Les mémoires en microélectronique
Le développement de la microélectronique s’est fait autour du transistor. Ce composant sert de brique de base à la fabrication des composants pour l’électronique numérique ou analogique et en particulier les calculateurs et microprocesseurs. Les développements technologiques permettant la miniaturisation des transistors ont assuré un doublement du nombre de transistor des microprocesseurs sur une puce de silicium tous les deux ans, suivant ainsi la désormais célèbre « loi de Moore ». Bien qu’il ne s’agisse pas d’une loi physique mais juste d’une extrapolation empirique, cette prédiction s’est révélée étonnamment exacte. Entre 1971 et 2005, la densité des transistors a doublé chaque 1,96 année. En conséquence, les machines électroniques sont devenues de moins en moins coûteuses et de plus en plus puissantes .
Parallèlement à la croissance des capacités de manipulation et de traitement de l’information, il a naturellement fallu développer les technologies pour stocker de plus en plus d’information. Avec la multiplication du nombre d’appareils électroniques dans notre quotidien : des ordinateurs aux téléphones, en passant par les baladeurs MP3, appareils photos, appareils ménagers, cartes à puces ou téléviseurs, aujourd’hui la mémoire est partout, avec des capacités de quelques kbits aux multi-Tbits. Contrairement aux disques durs qui servent à stocker (archiver) les données et dans lesquels l’accès aux données est séquentiel le long de pistes écrites à la surface du media, les « mémoires vives » ou « RAM » (Acronyme anglais pour Random Acces Memory) offrent un accès aléatoire à des bits de données individuels au sein d’un réseau bi-dimensionnel à l’état solide, c’est à dire sans pièces mobiles.
Trois technologies de mémoires RAM semiconductrices se partagent aujourd’hui le marché en fonction des principaux paramètres fonctionnels que sont :
– les vitesses d’écriture et de lecture ;
– l’endurance, c’est-à-dire le nombre de cycles de lecture/écriture possibles ;
– le caractère volatile ou non volatile, c’est-à-dire la capacité à conserver l’information en l’absence d’alimentation électrique ;
– La capacité, exprimée en valeur absolue (kbits, Mbits, Gbits, …) pour l’utilisateur, ou la densité exprimée en taille de la cellule mémoire élémentaire pour le concepteur. Cette dernière est souvent normalisée au nœud technologique de microfabrication F (la dimension la plus petite qu’il est possible de fabriquer) pour pouvoir comparer les différentes technologies entre elles indépendamment des contraintes de fabrication. Ainsi, au lieu d’indiquer une dimension de cellule de 90x90nm², on dira qu’elle fait 1F² si la technologie utilisée est en 90nm, 4F² en technologie 45nm etc ….
– La puissance consommée en cycle de lecture/écriture lorsque la mémoire est en veille.
– le coût de fabrication .
La magnétorésistance tunnel : Le modèle de Jullière
A la base de la création de l’information dans une MRAM se trouve la MagnétoRésistance Tunnel découverte par Jullière, qui met en évidence le rôle prépondérant du spin des électrons dans le transport par effet tunnel dans des tricouches Fe/Ge/Co où une couche de 10nm composée du semi-conducteur Ge légèrement oxydé fait office de barrière tunnel. Ses mesures à basse température (4,2°K) font état d’une variation de la conductance électrique en fonction de l’orientation relative des aimantations des deux couches magnétiques . L’observation de cette magnétorésistance s’explique par l’existence d’un courant tunnel à travers la barrière dépendant de la polarisation en spin des électrons de conduction des deux électrodes.
Pour expliquer ce résultat, Jullière a proposé un modèle descriptif simple basé sur la notion de polarisation P des métaux ferromagnétiques, définie comme étant la différence relative des densités d’états au niveau de Fermi, nspin(EF) pour les deux bandes de spin (de configuration de spin ↑ ou ↓).
En supposant que l’électron conserve son spin lors de son passage à travers la barrière, on peut considérer que la conduction s’effectue par deux canaux indépendants. La conductivité pour chaque canal de spin est proportionnelle au produit entre le nombre d’états disponibles au niveau de Fermi dans l’électrode réceptrice et le nombre d’électrons candidats au passage à travers la barrière (règle d’or de Fermi). Il en résulte que pour chaque catégorie d’électrons (spin up et spin down) la conductivité tunnel G est proportionnelle au produit des densités d’états au niveau de Fermi des deux électrodes, émettrice et réceptrice. Dans ce modèle à deux courants [3] représenté figure 5, chaque état de spin contribue de manière indépendante au courant tunnel et la conductivité totale est la somme des conductivités pour chaque canal :
Gtotale = G↑+ G↓ ( 2)
Les propriétés des couches minces magnétiques et renversement de l’aimantation dans des nano-objets magnétiques
La manipulation de l’information dans une MRAM est permise par le renversement de l’aimantation d’une couche, donc par la manipulation de l’aimantation dans des nano-objets magnétiques. A la base de cette aimantation se trouvent les moments magnétiques dont les propriétés sont décrites par quatre termes d’énergie.
