La maladie de Crohn est une maladie inflammatoire touchant essentiellement le tube digestif, se caractérisant par des lésions chroniques et récidivantes de la paroi intestinale pouvant être associés à des manifestations extra-digestives et ano-périnéales. C’est une maladie chronique évoluant par poussées, alternant avec des phases de rémission. Elle touche environ un habitant sur 1000 en France avec 5 à 10 nouveaux cas diagnostiqués par an pour 100 000 habitants. C’est une maladie qui n’a encore, à ce jour, pas de cause unique identifiée mais qui semble vraisemblablement multifactorielle, impliquant des facteurs génétiques, autoimmuns et environnementaux. Tout d’abord, une présentation de la maladie sera faite, son épidémiologie, les différents facteurs étiologiques évoqués, ses manifestations cliniques ainsi que ses complications et les moyens diagnostiques mis en œuvre. Puis, nous aborderons la prise en charge thérapeutique en détaillant les différents traitements médicamenteux actuels, et nous évoquerons les principes généraux du traitement chirurgical et les principales interventions pratiquées. Ensuite, nous ferons le point sur les différentes anomalies nutritionnelles de la maladie ainsi que sur la prise en charges de celles-ci et sur la place de l’immunonutrition dans la maladie de Crohn.
La Maladie de Crohn
Définition
C’est en 1932 que Burril B. Crohn (1884-1983), médecin américain, a donné son nom à la maladie de Crohn (MC) en décrivant plusieurs cas d’une affection localisée à la moitié de l’intestin grêle qu’il nomma « iléite terminale » à cette époque-là (1). La MC est une maladie inflammatoire qui peut toucher n’importe quel segment du tube digestif, de la bouche à l’anus, mais plus particulièrement le grêle terminal (ou iléon) et le colon (figure 1) et est souvent accompagnée de manifestations extra-digestives.
On va distinguer deux types de lésions intestinales, les lésions macroscopiques et microscopiques. Les lésions macroscopiques, seront toujours identiques, quel que soit le niveau du tractus gastro-intestinal qui sera atteint. On observera une combinaison de lésions élémentaires telles que l’érythème, des ulcérations de tailles variables et formes variables, aphtoïdes dans les formes débutantes puis serpigineuses ou dites en carte de géographie, et dans les formes plus sévères, on aura des ulcérations plus profondes, parfois transmurales (touchant toutes les tuniques formant la paroi digestive), pouvant être à l’origine de fissures, de fistules et/ou d’abcès. On pourra aussi observer des sténoses, plus ou moins ulcérée, dues à l’épaississement de la paroi intestinale ou encore la présence de pseudo-polypes résultant du processus cicatriciel .
Pour les lésions microscopiques, on retrouvera des ulcérations, pouvant être prolongées par des fissures ou des fistules, reposant sur un tissu inflammatoire puis scléreux. La muqueuse inflammatoire peut toucher une ou toutes les couches de la paroi et est formée par des infiltrats cellulaires hétérogènes : amas lymphoïdes, macrophages, plasmocytes, polynucléaires, d’un amas de cellules épithélioïdes, avec ou sans cellules géantes sans nécrose et d’une couronne lymphocytaire. Cette anomalie histologique est retrouvé dans 30 à 50% des cas, elle est évocatrice de la maladie mais pas spécifique. En effet, il est possible de le rencontrer dans d’autres pathologies telles que la tuberculose intestinale ou la sarcoïdose par exemple. (3,4) La MC n’a encore actuellement pas de cause unique identifiée et semble multifactorielle (susceptibilité génétique, flore intestinale particulière, dysfonctionnement du système immunitaire) (6). Elle touche habituellement des sujets jeunes, le pic diagnostic se situant autour de 30 ans. Avec la rectocolite hémorragique, la MC fait partie d’une classe de pathologies appelées « Maladie Inflammatoires Chroniques de l’Intestin ». Au cours de cette thèse nous nous intéresserons uniquement à la MC.
