La maladie rénale chronique
Chapitre 2 Le système artériel
Mise en contexte
Le système vasculaire est un circuit fermé à plusieurs branches, qui d’un point de vue un peu simpliste, permet la circulation du sang et d’une panoplie de molécules, médiateurs, gaz, nutriments ainsi que de déchets du cœur à la microcirculation, d’un organe à un autre. Toutefois, gare à se méprendre sur la complexité de ce système qui ne peut être considéré comme une suite de vulgaires tuyaux. Particulièrement en ce qui a trait au système artériel, dont les fonctions, structures et composantes en font un matériel bien vivant ayant un potentiel d’adaptation modulé par son milieu. Ces adaptations ont des conséquences réelles sur la capacité de transport du sang, mais aussi sur les pressions artérielles qui y sont associées. D’ailleurs, la mesure de la pression artérielle a pris une importance considérable au cours du dernier siècle, en partie parce qu’il a été imaginé que l’on pouvait déduire le flot sanguin par l’étude des pressions[73]. Il s’avère que la mesure de la pression artérielle, par manomètre, est bien plus facile à obtenir que celle du flot. Malgré tout, les organes n’ont pas besoin de pression, mais bien d’un flot. Le flot sanguin et la pression sont deux réalités distinctes qui s’entremêlent, chacune influençant l’autre, mais tout en étant souvent confondues. Une meilleure compréhension de cette relation flot/pression peut être obtenue par l’étude des propriétés mécaniques des artères, globalement par la compliance artérielle.
Ce chapitre a pour objectif de décrire les composantes du système artériel et leurs fonctions, de définir la compliance artérielle par les propriétés mécaniques des artères et d’identifier les mécanismes menant au remodelage artériel relatif au vieillissement et à l’exposition à certaines conditions pathologiques.
Structure et composantes
Architecture commune
À l’exception des capillaires, l’architecture artérielle suit relativement le même modèle dans tout l’arbre artériel. La paroi d’une artère est généralement composée de trois différentes couches (tuniques) concentriques qui se superposent, soit l’intima, la média et l’adventice (Figure 2.1)[80]. Chacune de ces tuniques est caractérisée par la prépondérance d’un type cellulaire particulier, respectivement les cellules endothéliales, les cellules musculaires lisses vasculaires (VSMC) et les fibroblastes, rendant ces tuniques tout à fait distinctes. Ces cellules sont ancrées à une matrice extracellulaire, un tissu conjonctif dont les fibres de collagène et d’élastine constituent les principales protéines. Les interactions entre la matrice extracellulaire et les cellules sont nécessaires au maintien de l’intégrité de la paroi, permettant de contrer les forces mécaniques et d’assurer la régulation cellulaire (induction, définition et stabilisation des phénotypes)[81].
Figure 2.1. Tuniques de la paroi artérielle et leurs composantes. Adaptée et traduite de https://opentextbc.ca/anatomyandphysiology/chapter/20-1-structure-and-function-of-blood-vessels/ Creative Commons Attribution License 4.0
Intima
L’intima représente la partie interne de la paroi artérielle en contact direct avec le sang et les constituants en circulation. Elle est composée d’une couche unique de cellules endothéliales, apposées sur une fine membrane basale qui relie l’endothélium à un tissu conjonctif aréolé, la lame élastique interne[81]. L’endothélium est un tissu multifonctionnel hautement actif, qui participe au transport transendothélial de substrats, à l’adhésion des cellules sanguines (ex.: cellules immunitaires) et à la coagulation[82, 83]. De plus, l’endothélium influence l’activité des VSMC par la synthèse de substances vasoactives avec des effets soit vasodilatateurs (oxyde nitrique, prostacycline, peptide natriurétique, facteur hyperpolarisant dérivé de l’endothélium), soit vasoconstricteurs (endothéline, thromboxane A2, prostaglandine H2)[82, 84]. Quoique le rôle de l’intima est particulièrement important dans l’inflammation et l’athérosclérose, l’intima ne contribue que minimalement aux propriétés mécaniques des grandes artères[81].
