La matière organique marine
DEUXIEME PARTIE
Introduction :
Depuis le début du siècle, l’environnement (atmosphérique, terrestre et aquatique) a été soumis à la pression croissante des activités industrielles et humaines dont les effets se sont fait rapidement sentir. Une substance d’origine anthropique rejetée dans le milieu est un contaminant, si elle exerce
des effets défavorables sur le plan biologique, il s’agit alors d’un polluant (Moriarty., 1990) ou d’un xénobiotique (Butler et al ., 1978). Ce dernier terme désigne toute substance qui n’existe pas à l’état naturel et qui se caractérise par une forte toxicité à des faibles concentrations (Ramade ,1998). Les contaminants rejetés dans l’environnement finissent par se retrouver plus ou moins rapidement dans les milieux aquatiques, en particulier estuariens et côtiers, où ils peuvent avoir des effets à court et à long terme (Burton., 1992a).
L’écotoxicologie est la discipline qui évalue les effets des perturbations physiques et chimiques sur les êtres vivants, les voies de transfert des contaminants et leur action sur l’environnement (Truhaut., 1977). Elle regroupe des études physico-chimiques, permettant de décrire le milieu étudié et de définir son niveau de contamination, ainsi que des études biologiques afin de déterminer la qualité du milieu. L’écotoxicologie peut intervenir à différents niveaux d’organisation biologique : moléculaire, subcellulaire et cellulaire, tissulaire, de l’organisme, de la population et de l’écosystème. Dans le milieu aquatique, une grande partie des composés d’origine anthropique ou naturelle s’adsorbent sur les particules en suspension, puis s’accumulent au niveau des sédiments.
Ainsi, les dépôts sédimentaires, à l’interface des zones océaniques et continentales, constituent de véritables filtres et réservoirs pour les contaminants connus ou non et forment d’importantes sources de contamination. Les zones côtières sont des biotopes où de nombreuses espèces animales se reproduisent et méritent donc à ce titre d’être protégées. On s’aperçoit aujourd’hui que les perturbations environnementales ont aussi des répercussions sur la santé publique. Ainsi les autorités américaines estiment que 10 % des sédiments présents dans leur lacs, rivières et baies sont suffisamment contaminés par des composés toxiques pour avoir des effets néfastes sur les organismes aquatiques, mais également sur la population humaine consommatrice des ressources aquatiques présentes dans ces milieux (McCauley et al ., 2000 ; Long., 2000). Il est devenu indispensable d’évaluer la qualité de ces milieux aquatiques et plus particulièrement celle de la phase sédimentaire.
Le but final des essais biologiques est d’évaluer l’impact des micropolluants, sédimentaires en particulier, de la façon la plus réaliste possible sur le plan environnemental. Or le prélèvement, le stockage et la manipulation des sédiments peuvent modifier la biodisponibilité des contaminants et par conséquent leur toxicité. Ceci représente la principale limite des tests biologiques en laboratoire (Lamberson et al ., 1992 ; Burton. , 1992b). Les bioessais pratiqués en laboratoire ne peuvent refléter les variations spatiotemporelles de la température, la salinité, la lumière et l’oxygène du milieu naturel, pouvant modifier la spéciation et donc la toxicité des contaminants. Ils permettent seulement d’évaluer « Une toxicité potentielle » de ces sédiments sans que l’on connaisse vraiment sa signification sur la plan écologique.
Les bioessais reflètent la toxicité de la fraction biodisponible des contaminants, mais ne permettent pas d’identifier les composés responsables des effets biologiques observés. Cette biodisponibilité des contaminants dépend de nombreux facteurs physiques (granulométrie et teneur en matière organique du sédiment et des particules en suspension……), chimiques (solubilité et réactivité des composés, présence d’agents complexant…….), biologiques (organismes pélagiques ou benthiques utilisés, mode de contamination……) (Borgmann., 2000). Elle peut dans une certaine mesure être mesurée par l’accumulation des contaminants par les organismes tests. On parle alors de bioaccumulation.
Pour différents composés, des concentrations corporelles critiques, au-dessus desquelles des effets biologiques sont observés, ont été déterminées. Pour les contaminants non ou faiblement régulés et transformés, les teneurs dans les organismes sont de meilleurs indicateurs de la qualité du milieu que la mesure des concentrations en polluants dans le milieu même. Ceci permet de prendre en compte tous les facteurs qui influencent la biodisponibilité de ce type de contaminants (McCarty et al., 1993 ; Borgmann et al., 1997 ; Connell et al .,1999 ; Borgmann , 2000 ; Borgmann et al ., 2001 ; Hwang et al ., 2001).
