L’école maternelle a un rôle primordial à jouer dans la prévention de l’échec scolaire en faisant de l’enseignement du langage une priorité, dès le plus jeune âge. C’est par cette phrase que le ministre de l’éducation nationale s’est adressé aux enseignants des écoles maternelles en mai 2019, soulignant ainsi la fonction essentielle du langage, vecteur d’intégration et de socialisation au centre des apprentissages. A l’instar des programmes de l’école primaire de 2008, les nouveaux programmes de 2015 réaffirment cette mission et la place comme «l’un des objectifs essentiels de l’école maternelle» (Ministère de l’Education Nationale, 2015). A la fois objet et support des apprentissages, il est essentiel au développement de l’enfant et conditionne l’acquisition de nombreuses compétences tout au long de la vie de l’élève.
C’est en ayant conscience de cet enjeu fort de l’école maternelle, véritable école du langage, que j’ai pris mes fonctions cette année en tant que professeur des écoles fonctionnaire-stagiaire. Affecté dans une classe de TPS-PS-MS au sein de l’école maternelle « Les Salines » située à l’Ile d’Olonne, je ne pouvais compter alors que sur une maigre expérience acquise lors de mon passé professionnel. En tant qu’enseignant débutant, mes conceptions initiales m’amenaient à considérer l’école maternelle comme un lieu de parole foisonnante, libérée et parfois sans filtre, où des élèves en plein développement mettent en œuvre toutes leurs compétences afin de pouvoir communiquer et s’enrichir auprès des adultes et de leurs pairs.
Après avoir découvert ma classe, j’ai été confronté à une difficulté majeure à laquelle j’avais été amené à réfléchir en préparant le concours mais sans en avoir décelé l’ampleur une fois confronté à la réalité des élèves en classe : l’hétérogénéité entre les élèves, notamment dans leur rapport très inégal au langage. Plusieurs profils d’élèves se sont dégagés : certains, parmi les moins timides et les plus armés face au langage se sont rapidement lancés dans les interactions langagières, racontant des moments de leur vie et répondant aux sollicitations de l’adulte avec aisance devant le groupe-classe. D’autres ne communiquaient qu’à des moments bien précis, lors d’échanges plus confidentiels, en récréation ou lors de discussions individuelles. Enfin, plusieurs élèves primo scolarisés en TPS ou PS, par timidité ou moindre aisance avec le langage, ont refusé de parler durant toute la première période, malgré mes stimulations répétées en classe.
Le langage : définition et apprentissage
Définition
D’un point de vue global, le langage peut être défini comme «la capacité, observée chez tous les hommes, d’exprimer leur pensée et de communiquer au moyen d’un système de signes vocaux et éventuellement graphiques (la langue)». Cette définition du langage peut s’étendre au langage gestuel : « tout système structuré de signes non verbaux remplissant une fonction de communication » (Larousse, 2019). Il apparaît que le langage s’inscrit dans une définition pluridimensionnelle, intégrant une dimension physiologique, cognitive et sociale.
Plusieurs auteurs se sont attachés à définir le langage :
Ferdinand de Saussure, dans son ouvrage « Cours de linguistique générale », distingue les concepts de langue, de langage et de parole. Selon lui, le langage correspond à la faculté naturelle, inhérente et universelle qu’a l’être humain de construire des systèmes servant à la communication. Son étude comporte deux parties, l’une ayant pour objet la langue (le code), l’autre la parole (l’utilisation du code). La parole représente la réalisation particulière, concrète et individuelle d’une langue. La langue est un système de signes vocaux spécifiques aux membres d’une même communauté ; elle est un instrument de communication à l’intérieur de cette même communauté et, d’un point de vue sociolinguistique, un symbole d’identité et d’appartenance culturelle. En tant que code, la langue demeure une convention sociale, a priori indépendante des variations individuelles.
Vivianne Bouysse apporte une définition mettant en avant cette dimension multifactorielle. Selon elle, le langage est une fonction humaine donnée à tout être humain et qui possède trois dimensions :
– Une dimension sociale, car le langage se réalise, se manifeste parce que nous vivons dans un entourage immédiat; le langage est marqué par l’usage qu’en font les adultes autour de l’enfant. C’est ce langage que le petit va imiter. C’est ce qui fonde une des plus grandes sources d’inégalités. C’est le déterminant le plus fort des différences scolaires. En même temps que le langage on apprend des relations aux autres.
– Une dimension psychologique: on parle en fonction de ce que l’on est, de la confiance qu’on a en soi, en les autres. Un enfant qui ne parle pas en classe, ce n’est pas forcément un enfant qui ne sait pas parler, c’est un enfant qui n’a pas confiance en lui-même.
