LA MALADIE VALVULAIRE MITRALE DEGENERATIVE
Lésions microscopiques
D’un point de vue histologique, la MVMD correspond à une prolifération dite myxoïde (ou myxomateuse) de la spongiosa. Les cellules interstitielles valvulaires en quantité anormalement importante, sont transformées en myofibroblastes et les milieux extra-cellulaires de la fibrosa et de la spongiosa sont modifiés [124]. La spongiosa est épaissie par une quantité augmentée de mucopolysaccharides, parfois sous formes nodulaires plus ou moins coalescentes [28,42,86]. De plus, une désorganisation et une fragmentation des fibres de collagène altère la solidité de la fibrosa, la « charpente fibreuse » de la valve, pouvant conduire localement à la disparition de cette couche [42,61,88]. Ce phénomène se retrouve également dans les cordages tendineux. Enfin, de l’oedème vient s’associer aux autres lésions dans les deux couches internes (spongiosa et fibrosa) [43]. Les couches endothéliales recouvrant les zones lésées, sont également affectées : les cellules endothéliales apparaissent très polymorphes et certaines zones peuvent être dépourvues d’endothélium.
Hypothèses de causes sous jacentes
Aucune cause sous jacente de la MVMD n’a été clairement définie mais de nombreuses hypothèses ont été avancées. La plus récemment documentée est celle impliquant le système sérotoninergique (hypothèse 6 développée ci-dessous). Hypothèse 1. Une anomalie du tissu conjonctif et plus particulièrement du collagène est incriminée par plusieurs auteurs [28,61,63,159]. Une dégénérescence myxoïde identique à celle de la valve mitrale, a été retrouvée pour les trois autres valves cardiaques, majoritairement la valve tricuspide. Chez les CKC, des lésions similaires ont été décrites dans les parois des artères pulmonaires Statut cardiaque moyen des parents Descendance (%) Statuts cardiaques : 1 : absence de souffle cardiaque 2 : souffle de faible intensité (1-2/6) 3 : souffle d’intensité moyenne (3-4/6) 4 : souffle de forte intensité (5-6/6) Légende : Zones blanches : absence de souffle Zones grisées : souffle de faible intensité (1-2/6) Zones noires : souffle d’intensité moyenne (3-4/6) principales [80].
Dans d’autres cas de MVMD avancée, de l’artériosclérose des artères coronaires et de multiples petits infarcti myocardiques semblaient être associés, or ces modifications vasculaires étaient également histologiquement similaires à la dégénérescence myxoïde [78]. Une autre étude a montré une prévalence deux fois plus importante d’un souffle cardiaque chez les animaux atteints d’une affection du tissu conjonctif (flaccidité trachéale, hernie discale, luxation patellaire, rupture de ligament croisé ou de ligaments collatéraux) [151]. Il semblerait donc que la MVMD puisse être une forme de ce qui pourrait être appelé un « syndrome de dégénérescence du tissu conjonctif » [151] impliquant une anomalie de synthèse ou d’assemblage du collagène [159] Hypothèse 2. Une hypomagnésémie pourrait également influencer l’apparition de MVMD. Cette hypothèse a été étudiée en médecine humaine [41,94] et chez les CKC [127].
Chez ces derniers, 50% des chiens de l’étude étaient atteints d’hypomagnésémie (<70 mmol/L) et 30% avaient une magnésémie comprise dans les valeurs inférieures de la norme (70-75 mmol/L) [127]. Hypothèse 3. Le prolapsus de feuillets mitraux pourrait également être secondaire à un dysfonctionnement du système nerveux autonome, plus particulièrement à une stimulation hypervagale [126]. En effet plusieurs études ont constaté une corrélation entre le prolapsus mitral et la présence d’arythmies (arythmie sinusale et bloc atrio-ventriculaire de second degré) [129,132]. Hypothèse 4. Chez l’Homme, le prolapsus mitral a été associé à des malformations du squelette crânio-facial [179] et à différentes malformations congénitales thoraciques [31,141]. De même, une corrélation entre le prolapsus mitral et un thorax étroit a été mise en évidence chez le Teckel [115]. Hypothèses 5. D’autres hypothèses anciennes ont été proposées [159]: le stress, l’hypertension, l’hypoxie, les troubles endocriniens dont l’hypercorticisme [130].
