Les consommateurs responsables
Si certains ont encore l’image d’une minorité hippie au mode de vie singulier des années 60 lorsqu’on parle de consommateurs responsables, aujourd’hui la grande majorité des clients sont sensibles à la question environnementale. En effet, le consommateur est avant tout conscient de l’impact qu’il a lors de son achat. C’est pourquoi selon l’enquête annuelle d’Ethicity3, agence de conseil en développement durable et marketing éthique, 78 % des français n’achètent pas des marques dont ils n’approuvent pas le comportement. Selon cette même étude, les attentes des consommateurs deviennent plus exigeantes. 53 % des sondés demandent des informations sur l’origine des matières premières, 45 % en demandent sur le lieu de fabrication et 48 % sur les impacts écologiques. Il y a donc une vraie demande d’information de la part des consommateurs. En Suisse également les consciences s’éveillent. Les différentes études sur le sujet tendent à démontrer que le développement durable n’est plus considéré comme un luxe, mais comme un dû par les consommateurs (CHARPETIER, 2009). Les entreprises qui ne sont pas encore sur la voie du développement durable ont donc tout intérêt à opérer un changement culturel important et donc réduire le décalage entre les attentes des consommateurs et leur offre. Si aujourd’hui la clientèle du luxe qui fait du développement durable un critère d’achat central ne s’élève qu’à 9% selon le INSEEC Luxury4, elle n’en reste pas moins une demande implicite pour la majorité des clients. Il est ainsi important de se méfier du moindre scandale qui mettrait en lumière une marque en contradiction avec les exigences du développement durable pour qu’un influenceur appelle au boycott.
La maroquinerie de luxe et le développement durable Contrairement aux idées reçues, on s’aperçoit que la maroquinerie de luxe a mis en place certaines pratiques pour réduire son impact environnemental depuis quelques années déjà. La loi Grenelle 2 entrée en vigueur en 2012 en France (siège de la plupart de ces marques) n’y est pas pour rien. Cette loi oblige tous groupes cotés en bourse à intégrer dans le rapport annuel les informations pertinentes concernant leurs impacts sociaux et environnementaux. Certaines marques préfèrent ne pas communiquer sur leurs actions en faveur du développement durable dans leur stratégie marketing pour ne pas casser la part de rêve et d’émotion que transmet cette industrie. D’autres, en revanche comme le groupe Kering, qui détient la marque Gucci, parmi d’autres, est l’un des plus impliqués dans le développement durable dans sa globalité, il le met au coeur de sa stratégie. Pour 2020 Kering a des objectifs environnementaux et sociaux à atteindre. Si les différentes marques appartenant à Kering sont activement impliquées dans l’amélioration de l’impact environnemental de leurs produits il n’est pas surprenant de ne voir aucune campagne publicitaire à ce sujet pour les raisons citées quelques lignes plus haut.
Certification FSC (Forest Stewardship Council) pour les emballages, utilisation des normes LEED (Leadership in Energy and Environmental Design) pour les bâtiments ainsi que différentes normes ISO5 ont déjà été mises en place il y a une dizaine d’années par les autres grands noms de la maroquinerie de luxe tels que LVMH et Hermès par exemple. Tous leurs rapports annuels contiennent des annexes et rapports RSE6 détaillés concernant la consommation d’énergie et d’eau, les emballages, la logistique ou encore les émissions de CO2. Cependant, malgré plusieurs actions réellement bénéfiques à l’environnement, ces marques restent trop à la surface et agissent uniquement sur le quotidien de l’activité locale. En effet, la plupart des actions menées ne se font pas au coeur de la chaîne de valeur, là où elles auraient un réel impact sur la stratégie de ces entreprises de luxe. Par exemple, on ne parle nulle part de la traçabilité de la matière première utilisée : le cuir. Les informations fournies à ce sujet restent réduites, opaques et difficiles à analyser pour un consommateur concerné par cette problématique. J’ai donc choisi trois acteurs principaux du secteur de la maroquinerie de luxe afin d’analyser les informations disponibles pour un client qui se sentirait concerné.