– Une dimension cognitive : le lien entre le langage et la pensée est déterminant. Il ne faut pas croire que quelque part dans le cerveau il y aurait un stock de pensée qui demanderait à s’exprimer par le langage, c’est aussi le langage qui va contribuer à former la pensée. C’est une relation très interactive.
Mireille Brigaudiot (Langage et école maternelle, 2015), inspirée par Emile Benveniste, définit le langage comme « la faculté de symboliser », c’est-à-dire « la faculté de représenter le réel par un signe et de comprendre le signe comme représentant le réel ». Elle ajoute que chacun est doté d’une « machine langage », prête à fonctionner dès la naissance, et dont le moteur se configure continuellement tout au long de la vie.
Les principales théories de l’apprentissage du langage
Selon A. Florin, les théories de l’apprentissage du langage ont été marquées par une forte évolution depuis le début du XXe siècle jusqu’à aujourd’hui. Longtemps considéré comme un comportement comme les autres, se développant en lien avec les renforcements produits par l’entourage, l’apprentissage du langage fut théorisé au travers de plusieurs modèles, dont nous listerons les principaux .
Les approches innéistes inspirées de Chomsky:
Pour Chomsky, l’acquisition du langage serait innée dans le cerveau du nourrisson dès la naissance et ne serait pas essentiellement un processus d’apprentissage. En effet selon lui, l’enfant peut comprendre et produire un nombre infini de phrases, sans les avoir entendues auparavant grâce à un système fini de règles. C’est une sorte de grammaire innée que l’enfant développe en fonction de ses capacités mémorielles. La fonction langage est en état de latence, prête à s’exprimer.
L’approche cognitiviste de Piaget:
Le développement du langage chez l’enfant est le fruit de son développement cognitif et des apprentissages disponibles dans son environnement. Pour lui, c’est le rôle que joue le langage dans la construction de la pensée et de la connaissance qui importe et non son processus d’acquisition. Il veut comprendre comment se construit la connaissance dès la naissance. Piaget distingue plusieurs stades dans le développement de l’enfant : celui des capacités langagières se situe entre 2 et 7 ans (intelligence préopératoire). C’est une période au cours de laquelle une pensée symbolique émerge chez l’enfant. Ainsi, Piaget pense que «la faculté de langage de l’homme n’a rien d’innée. Elle est un sous-produit du développement de son intelligence» (Piaget, 1923, p.213).
L’approche interactionniste de Bruner et Vygotski:
Selon Vygotski, l’enfant ne peut pas apprendre seul. Des interactions avec ses pairs et avec les adultes sont nécessaires pour développer le langage. Placé dès la naissance dans un «réseau d’interactions familiales », l’enfant apprend à interagir avec les autres à travers l’engagement affectif qui est à la base des premières communications, dans un cadre sécurisant. Le nourrisson acquiert le langage grâce à deux aspects: un aspect verbal de communication avec l’entourage et un aspect intellectuel qui lui permet de construire des représentations.
Bruner s’appuie sur les conclusions de Vygotski et s’est principalement intéressé aux interactions adulte-enfant : l’adulte est le partenaire de langage de l’enfant. C’est la raison pour laquelle Bruner insiste sur l’importance des interactions verbales dans la vie quotidienne, lors des repas, des jeux, des sorties. C’est essentiellement en utilisant le langage que l’enfant l’acquiert. Bruner pense même que le petit apprend les règles avant même de pouvoir parler, «en entendant parler autour de lui, l’enfant organise les informations sensorielles qui portent la parole, puis les informations issues du lexique et de la syntaxe de la langue (…) qu’il entend parler».
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Table des matières
Introduction
Partie 1. Apports théoriques
1.1. Le langage : définition et apprentissage
1.1.1. Définition
1.1.2. Théories de l’apprentissage du langage
1.2. Enseigner le langage oral à l’école maternelle
1.2.1. Le langage dans les instructions officielles
1.2.2. Les fonctions du langage à l’école
1.2.3. Le rôle de l’enseignant
1.3. La mascotte : un outil pour stimuler le langage
1.3.1. Définition et aspects théoriques
1.3.2. Instructions officielles et utilisations de la mascotte en classe
1.3.3. Utilisations de la mascotte en classe
1.3.4. Intérêts pédagogiques pour oser entrer en communication
Partie 2. La mascotte : un outil de stimulation du langage chez les TPS/PS
2.1. Problématique et hypothèses
2.2. Contexte de l’école et de la classe
2.3. Présentation du dispositif
2.4. Présentation et analyse des résultats
2.4.1 Données quantitatives
2.4.1. Données quantitatives
2.4.2. Données qualitatives
2.5. Discussion
2.6. Limites
Conclusion
Bibliographie
Annexes