La malformation est une anomalie irréversible de la conformation d’un tissu ou d’un organe ou d’une partie plus étendue de l’organisme, résultant d’un trouble intrinsèque du développement. Elle est qualifiée de congénitale ou constitutionnelle lorsqu’elle est présente à la naissance (16). Les malformations congénitales sont connues depuis Hippocrate. Elles étaient surtout objet de curiosité et représentaient pour les familles et les sociétés de cette époque un message de l’au-delà et auguraient généralement d’un mauvais présage (50,62). De nos jours les progrès scientifiques ont profondément bouleversé la perception et l’approche des malformations congénitales. Dans nos pays en voie de développement, les malformations congénitales posent un véritable problème de santé publique (44). Les malformations congénitales touchent, environ un nouveau-né sur 33 et entraînent chaque année 3,2 millions d’incapacités à long terme ayant des répercussions importantes pour les sujets atteints, leurs familles, les systèmes de soins et la société(44).On estime que, chaque année, 270 000 nouveau-nés meurent avant l’âge de 28 jours à cause de malformations congénitales(44). Bien que, pour 50% des malformations congénitales, on n’arrive pas à associer une cause spécifique, il existe néanmoins des causes ou facteurs de risques bien connus (socioéconomique, génétique, infectieux et environnementaux) .
DEFINITIONS
Malformations congénitales
La malformation est une anomalie irréversible de la conformation d’un tissu ou d’un organe ou d’une partie plus étendue de l’organisme, résultant d’un trouble intrinsèque du développement. Elle est qualifiée de congénitale ou constitutionnelle lorsqu’elle présente à la naissance. Toutes les malformations congénitales ne sont pas des malformations stricto sensu : en effet à côté des malformations qualifiées de vraies (ou primaires), il existe d’autres affections qui peuvent mimer parfaitement une malformation (phénocopies) : ce sont les malformations secondaires. Cette distinction est importante en raison de ses implications pour le conseil génétique.
Les malformations vraies (primaires)
Elles résultent d’un événement génétiquement déterminé (intrinsèque) pouvant se produire à tous les stades du développement intra-utérin (le cerveau poursuit toutefois sa morphogenèse durant toute la période fœtale et au delà). Elles peuvent se manifester par des modifications morphologiques (phénotype) et/ou des conséquences fonctionnelles. Les polymalformations correspondent à l’association d’au moins deux malformations. Selon leur gravité, on distingue des malformations majeures et mineures. Les malformations majeures compromettent la santé ou la survie de l’enfant tandis que les malformations mineures sont des variations anatomiques de la normale, sans conséquence sur la survie .Elles sont facilement réparables et ont peu de conséquences (car souvent inaperçue).
Les malformations secondaires
Elles résultent d’un facteur extrinsèque perturbant les processus normaux du développement : soit une perturbation de la formation normale d’une structure (déformation), soit une lésion secondaire d’un organe ou d’une structure déjà formés (disruption=néologisme anglo-saxon) qui peut être une déformation (séquence déformante) ou une disruption (malformation secondaire – séquence disruptive) ou une dysplasie. Il est important d’utiliser chaque terme à bon escient, puisque chacun sous entend une pathogénie précise.
Polymalformations : Syndromes – Associations – Séquences
Les polymalformations sont définies par l’association d’au moins deux malformations. Elles peuvent correspondre au moins à 3 situations différentes :
❖ Le syndrome malformatif : ensemble d’anomalies dérivant toutes de la même cause et ne correspondant ni à une séquence, ni à une perturbation au sein de champs de développement .
❖ l’association : c’est la survenue non fortuite d’au moins deux malformations non reconnues comme séquence ou syndrome ;
❖ la séquence : ensemble d’anomalies qui sont toutes la conséquence en cascade d’une seule anomalie préalable ou facteur mécanique. Exemple : séquence oligo-amnios (dite encore de Potter), Pierre Robin, etc…
La consanguinité
La consanguinité provenant du latin « cum sanguis » comporte le terme « sang » ; c’est en général un sang commun qui unit deux être d’une même famille (Bouazzaoui, 1983). On dit qu’il y a consanguinité lorsqu’il y a parenté naturelle entre deux personne, dont l’un descend de l’autre (ligne directe : père, fils, petit fils) ou tous deux descendent d’une souche commune (ligne collatérale : frère, cousin, oncle, neveu).