Média
La média, la tunique intermédiaire, consiste essentiellement en de multiples couches de VSMC, dont la quantité augmente avec la tension circonférentielle exercée sur la paroi artérielle[85]. Typiquement décrites comme étant orientées de manière strictement circonférentielle, d’autres études suggèrent plutôt un arrangement hélicoïdal plus ou moins prédominant des VSMC[86, 87]. De par cet arrangement, la contraction des VSMC permet la modulation du tonus vasculaire et du diamètre des plus petits vaisseaux. Les VSMC ont donc un rôle significatif dans le maintien de la force mécanique circonférentielle de la paroi artérielle et dans la régulation de la pression artérielle[88]. Une mince part de VSMC, situés à la limite de l’endothélium ou de l’adventice, est plutôt orientée longitudinalement et pourrait contribuer partiellement à la réponse artérielle axiale[89]. Les VSMC sont supportées par un réseau complexe de collagène et d’élastine, nommé unités médiales lamellaires, également orientées de façon à supporter le stress circonférentiel pulsatile[90]. Dans les grandes artères, une lame élastique externe sépare la média de l’adventice.
Adventice
La tunique externe de la paroi artérielle, l’adventice, est un tissu conjonctif principalement composé de fibres de collagène, d’élastine ainsi que de fibroblastes[91]. Cette couche est plutôt diffuse puisqu’elle se mélange aux tissus environnants, assurant une sorte d’ancrage pour maintenir l’artère en place. Cette tunique offre une certaine rigidité protégeant contre la rupture de la paroi à de fortes pressions[92]. L’adventice a également les fonctions de «nourrir» les cellules de la paroi artérielle trop éloignée de la lumière artérielle et de les innerver, par ses vasa et nervi vasorum. Le nervi vasorum permet le maintien adéquat du tonus des VSMC dans la média et participe donc à la régulation de la pression artérielle[93, 94].
Microcirculation
La microcirculation représente la composante la plus «périphérique» du système artériel et est composée de petites artères, d’artérioles et du réseau capillaire. Ses principales fonctions sont de réguler la perfusion des organes, ainsi que d’optimiser le transfert des métabolites et des gaz entre le sang artériel et le milieu extracellulaire[80]. Ces échanges sont favorisés au niveau des capillaires, un réseau de fins vaisseaux (0.5-1.0 µm de diamètre) composés d’endothélium. Toutefois, le flot au niveau des capillaires est modulé par les petites artères (100-300 µm de diamètre) et les artérioles (<100 µm de diamètre) situées en amont. L’autorégulation du diamètre de ces artères résistives est possible par les propriétés myogéniques des VSMC. Le tonus myogénique sert de constriction de base à laquelle différents signaux provenant de neurotransmetteurs, de substances dérivées de l’endothélium, de métabolites locaux et d’ions agiront afin d’augmenter la vasoconstriction ou au contraire stimuler la vasodilatation[80]. Les VSMC peuvent aussi réagir aux variations de pression (pression pulsée) en stimulant leur réponse myogénique, un mécanisme non dépendant de l’endothélium[95]. Ainsi, les VSMC réagissent à la pression en diminuant le diamètre artériel (vasoconstriction), tandis que leur tonus sera relâché en cas d’augmentation du flot sanguin (forces de cisaillement, vasodilatation)[96]. Les petites artères et les artérioles sont considérées comme les principales responsables de la résistance périphérique au flot et de la régulation de la pression artérielle moyenne.
Macrocirculation
La macrocirculation inclut bien évidemment les artères de plus gros diamètre et représente le principal intérêt de cette thèse. Les artères de la macrocirculation diffèrent énormément en regard de leur géométrie et de la proportion des différentes composantes de leur structure. En effet, l’architecture et la composition de la paroi ainsi que l’épaisseur de l’intima-média sont normalement déterminées par le stress imposé par le flot sanguin et la pression[97]. Globalement, les artères centrales (près du cœur) ont un plus grand calibre, leur paroi est plus épaisse, mais aussi plus élastique. Au contraire, plus on s’éloigne du cœur, plus le diamètre rétrécit, plus la quantité de tissu élastique diminue et plus la composante musculaire au niveau de la média prédomine. Cette transition s’effectue graduellement, soit au sein de la même artère (dont la forme est dite en fuseau) ou d’une ramification à une autre. On distingue alors deux sous-types d’artères, soit les artères élastiques (centrales) et les artères à prédominance musculaire (périphériques) (Figure 2.2).
