Dรฉcrites pour la premiรจre fois en 1907 par le Docteur Alois Alzheimer [1], les pertes de mรฉmoires, les dรฉmences, ainsi que la perte d’autonomie sont dรจs lors considรฉrรฉes comme la consรฉquence d’une pathologie de dรฉgรฉnรฉrescence neurofibrillaire et non plus comme une fatalitรฉ du vieillissement normal de l’organisme humain. Le Docteur Alzheimer base ses observations aprรจs lโanalyse de coupes histologiques mettant en avant la prรฉsence de plaques sรฉniles ร la surface des neurones et dโamas de plaques dans les neurones. Cette neuropathologieย se caractรฉrise alors par des modifications structurelles du cerveau observables ร lโลil nu ou au microscope aprรจs lโanalyse de coupes histologiques postmortem.
Bien que lโorigine de la maladie reste difficilement รฉtablie, certains critรจres ont รฉtรฉ identifiรฉs comme รฉtant des facteurs ร risque au dรฉclenchement de la maladie dโAlzheimer. Le principal facteur ร risque est lโรขge. Les personnes de 65 ans ont de nos jours 1 chance sur 20 de dรฉvelopper la maladie, au-delร de 85 ans la probabilitรฉ de dรฉvelopper la pathologie passe ร 1 sur 4 [2]. Lโรฉtat cardiovasculaire du patient est รฉgalement un point important [3]. Ainsi, lโhypertension artรฉrielle [4], lโhypercholestรฉrolรฉmie et lโobรฉsitรฉ sont des facteurs aggravant. Le diabรจte de type 2 est aussi un facteur de risque majeur de la maladie dโAlzheimer [5]. Un patient atteint de la maladie dโAlzheimer a en effet des difficultรฉs dโassimilation du glucose, et prรฉsente souvent les symptรดmes dโune personne diabรฉtique. Enfin, les antรฉcรฉdents familiaux, les gรจnes spรฉcifiques des รฉlรฉments biologiques pathogรจnes de la maladie dโAlzheimer [6] et lโรฉtat socio-professionnel (niveau dโรฉtude et niveau social) sont des facteurs de risque.
Compte tenu du manque de traitement efficace et de l’allongement de la durรฉe de vie des personnes, cette maladie attire aujourd’hui toutes les attentions. Outre l’enjeu รฉconomique, l’impact sociรฉtal liรฉ ร la comprรฉhension scientifique et mรฉdicale et de diagnostic prรฉcoce de cette maladie est majeur. Si l’on se rรฉfรจre ร une รฉtude menรฉe en 2011, le nombre de personnes atteintes par la maladie dโAlzheimer en France sโรฉlevait ร 900 000, avec 225 000 nouveaux malades diagnostiquรฉs par an, soit environ un nouveau cas toutes les trois minutes. En France, la maladie dโAlzheimer reprรฉsente moins de 2 % des personnes de moins de 65 ans, entre 2 et 4 % des personnes de plus de 65 ans, et le pourcentage de personnes touchรฉes passe ร 15% ร partir de 80 ans. Une lรฉgรจre disparitรฉ est cependant observรฉe entre les hommes et les femmes, avec respectivement 40 et 60 % de malades dรฉclarรฉs, les femmes ayant une espรฉrance de vie supรฉrieure de 10 ans par rapport ร celle des hommes [7]. Avec un taux de survie moyen de 8,5 ans ร partir de lโannonce du diagnostic cette maladie est devenue la quatriรจme cause de mortalitรฉ en France derriรจre les tumeurs, les maladies cardiovasculaires et les accidents [8], et prรจs de 25 millions de personnes touchรฉes dans le monde. De plus ces chiffres devraient quadrupler dโici ร 2020, du fait de lโamรฉlioration des conditions de vie et des techniques de soin, permettant ร la population de vivre plus longtemps.
Cependant, grรขce aux progrรจs des outils de diagnostic, il est possible de dรฉtecter de faรงon plus prรฉcise et de maniรจre plus prรฉcoce la pathologie. Les rรฉcentes avancรฉes dans le domaine du diagnostic ont permis par exemple de mettre en รฉvidence et de caractรฉriser les lรฉsions ร lโorigine de la maladie dโAlzheimer ร diffรฉrentes รฉchelles dโobservations.