Epidémiologie
La MC est une maladie de l’adulte jeune, elle est le plus souvent diagnostiquée entre 20 et 30 ans, avec une légère prédominance féminine. Cependant la maladie peut survenir à n’importe quel âge, de l’enfance jusqu’à plus de 70 ans (7). Les MICI sont des pathologies qui touchent essentiellement les pays du nord ou industrialisés. L’Amérique du Nord et l’Europe du Nord sont les régions présentant la plus forte incidence ainsi que la plus forte prévalence annuelle. Dans les pays en voie de développement, la prévalence des MICI reste beaucoup plus faible, mais leur incidence augmente fortement .
En France, la MC touche environ une personne sur 1000, on peut donc estimer à 60000 le nombre de patients concernés par cette maladie et l’incidence est de l’ordre de 6 pour 100 000 habitants/an (7). Un gradient Nord-Sud existe avec une incidence plus élevée dans le tiers nord de la France mais qui tend à disparaitre (10). La prévalence de la MC paraît être plus élevée dans les régions urbaines que dans les régions rurales et dans les classes socio-économiques plus privilégiées. Un grand nombre d’études tendent à montrer que, lorsque l’incidence commence à augmenter c’est la classe sociale la plus élevée qui est concernée mais qu’avec le temps la maladie a tendance à s’étendre à tout le monde. En cas de migration dans un pays développé avant l’adolescence, les individus venant de zones à faible incidence auront une incidence plus importante de MICI. Ceci est particulièrement vrai pour la première génération née dans une zone à haute incidence .
Symptomatologie de la maladie de Crohn
La MC est une maladie chronique intermittente. Les symptômes peuvent varier de légers à sévères pendant les phases de rechute et peuvent disparaître ou diminuer pendant les phases de rémission. L’expression clinique de la MC dépend de sa localisation.Les atteintes les plus fréquentes sont celles de l’iléon terminal et du côlon. De multiples manifestations extradigestives sont généralement associées aux signes digestifs. Aucune manifestation, intestinale ou extra-intestinale, n’est spécifique de la MC, ce qui rend parfois difficile son diagnostic.
Les manifestations digestives
➤ Les douleurs abdominales
C’est l’un des premiers symptômes avec la diarrhée. Elles sont très fréquentes,au cours des poussées évolutives, d’intensité variable, souvent à type de crampes. Souvent, celles-ci s’accentuent après les repas et sont généralement soulagées après la défécation. Elles siègent le plus souvent à droite, dans la fosse iliaque, pouvant simuler une appendicite aigue appellé syndrome pseudo-appendiculaire. (1,7,11-13)
➤ La diarrhée
Elles est habituellement modérée (3 à 4 selles par jour). Les selles sont liquides, et peuvent être glaireuses avec du pus et du sang parfois. L’existence d’évacuations glaireuses ou sanglantes traduit le plus souvent la présence de lésions du rectum. L’horaire est le fait le plus caractéristique de cette diarrhée : elle se déclenche 4 à 5 heures après le repas, le plus souvent après une période de douleurs calmées par l’exonération. Mais la diarrhée peut manquer totalement ou même être remplacée par une constipation. (1,7,11-13)
➤ Les atteintes de l’anus et de la région péri-anales
Elles surviennent chez 1 malade sur 3 environ et sont assez particulière à la MC. Elles peuvent s’accompagner d’une gêne au passage des selles, souvent liées à la présence de fissures (plaies causant des douleurs de l’anus), ou de douleurs continues, pouvant correspondre dans certains cas à la constitution d’un abcès. On peut retrouver également la présence de suintement ou d’écoulement, traduisant souvent la présence d’une fistule.
➤ L’altération de l’état général
L’atteinte de l’état général est toujours notable dans la MC : le malade maigrit ( dans 60% des cas), d’autant plus que, par crainte de souffrir, il restreint son alimentation ce qui peut l’entrainer vers l’anorexie. La fièvre est fréquente, souvent méconnue car peu élevée, ne dépassant pas les 38°C mais pourra être plus élevée dans les formes graves et en cas de complications. On observe aussi fréquemment une asthénie pouvant être plutôt banale à l’effort mais aussi au repos. Chez l’enfant, un retard de croissance staturo-pondéral est un symptôme évocateur.