Figure 2.2. Composantes de la paroi artérielle d’une artère élastique et d’une artère musculaire. Adaptée et traduite de https://opentextbc.ca/anatomyandphysiology/chapter/20-1-structure-and-function-of-blood-vessels/ Creative Commons Attribution License 4.0
Artères élastiques
Les artères élastiques typiques, prenons comme exemples l’aorte (thoracique, abdominale), les carotides et les artères iliaques proximales, ont généralement un diamètre supérieur à 5.0 mm. Les artères élastiques contiennent principalement des lames élastiques et des VSMC et relativement peu de collagène. Toutefois, ces proportions divergent considérablement en se distançant du cœur. Ainsi, le ratio élastine/collagène est le plus élevé au niveau de la crosse aortique, tend à s’inverser dans la partie haute de l‘abdomen pour obtenir une part de collagène plus importante dans la partie distale de l’aorte[98, 99]. En ce qui concerne les VSMC, leur phénotype mécanique tend à changer selon les forces mécaniques auxquelles elles sont soumises et leurs interactions avec la matrice extracellulaire[100-102]. Par exemple, les VSMC de l’aorte thoracique seraient moins rigides que celles des artères rénales. De plus, la rigidité des VSMC est associée aux vaisseaux avec un fort pourcentage en élastine et une importante proportion de matrice extracellulaire[100].
L’aorte est soumise à de grandes fluctuations de flot (et de pression…), engendrées par la nature cyclique de la contraction ventriculaire. Sa fonction la plus spécifique est celle de capacitance, soit d’emmagasiner une partie du volume sanguin propulsé lors de la systole qui sera redistribuée durant la diastole. Cette fonction est possible par la compliance de la paroi artérielle, qui permet d’amortir les fluctuations du flot pour permettre d’obtenir un flot quasi continu à l’entrée de la microcirculation et des organes.
La deuxième fonction des artères élastiques est d’acheminer le sang aux artères de plus petit calibre jusqu’à la microcirculation. Évidemment, ce rôle de conductance est limité en présence de plaques d’athérome et de sténose artérielle.
Artères musculaires
La transition entre les artères élastiques et les artères musculaires n’est pas franche, mais plutôt diffuse. Les artères musculaires ont un contenu en élastine diminué et un pourcentage de VSMC et de collagène augmenté au niveau de la média[100]. Ces artères ont un calibre qui varie entre 0.1 mm et 10 mm de diamètre et sont représentées, entre autres, par les artères brachiale, radiale, fémorale et pédieuse. Leur mécanique artérielle est hautement modulée par les VSMC, et ont donc un potentiel important de vasodilatation et de vasoconstriction. Leur principale fonction est de distribuer le sang (conductance) vers les plus petites artères.
Compliance artérielle
Modèle de Windkessel
Weber EH (1827) a probablement été le premier à comparer la capacité de dilatation des artères à la chambre d’air des réservoirs (Windkessel, en allemand) autrefois utilisés dans les systèmes de pompage des pompiers du 18e siècle[103]. À l’époque, cette chambre d’air dans le réservoir permettait d’obtenir un débit d’eau continu à la sortie de la lance malgré l’intermittence du pompage de l’eau (Figure 2.3). Dans le contexte artériel, l’effet Windkessel est expliqué par la compliance artérielle. La paroi artérielle accommode une partie du volume éjecté durant la systole par l’augmentation de son diamètre. Cette déformation, de nature élastique, permet de redistribuer l’énergie durant la diastole, en ramenant l’artère à son diamètre initial.
Figure 2.3. Concept de Windkessel. Image originale tirée de [103] avec permission.
