Définition de la maladie professionnelle en France
De façon générale, on pourrait définir une maladie professionnelle comme étant la conséquence de l’exposition plus ou moins prolongée d’un travailleur à un risque lors de son activité professionnelle habituelle. Ce risque peut être physique (bruit, rayonnements ionisants, vibration, port de charges, etc.), chimique (plomb, éthers de glycols, etc.) ou biologique (hépatite B, leptospirose, etc.). Cette définition implique cependant de nombreuses incertitudes. En effet, la cause professionnelle d’une maladie est rarement évidente. Elle résulte parfois de l’intrication de plusieurs facteurs :
► l’ensemble des nuisances (poly- exposition) pouvant être à l’origine de la maladie,
► les facteurs exogènes non professionnels (antécédents médicaux ou familiaux, tabac, exposition personnelle à certains risques, etc.),
► le délai d’apparition de la maladie parfois de plusieurs années après la fin de l’exposition.
Devant ces incertitudes, on distingue en France deux sous-ensembles juridiques pour caractériser une maladie comme étant d’origine professionnelle. La principale distinction qui peut être faite entre ces deux entités est leur système de réparation :
► les maladies professionnelles indemnisables (MPI) ouvrent des droits à une indemnisation selon le préjudice subi.
► les maladies à caractère professionnelles (MCP) ne permettent pas d’être indemnisé.
La maladie professionnelle indemnisable (MPI)
Une définition médico-légale de la maladie professionnelle indemnisable a été proposée par législation au début du 20ème siècle. Ainsi, pour donner lieu à une réparation, une maladie professionnelle indemnisable doit :
– soit figurer dans l’un des tableaux de MPI et remplir toutes les conditions médicales, professionnelles et administratives détaillées dans ce tableau,
– soit être identifiée comme ayant un lien direct ou direct et essentiel avec l’activité professionnelle par le système complémentaire de reconnaissance des maladies professionnelles.
La maladie à caractère professionnel (MCP)
La notion de maladie à caractère professionnel (MCP) est définie comme toute maladie susceptible d’être d’origine professionnelle mais qui n’entre pas dans le cadre des tableaux de maladies professionnelles indemnisables (MPI). Cette notion a été introduite par le législateur dès 1919, « en vue, tant de la prévention des maladies professionnelles que d’une meilleure connaissance de la pathologie professionnelle et de l’extension ou de la révision des tableaux […] » La déclaration de MCP est une obligation légale pour tout docteur en médecine : « Pour tout docteur en médecine qui peut en connaître l’existence, notamment les médecins du travail, la déclaration de tout symptôme d’imprégnation toxique et de toute maladie, lorsqu’ils ont un caractère professionnel et figurent sur une liste établie par arrêté interministériel, après avis du Conseil d’orientation des conditions de travail. Il doit également déclarer tout symptôme et toute maladie non compris dans cette liste mais qui présentent, à son avis, un caractère professionnel » Cependant, à ce jour, rares sont les médecins qui déclarent des MCP.
Historique sur la législation des maladies professionnelles en France
Un historique qui se calque sur celui des accidents du travail
Avant 1898, en l’absence de législation spécifique du travail, les accidents survenus au travail relevaient du droit commun. Le salarié devait prouver la responsabilité de son employeur face aux conditions de travail. Cette preuve n’était pas toujours facile à apporter et les inégalités économiques entre les différents partis du procès n’étaient pas favorable aux victimes. [1-7] Un arrêt (arrêt Teffaine) rendu par la Cour de Cassation du 16 juin 1886 crée la notion de responsabilité civile du fait des choses. Ainsi dans cet arrêt, le propriétaire d’une remorque est considéré comme responsable de la mort de l’ouvrier lors de l’explosion inexpliquée de la chaudière. La responsabilité du propriétaire de la chaudière fut invoquée au titre de l’article 1384 alinéa 1er qui attache la responsabilité « non seulement du dommage que l’on cause par son propre fait, mais encore de celui causé par le fait des personnes dont on doit répondre, ou des choses que l’on a sous sa garde ». Il est ainsi établi une présomption de responsabilité du fait des choses.
