La manipulation dans le passage de la dimension 3 à la dimension 2 en espace et géométrie

Manipuler : qu’est-ce que c’est ?

Définition On ne compte plus aujourd’hui le nombre de chercheurs et d’ouvrages mettant en lumière la manipulation comme réelle étape dans la démarche mathématique. Nous allons tenter, à notre façon, de comprendre la définition de la manipulation en commençant par sa définition première pour aller vers une définition plus scientifique. Tout d’abord, si nous reprenons l’étymologie du mot « manipulation », c’est un mot qui vient du latin « manipulus » qui signifie « poignée » ou encore « manus » qui signifie « main ». Dans le dictionnaire, la manipulation désigne « l’action ou manière de manipuler, un objet, un appareil. » (Larousse en ligne, s.d). Une autre définition nous intéresse plus particulièrement, toujours selon ce même dictionnaire, qui définit la manipulation comme l’« action de soumettre quelque chose à des opérations diverses, en particulier dans un but de recherche ou d’apprentissage » (Larousse en ligne, s. d.). Cette seconde définition tend déjà davantage à insinuer que la manipulation peut s’effectuer de différentes façons, et que l’on manipule dans un but précis, pour chercher ou apprendre. En mathématiques, le premier rôle de la manipulation est de mettre les élèves en face d’un problème à résoudre. C’est par ce biais que Thierry Dias, chercheur en dimension expérimentale des mathématiques et sur l’apprentissage du raisonnement, rapproche la démarche expérimentale en mathématiques de la démarche d’investigation en sciences, préconisée par plusieurs pays européens. Cette démarche proposée ci-contre est globalement celle que l’on tend à utiliser dans les classes aujourd’hui en sciences. Nous pouvons également parler de démarche d’investigation en mathématiques : Si nous entendons par là un temps de recherche consécutif à un questionnement qui aboutit à la construction d’une connaissance, alors effectivement les mathématiques constituent un domaine de la culture scientifique dans lequel la démarche d’investigation a sa place (Dessertine cité par Dias, 2012, p. 38). Il est cependant plus difficile de réaliser un schéma similaire de la démarche d’investigation en mathématiques. Plusieurs étapes dont la manipulation participent à la construction de connaissances mathématiques, mais cette démarche est moins linéaire et certaines étapes peuvent apparaître à différents moments de la construction du concept mathématique :
 Manipulation : Utiliser des objets de manière tactile et sensorielle. C’est la première étape d’un long processus participant à la construction de connaissances. Il s’agit généralement de la première étape car elle permet facilement de représenter une situation et donc de poser un problème. Cependant, la manipulation sert également à vérifier et valider ou invalider une hypothèse, elle intervient donc à la fin du processus d’apprentissage.
 Expérimentation : Action orientée, organisée. Il s’agit ici de problématiser la manipulation, de manipuler avec un objectif précis. On cherche à dépasser la phase de tâtonnement dans l’activité manipulatoire pour passer à une activité dirigée afin de résoudre un problème. Cela demande une organisation des actions pour atteindre cet objectif.
 Verbalisation : Mettre en mots à l’écrit ou à l’oral, reformuler. La verbalisation intervient dans chaque moment de la construction du savoir mathématique. Lors d’une phase de découverte ou de manipulation, pour expliquer ses procédures, pour institutionnaliser… Chaque élève doit être amené à mettre des mots sur ses procédures et c’est souvent ce qui est le plus difficile. Mais nous constatons alors que la verbalisation n’intervient pas à un moment précis de la démarche, elle est présente dans chacune des étapes.
 Représentation : Donner à voir, mettre en image, schématiser. A l’aide de différents moyens (dessin, oral) l’élève va représenter sa solution sans utiliser le matériel de manipulation. Cela le conduit alors à commencer représenter mentalement sa réponse et participe à la construction du savoir.