Les complications digestives
➤ Abcès et fistule
Ce sont les plus fréquentes des complications. Elles sont la conséquence de l’évolution en profondeur de l’ulcérations intestinales qui va ensuite s’étendre à toute l’épaisseur de la paroi de l’intestin. La fistule se caractérise par la formation anormale d’une connexion ou d’un tunnel entre deux organes suite à la constitution d’un abcès qui va finir par s’ouvrir dans les organes voisins. En effet, si l’abcès n’est pas traité rapidement, il va chercher à s’évacuer soit par la peau réalisant une fistule externe ou cutanée soit par les organes dit creux tels que le tube digestif, la vessie ou le vagin constituant ainsi une fistule interne. (7,14-17)
➤ Sténose et occlusion intestinale
L’occlusion intestinale correspond à un arrêt du transit causé par un rétrécissement d’une partie du tube digestif appelé sténose et souvent de nature inflammatoire. On va retrouver la sténose inflammatoire avec présence d’œdème et la sténose cicatricielle avec présence d’une fibrose chronique (où la cicatrice est un nouveau tissu fibreux qui remplace définitivement les tissus nécrosés pendant l’inflammation pouvant entrainer jusqu’à une obsturation totale du tube digestif). Un traitement médical anti-inflammatoire permet d’éliminer la sténose si elle résulte d’une inflammation mais en cas d’une sténose cicatricielle une intervention chirurgicale est souvent nécessaire. (7,14-17)
➤ Cancer intestinal
La MC accroit le risque de cancer colorectal et de l’intestin grêle. Elle a tendance à causer le cancer à un plus jeune âge que dans la population générale (entre 45 et 55ans).
Ce rique va dépendre de deux facteurs :
– la durée d’évolution de la MC , le risque commence à augmenter après 10 ans
– l’étendue et de l’effet de la maladie, le cancer a tendance à se développer dans des régions où la maladie a provoqué une certaine rigidité et une perte de la fonction intestinale.
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Table des matières
Introduction
Chapitre 1 : La Maladie de Crohn
I. Définition
II. Epidémiologie
III. Symptomatologie de la maladie de Crohn
A. Les manifestations digestives
B. Les complications digestives
C. Les manifestations extra-digestives
IV. Diagnostic de la maladie de Crohn
V. Etiologie
A. Rôle du système immunitaire
B. Rôle de la génétique
C. Rôle de la flore intestinale
D. Les facteurs environnementaux
Chapitre 2 : Prise en charge thérapeutique de la Maladie de Crohn
I. Objectifs de la prise en charge
II. Détails des traitements médicamenteux
A. Les dérivés salicylés
B. Les corticoïdes
C. Les immunosuppresseurs
D. Les biothérapies
III. Traitement chirurgical
A. Principe de la chirurgie
B. Diverses interventions pratiquées
Chapitre 3 : Prise en charge nutritionnelle et diététique de la Maladie de Crohn
I. Anomalies nutritionnelles
II. Prise en charge des anomalies d’origine nutritionnelle
A. Malnutrition protéino-énergétique
B. Déficits vitaminiques
C. Problèmes osseux
III. Prise en charge de la dénutrition
A. Diagnostic de la dénutrition protéino-énergétique
B. Suppléments Nutritionnels Oraux
C. Nutrition entérale
D. Nutrition parentérale
IV. Immunonutrition
A. Acide gras de la série n-3
B. TGF β2
C. Le butyrate
D. La glutamine
E. Le resveratrol
F. La curcumine
G. La vitamine D
H. La bromélaïne
I. Les probiotiques et prébiotiques
Chapitre 4 : Conseils à l’officine, rôle primordial du pharmacien
I. Nutrition et maladie de Crohn : Conseils diététiques sur l’alimentation usuelles
A. Pendant les périodes de rémissions
B. Pendant les périodes de poussées
C. Pendant les corticothérapies
D. Régime après une chirurgie
II. Traitements intercurrents et intéractions médicamenteuses
III. Aide au sevrage tabagique
IV. Accompagnements des patients face aux questions du quotidien
Chapitre 5 : Les traitements de maladie de Crohn : de nouvelles pistes
I. La transplantation fécale
II. La neurostimulation du nerf vagal
Conclusion
Bibliographie