Dans ce contexte, nait le 9 avril 1898 la première loi relative aux accidents du travail établit 2 principes :
► celui de notion de risque professionnel et vient affirmer la présomption de responsabilité de l’employeur en cas d’accident du travail,
► et celui de réparation forfaitaire donnant naissance à un régime d’indemnisation des victimes d’accidents du travail.
« Les accidents survenus par le fait du travail, ou à l’occasion du travail […] donnent, droit au profit de la victime ou de ses représentants, à une indemnité à la charge du chef d’entreprise […] » .
Cette loi du 9 avril 1998 veut établir un compromis social : en contrepartie de la certitude de réparation, les salariés doivent accepter que cette réparation soit forfaitaire et plafonnée, évitant à l’employeur de réparer intégralement le préjudice de la victime. Pour remplir l’obligation de réparation de l’employeur, la loi précise également, que celui-ci peut supporter lui-même les frais ou bien s’assurer auprès d’assureurs privés. Les deux mêmes principes fondent la loi d’octobre 1919 sur les maladies professionnelles. Dans une logique d’assurance, une réparation forfaitaire est fixée pour un certain nombre de pathologies définies bénéficiant de la présomption d’origine. Avant 1945, l’obligation pour les employeurs de s’assurer contre le risque accident du travailmaladie professionnelle (AT-MP), instaurée par la loi du 31 mars 1905 pour les accidents du travail, puis celle du 25 octobre 1919 pour les maladies professionnelles, est laissé à des organisations de droit privé comme les mutuelles. En 1945 est créé par ordonnance un système de sécurité sociale en France. L’ordonnance du 4 octobre 1945 reconnait ainsi un « régime général » (rassemblant l’ensemble des actifs du secteur privé et public, exploitants agricoles, travailleurs indépendants) et maintient également les « régimes spéciaux» préexistants. La loi du 30 octobre 1946 confie l’assurance obligatoire du risque AT-MP à la caisse nationale de la Sécurité Sociale.
Suite à la réorganisation administrative et financière du régime général de la sécurité sociale en 1967, celle-ci est remplacée par 3 caisses nationales autonomes sur le plan financier (santé, vieillesse et famille). 3 caisses nationales sont alors créées :
► La Caisse Nationale d’Assurance Maladie des Travailleurs Salariés (CNAMTS),
► La Caisse Nationale d’Assurance Vieillesse des Travailleurs Salariés (CNAVTS)
► La Caisse Nationale des Assurances Familiales (CNAF).
Les deux risques professionnels (accident du travail et maladie professionnel) sont dès lors gérés par la CNAMTS. La CNAMTS (en particulier la direction des risques professionnels) est chargée de gérer le fond propre au risque AT-MP et de maintenir l’équilibre financier de la branche. Elle définit également la politique de prévention de celle-ci et coordonne l’activité des caisses régionales (CARSAT), des Caisses Primaires d’Assurance Maladie (CPAM), des caisses générales de la sécurité sociale, de l’Institut National de Recherche et de Sécurité (INRS) et d’Eurogip. Enfin, cet organisme collecte, exploite et diffuse les statistiques AT- MP au niveau national. A partir de 1967, plusieurs mesures viennent élargir et consolider ce dispositif : extension de la liste des maladies professionnelles, modification des conditions d’indemnisation du régime générale, réforme des barèmes AT-MP, amélioration de la procédure de reconnaissance etcréation d’un système complémentaire, incitation accrue à la prévention, amélioration et encadrement des procédures de reconnaissance, etc.
