La maladie de Parkinson et le LSVT®BIG
Généralités
La maladie de Parkinson est la deuxième cause de handicap neurologique après l’AVC (Tambosco,Percebois-Macadré, Rapin, Nicomette-Bardel & Boyer, 2013). En 2012, en Suisse, 2374 hospitalisations concernent des patients ayant comme diagnostic principal la maladie de Parkinson (Office fédérale de la statistique [OFS], 2014). Cette prise en charge engendre en moyenne une dépense de Fr. 11’380.- par patient hospitalisé (OFS, 2012). Selon l’European Parkinson’s Disease Association (EPDA), cette pathologie touche plus de 1,2 millions de patients en Europe (2011). D’après l’étude de Calabrese et al. (2007), le nombre de patients atteints de la maladie de Parkinson doublerait d’ici 2030 dans les pays d’Europe de l’Ouest et les pays les plus peuplés au monde, comme la Russie et la Chine. Une méta-analyse met en évidence une prévalence augmentant avec l’âge, ainsi qu’une prévalence différente selon la distribution géographique (Pringsheim, Jette, Frolkis, & Steeves, 2014). Son incidence varie entre 8 et 18/100’000 personnes par an selon les auteurs. D’après Defebvre et Vérin (2011), cette maladie touche presque 1% des personnes de plus de soixante ans et presque 3% de ceux de plus de huitante ans. Ils ajoutent, qu’au moment du diagnostic, 20% des patients ont moins de soixante ans.
Physiopathologie
Selon les lignes directrices canadiennes sur la maladie de Parkinson (2012), « la maladie de Parkinson est caractérisée par la dégénérescence des neurones dopaminergiques du mésencéphale, ainsi que d’autres neurones catécholaminergiques, et la présence de corps de Lewy » (p.7). Cette dégénérescence progressive, débute à l’âge adulte et évolue lentement (Bonnet & Hergueta, 2006). Seules certaines populations de neurones sont touchées, en particulier ceux de la substance noire (structure située dans le tronc cérébral), dont les neurones dopaminergiques qui utilisent la dopamine comme neurotransmetteur. D’après Vanderheyden et Bouilliez (2010), la dopamine a deux manières d’agir, elle peut être activatrice, pour la voie neuronale dite directe, et inhibitrice, pour la voie neuronale dite indirecte. Ces deux voies font partie de la boucle cortico-striato-pallido-thalamocorticale qui intervient dans la réalisation de séquences de mouvements automatiques (Vanderheyden & Bouilliez, 2010).Selon Bonnet et Hergueta (2006), la perte en neurones dans la substance noire et dans les autres noyaux du tronc cérébral atteints, est étroitement liée à l’importance des symptômes moteurs.
En effet, ils décrivent que les déficiences motrices sont proportionnelles à la destruction des neurones (plus le nombre de neurones détruits est important, plus les troubles moteurs sont sévères). Ils ajoutent que la perte de neurones dopaminergiques au niveau des noyaux gris centraux peut atteindre trois zones différentes : une partie motrice qui contrôle la motricité, une partie associative qui a un rôle dans la cognition ou l’intellect et une partie limbique qui joue sur les émotions. Ces fonctions peuvent donc être altérées et évoluer de manière différente chez les patients parkinsoniens (Bonnet & Hergueta, 2006). A ce jour, la disparition des neurones dopaminergiques et les mécanismes impliqués ne sont pas encore totalement expliqués. Certaines hypothèses expliquent cependant une partie du phénomène qui est à l’origine de la diminution de ces neurones. D’après Bonnet, Hergueta et Czernecki (2013), le « stress oxydatif » venant d’une production trop importante de substances potentiellement toxiques dans le neurone, appelées radicaux libres, mènerait à la destruction de ces neurones. Ils ajoutent qu’actuellement, deux types de facteurs de prédisposition sont connus, les facteurs génétiques et les facteurs environnementaux, liés aux substances toxiques pour les neurones.
