La maîtrise des situations dynamiques : des contraintes et des capacités

La maîtrise des situations dynamiques : des contraintes et des capacités 

Les activités de supervision peuvent porter sur des processus à risques, comme le contrôle de la production d’une centrale nucléaire, le contrôle du trafic aérien, le pilotage d’un avion ou d’une voiture, etc. Dans ces activités, il est crucial de limiter le risque d’incident ou d’accident et de s’assurer que l’opérateur maîtrise la situation : ce dernier doit ainsi maîtriser les processus dynamiques du système qu’il supervise, ainsi que les perturbations internes et externes que le système subit (panne technique, météo dégradée, etc.).

La maîtrise de la situation, une question de fiabilité humaine

Selon Hoc et al. (2004), un sujet maîtrise une situation : « lorsqu’il la maintient dans un domaine où il peut satisfaire des exigences acceptables en y consacrant des ressources internes (connaissances et énergie) en quantité supportable ». Ces auteurs nous renvoient à la question de la fiabilité humaine, définie comme « comme l’expression de la qualité du couplage entre l’homme et sa tâche » (Leplat, 1985).

Selon Hoc et al. (2004), un sujet maîtrise une situation : « lorsqu’il la maintient dans un domaine où il peut satisfaire des exigences acceptables en y consacrant des ressources internes (connaissances et énergie) en quantité supportable ». Ces auteurs nous renvoient à la question de la fiabilité humaine, définie comme « comme l’expression de la qualité du couplage entre l’homme et sa tâche » (Leplat, 1985).

L’équilibre du couple homme/tâche 

Selon Leplat (1985), on peut parler de dégradation de la fiabilité humaine si et seulement si on étudie de manière croisée les caractéristiques de l’opérateur et les exigences de la tâche qu’il effectue. Ainsi, une défaillance s’explique par une mauvaise adéquation entre les exigences de la tâche et l’état et les capacités de l’opérateur : les ressources réellement investies par l’opérateur ne seront pas suffisantes au regard de ce qui est requis par la tâche, car les objectifs sont trop élevés, l’opérateur pas assez formé ou pas assez vigilant, les contraintes de l’environnement trop fortes, etc. Selon cet auteur, la fiabilité humaine peut être évaluée à partir des erreurs, ainsi que des conditions de fiabilité internes et externes à l’opérateur.

L’erreur humaine
Reason (1990) propose une définition de l’erreur humaine inspirée de la psychologie cognitive : « le terme d’erreur sera pris en un sens générique, qui couvre tous les cas où une séquence planifiée d’activités mentales ou physiques ne parvient pas à ses fins désirées, et quand ces échecs ne peuvent être attribués à l’intervention du hasard ». Cela traduit donc l’incapacité de l’opérateur à atteindre un objectif donné selon une procédure prévue. Les erreurs peuvent être classées en plusieurs catégories qui permettent de les caractériser par des traits généraux. On distingue ainsi trois axes de classification des erreurs :

♦ Un premier axe s’intéresse aux mécanismes de production d’erreurs (Reason, 1990), selon le comportement involontaire ou délibéré de l’opérateur. On distingue ainsi :
o les erreurs dues à des actions non-intentionnelles comme les ratés (défaillances dans l’exécution : inversion, désordre, omission du contrôle) et les lapsus (défaillances dans la mémorisation : oubli des intentions ou des actions passées). Ici l’opérateur exécute des actions qui divergent de ce qu’il avait prévu.
o les erreurs dues à des actions intentionnelles, comme les fautes (mauvaise application d’une bonne règle, ou application d’une mauvaise règle) et les violations (les règles sont enfreintes de manière consciente). Ici l’opérateur réalise des actions qui correspondent à ce qu’il avait prévu.
♦ Un deuxième axe discrimine les erreurs détectées des erreurs non détectées. Seules les erreurs détectées parmi toutes les erreurs commises pourront être corrigées par des mécanismes de régulation ou d’adaptation (Leplat, 1985).
♦ Enfin, on peut aussi distinguer les erreurs récupérables et les erreurs irrécupérables (Leplat, 1985), en fonction des résultats obtenus après l’implémentation d’une régulation, d’un mécanisme d’adaptation, par l’opérateur.

Un opérateur humain produit donc régulièrement des erreurs. Elles sont souvent vues de manière négative, comme une non-performance, car elles signifient que l’opérateur n’a pas répondu aux exigences de la tâche. Cependant, les erreurs font également partie du processus d’apprentissage et les analyser permet de comprendre leur origine, et de trouver des mesures correctives propres à la prévention (Leplat, 1985).

Les conditions de fiabilité
La fiabilité humaine dépend de conditions internes à l’opérateur, ainsi que de conditions externes (Leplat, 1985). Les conditions de fiabilité externes sont les caractéristiques extrinsèques à l’opérateur qui peuvent influencer son activité, comme la prescription de la tâche, l’état des moyens techniques auxquels il a accès pour accomplir la tâche, l’organisation du domaine de travail (conçue par l’entreprise), la culture de sécurité, etc. Les conditions de fiabilité interne concernent les caractéristiques intrinsèques de l’opérateur qui ont une incidence sur son activité, comme son niveau d’apprentissage, sa représentation mentale, etc.