Kering: un exemple à suivre S’il est vrai que sur le site internet de Gucci l’information sur la traçabilité du produit pour le client n’est pas visible, il est important de mettre en avant le groupe Kering qui essaie de mettre en place un système de traçabilité. En effet, sur le site internet de Kering se trouve un onglet nommé « Sustainaibility » qui propose le rapport « Environmental P&L », comme mentionné dans le tableau 1.3. Ce rapport qui a été créé par la marque, elle même, permet de rendre « visibles, quantifiables et comparables les impacts invisibles des activités sur l’environnement. » (Kering, 2017). Avec cette sorte d’audit interne, Kering essaie de pointer du doigt les impacts négatifs sur l’environnement que certaines pratiques au sein des différentes maisons du groupe peuvent avoir et de trouver des solutions pour s’améliorer. Grâce à cet outil, toute la chaîne d’approvisionnement de la matière première de leurs sacs y est détaillée ; le cuir. Ce rapport met en évidence les points problématiques liés au cuir, tels que la pollution liée à la pratique du tannage ou la provenance de la matière première, en l’occurrence les bovins.
Ce qui est particulièrement remarquable dans ce processus est que Kering, par ce biais franchit une étape importante dans la normalisation de la transmission d’information pour plus de transparence auprès de sa clientèle. De plus, le groupe, sur son site internet, utilise son statut d’influenceur pour inciter d’autres acteurs importants du luxe à créer leurs propres EP&L, c’est pourquoi leur méthodologie à ce sujet est accessible aux entreprises désireuses de prendre le même chemin. Comme mentionné précédemment la plus grande problématique dans cette industrie est la traçabilité du cuir. En 2016, la publication de leur rapport EP&L a été suivie d’un dossier nommé « Beyond our limits 2016 » où il est expliqué quelles mesures et objectifs ont été entrepris suite aux différents constats faits grâce à EP&L. Dans ces mesures on peut notamment lire que le groupe désire introduire une meilleure traçabilité qui comprend l’origine de l’élevage et le respect des animaux via une certification. Dans le but d’améliorer l’aspect de l’approvionnement du cuir responsable, Kering a travaillé avec des acteurs externes tels qu’« Origem »11 qui ont par ailleurs contribué au développement du compte de résultat environnemental (EP&L). Pour les enjeux liés au tannage du cuir, le groupe c’est tourné vers le « Leather Working Group », dont il est membre depuis plusieurs années. En 2013, avec plusieurs collaborations, Gucci met en place une ligne de sacs munis d’un « passeport ». Chaque sac de la collection « GCC Gucci Luxury Handbag Collection » en possède un et détaille la chaîne d’approvisionnement pour certifier de sa traçabilité irréprochable. Si cette collection reste limitée à trois sacs à main, ça n’en reste pas moins un message fort pour l’avenir du développement durable dans l’industrie du luxe et la démonstration que le luxe durable est possible.
Label durable dans le cuir
Un label est une marque collective qui se matérialise par des signes distinctifs (nom, logo, etc.) et qui peut être utilisée par les différentes marques se conformant au cahier des charges du label. Il vise à assurer et faciliter la reconnaissance de certaines caractéristiques du produit telles que la qualité, ses aspects éthiques, sociaux et environnementaux (Définitions marketing, 2016). À ce jour, « CITES » est la seule certification reconnue internationalement dans le monde du cuir, que ce soit pour les sacs, les habits ou les chaussures. Ce label certifie que le commerce de l’animal ne menace pas la survie de l’espèce à laquelle il appartient. Dans l’industrie du cuir, cette convention est surtout utilisée pour les cuirs provenant d’animaux exotiques tels que le serpent et le crocodile. Cependant on ne parle nulle part du traitement de l’animal. Dans l’industrie du cuir, le consommateur n’a aucun moyen de se référer à un label pour lui certifier que l’animal n’a pas souffert. De plus, en tant que client, on ne connaît jamais vraiment la provenance des animaux qui ont été utilisés pour leur cuir. Si les conditions animales ne sont, en général, pas labélisées dans l’industrie du cuir il existe « Öko-Tex Stander 100 » qui certifie que le cuir ne contient aucune substance nocive et qu’il a été produit par des entreprises respectant l’environnement et certains principes sociaux. Aucun label ne certifie les conditions animales dans l’industrie du cuir sauf le label « Naturleder » qui a des notions pour le bien-être de l’animal, respect de l’environnement et social dans la chaîne de production du cuir, mais cela uniquement pour des espèces animales protégées.