Actuellement, le diagnostic ยซ prรฉclinique ยป, cโest-ร -dire sans symptรดme, nโest possible que pour les formes gรฉnรฉtiques hรฉrรฉditaires (1 % des cas). Afin de diagnostiquer la maladie dโAlzheimer, des critรจres de normes comportementales existent pour lโรฉvaluation de lโรฉtat du patient et sont prรฉsentรฉs en Annexe A. Mais aucun outil permettant de donner des indicateurs quantitatifs nโexiste aujourdโhui. Les maladies conformationnelles dont la maladie dโAlzheimer sont รฉtroitement liรฉes au phรฉnomรจne de la polymรฉrisation de protรฉines. La comprรฉhension de ces agrรฉgations de protรฉines et la possibilitรฉ dโรฉvaluer les stades de polymรฉrisation ouvrirait des perspectives en termes de prรฉdiction, de diagnostic et de thรฉrapie. Ces travaux sโinscrivent dans cet objectif et focalisent lโรฉtude sur la polymรฉrisation de deux protรฉines liรฉes ร la maladie dโAlzheimer, la protรฉine tau et le peptide Aร.
Mรฉcanisme initial des maladies conformationnellesย
La conformation spatiale des protรฉines dรฉpend des sites de liaison disponibles et de leur positionnement spatial. Ceux-ci peuvent changer sans que leur composition biochimique varie. On sait aujourd’hui que ce phรฉnomรจne de modification des protรฉines en particulier par des lipides est une voie importante du contrรดle de l’activitรฉ cellulaire. Ce changement s’opรจre alors par un phรฉnomรจne de transconformation post-traductionnelle (modification des rapports de voisinage des acides aminรฉs dโune protรฉine, par fixation ou dรฉpart dโun ion ou dโun substrat). L’activitรฉ biologique de ces protรฉines modifiรฉes dรฉpend alors des espรจces rรฉactives et mรฉtaux fixรฉs et des sites de fixation. Bien que l’ensemble des mรฉcanismes ne soient pas totalement connus, il apparaรฎt de maniรจre schรฉmatique qu’une grande concentration de ces protรฉines conduit, dans un premiers temps, ร la formation dโoligomรจres par agrรฉgation de ces peptides. L’agrรฉgation en chaine de ces oligomรจres peut รชtre ร lโorigine de la propagation de la nouvelle conformation dโune molรฉcule modifiรฉe ร sa voisine impliquant des plaques caractรฉristiques prรฉsentes dans le cerveau de patients malades [13].
Par exemple les peptides Aร ont tendance ร s’agrรฉger sous forme de fibrilles pour ensuite former les plaques amyloรฏdes avec l’aide dโautres รฉlรฉments environnants (mรฉtaux, autres protรฉines, …) [14], [15]. Les propriรฉtรฉs d’hydrophobie dues ร leur taille rรฉduite prรฉcipitent le phรฉnomรจne de polymรฉrisation qui dรฉpend รฉgalement de la tempรฉrature, du pH et de la prรฉsence d’ions, ainsi que de la concentration en peptides. L’organisation structurelle des oligomรจres crรฉรฉs est d’ailleurs assez ordonnรฉe et dรฉpend de la proportion en structure secondaire de feuillets ร. Ces structures en feuillet interagissent par la suite pour s’associer en fibrilles torsadรฉes ou elliptiques suivant les intermรฉdiaires en jeu [16]. Ce type de structuration a รฉtรฉ d’ailleurs visualisรฉ en 3D par micro-imagerie cryo-รฉlectronique et reconstituรฉ numรฉriquement ร partir de mesures RMN [17]. La Figure I-4 ci-aprรจs montre la structure 3D reconstituรฉe d’une fibrille.