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Table des matières
INTRODUCTION
1ERE PARTIE : INTRODUCTION
1. DEFINITION DE LA MALADIE PROFESSIONNELLE EN FRANCE
1.1. La maladie professionnelle indemnisable (MPI)
1.2. La maladie à caractère professionnel (MCP)
2. HISTORIQUE SUR LA LEGISLATION DES MALADIES PROFESSIONNELLES EN FRANCE
2.1. Un historique qui se calque sur celui des accidents du travail
2.2. Naissance et évolution des tableaux de MP
2.3. Création des Comités Régionaux de Reconnaissance des Maladies Professionnelles (CRRMP)
3. LA RECONNAISSANCE DES MALADIES PROFESSIONNELLES EN FRANCE
3.1. Présomption d’origine et système des « tableaux »
3.1.1. Les tableaux de maladie professionnelle
3.1.2. La présomption d’origine
3.1.3. Procédure administrative de reconnaissance et instruction du dossier
3.2. Système complémentaire de réparation des maladies professionnelles : les CRRMP
3.2.1. Reconnaissance au titre de l’alinéa 3
3.2.2. Reconnaissance au titre de l’alinéa 4
3.3. Données chiffrées concernant les maladies professionnelles en France
4. LES COMITES REGIONAUX DE RECONNAISSANCE DES MALADIES PROFESSIONNELLES
4.1. Leurs missions
4.2. Leur organisation
4.2.1. Répartition géographique
4.2.2. Saisie des CRRMP/ Constitution des dossiers
4.2.3. Composition du comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles (CRRMP)
4.2.4. Décision des CRRMP
4.3. Contentieux
4.4. Bilan national des CRRMP
5. RECONNAISSANCE DES MALADIES PROFESSIONNELLES A L’ETRANGER
5.1. Définition des maladies professionnelles à l’étranger
5.2. Liste des maladies professionnelles
5.3. La déclaration en maladies professionnelles
5.4. Reconnaissance et indemnisation en maladie professionnelle
5.5. Données chiffrées concernant les maladies professionnelles à l’étranger
2EME PARTIE : ETUDE DES AVIS RENDUS PAR LES CRRMP
1. CONTEXTE
1.1. Des disparités inter-régionales de reconnaissance en maladies professionnelles
1.1.1. Données chiffrées
1.1.2. Analyse de la littérature
1.2. Origine de ces disparités
2. PRESENTATION DE L’ETUDE
2.1. Objectifs de l’étude
2.1.1. Objectif principal
2.1.2. Objectifs secondaires
2.2. Matériels et méthode
2.2.1. Type d’étude
2.2.2. Matériels
2.2.2.1. Création des vignettes
2.2.2.2. Présentation des 28 vignettes
2.2.3. Méthode
2.2.3.1. Diffusion aux CRRMP
2.2.3.2. Recueil et analyse des données
3. PRESENTATION DES RESULTATS
3.1. Description de la qualité des données
3.2. Description des données retenues dans l’étude
3.2.1. Données concernant l’objectif principal de cette étude
3.2.2. Données concernant les objectifs secondaires
3.2.2.1. Selon le tableau de MPI
3.2.2.2. Selon le motif de saisine du CRRMP
4. DISCUSSION
4.1. Les apports et freins méthodologiques de notre étude
4.2. Les apports « scientifiques » de l’étude
4.3. Les apports « prescriptifs » de l’étude
4.3.1. Dégager des axes prioritaires d’harmonisation
4.3.2. Propositions pour harmoniser les pratiques
4.3.2.1. Nécessité d’une base scientifique
4.3.2.2. Outils pratiques à destination des membres des CRRMP
4.3.2.3. « Animation » à l’échelon local, régional et national
4.3.3. Prolongement de l’étude
4.3.3.1. Nouvelle étude venant préciser davantage l’origine des disparités
4.3.3.2. Renouvellement de l’étude avec méthodologie identique
4.4. Conclusion
BIBLIOGRAPHIE
ANNEXE 1 : FICHE DE SAISIE DE RESULTATS : QUELLE DECISION AURIEZ-VOUS RENDUE EN CRRMP ?
ANNEXE 2 : QUESTIONNAIRE : QUELLE DECISION AURIEZ-VOUS RENDUE EN CRRMP ?
RESUME