Méthodologie
La maroquinerie de luxe est un milieu très fermé et secret à bien des égards, c’est pourquoi il n’existe pas énormément d’études publiques sur le comportement des clients dans ce secteur. Il y a cependant plusieurs études parlant de la consommation responsable croissante au sein de la société. En ayant analysé plusieurs d’entre elles, je me suis rapidement aperçue que celles-ci ne concernaient que très rarement l’industrie du luxe. J’ai donc finalement décidé de réaliser une étude quantitative qui me permettra d’identifier les tendances et principales préoccupations concernant le développement durable, s’ils en ont, des clients de la maroquinerie de luxe ainsi qu’à établir des questions pertinentes pour un questionnaire qualitatif. Le questionnaire quantitatif a été réalisé à partir de l’application Monkey Survey, qui permet de concevoir un questionnaire en ligne avec toutes les options nécessaires à mon projet. La plupart de mes contacts personnels correspondant au profil de l’étude n’étant pas en nombre suffisant, j’irai au plus près de ma cible : à la rue du Rhône. J’ai aussi sélectionné certains contacts pertinents pour répondre à mon questionnaire par e-mail ainsi que sur mon réseau Facebook.
Ce questionnaire « de rue » qui est donc principalement réalisé sur les réseaux sociaux et en face à face, cible des consommateurs de tous âges qui possèdent au minimum un sac de maroquinerie de luxe, afin d’avoir un échantillon des clients de cette industrie. L’échantillonnage que j’ai effectué n’est pas représentatif. Les composantes essentielles de ma population de référence ne figurent pas dans l’échantillon dans des proportions identiques. Par faute de moyens financiers et techniques, il m’est impossible de représenter les caractéristiques de la population que je souhaite étudier. Ce questionnaire ne dure que quelques minutes. La dernière partie de mon enquête, le questionnaire qualitatif, se positionne du côté des entreprises de la maroquinerie de luxe ou sous-traitants de cette industrie sous forme de petite interview téléphonique. L’analyse quantitative précédemment réalisée me permettra de poser des questions pertinentes. J’ai cependant conscience que ce milieu très fermé pourrait se braquer facilement face à mes questions ce qui m’oblige à détourner la véritable raison de mes interviews et la réaliser sous forme de discussion pour que celle-ci soit plus productive. Il est également difficile de prendre contact avec des acteurs pertinents dans la maroquinerie de luxe ce qui réduit le champ des intervenants à cette étude qualitative qui n’en reste pas moins très intéressante. C’est pourquoi j’ai choisi de faire ces interviews par voie téléphonique. De cette manière, je ne me heurte à aucune contrainte de déplacement et garde pour autant une certaine spontanéité de réponse que je n’aurais pas par e-mail.
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Table des matières
Déclaration
Remerciements
Résumé
Liste des tableaux
Liste des figures
1. Introduction
1.1 Définition du luxe
1.1.1 La maroquinerie de luxe
1.2 Définition du développement durable
1.2.1 Les consommateurs responsables
1.3 La maroquinerie de luxe et le développement durable
1.3.1 Kering: un exemple à suivre
1.3.2 Label durable dans le cuir
1.4 Problématique
2. Méthodologie
2.1 Identification des parties prenantes
2.1.1 Internes
2.1.2 Externes
2.2 Cycle de vie du sac
2.3 Méthodologie de l’analyse quantitative
2.4 Méthodologie de l’analyse qualitative
3. Analayse
3.1 Analyse quantitative
3.1.1 Définition des objectifs et hypothèses de départ
3.1.2 Définition de la cible
3.1.3 Réalisation de l’étude
3.1.4 Analyse des questionnaires quantitatifs
3.1.5 Formulation des résultats
3.1.6 Recommandations en lien avec les objectifs
3.2 Analyse qualitative
3.2.1 Définition des objectifs et hypothèses de départ
3.2.2 Définition de la cible
3.2.3 Réalisation de l’étude
3.2.4 Formulation des résultats
3.2.5 Recommandations en lien avec les objectifs
4. Recommandations
Conclusion
Bibliographie
Annexe 1 : Résultat du questionnaire quantitatif
Annexe 2 : Retranscription des interviews
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