Le compromis cognitif pour maintenir l’équilibre

Selon Amalberti (1996), maîtriser la situation – ou maintenir un haut niveau de fiabilité humaine – consiste, pour l’opérateur, à gérer un compromis « cognitif » entre les ressources investies et les exigences de la tâche à traiter. Cela renvoie aussi à l’idée d’efficience (Leplat, 1989), qui traduit l’atteinte du résultat à moindre coût (cognitif).

Selon Hoc et al., (2004) ce compromis cognitif se traduit par une adaptation, qui repose sur une représentation de la situation (des exigences et des ressources). Selon Piaget (1974) l’adaptation correspond à une équilibration entre deux mécanismes complémentaires :
♦ L’assimilation de la situation courante à une situation maîtrisée (connue). Ce mécanisme correspond à une simplification de la représentation des exigences afin qu’elle soit gérable avec les ressources disponibles (connaissances et énergies).
♦ L’accommodation des situations maîtrisées à la situation courante (inconnue). Ce mécanisme correspond à l’enrichissement de la représentation de l’opérateur, et vient accroître ses connaissances. Ce mécanisme correspond donc à un apprentissage, qui permet à l’opérateur de vérifier, d’infirmer ou d’améliorer les règles qu’il suit pour réaliser la tâche.

Vers une analyse fine des contraintes et des capacités de l’opérateur

En résumé, on peut, selon Leplat (1985), déterminer la maîtrise de la situation par l’opérateur en évaluant la fiabilité humaine. Deux moyens peuvent être utilisés :
♦ l’analyse des erreurs permet une observation a posteriori de la dégradation de la maîtrise de la situation ;
♦ l’analyse des conditions internes et externes de fiabilité permet de réaliser une estimation a priori, un diagnostic, de la maîtrise de la situation.

Cette deuxième voie nous paraît la plus prometteuse, si l’on veut anticiper, évaluer en temps réel la maîtrise de la situation, avant que les erreurs ne se produisent et qu’elles entraînent des incidents ou des accidents. Il faut donc considérer que :
♦ l’opérateur possède des ressources internes qu’il met en œuvre pour répondre aux contraintes externes de la situation.
♦ l’opérateur s’adapte à partir de la perception de ses ressources et des exigences, dans le but de maintenir un niveau de fiabilité acceptable.

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Table des matières

INTRODUCTION GENERALE
Chapitre I. La maîtrise des situations dynamiques : des contraintes et des capacités
A. La maîtrise de la situation, une question de fiabilité humaine
A.1. L’équilibre du couple homme/tâche
A.2. Le compromis cognitif pour maintenir l’équilibre
A.3. Vers une analyse fine des contraintes et des capacités de l’opérateur
B. Les contraintes, ou les exigences de la situation
B.1. Les propriétés des systèmes sociotechniques complexes
B.2. La tâche de supervision d’un système sociotechnique
B.3. Vers une typologie des tâches de supervision en situations dynamiques
C. L’opérateur, un agent cognitif adaptatif
C.1. Processus cognitif
C.2. Les ressources support des processus cognitifs
C.3. Mécanismes d’adaptation
D. Conclusion : pistes d’amélioration de la maîtrise de la situation
D.1. Détecter : vers une exploration du concept de charge mentale
D.2. Aider à réguler : vers une allocation adaptative des fonctions
E. Résumé
Chapitre II. La charge mentale : des approches conceptuelles et des méthodes d’évaluation à combiner
A. Cadre théorique : une approche multidimensionnelle de la charge mentale
A.1. Approche exogène : exigence et performance
A.2. Approche capacitaire
A.3. Approche énergétique
A.4. Approche holistique : synthèse et régulations
A.5. Conclusion : vers une évaluation multi-sources de la charge
B. Mesure de la charge mentale en temps réel : sensibilité, sélectivité et caractère diagnostic
B.1. Dimension cause
B.2. Dimension Médiateur
B.3. Dimension Effet
B.6. Conclusion : vers des indicateurs synthétiques « temps réel »
Résumé
Chapitre III. Les méthodes de fusion d’informations
A. La fusion d’informations
A.1 Les différentes étapes de la fusion d’informations
A.2 Les différents niveaux de la fusion d’informations : vers une modélisation structurée de la fusion d’informations
A.3 Imperfection des informations : imprécision et incertitude
A.4 Autres imperfections
B. Méthode de fusion d’informations
B.1 Théorie des probabilités et réseaux bayésiens
B.2 Théorie des croyances
B.3 Théorie des ensembles flous
B.4 Théorie des possibilités
C. Synthèse des méthodes
Résumé
Chapitre IV. La coopération homme machine
A. Coopération
A.1 La notion d’interférence
A.2 Formes de coopération
A.3 Structure de coopération
B. Automatisation
B.1. Niveau d’automatisation
B.2 Automatisation et processus de traitement de l’information
B.3 Evaluation des niveaux d’automatisation
C. L’allocation des fonctions
C.1 Allocation de fonction ou de tâche
C.2 Principe d’allocation de fonctions
C.3 Allocation statique et allocation dynamique
Conclusion
Résumé
Synthèse de la partie théorique et de la problématique
CONCLUSION GENERALE

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