Cette partie présente l’étude de l’évaluation de la toxicité potentielle des sédiments marins contaminés, à l’aide de bioessais. Cette étude a consisté à évaluer la sensibilité d’un organisme en contact avec un sédiment marin contaminé, afin de développer et de proposer une démarche utilisable lors d’études de biomonitoring (nécessitant des tests sensibles, simples et surtout rapides à mettre en œuvre), mais également des outils utilisables dans les études d’analyses des risques chimiques et écotoxicologiques (c’est à dire permettant d’évaluer l’impact de composés à des doses réalistes d’un point de vue environnemental).
Revues bibliographique :
Introduction :
Le niveau de contamination des sédiments est traditionnellement déterminé par des analyses chimiques qui donnent peu d’informations sur sa «qualité biologique», c’est-à-dire ses effets sur le biota. L’évaluation de la toxicité de l’ensemble des contaminants sédimentaires biodisponibles nécessite donc l’utilisation de tests réalisés à l’aide d’organismes vivants (Stebbing et al. 1980 ; Chapman et al ., 1983). La fraction biodisponible des contaminants est représentée par les composés qui peuvent rentrer directement en contact avec les organismes et être absorbés. La biodisponibilité d’un xénobiotique dépend des caractéristiques du sédiment (granulométrie, teneur en matière organique, potentiel redox etc..), des propriétés physico-chimiques du composé (spéciation) et de l’organisme lui-même (habitat, mode alimentaire) (Förstner et al ., 1979 ; Landrum et al ., 1990).
L’approche biologique et chimique sont deux méthodes essentielles et complémentaires pour évaluer la qualité d’un environnement et les effets à différents niveaux d’organisation biologique, de la cellule à la population (Chapman et al ., 1987 ; Woodhead et al ., 1999).
Biodisponibilité et toxicité des contaminants sédimentaires :
Afin de pouvoir déterminer le risque que représente un sédiment vis-à-vis des organismes, il est indispensable de connaître la fraction biodisponible des contaminants. Un composé est dit biodisponible lorsqu’il peut rentrer en contact direct avec l’organisme et être absorbé et traverser la membrane cellulaire. La biodisponibilité des contaminants dépend de l’organisme lui-même. Les voies d’expositions peuvent se faire soit par l’intermédiaire du sédiment, de l’eau interstitielle et de la colonne d’eau. La contamination des organismes se fait par le passage des composés à travers la barrière corporelle (tégument) et les voies respiratoires, soit par l’ingestion de particules sédimentaires ou alimentaires contaminées (Power et Chapman, 1992).
Bioessais :
C’est à ce niveau qu’a été réalisé la deuxième partie de cette étude qui fera donc l’objet d’un développement particulier. Le but d’un bioessai est d’évaluer des réponses biologiques chez des organismes soumis, dans le cas présent, aux effets des sédiments contaminés. Les tests biologiques présentent généralement différentes caractéristiques :
1. Ils sont rapides et peu coûteux. 2. Ils reflètent la toxicité de la fraction biodisponible des contaminants. 3. Ils peuvent mettre en évidence la présence de contaminants non décelés par l’analyse chimique, ou que l’on ne sait pas doser. 4. Ils sont réalisés en milieu contrôlé, les effets de facteurs pouvant rendre l’interprétation difficile comme dans le milieu naturel, sont limités.
Cependant, les bioessais ont également des limites. On connaît mal leur signification écologique et l’extrapolation des résultats au milieu naturel n’est pas toujours satisfaisante. De nombreuses espèces sont utilisées comme organismes tests, des bivalves (Crassostrea gigas, Mytilus galloprovincialis), des échinodermes (Paracentrotus lividus, Arbacia punctulata, Strongylocentrotus purpuratus), des amphipodes (Rhepoxynius abronius, Ehaustorius estuarius, Corophium volutator), des polychètes (Neanthes arenaceodentata, Dinophilus gyrociliatus), des organismes zooplanctoniques (Acartia sp.), des micoralgues (Skeletonemas costatum, Phaedactylum tricornutum).