 Symbolisation : Écriture mathématique. Cette étape est généralement celle qui intervient à la fin de la démarche mathématique. Même si cette étape est souvent considérée comme l’étape ultime, elle peut parfois intervenir au début de la démarche si l’écriture est réinvestie pour déclencher une situation.
 Abstraction : C’est l’étape finale attendue dans la construction du concept mathématique. Il s’agit pour les élèves d’être capables de se détacher du concret pour aller vers un savoir construit qui sera réinvestit dans d’autres situations décontextualisées. Pour aller vers l’abstraction, nous devons sans cesse amener les élèves à contextualiser puis décontextualiser. Cela peut être fait notamment en gardant une trace écrite du savoir commune, partagée, qui va être réinvestie dans d’autres situations. C’est l’institutionnalisation d’un savoir qui a été construit et compris et que les élèves peuvent utiliser pour l’acquisition d’un nouveau savoir.
Ces différentes étapes peuvent donc intervenir à des moments différents de la démarche en mathématique. C’est un processus plus ou moins long selon les élèves. Certains sont en effet capables d’abstraire plus rapidement que d’autres, et donc de construire plus tôt le savoir. Mais la manipulation est généralement la première étape de ce processus car pour Pierre Eysseric, formateur en mathématiques à l’ESPE d’Aix-Marseille, elle permet aux élèves « de se représenter les problèmes, de comprendre de quoi on leur parle » et elle est indispensable, surtout en maternelle. En lien avec les idées des chercheurs précédents, les auteurs de Donner du sens aux mathématiques. Tome 1 : Espace et géométrie attribuent deux rôles à la manipulation. Tout d’abord, elle doit être « déclencheur de réflexion ». Ces derniers mettent alors en garde sur la nature de la situation-problème : la manipulation ne doit pas permettre de déterminer la solution. En effet, si tel est le cas, les élèves réaliseraient une tâche de constat. Aucune réflexion ne serait alors menée et la manipulation ne servirait donc pas aux apprentissages. Ces auteurs mettent également en avant le rôle de validation de la manipulation. Cette dernière sert « à vérifier la validité ou non de leurs propositions »
Le matériel de manipulation Le matériel de manipulation constitue l’ensemble des objets que l’enseignant va mettre à disposition des élèves afin de les aider à construire un concept mathématique. Le choix du matériel occupe une place primordiale dans l’activité mathématique lorsque l’on souhaite faire manipuler les élèves. L’enseignant doit cependant être conscient que ce n’est pas parce qu’il utilise du matériel de manipulation que cela va aider l’élève à abstraire le savoir. Le matériel doit être adapté à l’objectif de la séance et plusieurs facteurs induits par l’enseignant vont permettre une utilisation efficace du matériel. Avant de commencer à problématiser une situation, il est important que les élèves se familiarisent avec le matériel. Aujourd’hui, certaines classes ont à leur disposition un ensemble de matériel de manipulation très riche, qui diffère d’une classe à une autre. Le matériel peut être acheté ou fabriqué, tant qu’il respecte les mesures de sécurité. Nous pouvons reprendre la classification établie par Thierry Dias dans Manipuler et expérimenter en mathématiques : comprendre les difficultés des élèves pour mieux les résoudre (2012, p. 37) afin de découvrir le matériel de manipulation qu’il est possible d’utiliser en classe : Cette liste non exhaustive présente du matériel de manipulation qui est évidemment évolutif et adaptable en fonction du niveau de scolarité des élèves. L’enseignant peut très bien utiliser le même matériel en petite-section ou en CM2, mais le but pour les élèves sera alors différent. Ce matériel doit être si possible, facilement accessible aux élèves. Utiliser du matériel de manipulation présente alors plusieurs avantages, comme nous pouvons le constater juste après.

