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L’Ouest Saharien, foyer du nomadisme des Maures
Située dans l’Afrique de l’Ouest, la Mauritanie entretient des frontières avec l’Algérie, le Maroc, le Mali et le Sénégal. Bien que toutes ces frontières soient tracées par les colonisateurs français, seule la frontière entre la Mauritanie et le Sénégal est naturelle, suivant le fleuve Sénégal. Celui-ci a creusé une vallée le long des frontières de ces deux pays. Sur le long de l’océan Atlantique, s’étendent 700 km de la côte Ouest de la Mauritanie. La région Est comprend des zones de pâturage tandis que le Sud est une zone agricole aux bordures du fleuve Sénégal. Dans la région centrale, un grand désert sablonneux rythmé par des plaines et des regs (déserts de pierres), le Sahara, occupe deux tiers de l’ensemble de la superficie nationale. Ce désert caractéristique de la Mauritanie comprend des hauts plateaux avec des sommets qui peuvent arriver jusqu’à 915m d’altitude au Nord du pays comme le mont Kedia d’Idjil.
On retrouve des grandes dunes de sable le long de l’océan Atlantique, alors que le reste du désert mauritanien est composé principalement de plateaux gréseux.
Le climat de la Mauritanie est globalement très chaud et très sec. Le pays a connu des sécheresses successives, ce qui a accentué la désertification du pays. À ces sécheresses, s’ajoute la présence du Khamsin ou Harmattan, un vent de sable chaud qui balaye parfois des régions, contribuant à cette désertification. Alors que les différences sont très faibles entre l’été et l’hiver, de grands écarts sont ressentis entre le jour et la nuit.
Sur un territoire dont près de deux tiers font partie du Sahara, les Maures ont naturellement développé un nomadisme qui s’étend sur l’ensemble du pays. La rareté de l’eau et l’importance de l’élevage dans l’organisation de la société maure ont naturellement mené ce peuple à une pratique du nomadisme rythmé par des déplacements plus ou moins réguliers. Ces déplacements se font d’un point d’eau à un autre, à la quête d’approvisionnement pour le bétail. Les pratiques pastorales des Maures nomades sont ancrées dans les traditions locales et restent un des emblèmes identitaires de cette population. Les sécheresses successives ont cependant réduit ce nomadisme et de plus en plus de familles nomades se sédentarisent au sein du pays.
Le campement maure basé sur un système tribal
Pour comprendre l’ancrage territorial des Maures, il faut comprendre cette société. En effet, celle-ci se base sur un système tribal dont le poids est encore très important dans l’organisation des rapports et des échanges entre habitants. Ces rapports ont engendré une hiérarchie et une dépendance économique au sein de cette communauté.
Le système tribal se base sur le sang et non pas sur le sol. Cependant, dans l’espace nomade, les familles s’installent en groupe suivant leur appartenance tribale. Cette installation spatiale en groupe est nommée vrîg, dont le pluriel est virgân.
De nos jours au sein de la société maure, « le campement est la cellule résidentielle de base »1. En effet, il est rare de trouver une famille nucléaire, formée uniquement des deux parents et des enfants, qui s’implante toute seule loin des campements. La vie en communauté est l’un des éléments importants de la vie des Maures. L’organisation d’un regroupement de familles dépend des histoires familiales et des contraintes environnementales. D’autres facteurs de natures économiques, politiques et socioculturels sont impliqués également dans la naissance d’un vrîg. Cette diversité de causes de regroupement donne lieu à une diversité de natures de regroupements.
L’évolution du rapport au désert et à la ville
Le rapport des Maures au désert a changé de nature au fil du temps. En effet, les échanges entre les citadins et les nomades ont donné naissance à des rapports nouveaux. Parmi les citadins de nos jours, les anciens nomades y retournent régulièrement pour revenir à un mode de vie simple et qui leur rappelle leur enfance, les nouveaux y vont pour découvrir le mode de vie de leurs parents. Mais ces deux catégories habitent le désert d’une manière différente que celle des nomades. Ils sont souvent bien équipés et ils entretiennent toujours un rapport direct à la ville et au mode de vie citadin grâce aux voitures et aux équipements électroniques et aux denrées alimentaires qu’ils emportent avec eux avant d’y aller. Le changement de pratiques sociales et culturelles à cause des nouvelles technologies et du progrès technique a provoqué le changement de l’usage de la tente et de la vie dans le désert. Du côté des nomades, le rapport avec le désert a également changé. Une quête de la modernité et les échanges réguliers avec leurs familles installées en ville changent leur mode de vie. En effet, de plus en plus de nomades se sédentarisent dans le désert, usant d’outils « modernes » qui les poussent à réinventer leur mode d’habiter dans le désert.