Bonnet et al. (2013), soulignent que les substances toxiques pouvant être en cause dans la maladie de Parkinson, restent encore peu connues. Ils expliquent que des substances présentes dans les herbicides et pesticides ont été découvertes et entraîneraient des signes parkinsoniens. D’après un article paru en 2009, c’est le relais d’une décision volontaire qui se trouve perturbé dans la maladie de Parkinson (Peron-Magnan). La construction d’une action volontaire peut avoir lieu grâce à trois entités anatomiques situées dans la zone préfrontale du cortex. Les ganglions de la base régulent les mouvements, en initiant et en ajustant le tonus, ainsi que la durée des contractions musculaires d’un programme moteur, choisi précédemment par le cortex, ils ont également un rôle d’inhibiteur de l’action au repos. Peron-Magnan (2009) ajoute que les ganglions de la base modulent de manière positive ou négative les informations reçues du cortex, par lesquelles ils sont stimulés. Cette médiation est possible grâce à des échanges chimiques dus aux neurotransmetteurs. L’auteur ajoute que les entrées sont régulées par deux voies, directe et indirecte. Cependant, pour une adaptation supplémentaire, un deuxième système de régulation intervient, la dopamine est libérée dans le striatum par la substance noire compacte située dans le tronc cérébral (Peron-Magnan, 2009). Celle-ci permet la libération de l’information et induit le mouvement. Cette boucle de régulation se trouve affectée dans la maladie de Parkinson et la réalisation de mouvements devient donc de plus en plus difficile (PeronMagnan, 2009)
Symptômes/impact fonctionnel de la maladie et évolution
D’après Defebvre et Vérin (2011), la symptomatologie est composée de différents troubles moteurs : l’akinésie, la rigidité, le tremblement de repos et les troubles posturaux, ainsi que d’autres symptômes moins connus tels que la dépression, ainsi que des troubles de la parole et de la déglutition. Parallèlement, trois grandes catégories de manifestations cliniques non motrices apparaissent, elles peuvent être dysautonomiques, psychocognitives ou sensitivodouloureuses. L’humeur et les aptitudes à organiser ses actions peuvent être atteintes par la maladie, Peron-Magnan (2009) parle donc d’une atteinte des comportements plutôt qu’une atteinte de la motricité uniquement
Impact de la pathologie sur la motricité et la marche
La maladie de Parkinson inscrit un tableau clinique symptomatologique de troubles moteurs et non moteurs, évoluant à travers les différents stades (Bleton, 2014). Comme cité précédemment, les manifestations cliniques motrices de la maladie de Parkinson se déclinent en quatre symptômes cardinaux principaux, les tremblements de repos, la rigidité, les troubles posturaux et l’akinésie ou la bradykinésie (Jankovic, 2007).
La motricité
Le tremblement de repos est un signe initial dans 60 à 70% des cas et certains facteurs comme le stress, l’émotion ou la fatigue augmentent ce dernier (Defebvre & Vérin, 2011). Lorsque le segment du membre se trouve en position de relâchement musculaire complet, le tremblement de repos apparaît par des oscillations rythmiques lentes entre 4 à 6 Hz, régulières, de faible amplitude (Jankovic, 2007). La rigidité est déterminée par une résistance augmentée et une raideur dans les membres selon Hauser, Benbadis, Lyons, McClain et Pahwa (2014, cité dans Nolden, Tartavoulle, & Porche, 2014). Les troubles posturaux se traduisent quant à eux par une perte des réflexes d’équilibration posturale (Jankovic, 2007). Cette perte constitue l’une des principales causes de chute chez les patients atteints de la maladie de Parkinson (Williams, Watt, & Lees, 2006).
Enfin, l’akinésie/la bradykinésie se définit comme la lenteur ou l’absence de mouvement et se traduit par une augmentation du temps lors de l’exécution d’une tâche (Magennis & Corry, 2013). Elle engendre des difficultés de programmation, d’initiation et de réalisation du mouvement, ainsi qu’à l’exécution d’une tâche spontanée et séquencée (Berardelli, Rothwell, Thompson, & Hallett, 2001). Ces difficultés impliquent une limitation en termes d’activités dans la vie quotidienne (Nolden, Tartavoulle, & Porche, 2014).Ces déficiences motrices ont un impact sur la participation des patients atteints, avec une répercussion sur les activités de la vie quotidienne, notamment pour les transferts, la dextérité, la communication, l’alimentation et la marche (Politis et al., 2010). De plus, Tambosco et al. (2014) ont observé que les capacités motrices d’un parkinsonien se trouvent diminuées, comparées à un sujet sain du même âge ; la bradykinésie et la rigidité qui interfèrent avec la réalisation des mouvements en est notamment la cause.
Outil de mesure pour évaluer la motricité
L’échelle UPDRS III, concerne l’examen moteur, permet d’effectuer une hétéroévaluation clinique de la motricité des patients parkinsoniens en termes d’évolution de la maladie, mais permet également de mesurer les effets d’un traitement (Pellissier, Benaim, Boning-Koang, Castelnovo, & Perennou, 2005). Elle évalue la fonction motrice axiale et segmentaire de manière analytique, spécifiquement à cette population (Defebvre & Vérin, 2011). Cette échelle évalue plusieurs points d’attention en 14 items : la parole, l’expression faciale, les tremblements de repos, les tremblements d’action ou tremblement postural des mains, la rigidité, le tapotement des doigts, les mouvements des mains, les mouvements alternatifs rapides, l’agilité des jambes, le lever d’une chaise, la posture, la stabilité posturale, la démarche, ainsi que la bradykinésie corporelle et hypokinésie. L’examen clinique, parcourt les items en les cotant de zéro à quatre point(s), zéro étant la norme et quatre la perturbation maximale (Defebvre & Vérin, 2011).