La manipulation dans les instructions officielles

                Le bilan PISA12 de 2018 souligne le constat que « les résultats de la France dans ces deux domaines restent parmi les plus fortement corrélés des pays de l’OCDE avec le niveau socio-économique et culturel des familles ». Ainsi, dans un souci de pallier ces difficultés, Jean-Michel Blanquer confie une mission sur les mathématiques à Cédric Villani, député de l’Essonne et Charles Torossian, inspecteur général de l’éducation nationale. Cette dernière ayant pour but d’établir un bilan des forces mais aussi des faiblesses de l’enseignement des mathématiques au sein de notre système scolaire actuel afin de proposer des recommandations pédagogiques. En février 2018, le rapport qui détaille vingt et une mesure a été remis au ministre. Parmi ces dernières, une d’entre elles porte sur la manipulation : « Dès le plus jeune âge mettre en œuvre un apprentissage des mathématiques fondé sur : la manipulation et l’expérimentation, la verbalisation et l’abstraction » 14. Le rapport Villani-Torossian indique en effet que : « Parmi les enjeux didactiques, celui des manipulations concrètes est essentiel pour favoriser l’apprentissage des élèves et les accompagner dans la construction d’abstraction »15 ou encore : Enseigner les mathématiques aux plus jeunes ne peut se faire sans leur faire expérimenter des situations. Le vécu expérimental et manipulatoire des élèves favorise l’acquisition des connaissances et leur mémorisation. En ce qui concerne le bulletin officiel de 2015 qui porte sur les nouveaux programmes de 2016, nous retrouvons quelques occurrences du mot manipuler. En effet, les programmes du cycle 2 préconisent d’articuler le concret et l’abstrait. Les élèves doivent alors : Observer et agir, manipuler, expérimenter, toutes ces activités mènent à la représentation, qu’elle soit analogique (dessins, images, schématisations) ou symbolique, abstraite (nombres, concept). Nous retrouvons également ce terme dans le domaine des mathématiques. Dans la compétence « Chercher » : « S’engager dans une démarche de résolution de problèmes en observant, en posant des questions, en manipulant, en expérimentant, en émettant des hypothèses. » Au cycle 3, les instructions officielles indiquent que : L’introduction et l’utilisation des symboles mathématiques sont réalisées au fur et à mesure qu’ils prennent sens dans des situations basées sur des manipulations, en relation avec le vocabulaire utilisé, assurant une entrée progressive dans l’abstraction qui sera poursuivie au cycle 4. 20 On remarque alors un souci du Ministère de l’Éducation Nationale de faire manipuler les élèves des cycles 2 et 3. Cependant, peu d’indications sont fournies aux enseignants sur la mise en œuvre de la manipulation.