RAPPEL SUR L’EMBRYOGENESE ET L’ORGANOGENESE
La pré-morphogenèse
La fécondation se produit dans la trompe utérine lorsqu’un spermatozoïde rencontre l’ovule. Pour pénétrer l’ovocyte, le spermatozoïde doit se lier à un récepteur sur la zone pellucide de l’ovocyte (la zone pellucide est en quelque sorte une coquille entourant l’ovocyte).Une fois lié à son récepteur, le spermatozoïde peut enfin entrer dans l’ovocyte. La membrane du spermatozoïde fusionne avec celle de l’ovocyte, ce qui fait libérer par ce dernier des enzymes rendant les récepteurs inefficaces. C’est pour cette raison qu’un ovocyte ne peut être fécondé que par un seul spermatozoïde. Après la fécondation, les noyaux mâle (n) et femelle (n) fusionnent pour donner un zygote (2n).C’est à partir de ce moment que le développement embryonnaire débute. L’embryon migre par la suite dans la trompe utérine tout en étant soumis à un processus de division cellulaire appelé segmentation. Le zygote sera d’abord divisé en 2 cellules filles nommées blastomères qui n’augmenteront pas de volume. Les mitoses se succèdent et les cellules sont toujours enfermées dans la zone pellucide. Au stade de 8 ou 16 cellules, les blastomères se répartissent en 2 groupes distincts :
❖ Le trophoblaste, situé en externe, qui sera à l’origine du placenta et du chorion ;
❖ l’embryoblaste, situé en interne, qui sera à l’origine de l’embryon et de ses membranes.
Au cours du 5e jour, le blastocyste (nom de l’embryon lorsqu’il est formé d’environ 100 cellules) éclot de la zone pellucide. À ce stade, l’embryon entre dans la cavité utérine et l’implantation, c’est-à-dire étape où l’embryon se niche dans l’endomètre (paroi interne de l’utérus), débutera pour se terminer au cours de la 2ème semaine .
La morphogenèse primordiale (indispensable)
La pré-gastrulation
Le blastocyste est maintenant en contact avec l’endomètre (l’implantation est débutée) et ce contact engendre alors une prolifération du trophoblaste dans l’endomètre. Au cours de cette prolifération, certaines cellules du trophoblaste perdent leur membrane et forment le syncytiotrophoblaste. C’est celui-ci qui est principalement responsable du phénomène d’implantation. Par opposition, le reste du trophoblaste forme le cytotrophoblaste .
Au cours de la 2e semaine, le syncytiotrophoblaste augmente de volume en s’insinuant entre les cellules endométriales et entoure progressivement le blastocyste. Ce processus attire le blastocyste dans l’endomètre. Vers le 9e jour, le blastocyste est totalement implanté dans l’endomètre et le syncytiotrophoblaste l’entoure complètement à l’exception d’une petite zone au pôle anti-embryonnaire (point initial d’implantation de l’embryon). L’embryoblaste se divise ensuite en épiblaste et en hypoblaste qui constituent les 2 couches du disque didermique :
❖ l’épiblaste : situé plus profondément dans l’endomètre prolifère, se cavite et, grâce à l’accumulation de liquide, forme la cavité amniotique ;
❖ l’hypoblaste : situé moins profondément dans l’endomètre que l’épiblaste est à l’origine de la cavité vitelline .
La gastrulation
La gastrulation est la mise en place des 3 feuillets embryonnaires définitifs (elle sert donc à transformer le disque didermique en disque tridermique) (Figure 6). De plus, elle permet de former les précurseurs tissulaires à l’origine des différents organes. Au cours de la gastrulation, il se produit 2 phénomènes importants. Premièrement, quelques cellules épiblastiques migrent (grâce à des pseudopodes) par la ligne primitive et vont remplacer l’hypoblaste afin de former l’endoblaste (ou endoderme). Celui-ci est à l’origine du revêtement épithélial de l’intestin et des glandes. Par la suite, d’autres cellules de l’épiblaste migrent au travers de la ligne primitive pour former le mésoblaste situé entre l’épiblaste et l’hypoblaste. Le mésoblaste (ou mésoderme) constitue donc le 3e feuillet du disque tridermique.