Matiรจre molle et techniques de caractรฉrisation associรฉes
Du fait de la structure des protรฉines dans leur milieu biologique, les milieux protรฉinรฉs font partie des systรจmes de la matiรจre molle. La physique de la matiรจre molle est un intermรฉdiaire entre la physique des liquides et la physique des solides. Multiphasiques, leurs comportements peuvent rรฉpondre au cours de leur polymรฉrisation aux lois de la physique des liquides mais รฉgalement ร la physique des solides [19]. Ce qui caractรฉrise la matiรจre molle, appelรฉe aussi matรฉriau complexe ou fluide complexe, est la capacitรฉ de cette derniรจre ร se dรฉformer sous un faible cisaillement puis ร revenir ร son รฉtat d’รฉquilibre (caractรจre รฉlastique de la matiรจre). Lโorganisation structurale des fluides complexes dรฉpend des รฉnergies dโinteraction entre les objets รฉlรฉmentaires. Ces รฉnergies dโinteraction (interactions de Van der Waals, liaisons H, etc.) sont รฉtroitement liรฉes ร lโรฉnergie thermique ร tempรฉrature ambiante [20]. Les effets enthalpiques, dรฉfinissant la quantitรฉ de chaleur pour effectuer une transformation dโun systรจme ร pression constante tout au long dโun travail mรฉcanique, sont proches des effets entropiques, qui dรฉfinissent le degrรฉ de dรฉsordre molรฉculaire. De ce fait, ces systรจmes complexes observent des modifications de structure sous lโeffet de faibles variations environnementales (tempรฉrature, pression, concentration, pH, etc.) ou sous lโeffet de faibles sollicitations extรฉrieures (contraintes mรฉcaniques, champ รฉlectrique, champ magnรฉtique, etc.). Elle peut se trouver sous forme de suspensions colloรฏdales (incluant des cristaux liquides ou encore de fibres biologiques), de polymรจres incluant des brins dโADN ou les fibres protรฉiques et des biofilms [21].
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Table des matiรจres
INTRODUCTION
CHAPITRE I : LA MALADIE D’ALZHEIMER : VERS UNE DETECTION PRECOCE
I.1 INTRODUCTION
I.2 MECANISME INITIAL DES MALADIES CONFORMATIONNELLES
I.3 MATIERE MOLLE ET TECHNIQUES DE CARACTERISATION ASSOCIEES
I.4 SYSTEMES INSTRUMENTAUX ASSOCIES A LA DETECTION DE LA MALADIE DโALZHEIMER ET AU SUIVI DE POLYMERISATION DE PROTEINES
I.4.1 Dรฉtection de la maladie dโAlzheimer
I.4.2 Suivi de polymรฉrisation
I.5 RHEOLOGIE ET GRANDEURS PHYSIQUES
I.6 ECHELLE DโINVESTIGATION ET MICRO-RHEOLOGIE
I.7 CONCLUSION
I.8 REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
CHAPITRE II : CONCEPTION ET FABRICATION DE TRANSDUCTEURS TSM
II.1 CONCEPTION DU CAPTEUR TSM A UNE ELECTRODE
II.1.1 Caractรฉrisation de la composition chimique
II.1.2 Caractรฉrisation รฉlectrochimique
II.1.3 Caractรฉrisation morphologique
II.1.4 Caractรฉrisation physico-chimique : รฉnergies dโactivation
II.1.5 Caractรฉrisation de la propagation de lโonde acoustique
II.2 OPTIMISATION DU DESIGN POUR UN CAPTEUR A UNE ELECTRODE
II.2.1 Intรฉrรชt et paramรจtres optimisรฉs
II.2.2 Rรฉsultats de lโoptimisation
II.2.3 Caractรฉrisation du capteur optimisรฉ
II.3 DEVELOPPEMENT DโUN CAPTEUR MULTI-ELECTRODES
II.3.1 Etat de lโart et design dโun capteur TSM multi-รฉlectrodes
II.3.2 Dรฉveloppement dโun capteur multi-รฉlectrodes
II.4 CONCLUSION
II.5 REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
CHAPITRE III : SUIVI DE POLYMERISATION DE PROTEINES AVEC UN CAPTEUR UNE ELECTRODE
III.1 SUIVI DE LA POLYMERISATION DE LA PROTEINE TAU
III.1.1 Le peptide VQIVYK
III.1.2 Suivi des paramรจtres viscoรฉlastiques du peptide VQIVYK ร 22ยฐC
III.1.3 Effet de la tempรฉrature sur la cinรฉtique de polymรฉrisation
III.1.4 Effet de la salinitรฉ du tampon sur la polymรฉrisation
III.2 SUIVI DE POLYMERISATION DU PEPTIDE Aร
III.2.1 Mรฉcanismes dโagrรฉgation du peptide Aฮฒ
III.2.2 Suivi rhรฉologique de la polymรฉrisation du peptide Aฮฒ
III.3 DETECTION EN MILIEU COMPLEXE
III.3.1 Milieux physiologiques pour les biomarqueurs
III.3.2 Sensibilitรฉ du capteur aux caractรฉristiques du milieu
III.4 DETECTION AVEC LE TRANSDUCTEUR A TROIS ELECTRODES
III.5 CONCLUSION
III.6 REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
CONCLUSION GENERALE