La marche
Deux types de troubles de la marche sont décrits dans la Guideline Européenne de Physiothérapie (2014), les troubles continus et les troubles épisodiques. Les limitations de la marche de type continu se caractérisent par des retournements en bloc, par une diminution de la longueur du pas, du balancement des bras et de la vitesse de marche (Keus et al., 2014). La diminution de la vitesse de marche et la limitation dans les activités de la vie quotidienne sont corrélées chez les patients atteints de la maladie de Parkinson (Keus et al., 2014). La festination et le freezing sont des troubles épisodiques, ils provoquent une hésitation lors du passage du pas et augmentent les risques de chutes (Hauser et al., 2014).
Outils de mesure pour évaluer la marche
Pour évaluer la marche chez les patients parkinsoniens, la Guideline Européenne en Physiothérapie pour les patients Parkinsoniens (2014), recommande notamment le 6min de marche (6MWD), les 10m de marche (10MW) et le Timed Up and Go test (TUG). Ce dernier est également utilisé pour évaluer la mobilité fonctionnelle et l’équilibre (Tomlinson et al., 2013). Différents outils de mesure permettent d’analyser la marche en quantifiant notamment la cadence, la longueur de foulée et la vitesse
Le programme LSVT®BIG
Le concept LSVT®BIG résulte directement de la méthode LSVT®LOUD, Lee Silverman-VoiceTreatment, développée en premier lieu en orthophonie, un protocole de traitement qui concerne principalement le système respiratoire et le larynx. Il est développé depuis 1987 par Ramig et al. (2001) et a démontré ses effets sur la fonction vocale, avec un suivi sur deux ans. Leurs résultats présentent une différence significative pour le groupe ayant suivi le protocole LSVT®LOUD, en termes de volume et de fréquence vocale (Fox, Farley, Ramig, & McFarland, 2012). Le but de leur protocole est d’optimiser l’action phonatoire en améliorant l’adduction des cordes vocales et globalement l’activation et le contrôle des muscles laryngés. Le LSVT®LOUD est un protocole de traitement de la parole basé sur l’augmentation de l’amplitude de mouvements dirigés et la répétition de ces derniers. Ces principes de rééducation de la fonction vocale ont été adaptés à la motricité et sont proposés dès les premiers stades de la maladie, afin de retarder la progression des symptômes moteurs (Bleton, 2014).
La méthode LSVT®BIG fait partie de ces programmes protocolés (annexe I : Protocole d’intervention LSVT®BIG), spécifiques à la prise en charge des patients parkinsoniens, décrite par ses auteurs dans un article paru en 2008, afin de respecter la standardisation du protocole d’intervention (Farley et al., 2008). Elle se base sur une méthode courte et intensive comprenant des exercices lents et de grandes amplitudes (Fox et al., 2011). Les séances, individuelles, sont dirigées par un rééducateur formé au protocole et contiennent des mouvements de grandes amplitudes globaux, en position assise à un rythme soutenu, des exercices multidirectionnels debout comme des fentes, ainsi que des exercices ciblés en fonction des besoins fonctionnels (Bleton, 2014).
L’objectif principal de cette méthode est basé sur l’augmentation d’amplitudes des mouvements pour améliorer la bradykinésie et l’hypokinésie (Bleton, 2014). Une attention particulière est portée sur la perception du patient durant l’exécution des mouvements, afin de rétablir une amplitude adaptée (Fox et al., 2012).Le traitement se décline en deux sections d’environ 30min, incluant une première partie protocolée et une deuxième individualisée selon les besoins de chaque patient. La première consiste en des exercices utilisant des mouvements globaux, multidirectionnels, standardisés et répétés, avec une amplitude maximale, ainsi que des étirements.
La seconde partie se concentre sur des objectifs basés sur les activités de la vie quotidienne en fonction des besoins et préférences individuels, en utilisant des mouvements de grandes amplitudes. Les sessions sont individuelles avec un retour et des encouragements du thérapeute. Les patients sont incités à travailler à 80% de leur capacité maximale et à reproduire l’ensemble des exercices et stratégies enseignées, dans les activités de la vie quotidienne en effectuant des mouvements de grandes amplitudes. L’intensité est standardisée ; le dosage correspond à quatre jours consécutifs par semaine, durant quatre semaines, donc 16 sessions d’entraînement en un mois, le nombre de répétitions minimum est de huit à seize par tâche (Farley et al., 2008).