La place de la géométrie à l’école

                Après avoir établi un état des lieux de la manipulation, intéressons-nous maintenant au contexte de recherche : la géométrie. Introduite par la loi Guizot de 1833, la géométrie à l’école primaire se distingue des autres disciplines par ses activités pratiques. En effet, cette dernière permet aux élèves de travailler des compétences transversales dont ils ont besoin quotidiennement. Tout d’abord, ils apprennent à se situer, à se repérer et à se déplacer. La géométrie développe également la vision dans l’espace. Enfin, elle permet aux élèves de travailler les compétences qui gravitent autour du raisonnement. La géométrie est présente dans les instructions officielles de l’école élémentaire sous l’intitulé « espace et géométrie ». Cette occurrence se décline au sein des cycles 2 et 3 avec des spécificités propres à chaque cycle. Compte tenu de l’objet de recherche, nous nous pencherons sur la géométrie dans l’espace. Au cycle 2, les programmes insistent sur les connaissances spatiales et sur les connaissances géométriques à la fois sur les solides et les figures planes. En début de cycle, les élèves apprennent à se repérer dans trois types de milieu : le micro-espace, le méso-espace et le macro-espace. Il est important que les élèves apprennent « à localiser des objets ou à décrire  ou produire des déplacements dans l’espace réel » afin de pouvoir appréhender les solides à ces différentes échelles. En effet, il est nécessaire de faire un lien entre les représentations géométriques et le réel et inversement. Des allers-retours fréquents sont donc à privilégiés. Les programmes préconisent ainsi que : L’oral tient encore une grande place dans l’ensemble du cycle mais les représentations symboliques se développent et l’espace réel est progressivement mis en relation avec des représentations géométriques. De plus, ces derniers recommandent d’utiliser le vocabulaire géométrique lorsque les élèves sont en activité : En géométrie comme ailleurs, il est particulièrement important que les professeurs utilisent un langage précis et adapté et introduisent le vocabulaire approprié au cours des manipulations et situations d’action où il prend sens pour les élèves, et que ceux-ci soient progressivement encouragés à l’utiliser. Pour ce qui est des solides, nous disposons de peu d’informations concernant le cycle 2. Cependant, les instructions officielles indiquent de développer la connaissance des solides « à travers des activités de tri, d’assemblages et de fabrications d’objets ». La manipulation est alors à solliciter. L’attendu de fin de cycle 2 inscrit dans les programmes est le suivant : « reconnaître, nommer, décrire, reproduire quelques solides ». Ces verbes d’actions correspondent tous à une compétence différente. Ainsi, le document d’accompagnement Espace et géométrie au cycle 3 les définit de la façon suivante :
 Reconnaître vise à « identifier, de manière perceptive, en utilisant des instruments ou en utilisant des définitions et des propriétés, une figure géométrique plane ou un solide ».
 Nommer consiste à « utiliser à bon escient le vocabulaire géométrique pour désigner une figure géométrique plane ou un solide ou certains de ses éléments ».30
 Décrire passe par l’élaboration « d’un message en utilisant le vocabulaire géométrique approprié et en s’appuyant sur les caractéristiques d’une figure géométrique pour en permettre sa représentation ou son identification » .
 Reproduire consiste à « construire une figure géométrique à partir d’un modèle fourni avec les mêmes dimensions ou en respectant une certaine échelle ».
Penchons-nous maintenant vers le détail des compétences associées à cet attendu de fin de cycle 2 : Reconnaître et trier les solides usuels parmi des solides variés, reconnaître des solides simples dans son environnement proche, décrire et comparer des solides en utilisant le vocabulaire approprié, réaliser et reproduire des assemblages de cubes et pavés droits et associer de tels assemblages à divers types de représentations (photos, vues, etc.), fabriquer un cube à partir d’un patron fourni. 33 Les instructions officielles nous précisent également le vocabulaire approprié pour :
– Nommer des solides : cube, pavé droit, boule, cylindre, cône, pyramide.
– Décrire des polyèdres : face, sommet, arête.
Après avoir fait un état des lieux des compétences travaillées en cycle 2, il est plus facile d’appréhender les savoirs à construire au cycle 3. Reliant l’école primaire au collège, le cycle 3 se place dans la continuité du travail amorcé au cycle 2 où la perception définit les objets et leurs propriétés à une géométrie où les instruments ont une réelle place et permettent la validation. Les élèves apprennent également à raisonner et à argumenter en utilisant aussi bien les propriétés que l’objet physique en lui-même. Concernant les solides, si on s’intéresse à l’attendu de fin de cycle qui est, « reconnaître, nommer, décrire, reproduire, représenter, construire quelques solides et figures géométriques » 34 on remarque qu’il s’agit de consolider les connaissances acquises au cycle 2 en ajoutant deux verbes d’action : représenter et construire. Pour représenter un solide, le document d’accompagnement Espace et géométrie au cycle 3 annonce qu’il s’agit de « reconnaître ou utiliser les premiers éléments de codage d’une figure géométrique plane ou de représentation plane d’un solide (perspective, patron) ». La représentation d’un solide passe alors par l’utilisation de différentes formes (perspective cavalière, vue de dessus, etc.). L’élève doit alors faire abstraction de certaines propriétés qui ne sont pas conservées. Construire consiste à « réaliser une figure géométrique plane ou un solide à partir d’un programme de construction, un texte descriptif, une figure à main levée, etc. » 36. Pour ce faire, l’élève doit maîtriser le vocabulaire et sa signification ainsi que les propriétés propres à chaque solide. Les instructions officielles préconisent également « qu’à partir du CM2, on amène les élèves à dépasser la dimension perceptive et instrumentée pour raisonner uniquement sur les propriétés et les relations ». Les instructions officielles recommandent donc, pour le cycle 2, d’établir des liens fréquents entre les représentations géométriques et le réel. Les activités autour de la manipulation sont alors préconisées pour les maintenir. Pour le cycle 3, les programmes appellent à un travail sur les propriétés visant à une abstraction progressive. Enfin, ces derniers explicitent le rôle du vocabulaire : il doit être amené lors des situations de manipulations afin qu’il fasse sens auprès des élèves.

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Table des matières

Remerciements
1. Introduction
2. La manipulation : théorie générale
2.1 Manipuler : qu’est-ce que c’est ?
2.1.1 Définition
2.1.2 Le matériel de manipulation
2.2 Pourquoi faire manipuler les élèves ?
2.2.1 Les bienfaits de la manipulation
2.2.2 Les limites de la manipulation
2.3 La manipulation dans les instructions officielles
2.4 Les précautions à prendre avant et pendant la manipulation
3. Contexte de recherche
3.1 La place de la géométrie à l’école
3.2 Didactique de la géométrie : revue de littérature
4. Démarche expérimentale
4.1 Présentation
4.2 Eléments théoriques
4.2.1 L’analyse a priori
4.2.2 L’analyse a posteriori
5. Analyses des séances mises en œuvre
5.1 Analyse a priori
5.1.1 Séance 1
5.1.2 Séance 2
5.1.3 Séance 3
5.2 Analyses a posteriori
5.2.1 Séance 1
5.2.2 Séance 2
5.2.3 Séance 3
6. Conclusion
7. Bibliographie
8. Sitographie
9. Annexes
9.1 Annexe 1 : Fiche de préparation de la séquence
9.2 Annexe 2 : Affiches d’institutionnalisation séance 3 

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