– L’énergie d’échange : Elle exprime la cohésion entre moments atomiques voisins. Dans les matériaux magnétiques, l’interaction d’échange est responsable de la mise en ordre des spins à l’échelle macroscopique et tend à les orienter suivant un axe commun. Ce couplage peut être parallèle, le matériau est alors appelé ferromagnétique (FM), ou antiparallèle, dans ce cas le matériau est appelé antiferromagnétique (AF). Cette interaction est caractérisée par une température critique à laquelle l’énergie apportée par les fluctuations thermiques devient équivalente à l’énergie d’interaction d’échange. La mise en ordre à grande distance est perdue et la direction des moments magnétiques des atomes peut fluctuer indépendamment de la direction de leurs voisins. Les matériaux sont alors dit paramagnétiques. Cette température critique est appelée température de Curie (TC) dans le cas d’un ferromagnétique et température de Néel (TN) dans le cas d’un antiferromagnétique.
– L’énergie d’anisotropie : Elle tend à orienter l’aimantation dans certaines directions ou plans. Elle peut trouver son origine dans le type d’arrangement cristallin du matériau (anisotropie magnétocristalline), dans la forme donnée aux objets magnétiques (anisotropie de forme), ou encore dans des couplages entre matériaux .
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Table des matières
INTRODUCTION
CONTEXTE
CHAPITRE 1
1.1. INTRODUCTION : LES MEMOIRES EN MICROELECTRONIQUE
1.2. LES FONDEMENTS THEORIQUES DES MRAM
1.2.1. La magnétorésistance tunnel : Le modèle de Jullière
1.2.2. Les propriétés des couches minces magnétiques et renversement de l’aimantation dans des nano-objets magnétiques
1.2.3. Le couplage d’échange FM/AF et les différents modèles du couplage d’échange
1.2.4. Les effets de la température et du temps
1.2.5. Les processus de couplage RKKY dans les tri-couches FM/NM/FM
1.3. LES MEMOIRES MAGNETIQUES A ACCES ALEATOIRE (MRAM)
1.3.1. Principe de fonctionnement simplifié
1.3.2. Application aux MRAM : Les MRAM de 1ère génération
1.3.3. MRAM assistée thermiquement (TAS-MRAM)
1.3.3.1. Fonctionnement des points mémoires TAS-MRAM
• Principe de la lecture et gamme de température de fonctionnement
• Principe de l’écriture et gamme de température d’écriture
1.3.3.2. La réalisation des TAS-MRAM
1.3.3.3. Les contraintes de fonctionnements associés aux TAS-MRAM
1.4. CONCLUSION
CHAPITRE 2
2.1. INTRODUCTION
2.2. ETUDE DE LA COUCHE DE STOCKAGE PIEGEE PAR IRMN
2.2.1. La fabrication des couches minces et le procédé de micro structuration
2.2.2. Caractérisation quasi-statique des échantillons
2.2.2.1. Caractérisation électrique des couches minces
2.2.2.2. Caractérisation électrique des plots après microfabrication
2.2.2.3. Caractérisation magnétique des couches minces macroscopiques
2.2.2.4. Caractérisation magnétique des plots après micro-fabrication
2.2.2.5. Mesures de températures de blocage quasi-statiques
2.3. ETUDE DYNAMIQUE DE L’ECRITURE DES CELLULES MEMOIRES TASMRAM
2.3.1. Principe physique de l’expérience
2.3.2. Description du banc de test
2.3.3. Procédure expérimentale
2.3.4. Les densités de puissance mesurées
2.3.5. Conversion des mesures de densité de puissance en température
2.3.5.1. Description du modèle de diffusion de la chaleur
2.3.5.2. Conversion de la puissance en température
2.3.6. Résultats de températures de blocage
2.3.7. Discussion sur le modèle thermique utilisé
2.4. ETUDE DU FEMN COMME UNE ALTERNATIVE A L’IRMN
2.4.1. Fabrication des échantillons
2.4.2. Densités de puissance d’écriture mesurées et Température de blocage
2.5. CONCLUSION
CONCLUSION
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES