Ontogenèse
Le développement de l’appareil locomoteur est un processus encore mal connu. Ce que nous savons, c’est qu’il y a à la fois des caractères génétiques déjà présents chez le nouveau-né mais aussi des caractères mécaniques se produisant durant la vie utérine et la vie postnatale.
Embryogenèse et fœtogénèse
Au cours de la cinquième semaine de vie intra-utérine les bourgeons des membres apparaissent.
Pendant la sixième et la septième semaine de développement, des plicatures et des rotations donnent l’aspect définitif aux membres.
Vers la septième semaine, entre les pièces cartilagineuses des lacunes apparaissent qui deviendront les cavités articulaires. Au cours de la huitième semaine, les membres ont trois segments, un proximal, un moyen et un distal. Une flexion du segment moyen sur le proximal permet la formation des coudes et des genoux. De plus, une rotation amène les genoux vers l’avant et une deuxième rotation amène les coudes vers l’arrière.
Le myotome de chaque métamère se divise en deux, une partie dorsale pour les muscles extenseurs et une partie ventrale pour les muscles fléchisseurs.
On remarque dès la naissance que le bébé a une faible hauteur du bassin. La morphogénèse du fémur commence dès le quarante-deuxième jour avec l’apparition du grand trochanter. Au cinquantecinquième jour, la tête fémorale va pénétrer dans l’acétabulum après la for mation du col fémoral.
À la naissance
La hanche est plus cartilagineuse qu’osseuse et il y a une faible congruence de la tête fémorale dans l’acétabulum. La hanche du nouveau-né est donc particulièrement instable. La soudure du cartilage se fera progressivement jusqu’à douze ans.
À la naissance, le bébé est en cyphose totale. Au cours de l’acquisition de la station assise et de la marche, les courbures de la colonne vertébrale vont se former. Les ailes iliaques du bassin s’incurvent vers l’avant.
Acquérir la marche
L’acquisition de la marche est sous la dépendance de différents facteurs que sont le tonus, la force musculaire, l’équilibre, l’organisation des praxies, les conditions psychologiques et les afférences sensorielles.
Généralités sur le développement psychomoteur
Qu’est-ce que le développement psychomoteur
A la naissance, le bébé humain est encore immature. Jacques LACAN disait « Il faut remarquer que le retard de la dentition et de la marche, un retard corrélatif de la plupart des appareils et des fonctions, détermine chez l’enfant une impuissance vitale totale qui dure au -delà des deux premières années. Ce fait doit-il être tenu pour solidaire de ceux qui donnent au développement somatique ultérieur de l’homme son caractère d’exception par rapport aux animaux de sa classe : la durée de la période d’enfance et le retard de la puberté ? Quoi qu’il en soit, il ne faut pas hésiter à reconnaître au premier âge une déficience biologique positive, et à considérer l’Homme comme un animal à naissance prématurée ».
Ainsi, l’enfant va débuter son développement dès la vie in-utéro et le continuer jusqu’à l’âge adulte. L’étude de ce développement permet de comprendre la façon dont le sujet fonctionne à un âge donné.
Les redressements
En suivant la première loi, le redressement va débuter avec le contrôle de la tête. À la naissance, la tête est généralement ballante. Le contrôle de la musculature et de la tonicité du cou permet le maintien de la tête dans l’axe du corps. Cette évolution s’acquiert progressivement de six semaines à trois mois.
À l’âge de trois mois en moyenne, la tête est bien tenue lorsque l’enfant est en position assise.
Plus tard, le redressement continue vers le tronc. Dès le cinquième mois, le tronc est droit mais l’acquisition de la station assise ne se fera qu’entre cinq mois et demi et dix mois et demi, vers dix ou onze mois, le bébé se tient assis et réalise des mouvements variés.
À la naissance, le bébé est capable de se redresser grâce à de nombreux réflexes archaïques, dont celui de marche automatique. Ce réflexe s’exprime lorsque les pieds sont en appui et que l’enfant est soutenu. Ce réflexe disparaît dans les premières semaines de vie. Vers six mois, l’enfant se maintient debout à l’aide d’un support et vers onze mois, il se tient debout seul.
Les changements de position
Allongé sur le dos, l’enfant entre en contact avec son environnement d’abord par hasard grâce aux réflexes archaïques. La répétition de ces expériences lui permet ensuite de bouger volontairement.
Il découvre et saisit ses pieds. Ces expériences motrices répétées vont l’amener à osciller de droite à gauche et provoquer le premier retournement depuis le décubitus dorsal, ou plat dos, vers le décubitus ventral, ou plat ventre, entre six et sept mois. C’est vers le septième mois que l’enfant peut se retourner du ventre vers le dos.
Depuis la position allongée sur le dos, l’enfant va pouvoir se redresser et s’asseoir entre dix et onze mois. Une fois la position assise acquise, l’enfant va pouvoir se redresser et se mettre debout. Il se redresse et se tient debout en s’appuyant sur un support dès dix mois. Ensuite, entre dix et quatorze mois, il explore la verticalité en expérimentant la possibilité de se redresser et de se baisser sans s’asseoir. Il tient debout seul.
La locomotion de l’enfant
La reptation
La reptation correspond à une progression à plat ventre d’une personne qui rampe sur les mains et les genoux. Parmi les modes de reptation, on compte le ramper durant lequel l’enfant allongé glisse tout entier sur le sol, le sliding durant lequel l’enfant glisse en gardant la position assise et la marche à quatre pattes où les genoux glissent sur le sol.
À partir du moment où l’enfant se sent à l’aise sur le ventre et qu’il maîtrise cette position, il va chercher à agir sur son environnement. L’enfant, attiré par les jeux, les sons , va se déplacer sur le ventre pour découvrir ce qui l’entoure. Au début, l’enfant se déplace uniquement à la force de ses bras.
Progressivement, les jambes se mettent en action et le mouvement devient plus efficace.
La marche quadrupède
La marche quadrupède apparaît en moyenne autour de sept mois. Elle consiste en une marche avec les quatre extrémités des membres en appui au sol et l’abdomen soulevé, qui débute en mouvements simultanés des membres supérieurs, puis des membres inférieurs. Une fois plus à l’aise l’enfant effectue des mouvements croisés et alternés.
La marche bipède
La marche bipède s’acquiert pour la plupart des enfants entre neuf et dix-huit mois. C’est l’aboutissement de longs mois d’entraînement et de maturation à la fois neurologique, physique et psychologique.
Après cette acquisition, la marche de l’enfant va se perfectionner. L’enfant améliore son équilibre au fil des années, diminue sa cadence, allonge le pas pour atteindre à sept ans une marche du même aspect que celle de l’adulte.
Flux visuels
Les yeux en captant la lumière et les contrastes donnent des informations sur l’environnement extérieur. « Toute perception visuelle d’un objet suppose deux processus concomitants : la localisation de l’objet et son identification ». À la naissance, le système visuel n’est pas mature. L’enfant ne voit bien que de près. Au fur et à mesure qu’il se développe, il y a un élargissement de sa perception du monde, des distances et des profondeurs.
Le traitement de l’information visuelle permet d’appréhender le monde, l’autre et les objets. La construction de la perception spatiale est primordiale pour découvrir le monde mais surtout agir sur lui et mettre en place les premiers déplacements. La fonction des flux visuels, d’après BULLINGER, est la perception du mouvement et les réactions d’orientation notamment d’orientation du corps dans l’espace.
Flux gravitaire et système vestibulaire
À la naissance, le nourrisson découvre la gravi té. Ce flux gravitaire reste présent tout au long de la vie. Dès la naissance, il influence l’architecture osseuse et musculaire. Il participe au positionnement, à l’équilibre et à la mise en forme du corps.
C’est le système vestibulaire qui perçoit ce flux. Les capteurs vestibulaires se situent au niveau de l’oreille interne. Le système vestibulaire est composé de trois canaux semi-circulaires positionnés perpendiculairement les uns aux autres. Cela permet de capter les changements de position de la tête dans les trois dimensions de l’espace.
Proprioception
« La proprioception est la perception que nous avons de notre corps à l’arrêt et en mouvement ». Cette perception provient des informations des capteurs de la peau, des articulations, des tendons, des muscles et du vestibule. La proprioception est le résultat des sensations kinesthésiques et vestibulaires. Nous venons de voir que le système vestibulaire, en détectant les accélérations de la tête ainsi que ses changements de position, participe à la régulation tonique et à l’équilibration, ainsi qu’à la locomotion.
Enrichissement des expériences corporelles par le mouvement
La marche donne à l’enfant la possibilité d’exploration de l’espace qui lui fournit tout un ensemble de sensations et de perceptions qui s’associent et favorisent l’élaboration du schéma corporel.
Le schéma corporel est une réalité permanente. C’est un standard qui donne la valeur spatiale de toute sensation et le sentiment de présence du corps. Pour agir sur les objets qui nous entourent, pour nous déplacer, il nous faut avoir de façon plus ou moins consciente « l’idée de notre corps ». D’après de AJURIAGUERRA, « le schéma corporel s’édifie sur la base des perceptions tactiles, kinesthésiques, labyrinthiques, visuelles. Le schéma corporel réalise, dans une construction active constamment remaniée des données actuelles et du passé, la synthèse dynamique qui fournit à nos actes comme à nos perceptions le cadre spatial de référence où ils prennent leur signification » . Les sens ont donc un rôle prépondérant dans l’édification du schéma corporel. Ainsi il se structure par l’apprentissage et l’expérience. « Le schéma corporel est notre vivre charnel au contact du monde physique. Il peut être infirme sans que l’image du corps en soit atteinte. ».
L’image du corps correspond aux représentations que nous avons de notre propre corps. Elle est donc en perpétuel remaniement. Elle est la synthèse de nos expériences émotionnelles portées par nos expériences actuelles et passées. L’image du corps n’est pas le reflet objectif de l’ensemble du corps, mais la manière subjective dont nous ressentons nos vécus au monde et en fonction des circonstances.