L’hypothèse d’une infection bactérienne (notamment d’origine buccale), considérée au début de l’étude de l’insuffisance mitrale, semblerait mieux correspondre à l’endocardite mitrale qu’à la MVMD [63]. Hypothèse 6. Une augmentation du taux de sérotonine (sérique, transportée par les plaquettes, ou locale au niveau des valves cardiaques) semble prédisposer à la MVMD. Cette hypothèse a été étudiée en médecine humaine chez les patients atteints de carcinomes intestinaux ou hépatiques qui sécrètent de la sérotonine ou chez les patients traités par un médicament sérotoninergique (parmi plusieurs, citons le plus médiatisé : le benfluorex, nom déposé : Médiator®). Ces patients ont développé entre autres, des maladies valvulaires similaires à une dégénérescence myxoïde d’apparition spontanée [59,142]. Plusieurs modèles expérimentaux semblent également confirmer cette hypothèse : l’administration chez le rat de sérotonine ou de pergolide (molécule sérotoninergique) a entrainé l’apparition de maladies valvulaires [48,60]. Dans une étude récente de Arndt et al. [10], la concentration sérique en sérotonine a été analysée chez 50 chiens atteints de MVMD, 34 chiens sains mais prédisposés à la MVMD (chiens de moins de 10 kg), et 36 chiens sains de grand format (> 20 kg). Cette concentration s’est révélée significativement (P = 0,0001) plus élevée dans les groupes des chiens avec MVMD (765,5 ng/mL[561,3-944,4]) et des chiens prédisposés (774,9 ng/mL [528,3-1026]) que dans le groupe contrôle des chiens sains (509,8 ng/mL [320,8-708,8]). De plus, au sein du groupe des chiens prédisposés, les CKC avaient au taux sérique de sérotonine significativement plus haut que les chiens des autres petites races (855,0 ng/mL [635,8-1088] chez les CKC versus 554,2 ng/mL [380,6-648,4] dans les autres races, P = 0,0023). Une autre observation (non significative) était que les CKC âgés sains semblaient avoir un taux plus faible en sérotonine. Ces résultats illustrent bien que la concentration sérique en sérotonine joue très vraisemblablement un rôle dans le développement de la MVMD.
A l’échelle du feuillet mitral, l’étude du SERT (transporteur transmambranaire de sérotonine) a également permis de confirmer l’implication du système sérotoninergique. Le SERT intervient, entre autres, dans le métabolisme de la sérotonine. Une diminution de la quantité de SERT augmente donc la concentration locale en sérotonine disponible. Ainsi, il a été observé une fibrose myocardique et des valvulopathies chez les souris knock-out pour le SERT [106]. Un travail très récent de Scruggs et al. [150] a démontré que le SERT est moins exprimé dans les stades avancés de MVMD canine. Cette étude a comparé l’expression de ce transporteur dans les valves mitrales de 24 chiens (8 sains, 8 atteints de MVMD à un stade précoce, 8 à un stade avancé). Une diminution significative de l’expression du SERT a été mise en évidence, par immunohistochimie et par immunoblot, dans les cellules interstitielles valvulaires de toutes les couches histologiques, chez les chiens en stade avancé par rapport aux chiens sains et en stade précoce. Une hypothèse de mécanisme pathophysiologique, serait un feedback négatif sur l’expression du SERT par une augmentation locale du taux de sérotonine. Or les cellules endothéliales (superficielles) ne semblaient pas affectées par cette diminution de l’expression du SERT, ce qui suggérerait des concentrations plus élevées de sérotonine au sein de la valve et par conséquent une importance toute particulière du système sérotoninergique autocrine.
|
Table des matières
INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE : ETUDE BIBLIOGRAPHIQUE
1 – RAPPELS SUR LA MALADIE VALVULAIRE MITRALE DEGENERATIVE
1.1 – LA VALVE MITRALE
1.1.1 – Anatomie
1.1.2 – Histologie
1.2 – DESCRIPTION DES LESIONS MORPHOLOGIQUES
1.2.1 – Lésions macroscopiques
1.2.2 – Lésions microscopiques