À l’origine, le modèle de Windkessel était un modèle de compliance simple qui décrivait, avec une analogie au circuit électrique, l’ensemble du système artériel en termes de relation flot-pression à l’entrée du système (aorte). Le modèle s’est peaufiné avec l’apport de Otto Frank qui développa le modèle à 2-éléments (compliance et résistance) et ensuite de Nicolaas Westerhof qui ajouta au modèle l’impédance caractéristique de l’aorte (rigidité) (modèle à 3-éléments)[103]. Malgré que ces derniers modèles modélisent bien la diminution exponentielle de la pression durant la diastole, soit suite à la fermeture de la valve aortique, même le modèle à 3-éléments ne parvient pas encore à expliquer correctement les fluctuations de la pression en systole[104, 105]. En effet, les composantes de ce modèle ne peuvent être calculées qu’en absence de réflexion des ondes de pression, phénomène affectant particulièrement la période systolique. Quoique ce modèle soit une simplification de la réalité, ses composantes nous aident à mieux comprendre la fonction artérielle. Il est désormais implicite que la résistance périphérique, la compliance artérielle totale et l’impédance caractéristique de l’aorte ont un rôle majeur dans l’hypertension.
Le modèle de Windkessel a été quelque peu abandonné jusqu’à récemment puisqu’il ne permet pas d’étudier l’effet de la propagation des ondes de pression sur le flot sanguin, et donc la relation flot/pression d’une artère située de façon distale par rapport à l’aorte (Chapitre 3). Malgré tout, le modèle de Windkessel met en lumière l’importance de la compliance artérielle, d’où la relation flot/pression s’explique par les propriétés viscoélastiques des artères.
Comportement viscoélastique
Viscosité
Quoique la viscosité de la paroi ait été moins étudiée que l’élasticité, son rôle en ce qui a trait à la dissipation de l’énergie (pression) à l’intérieur de l’arbre artériel est non négligeable. Cet effet dissipateur contraste avec la propriété élastique de la paroi, qui tel que mentionné plus tôt, permet de redistribuer en totalité l’énergie accumulée. La propriété visqueuse de la paroi artérielle explique principalement le diamètre légèrement augmenté d’une artère en diastole comparativement en systole, malgré une pression similaire.
À gauche, l’augmentation initiale du diamètre est retardée en raison de l’inertie, et partiellement maintenue durant la diastole par la viscosité de la paroi. À droite, la relation force-déformation de l’aorte impliquant les propriétés d’élasticité, de viscosité et d’inertie, à l’origine du cycle d’hystérésis. Adaptée de [106] avec permission.
La propriété visqueuse de la paroi artérielle est associée au tonus et à la quantité de VSMC, tout comme à l’amplitude et à la fréquence du stress pulsatile[107]. Ainsi, il va de soi que l’effet de la viscosité est plus important dans les artères musculaires qu’au niveau de l’aorte, mais aussi dans des conditions associées à un épaississement de la média, telle que l’hypertension[108-110]. Il semble que cette viscosité par les VSMC participe au maintien de l’intégrité de la paroi en atténuant les dommages mécaniques engendrés par les hautes fréquences de pression.
Élasticité
Lorsque les effets de la viscosité et de l’inertie ont été soustraits de la courbe de force/déformation (Figure 2.4, droite), il est possible d’extirper le comportement élastique «pur» de l’artère. L’effet de l’inertie ne sera pas détaillé dans cet ouvrage compte tenu de sa moindre importance dans le comportement artériel. Alors, l’élasticité définit la capacité de la paroi artérielle à se déformer et à retrouver sa forme dès le retrait de la pression, sans aucun décalage dans le temps. Cette propriété de réversibilité de la déformation a été extensivement étudiée puisqu’elle participe au transfert de l’énergie entre la paroi artérielle et le flot sanguin[73]. C’est grâce à cette élasticité (ou relation force-déformation globale) que la rigidité intrinsèque de la paroi artérielle peut être obtenue.
Rigidité de la paroi artérielle
Module d’élasticité
En terme général, l’élasticité d’un matériau est exprimée par la relation entre un stress uniaxial, ici la pression, et le strain (déformation) dans ce même axe. Le ratio de cette relation, qui est l’équivalent de la pente d’une régression linéaire, se nomme le module d’élasticité (module de Young, E), tel que défini par l’équation suivante :
Module de Young : E= = pression
diamètre
Ainsi, le module de Young est une constante qui décrit la rigidité du matériau dans un axe précis. Plus la valeur est élevée, plus le matériau est rigide et donc moins la déformation sera grande pour une même pression. Les matériaux biologiques, tels que les artères, sont anisotropes, c’est-à-dire qu’ils ne se comportent pas de la même façon dans chacun de leurs axes. En d’autres termes, le E n’aura pas la même valeur pour la déformation longitudinale, radiale et circonférentielle.