Le mésoblaste se « sépare » par la suite en 3 sections : le mésoblaste para-axial, le mésoblaste intermédiaire et le mésoblaste latéral qui se sépare, dans le plan horizontal, pour donner : le mésoblaste somatique (Feuillet pariétal du péritoine) qui est accolé à la paroi abdominale. L’ensemble de ces 2 parois accolées se nomme somatopleure (corps = soma en grec) et le mésoblaste splanchnique (Feuillet viscéral du péritoine) qui est accolé à la paroi du tube digestif. L’ensemble de ces 2 parois accolées se nomme la splanchnopleure. Le coelome interne (cavité corporelle à l’origine des cavités péricardique, pleurale et péritonéale) est l’espace compris entre les mésoblastes splanchnique et somatique. Finalement, une fois que l’endoblaste et le mésoblaste sont formés, l’épiblaste change de nom et devient l’ectoblaste. En résumé, le disque didermique à la 2e semaine devient tridermique à la 3e semaine et les 3 feuillets dérivent de l’épiblaste.
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Table des matières
INTRODUCTION
I. Définition
I.1.La malformation congénitale
I.1.1 .Les malformations vraies (primaires)
I.1.2.Les malformations secondaires
I.1.3.Poly malformations : Syndromes – Associations – Séquences
I.2.La consanguinité
II.RAPPEL SUR L’EMBRYOGENESE ET L’ORGANOGENESE
II.1.Les grandes étapes du développement embryonnaire
II.2. La pré-morphogenèse
II.3. La morphogenèse primordiale (indispensable)
II.3.1. La pré-gastrulation
II.3.2. La gastrulation
II.4.La morphogenèse secondaire
II.5. Morphogenèse définitive
III.PHYSIOPATHOLOGIE DES MALFORMATIONS CONGENITALES
III.1.Causes intrinsèques (constitutionnelle)
III.1.1.Les malformations d’origine génique
III.1.2.Les malformations d’origine chromosomique
III.2. Causes extrinsèques
III. 3. Malformations dues à des agents physiques
III.3.1.Les radiations ionisantes
III.3.2.Les disruptions de l’hyperthermie maternelle
III.3.3.Les malformations chimio-induites
III.3.4.Facteurs maternels métaboliques
III.3.5.La pathologie des addictions
III.3.6.Facteurs mécaniques
III.3.7.Les malformations de causes inconnues ou multifactorielles
IV.CLASSIFICATION
IV.1.Classification des malformations congénitales
IV.1.1.Classification physiopathogénique
IV.1.2.Classification:sous l’angle embryologique
(morphologique,histogénétique)
IV.1.2.1. Dysembryoplasies
IV.1.2.1.1. Vestiges (Dysembryoplasies vestigiales)
IV.1.2.2. Chorista (singulier choristum
IV.1.2.3. Hamarta (singulier Hamartum)
IV.1.2.4. Tératomes
IV.1.2.5. Les grandes malformations externes
IV.1.3. Les malformations d’organes
IV.1.3.1.Défaut d’induction
IV.1.3.2. Induction anormale
IV.1.3.3. Perturbation de la prolifération cellulaire facteurs endo ou exogènes
IV.1.3.4. Défaut de fusion
IV.1.3.5. Symphyse congénitale ou coalescence pathologique D’organes normalement séparés (rein en fer à cheval)
IV.1.3.6. Viscères creux stade de tunnelisation d’une ébauche pleine ; resoption de structures
IV.1.4. Aspects anatomo-cliniques
IV.1.4.1. Les syndromes malformatifs (exemples)
IV.1.4.1.1. Les dysplasies non métaboliques ( Cf supra)
IV.1.4.1.2. Les dysplasies géniques d’origine métabolique
IV.1.4.1.3. Les syndromes malformatifs géniques
IV.1.4.2. Les séquences
IV.1.4.3. Associations (poly-malformations)
IV.2.Classification de la consanguinité
IV.2.1.Le droit civil
IV.2.2.Le droit canon
V.DIAGNOSTIC
V.1. Diagnostic prénatal
V.1.1.Échographie fœtale
V.1.2.Techniques de prélèvement de tissus fœtaux
V.1.2.1. L’amniocentèse
V.1.2.2. Biopsie choriale ou choriocentèse
V.1.2.3. Cordocentèse
V.1.2.4. Foetoscopie
V.1.2.5. Cellules fœtales en circulation
V.1.4. Marqueurs sériques maternels
V.1.5. Hybridation in situ en fluorescence (FISH)
V.2.Diagnostic post natal
V .2 .1.Examen clinique
V.2.1.1. Enquête anamnestique
V.2.1.1.1. Antécédents familiaux
V.2.1.1.2. Antécédents maternels
V.2.1.1.3. Déroulement de la grossesse
V.2.1.2.Examen du nouveau-né
V.2.1.2.2. La trophicité
V.2.1.2.3.Les mensurations
V.2.1.2.4. Examen physique
V.2.2.Examen paraclinique
CONCLUSION