L’évolution du rapport au désert s’accompagne de celle du rapport à la ville qui devient beaucoup plus direct par l’usage des voitures qui permettent de lier le désert à la ville. La ville avec laquelle les nomades entretiennent le plus de rapports est la capitale. En effet, elle est le centre unique où on retrouve toutes les tribus. La création de celle-ci a changé les rapports entre les tribus et elle a permis d’établir des interrelations et des échanges économiques plus directs. Un aperçu de l’histoire ainsi que de l’exode rural va nous permettre de comprendre les conditions de la transition de ce peuple du statut nomade au statut sédentaire.
Sécheresses successives et exode rural
Avant le XXème siècle, la société maure était une société à majorité nomade et pratiquait des activités pastorales à plein temps pour combler ses besoins. Ces activités permettaient de maintenir une économie d’échanges entre différentes tribus. Les déplacements se faisaient sur l’ensemble du Sahara sans frontière et avec une liberté totale. Au cours de la période coloniale française entre 1900 et 1960, plusieurs changements sont apparus avec le tracé des frontières mauritaniennes. Le pastoralisme nomade a diminué par le développement d’une économie de marché. De nouvelles formes du travail salarié sont apparues ainsi qu’une nouvelle élite socio-économique urbaine.
Lors de l’indépendance en 1960, la part des familles nomades était 70% de la population totale. Cependant ce pourcentage a vite chuté après l’indépendance. D’autres changements se sont manifestés dans le nomadisme des Maures, notamment un double mouvement de sédentarisation et d’urbanisation. Ces changements sont apparus suite aux grandes sécheresses des années 1970 et 1980. Ces grandes sécheresses se sont poursuivies jusqu’à nos jours mais une amélioration peut être observée à partir de 1986. Avant cette crise, un fort accroissement de la population s’est accompagné de l’accroissement des troupeaux, des surfaces cultivées, des puits. Une surcharge des pâturages, la déforestation, la mise en culture de zones marginales ainsi que l’exploitation intensive des nappes souterraines ont donné lieu à la dégradation progressive du milieu. Cette crise à la fois climatique et écologique a poussé les populations nomades a s’installer dans les villes et aux périphéries de celles-ci, surtout au sein et autour de Nouakchott.
Cet exode rural a changé le pourcentage de nomades qui passe de 70% à 6% de la fin des années 1960 à nos jours. La sédentarisation des familles nomades dans les villes s’est répercutée sur l’économie de celles-ci. La ville de Nouakchott a vu sa population passer de 35 000 personnes en 1970 à 120 000 personnes en 1974, à un effectif d’à peu près 500 000 de nos jours.
Cet exode rural s’est effectué dans l’ensemble des pays du Sahel qui ont connu des sécheresses semblables et donc une évolution semblable. Malgré la forte sédentarisation dans le milieu citadin, des dizaines de milliers de familles sont restées attachées à leurs activités de pasteurs nomades ou semi-nomades. Ainsi, le système tribal a permis de garder un rapport fort et direct entre les familles citadines et celles qui mènent encore une vie nomade. Les nouvelles générations qui ont succédé cet exode rural ont vu le jour dans la ville, contrairement à leurs parents qui ont connu cette transition. Cependant la proximité territoriale entre les villes et le désert fait qu’ils entretiennent quand même un rapport avec celui-ci.
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Table des matières
I/ La Mauritanie : entre sédentarisation et nomadisme
1. La Mauritanie, les maures, le désert et la ville
A. La Mauritanie, entre arabité et africanité
B. L’Ouest Saharien, foyer du nomadisme des Maures
C. Le campement maure basé sur un système tribal
D. L’évolution du rapport au désert et à la ville
2. L’exode rural, à la quête d’une vie meilleure
A. Sécheresses successives & exode rural
B. Être citadin, signe de progrès social
3. Processus de transition du désert à la ville
A. Définitions des notions-clés
B. La transition, du point de vue des Maures
II/ La tente, l’emblème d’une identité maure
1. Techniques constructives
A. Les différents types de tentes
B. Les composants de la tente
C. Pliage et déplacement de la tente
2. Occupation spatiale de la tente
A. Double polarisation
B. Le mobilier et les accessoires
C. L’art de vivre sous la tente
3. Symbolique de la tente dans l’imaginaire maure
A. Un espace de référence
B. Un espace féminin
III/ Des sédentaires nomades et des nomades sédentaires
1. Étude sociologique
2. Des transitions progressives
3. Un rythme de vie nouveau
4. Une représentation du désert qui évolue
IV/ La tente, un habitat de l’entre-deux?
1. Un habitat qui s’adapte en même temps que l’habitant
A. Des définitions en constance évolution et des besoins nouveaux
B. Des nouvelles formes, des nouveaux lieux
C. Vers un juste milieu, entre mode de vie nomade et mode de vie citadine
2. Un rôle fondamental dans la transition
3. Des nouveaux rôles de nos jours
Conclusion
Lexique
Bibliographie
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