Axe longitudinal
En permanence, une tension longitudinale (axiale) est appliquée sur les artères par l’assemblage bout à bout des artères et par l’ancrage de l’adventice aux tissus environnants. Ainsi, lorsqu’un segment de l’aorte thoracique est disséqué, il peut rétrécir jusqu’à 50%[73, 112]. Quoique cette force soit possible à mesurer, son rôle physiologique serait considéré mineur. Exception faite de l’aorte ascendante, où la partie proximale se fait étirer par le mouvement de l’anneau aortique vers l’apex suite à la contraction du ventricule gauche[113]. Ainsi, la rigidité longitudinale de l’aorte proximale augmenterait le travail de contraction du ventricule gauche (masse ventricule gauche) indépendamment de la pression artérielle, mais pourrait favoriser le remplissage diastolique par le retour élastique, du moins chez les hommes.
Axe radial
La force radiale est une force importante de type compressive, appliquée entre la lumière et l’extérieur de l’artère, qui aurait l’effet d’écraser la paroi artérielle. Toutefois, la paroi artérielle étant composée d’eau, un liquide dit incompressible, la déformation radiale est négligeable. Ainsi, la paroi artérielle est, elle aussi, considérée incompressible[115]. Cette notion est importante puisqu’elle explique que tout changement de diamètre de l’artère en fonction des forces longitudinales ou circonférentielles n’entraînera pas de changement de volume de la paroi. Autrement dit, si le diamètre augmente ou que l’artère s’allonge, l’épaisseur de la paroi diminue.
Axe circonférentiel
La force circonférentielle est une force tangentielle, soit perpendiculaire autant à l’axe radial que longitudinal. Même en l’absence de pression, un stress résiduel permet le maintien de la forme cylindrique de l’artère. Ainsi, l’équation de Lamé (τ =PR/h, selon la loi de Laplace) stipule que la force circonférentielle est plus élevée lorsque la pression est élevée, le diamètre de l’artère est grand et la paroi artérielle est mince. La déformation circonférentielle à l’intérieur d’un cycle cardiaque est plus grande au niveau des artères élastiques (environ 10%) et diminue en s’éloignant du cœur. Les propriétés mécaniques des constituants de la média sont les principales responsables de la gestion du stress circonférentiel. Toutefois, l’adventice de par sa rigidité, protège les couches internes contre les pressions extrêmes, et donc d’une dilatation excessive pouvant engendrer leur fracture.
Relation pression/diamètre
Par convention, seule la relation force/déformation circonférentielle est considérée pour déterminer la rigidité intrinsèque de la paroi artérielle. Toutefois, l’interprétation du module d’élasticité dans le contexte artériel n’est pas tout à fait appropriée puisque la relation pression/déformation n’est pas linéaire, mais plutôt curvilinéaire. De sorte que, pour un même changement de pression, la déformation sera plus faible si l’artère est déjà dilatée. Cette relation de base en «deux phases» à des pressions physiologiques résulte de l’organisation de l’élastine et du collagène de la média, et donc du transfert entre les propriétés mécaniques passives des fibres d’élastine à celles du collagène. En effet, les fibres d’élastine supportent la charge à de basses pressions, tandis que les fibres de collagène plus rigides sont surtout sollicitées à des pressions plus élevées[117, 118]. Ainsi, une plus grande variation de pression est nécessaire pour obtenir un même changement de diamètre .
La relation pression-diamètre varie grandement entre individus en raison des différences génétiques et du remodelage artériel associé à certaines conditions pathologiques. De plus, une courbe plus prononcée dans la relation pression-diamètre (Figure 2.5) est observable chez les individus âgés par rapport à des individus jeunes, ce qui est partiellement explicable par la «fatigue du matériau» engendrée par le stress répété, la fibrose vasculaire et les altérations des lamelles d’élastine[119-122]. Cette courbe est également influencée par le tonus des VSMC; leur contraction rend généralement la paroi plus rigide, déplaçant la courbe vers le haut[123, 124].