Problèmes rencontrés : prélèvement, stockage, choix de l’organisme :
Les tests de toxicité effectués sur les sédiments présentent de nombreux avantages par rapport aux autres outils utilisés lors d’approches intégrées. Ils sont généralement moins coûteux à mettre en œuvre, plus rapides et nécessitant un matériel beaucoup moins sophistiqué que les analyses chimiques ou faunistiques. Ils donnent des informations uniques :
1. Ils intègrent les effets additifs, antagonistes ou synergiques qui peuvent exister entre les contaminants présents. 2. Les relations «cause» à effet peuvent être démontrées en diluant le milieu testé (Swartz et al., 1988, 1989). 3. Une grande variété d’effets biologiques peut être étudiée, pour des périodes d’exposition variables, afin de prédire les impacts potentiels à différents niveaux d’organisation biologiques, tel que physiologique (luminescence, enzymatique, croissance), ontogénétique (développement), comportementales (déplacement, choix), populationnelle (reproduction et mortalité) (Swartz et al., 1988, 1989). Cependant, les modifications géochimiques et géophysiques induites lors de l’échantillonnage, la manipulation et le stockage des sédiments constituent des facteurs limitatifs, en modifiant la toxicité initiale du sédiment (Lamberson et al., 1992 ; Luoma, 1995).
Prélèvement :
Le sédiment in situ est situé dans un milieu ouvert, dynamique où il présente une partie oxique (en surface) et une partie anoxique en profondeur. La zone oxique peut varier de quelques millimètres à dix mètres dans les environnements oligotrophes et les fonds sableux (Luoma et Ho, 1993). Tous les modes de prélèvement entraînent des perturbations plus ou moins importantes de la structure du sédiment. Le carottage est la méthode la moins perturbatrice, elle permet de conserver le profil du sédiment. Cependant, son utilisation est limitée par la couche d’eau à traverser, par la dureté du sédiment (trop sableux) et par la quantité de sédiment à prélever (faible quantité) (ASTM, 1994a). L’utilisation de la benne est beaucoup plus fréquente (Long et al., 1990, 1996 ; Carr et al., 1996a). Le modèle le plus utilisé est le type Van Veen (Meador et al., 1990 ; Wolfe et al., 1996 ; Thompson et al., 1999). Ce mode de prélèvement entraîne une modification de la structure du sédiment, la perte des particules de surface et des composés très hydrosolubles ou volatiles (Burton, 1992b), ainsi que le mélange entre les partie oxiques et anoxiques du sédiment, modifiant la biodisponibilité des contaminants.
Les organismes vivants se trouvent principalement dans la fraction oxygénée du sédiment qui est le lieu d’échanges avec la colonne d’eau. Par conséquent, pour les études écotoxicologiques, il est recommandé de n’utiliser que la couche oxydée des sédiments (Meador et al., 1990 ; Dave et Nilson, 1994 ; Carr et al., 1996a). Cependant, comme les méthodes ou instruments qui permettent de mesurer l’épaisseur de la couche oxydée en milieu naturel ne sont pas facilement disponibles ou utilisables, les auteurs recommandent de ne prélever que les deux premiers centimètres de la surface du sédiment (Cardwell et al., 1976 ; Chapman et al., 1987, 1996 ; Burton, 1992b ; Burgess et al., 1993 ; Luoma et Ho, 1993 ; Carr et al., 1996c).
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Table des matières
partie 2
Remerciements Résume français
Résume anglais
Résume arabe
Glossaire
Introduction
1/Revues bibliographique
1.1 : Introduction
1.2 : La matrice étudiée : le sédiment
1.2.1 : Origine des sédiments
1.2.2 : Composition
1.2.3 : Granulométrie
1.3 : La matière organique marine
1.3.1 : Origine de la matière organique marine
1.3.2 : Composition de la matière organique marine
1.4 : Les processus sédimentaires
1.4.1 : L’altération
1.4.2: L’érosion
1.4.3: Le transport
1.4.4: Le dépôt
1.5 : Mécanismes de la diagenèse précoce
1.5.1 : Minéralisation de la matière organique : « schéma de Froelich »
1.5.2 : Influence de l’activité microbienne
1.5.3 : Phases constitutives des sédiments
1.6 : Sédiments et contaminants
1.6.1 : Interaction sédiment- contaminants
1.6.2 : Origines des métaux lourds liés aux sédiments