PICO
Population La participation au protocole nécessite une bonne habileté à faire des exercices et une médication stable (Ebersbach et al., 2010). Le handicap est directement lié au stade d’évolution de la maladie, plutôt qu’à l’âge (Defebvre & Vérin, 2011). La méthode nécessite une bonne adhérence, ainsi qu’une bonne compréhension, la population doit donc être apte cognitivement à participer à l’intervention, un score supérieur à 24 points sur l’échelle Mini Mental Scale Exam (MMSE) doit être obtenu (Tombaugh & McIntryre, 1992). La population concerne donc les patients atteints de la maladie de Parkinson des stades I à III, tout âge confondu. Les hommes et les femmes sont inclus dans la revue, étant donné qu’aucune différence significative de la prévalence concernant le genre atteint par la maladie de Parkinson n’a pu être établie (Pringsheim et al., 2014). Les patients en traitement ambulatoire sont inclus, sachant que le protocole LSVT®BIG recommande de pratiquer les techniques enseignées, à domicile durant les activités de la vie quotidienne (Farley et al., 2008).
Intervention Le LSVT®BIG, un programme de rééducation intensif conçu pour les patients atteints de la maladie de Parkinson basé sur des exercices de grandes amplitudes, sera au centre de l’intervention. Elle doit correspondre au protocole LSVT®BIG (annexe II : Protocole d’intervention LSVT®BIG), au sens strict de sa définition (Farley et al., 2008).
Comparaison Des études prospectives comparant l’efficacité du programme LSVT®BIG avec une autre intervention, ainsi que celles mesurant les effets de celui-ci ont été incluses. L’objectif de ce travail étant de mesurer les effets de l’intervention, les études ne nécessitent pas obligatoirement un groupe de comparaison.
Critères de jugement Comme exposé dans la problématique, les critères de jugement retenus pour cette revue de la littérature sont, la motricité, la marche, ainsi que la mobilité fonctionnelle et l’équilibre.
La déficience motrice chez les patients parkinsoniens est évaluée par la section III de l’Unified Parkinson’s Disease Rating Scale (UPDRS) (Tomlinson et al., 2013). L’étude de la marche peut se décliner en différents paramètres. Le test des 6min de marche permet d’évaluer la distance parcourue par le patient en 6 minutes (Tomlinson et al., 2013). La vitesse de marche est mesurée en mètres/seconde (Trew & Everett, 2005). Ce paramètre de marche peut être évalué par les tests de 5m, 10m ou 20m de marche (Kersten, 2005). Le test des 10m de marche évalue le temps nécessaire pour parcourir 10m, la vitesse moyenne peut donc être calculée en divisant la distance par le temps, enfin, les moyens auxiliaires sont autorisés (Peters, Fritz et Krotish, 2013).
La cadence (pas/min) se mesure en nombre de pas par minute (Trew & Everett, 2005). La longueur de pas ou de foulée (cm) correspond dans ce travail à la longueur mesurée entre deux placements successifs du même pied au sol durant la marche (Whittle, 1996/2001). La mobilité fonctionnelle et l’équilibre peuvent notamment être mesurés par le Timed Up & Go test (s) (Tomlinson et al., 2013). Une bonne corrélation entre le TUG, le Berg Balance Scale et le Tinetti Balance Scale est décrite (Morris, Morris, & Lansek, 2001). Le TUG est un test simplifié rapide qui permet de mesurer la mobilité fonctionnelle (Podsiadlo et Richardson, 1991). Il mesure le temps dont le patient a besoin pour se lever d’une chaise avec accoudoirs, marcher trois mètres, se retourner et revenir s’asseoir sur celle-ci (Keus et al., 2014).
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Table des matières
1. Introduction
1.1. La maladie de Parkinson et le LSVT®BIG
1.2 Problématique et objectif
2. Méthodologie
2.1 Types d’études
2.1.1 PICO
2.2 Stratégie de recherche
2.2.1 Mots-clés et équation de recherche
2.3 Sélection des articles
2.3.1 Evaluation de la qualité des articles
2.3.2 Extractions des données
3. Résultats
3.1 Qualité des études
3.2 Effets de l’intervention
4. Discussion
4.1 Qualité des études
4.2 Biais de la revue
4.3 Réussite clinique
4.4 Intérêt du programme, relatif aux interventions recommandées
4.5 Implication pour la pratique
4.6 Recherches futures
5 Conclusion
Liste bibliographique
Annexes
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