La façon dont nous percevons notre corps et dont nous l’investissons participe à l’élaboration de notre identité. Le processus de verticalisation s’accompagne d e l’acquisition de la subjectivité et donc un enrichissement de l’identité de l’individu.
Construction de l’identité
Benoît LESAGE déclare que « l’axialité s’insère dans un ensemble de processus qui construisent ensemble ce qu’on peut appeler de façon globale – mais un peu vague – la subjectivité » [72 (p. 38)]. En effet, l’acquisition de la verticalité permet à l’enfant de faire de nouvelles expériences et acquisitions.
La marche : entre acte engagé et quête de bien-être
Le symbolisme de la marche
La marche est une activité quotidienne porteuse de sens et de symbolisme.
L’acquisition de la marche est, par exemple, un moment très important pour la famille. L’enfant amorçant ses premiers pas va découvrir l’excitation de l’indépendance et la joie de retourner de lui -même vers ses parents.
Le verbe « marcher » est défini dans le Littré comme l’action « de fouler du pied, de marquer, imprimer le pas ». Par cet acte, l’individu laisse une trace de son passage et s’inscrit ainsi dans l’histoire de sa famille, mais aussi celle de son espèce. La mise en marche est un choix, l’individu devient actif et non plus passif. Elle donne un sentiment de liberté et d’autonomie. Elle touche donc à l’aspect narcissique de la personnalité.
À un autre niveau, on peut voir que la marche est un acte engagé, preuve d’obstination et de ténacité. Les marches blanches, les défilés de mode, les manifestation s, les exodes sont autant de marches empreintes de symbolisme. Elles permettent aux personnes de se former en groupe autour d’une même idée, d’une même passion, d’une même envie.
Le vieillissement
Le vieillissement physiologique
Définition du vieillissement
Albert CAMUS disait « Vieillir, c’est passer de la passion à la compassion ». Le vieillissement est un phénomène physiologique, naturel et inévitable. Cependant, on remarque qu’il existe une connotation très négative qui accompagne la vieillesse et le vieillissement. En effet, le dictionnaire Larousse définit la vieillesse comme « la dernière période de la vie normale, caractérisée par un ralentissement des fonctions avec notamment une diminution de la force physique et un fléchissement des facultés mentales ».
Le vieillissement est une période de transition pour la personne concernée. Elle doit accepter les nombreux changements physiques (rides, poids, musculature…), sensoriels (diminution de l’audition ou de la vue par exemple), cognitifs (mémoire moins fiable, diminution de la concentration…) et sociaux (deuils, isolement, sentiment de solitude…). La personne doit alors s’adapter à ces changements afin de trouver un nouvel équilibre.
Une personne âgée est définie par l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) comme ayant plus de soixante ans [54]. Avec l’allongement de la durée de vie et l’avancée en âge de la génération babyboom, la population vieillit. Au 1er janvier 2016, la France compte 66,6 millions d’habitants. Les habitants âgés d’au moins soixante-cinq ans représentent 18,8 % de la population, soit une progression de 3,7 points en vingt ans.
Il me semble important de préciser que chacun a sa propre notion du vieillissement. Le docteur Patrick HUGEUX décrit le fait de devenir vieux comme « une notion individuelle et une affaire personnelle. C’est le moment ou l’individu perçoit une dégradation de sa qualité de vie ; c’est aussi le moment ou la mort se profile, car la vieillesse et la mort sont indissociables. » Il continue en donnant sa définition du vieillissement « Le vieillissement serait donc un processus biologique, évolutif, naturel, continu (mais rarement linéaire), inéluctable (en l’état actuel de la science) et inégalitaire (il est évident que personne n’est exposé au vieillissement de la même manière et que l’inégalité s’accroît avec l’âge)».
Les perturbations physiologiques liées au vieillissement ainsi que l’augmentation du nombre de personnes âgées s’accompagnent d’enjeux d’adaptation de l’environnement (création de structures d’accueil, aménagement des villes, achat de matériels médicalisés…) et de la société aux besoins de ces personnes.
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Table des matières
Avant-propos
Introduction
Chapitre 1 : La marche locomotion propre à l’espèce humaine et singularité de l’individu
I. Phylogénétique et ontogénèse de l’appareil locomoteur
II. Acquérir la marche
III. Les enjeux liés à la verticalisation et à la marche
Chapitre 2 : Le vieillissement
I. Le vieillissement physiologique
II. Vieillissement pathologique et troubles de la marche
Chapitre 3 : Quand la marche est altérée, comment continuer à avancer ?
I. Quelques notions liées au vieillissement et à la perte de la marche
II. Deux rencontres en Unité de Soins Longue Durée
III. Divers questionnements en tant que stagiaire
Conclusion
Bibliographie
ANNEXE 1
ANNEXE 2
ANNEXE 3
ANNEXE 4
ANNEXE 5
ANNEXE 6
ANNEXE 7
ANNEXE 8
ANNEXE 9
Table des matières
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