1.6.3 : Les échanges des métaux lourds à l’interface eau-sédiment
1.6.4 : Accumulation des métaux lourds dans les sédiments
1.6.5 : Relargage des métaux lourds par les sédiments
1.6.6 : Métaux lourds et granulométrie
1.6.7 : Métaux lourds et matière organique
1.7 : Intérêt de la détermination des métaux lourds dans les sédiments
1.7.1 : Les ETM dans l’environnement
1.7.2 : Distribution et mobilité des ETM dans les systèmes aquatiques
1.8 : Enjeu environnemental
1.8.1 : Métaux essentiels et non-essentiels
1.8.2 : Les métaux étudiés
1.8.3 : Cheminement des métaux lourds des sédiments vers l’homme
1.8.4 : Teneurs naturelles des sédiments marins en métaux lourds
1.8.5 : Valeurs de référence et critères de qualité sédiment : méthodes de calcul et utilisation
1.8.6 : Méthodes de calcul
2/Matériel et méthodes
2.1 : Caractéristiques de la zone d’étude
2.1.1 : Présentation de la Mer méditerranée
2.1.2 : Particularités de la Méditerranée
2.1.3 : Situation géographique et topographique du littorale oranais
2.1.4 : Choix des sites d’échantillonnages
2.2 : Caractéristiques physico-chimiques
2.2.1 : Procédures d’échantillonnage
2.2.2 : Méthode et période d’échantillonnage
2.3 : Etudes granulométriques
2.3.1 : Définition et but de l’analyse granulométrique
2.4 : Prélèvement d’eau de mer
2.4.1 : Mesure de la matière en suspension
2.4.2 : La matière organique dans l’eau de mer
2.5 : Prélèvement des sédiments
2.5.1 : La matière organique dans les sédiments
2.5.2 : Teneurs en Carbonates
2.5.3 : Teneurs en eau
2.6 : Contamination métallique des sédiments marins
2.6.1 : Prélèvement et minéralisation des sédiments
2.7 : Le choix de la famille de polluants
2.8 : Le choix de la détermination des indices métalliques
2.9 : Les tests statistiques
3/Résultats et discussion
3.1 : Granulométrie
3.1.1 : Port d’Oran
3.1.2 : Ain Franin
3.2 : Caractéristiques physico-chimiques
3.2.1 : Teneurs en matière en suspension et matière organique des eaux des sites étudiés
3.2.2 : Teneurs en eau, en carbonates et en matière organique des sédiments marins
3.3 : Conclusion
3.4 : Contamination métallique et indices de contamination
3.4.1 : Résultats du dosage des métaux lourds dans l’échantillon certifié
3.4.2 : Zinc
3.4.3 : Plomb
3.4.4 : Cuivre
3.4.5 : Cadmium
3.5 : Conclusion
3.6 : Situation environnementale des sites étudiés
3.6.1: Comparaison des résultats avec les valeurs guides
3.6.2 : Comparaison des résultats avec d’autres régions de l’Algérie et du monde
3.6.3 : L’Apport anthropogénique et indice de géoaccumulation (Igeo)
3.7 : Effets toxicologiques possibles des métaux lourds au niveau des deux sites étudiés
3.7.1 : Plomb
3.7.2 : Zinc
3.7.3 : Cuivre
3.7.4 : Cadmium
3.7.5 : Conclusion
partie 2
1/Revues bibliographique
1/1 Introduction
1.2 : Biodisponibilité et toxicité des contaminants sédimentaires
1.2.1 .Problèmes rencontrés : prélèvement, stockage, choix de l’organisme
1.3 : Bioessais en laboratoire : sédiment contact, eau interstitielle, élutriat
1.3.1 : Sédiment contact
1.3.2 : Eau interstitielle
1.3.3 : Elutriat
1.3.4 : Extraits organiques
1.4 : Bioessais in situ
1.5 : Biologie et écologie de l’Artémia
1.5.1 : Systématique
1.5.2 : Morphologie et cycle de vie
1.5.3 : Morphologie du Cyste
2. Matériels et méthodes
2.1 : Sites d’échantillonnage
2.2: L’échantillonnage des sédiments marins
2.3 : Collecte des eaux interstitielles
2.3.1 : Mode opératoire
2.4 : Choix et intérêt du matériel biologique
2.4.1 : Elevage d’Artémia salina
2.4.2 : Culture d’Artémia salina en conditions contrôlées de laboratoire
2.5 : Montage des bioessais
2.5.1 : Mode opératoire
3/Résultats et discussion
3.1 :Bioessais sur le sédiment contact du port d’Oran
3.2 : Bioessais sur les eaux interstitielles du port d’Oran
3.3 :Bioessais sur le sédiment contact d’Ain Franin
3.4 :Bioessais sur les eaux interstitielles d’Ain Franin
3.5 : Comparaison intra-site et inter-matrice
3.6. Comparaison inter-site pour la même matrice : Sédiment contact
3.7 : Comparaison inter-site pour la même matrice : Eaux interstitielles
Conclusion Générale et Perspectives
Annexe.
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