1.3 – ETIOLOGIE
1.3.1 – Facteur génétique
1.3.2 – Hypothèses de causes sous jacentes
1.4 – PHYSIOPATHOLOGIE
1.4.1 – A l’échelle de la valve mitrale : évolution des lésions valvulaires
1.4.2 – A l’échelle du coeur : de l’insuffisance mitrale à l’insuffisance cardiaque
1.4.2.1 – Mécanisme général
1.4.2.2 – Complications
1.4.3 – A l’échelle de l’organisme : mécanismes neuro-endocriniens
1.4.3.1 – Le système nerveux sympathique
1.4.3.2 – Le système rénine-angiotensine-aldostérone (SRAA)
1.4.3.3 – Les peptides natriurétiques
1.4.3.4 – L’hormone anti-diurétique (ADH)
1.4.3.5 – L’endothéline-1
1.5 – EPIDEMIOLOGIE
1.5.1 – Prévalence et races
1.5.2 – Facteurs de prédisposition et de gravité
1.5.2.1 – L’âge
1.5.2.2 – Autres facteurs
1.6 – DIAGNOSTIC
1.6.1 – Signes cliniques
1.6.1.1 – Motifs de consultation, commémoratifs
1.6.1.2 – Auscultation cardiaque
1.6.1.3 – Autres éléments de l’examen clinique
1.6.2 – Examens échocardiographique et Doppler
1.6.2.1 – Signes directs
1.6.2.2 – Signes indirects
1.6.2.3 – Visualisation et quantification du reflux mitral (mode Doppler)
1.6.2.4 – Recherche d’hypertension artérielle pulmonaire (HTAP)
1.6.3 – Radiographie thoracique
1.6.4 – Electrocardiographie
1.6.5 – Phonocardiographie
1.6.6 – Biomarqueurs cardiaques
1.7 – CLASSIFICATIONS DES STADES DE MVMD
1.7.1 – Classifications cliniques
1.7.2 – Classification échocardiographique
1.7.3 – Classifications combinées selon la clinique et les principaux résultats d’examens complémentaires
1.7.4 – Le stade Ia de la classification ISACHC
2 – TRAITEMENTS DE LA MALADIE VALVULAIRE MITRALE DEGENERATIVE
2.1 – TRAITEMENT CHIRURGICAL
2.1.1 – Valvuloplastie
2.1.2 – Remplacement valvulaire
2.1.3 – Autres techniques
2.2 – TRAITEMENT MEDICAL DE L’INSUFFISANCE CARDIAQUE
2.2.1 – Inhibiteurs de l’enzyme de conversion de l’angiotensine (IECA)
2.2.1.1 – Mécanisme d’action et pharmacologie
2.2.1.2 – Efficacité
2.2.1.3 – Innocuité
2.2.2 – Diurétiques
2.2.2.1 – Furosémide
2.2.2.2 – Hydrochlorothiazide
2.2.2.3 – Spironolactone
2.2.3 – Pimobendane
2.2.3.1 – Efficacité
2.2.3.2 – Toxicité
2.2.4 – Autres traitements cardiovasculaires
2.2.4.1 – Digoxine
2.2.4.2 – Vasodilatateurs artériels
2.2.4.3 – β-bloquants
2.2.5 – Mesures hygiéniques associées
2.2.6 – Traitements adjuvants
2.3 – TRAITEMENT MEDICAL AU STADE ASYMPTOMATIQUE
2.3.1 – Inhibiteurs de l’enzyme de conversion de l’angiotensine
2.3.1.1 – Efficacité
2.3.1.2 – Innocuité
2.3.2 – Autres molécules potentielles
DEUXIEME PARTIE : ETUDES RETROSPECTIVES
1 – MATERIELS ET METHODES
1.1 – ANIMAUX
1.1.1 – Etude 1
1.1.2 – Etude 2
1.2 – EXAMENS ECHOCARDIOGRAPHIQUES ET DOPPLER
1.2.1 – Conditions des examens
1.2.2 – Echocardiographie
1.2.3 – Examen Doppler
1.3 – ANALYSE STATISTIQUE
1.3.1 – Etude 1
1.3.2 – Etude 2
2 – RESULTATS
2.1 – ETUDE 1 (N=141)
2.1.1 – Caractéristiques épidémiologiques des chiens à J0
2.1.2 – Caractéristiques cliniques et écho-Doppler des chiens à J0
2.1.3 – Effet de la thérapie sur la survie et les événements cardiaques
2.2 – ETUDE 2 (N=37)
2.2.1 – Caractéristiques épidémiologiques des chiens à E1 99
2.2.2 – Caractéristiques cliniques et écho-Doppler des chiens à E1
2.2.3 – Effet de la thérapie sur l’évolution des paramètres cliniques et écho-Doppler
3 – DISCUSSION
3.1 – ETUDE 1
3.1.1 – Place de cette étude par rapport aux études antérieures dans ce domaine
3.1.2 – Discussion des caractéristiques écho-Doppler à J0
3.1.3 – Discussion des résultats par population
3.1.4 – Limites de l’étude
3.2 – ETUDE 2
3.2.1 – Place de cette étude par rapport aux études antérieures dans ce domaine
3.2.2 – Discussion des caractéristiques écho-Doppler à l’examen initial (E1)
3.2.3 – Discussion des résultats par population
3.2.4 – Limites de l’étude
CONCLUSION
LISTE DES FIGURES
LISTE DES TABLEAUX
BIBLIOGRAPHIE
ANNEXE : ARTICLE PUBLIE DANS LE JOURNAL OF VETERINARY INTERNAL MEDICINE CORRESPONDANT A L’ETUDE 1
Télécharger le rapport complet