont pas de poids » (Kavanagh and Sneider, 2006a,b).
— Or d’un point de vue historique, il se trouve que cette question des liens entre phénomènes terrestres et célestes est également au cœur de l’évolution des idées ayant mené à la théorie de la gravitation newtonienne. L’apport fondamental de celle-ci est en effet de permettre une description unifiée de la chute des corps et de la révolution des planètes, après presque deux mille ans de distinction entre monde terrestre et monde céleste.
— Au niveau institutionnel, d’une manière générale, les programmes et les manuels se focalisent surtout sur la formule mathématique quantifiant la force de gravitation. L’idée d’unification de la théorie est implicitement contenue dans le caractère universel de cette force. Cependant cette caractéristique étant posée comme un fait à admettre, il n’y a pas de stratégie pour aider à l’assimilation de cette idée, alors qu’elle semble justement liée à une difficulté majeure chez les élèves. D’autre part, la formule de la force de gravitation est généralement posée sans justification, c’est-à-dire également à admettre, par argument d’autorité du savoir scientifique établi.

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Table des matières

1 Introduction
1.1 La mécanique newtonienne et son aura
1.2 Un cheminement fondateur
1.2.1 Une insatisfaction comme impulsion initiale
1.2.2 Une approche de la gravitation
1.2.3 Le rôle de la dynamique
1.3 Problématique générale et méthodologie
1.4 Contenu de la thèse
2 Positionnements didactiques et épistémologiques généraux
2.1 L’intentionnalité de l’éclairage du contenu
2.2 Le rapport au sens commun
2.2.1 Le sens commun comme point de départ
2.2.2 Se relier au sens commun : état de l’art d’une intention partagée
2.2.3 Langage courant et langage scientifique
2.3 Le problème de l’interprétation
2.3.1 Klaassen, Davidson et le problème de l’interprétation
2.3.2 D’autres expressions philosophiques du problème de l’interprétation
2.3.3 De la vigilance à l’ambigüité
2.4 Points de vue épistémologiques et conséquences didactiques
2.4.1 La physique et sa construction
2.4.2 La physique comme mises en relation
2.5 Autres positionnements pour la conception d’une séquence d’enseignement
2.5.1 Aspects non évidents d’une théorie physique pour le sens commun
2.5.2 La motivation des élèves et la « problem posing approach » (Klaassen, 1995)
2.5.3 Le rapport à l’histoire des sciences
2.5.4 Des parties transmissives face à l’objurgation constructiviste
2.6 Conclusion sur les positionnements généraux adoptés
3 Une approche de l’enseignement de la dynamique
3.1 Idées des élèves & problèmes d’apprentissage visés
3.1.1 Des cadres théoriques d’interprétation
3.1.2 Synthèse des tendances majeures du sens commun
3.1.3 Problèmes d’apprentissage visés
3.2 Analyse de contenu & solutions proposées
3.2.1 Problèmes conceptuels dans les fondements de la théorie newtonienne
3.2.2 Définition du concept de force : deux postures face au principe d’inertie
3.2.3 Arguments didactiques contre l’interprétation empirique
3.2.4 Force, explication et mise en relation
3.2.5 Une formulation, deux idées
3.2.6 La possibilité d’introduire les idées centrales par des exemples de la vie courante
3.3 Présentation de la séquence d’enseignement de la dynamique
3.3.1 Les étapes de la séquence
3.3.2 Schéma de synthèse
3.4 Synthèse des choix principaux
4 Une approche de l’enseignement de la théorie de la gravitation
4.1 Introduction
4.2 Idées des élèves & problème d’apprentissage visé
4.3 L’utilisation d’un cheminement historique
4.3.1 Les motivations
4.3.2 Analyse de l’exposition par Newton de la théorie de la gravitation
4.3.3 Les éléments préalables nécessaires pour une reconstruction de la théorie de la gravitation
4.3.4 Inspiration et écarts avec la présentation de Newton
4.3.5 Comparaison à d’autres séquences d’enseignement
4.3.6 Présentation de la séquence d’enseignement de la gravitation
4.3.7 Une motivation globale : la justification de l’héliocentrisme
4.4 Le cas de l’impesanteur
4.4.1 Rappel du contexte
4.4.2 Les étapes du problème proposé
4.5 Synthèse des choix principaux
4.5.1 Des motivations multiples pour la reconstruction de la théorie de la gravitation
4.5.2 La présentation explicite du cas de l’impesanteur
4.5.3 Des motivations pour l’étude de la théorie newtonienne
5 Conclusion

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