La rigidité de la paroi est-elle synonyme de compliance?
La rigidité de la paroi artérielle affecte la compliance d’un vaisseau, de sorte qu’à diamètre égal, une artère rigide aura une compliance diminuée comparativement à une artère souple. Toutefois, la compliance réfère à l’acceptation dans la lumière artérielle d’un certain volume supplémentaire de sang. Ainsi, pour un même changement de pression, une artère de plus gros diamètre, même si elle se distend moins de par sa plus grande rigidité, peut avoir une compliance artérielle similaire ou augmentée par rapport à une artère souple de plus petit calibre. D’autre part, une augmentation de la compliance artérielle secondaire à une intervention (hyperémie, agents vasodilatateurs) peut survenir conjointement avec une diminution, une augmentation ou même aucun changement au niveau de la rigidité de la paroi artérielle[125]. Cet effet disparate est explicable par l’arrangement des VSMC avec la matrice extracellulaire. D’une part, la rigidité peut diminuer par la relaxation des VSMC, en enlevant de la tension sur les fibres de collagène auxquelles les VSMC sont liées en série. D’un autre côté, la relaxation des VSMC peut engager les fibres d’élastine et de collagène disposées en parallèle, ce qui aura pour effet d’augmenter la rigidité de la paroi[73].
Mesure de la rigidité locale
La rigidité d’une section spécifique d’une artère peut être obtenue par des techniques non invasives et par des mesures quantifiables de la géométrie et de la mécanique de la paroi artérielle. La méthode de référence est réalisée par acquisition de signaux de radiofréquences (RF) de type ultrasons obtenus par échotracking standard [126, 127]. Cette imagerie haute résolution permet, entre autres, de mesurer le diamètre, la distension (hausse du diamètre associée à la systole) et l’épaisseur de l’intima-média (IMT). La mesure peut s’effectuer sur toutes les grandes artères superficielles, principalement les carotides communes et la fémorale pour lesquelles des valeurs de référence sont disponibles[128, 129], mais aussi les artères brachiale et radiale.
Paramètres généraux
Le Tableau 2.1 décrit les principaux termes utilisés pour décrire la biomécanique artérielle et les propriétés élastiques de l’artère et de sa paroi. Ces paramètres nécessitent simplement une mesure de la géométrie artérielle, mais ont toutefois le défaut d’être purement dépendants de la pression artérielle au moment de la mesure. L’idéal est donc de les comparer dans des conditions isobariques, soit souvent avec une valeur de référence de 100 mm Hg.
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Table des matières
Introduction
Chapitre 1- La maladie rénale chronique
1.1 Épidémiologie
1.2 Le rein
1.2.1 Principales fonctions
1.2.2. Un organe à faible résistanc et à débit sanguin élevé
1.3 Maladie rénale chronique
1.3.1 Définition
1.3.2 Stades
1.4 Traitements de substitution rénale
1.4.1 Hémodialyse
1.4.1.1 Surcharge liquidienne
1.4.1.2 Voie d’accès
1.4.2 Dialyse péritonéale
1.4.3 Greffe rénale
1.5 Risque d’évènements majeurs
1.5.1 Progression selon les stades
1.5.2 Mortalité cardiovasculaire
1.5.2.1 Facteurs de risque généraux
1.5.2.2 Troubles minéraux et osseux de la maladie rénale chronique
1.5.2.2.1 Désordres du métabolisme minéral osseux
1.5.2.3 Artériosclérose
1.6 Conclusion
Chapitre 2 – Le système artériel
2.1 Mise en contexte
2.2 Structure et composantes
2.2.1 Architecture commune
2.2.1.1 Intima
2.2.1.2 Média
2.2.1.3 Adventice
2.2.2 Microcirculation
2.2.3 Macrocirculation
2.2.3.1 Artères élastiques
2.2.3.2 Artères musculaires
2.3 Compliance artérielle
2.3.1 Modèle de Windkessel
2.3.2 Comportement viscoélastique
2.3.2.1 Viscosité
2.3.2.2 Élasticité
2.4 Rigidité de la paroi artérielle
2.4.1 Module d’élasticité
2.4.1.1 Axe longitudinal
2.4.1.2 Axe radial
2.4.1.3 Axe circonférentiel
2.4.2 Relation pression/diamètre
2.4.3 La rigidité de la paroi est-elle synonyme de compliance?
2.4.4 Mesure de la rigidité locale
2.4.4.1 Paramètres généraux
2.4.4.2 Paramètre de rigidité β
2.5 Remodelage artériel
2.5.1 Altérations au niveau de la macrocirculation
2.5.2 Altérations au niveau de la microcirculation
2.5.3 En insuffisance rénale chronique
2.6 Conclusion
Chapitre 3 – L’onde de pouls
3.1 Introduction
3.2 Définition traditionnelle
3.3 Propriétés des ondes de pression
3.3.1 Vitesse de l’onde
3.3.2 Réflexion de l’onde
3.3.3 Effet hémodynamique
3.4 Explication physiopathologique traditionnelle
3.4.1 Pression pulsée centrale
3.4.2 Pression pulsée périphérique
3.4.3 Pression centrale versus pression brachiale
3.5 Tonométrie d’applanation
3.5.1 Fonction de transfert généralisée
3.6. Techniques d’analyse
3.6.1 Domaine fréquentiel
3.6.2 Domaine temporel
3.7 Modèles d’analyse axés sur la réflexion de l’onde
3.7.1 Index d’augmentation
3.7.1.1 Limites de l’AIx
3.7.2 Analyse de séparation de l’onde
3.7.2.1 Doutes concernant l’analyse de séparation de l’onde
3.7.2.1.1 Sites majeurs de réflexion
3.7.2.1.2 Importance réelle de l’onde réfléchie
3.8 Autres modèles d’analyse émergents
3.8.1 Analyse de l’intensité de l’onde
3.8.2 Approche par l’onde de réservoir
3.8.2.1 La pression de réservoir
3.8.2.2 La pression excédentaire
Chapitre 4 – La rigidité artérielle régionale
4.1 Mise en contexte
4.2 Vitesse de l’onde de pouls carotido-fémorale (rigidité aortique)
4.2.1 Distance
4.2.2 Temps de transit
4.2.3 Autres recommandations relatives à la standardisation
4.2.4 Valeurs de référence et normales
4.3 Autres PWV régionales
4.3.1 Artères musculaires
4.3.2 Vitesse de l’onde de pouls «bras-cheville»
4.3.3 Cardio-ankle vascular index (CAVI)
4.4 Dépendance de la vitesse de l’onde de pouls à la pression artérielle
4.5 Physiopathologie de la rigidité aortique
4.5.1 Théorie du gradient de rigidité artérielle
4.5.1.1 Condition physiologique
4.5.1.2 Condition pathologique
4.5.1.3 Atténuation ou inversion du gradient
4.5.1.3.1 Progression de la rigidité aortique (cf-PWV)
4.5.1.3.1 Progression de la rigidité des artères musculaires de conduction
4.6 Conclusion
Problématique et hypothèse
Chapitre 5 – Active Vitamin D and Accelerated Progression of Aortic Stiffness in Hemodialysis Patients: A Longitudinal Observational Study
5.1 Article publié
Résumé
Abstract
Introduction
Methods
Results
Discussion
Acknowledgments
References
5.2 Données complémentaires par rapport à la rigidité brachiale
Chapitre 6 – Aortic-Brachial Stiffness Mismatch and Mortality in Dialysis Population
Résumé
Abstract
Introduction
Methods
Results
Discussion
Perspectives
Acknowledgements
Sources of Funding
References
Novelty and Significance
Chapitre 7 – Aortic-Brachial Pulse Wave Velocity Ratio : A Blood Pressure-Independent Index of Vascular Aging
Résumé
Abstract
Introduction
Methods
Results
Discussion
Perspectives
Acknowledgements
Sources of Funding
References
Novelty and Significance
Chapitre 8 – Associations entre les paramètres hémodynamiques issus de l’approche par l’onde de réservoir et la mortalité au sein d’une population dialysée.
Introduction
Méthodes
Résultats
Discussion générale de la thèse
Forces et limites de la thèse
Perspectives de recherche
Conclusion
Bibliographie
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