La fréquence des naissances d’enfants macrosomes est stable depuis plusieurs années. La macrosomie complique entre 5 à 10% des grossesses lorsque l’on prend en compte des enfants de poids de naissance supérieur à 4000 grammes (g (1). En France en 2016, ce sont 6,9% de nouveau-nés qui présentent un poids supérieur ou égal à 4000g à la naissance(2). L’accouchement d’un enfant macrosome est en général appréhendé par les équipes soignantes et les patientes pour ses fréquentes complications. En effet, les conséquences de la macrosomie sont nombreuses et concernent à la fois le nouveau-né et la mère. Sur le plan néonatal, la complication la plus redoutée est la dystocie des épaules avec des lésions du plexus brachial qui y sont parfois associées. Il existe également plus de fractures de clavicule et d’humérus chez ces nouveau-nés. Ils sont plus sujets aux troubles métaboliques tels que l’hypoglycémie ou l’hypocalcémie et sont également plus exposés à une hypoxie néonatale. Sur le plan maternel nous notons principalement une augmentation du nombre de césariennes, de lésions périnéales lors des accouchements par voie basse, d’hémorragies du post partum et également d’infections en post partum .
Revue de la littérature : la macrosomie
Définition
Selon les auteurs, la définition de la macrosomie fœtale diffère. Certains retiennent un poids de naissance supérieur à 4000g, d’autres 4500g et certains se réfèrent plutôt aux courbes de poids en fonction du terme, comme par exemple celles d’AUDIPOG, selon lesquelles une macrosomie est présente pour un nouveau-né présentant un poids supérieur au 90ème voire 95ème percentile(6). La définition relative au poids de naissance supérieur à 4000g ne prend pas en compte l’excès de croissance fœtale en fonction du terme. Pour pallier à cela, une autre définition existe. Le terme large pour l’âge gestationnel (LAG) qui correspond à un poids de naissance supérieur ou égal au 90ème, voire 97ème percentile selon les auteurs. Cette définition permet donc d’identifier les nouveaunés prématurés avec excès de croissance fœtale.
Le Collège Français d’Echographie Fœtale (CFEF) a proposé en 2014 une courbe de croissance selon le terme de la grossesse[Annexe I]. Cette courbe est utilisée pour déterminer les fœtus LAG. Concernant le choix de la définition utilisée pour ce travail nous avons décidé de nous référer à celle selon laquelle un enfant est macrosome lorsqu’il pèse plus de 4000g à la naissance. En effet, bien que la définition de « LAG » tienne compte des excès de croissance chez les prématurés elle n’est pas associée aux mêmes complications que pour un nouveau-né macrosome pesant de plus de 4000g.
Physiopathologie
La croissance de l’embryon puis du fœtus peut se dissocier en croissance pondérale et en croissance staturale. La croissance pondérale est celle qui nous intéresse particulièrement. Celle-ci évolue lentement jusqu’à la 25ème semaine d’aménorrhée (SA) puis s’accélère pour atteindre son maximum à la 34ème SA(7). La croissance fœtale est un phénomène multifactoriel, sous l’influence de facteurs génétiques, endocriniens, placentaires et des apports maternels.
Facteurs génétiques
Certaines hormones interviendraient dans la régulation de la croissance fœtale dont l’IGF-1 (Insulin-like Growth Factor), l’IGF-2 ainsi que leurs récepteurs. Ils se retrouvent sur le plan maternel, placentaire et fœtal. Des expériences ont montré que l’IGF-1 interviendrait dans la croissance au cours de la période fœtale alors que l’IGF-2 interviendrait plus précocement dans la grossesse. Une étude menée sur l’effet de l’IGF-1 a retrouvé chez les nouveau-nés macrosomes des valeurs plus élevées d’insuline et d’IGF-1 .
Facteurs endocriniens
La principale source d’énergie fœtale est le glucose qui est destiné au métabolisme physiologique ainsi qu’à la croissance fœtale. Son métabolisme dépend de l’apport maternel, de sa concentration plasmatique ainsi que de la sécrétion croissante d’insuline fœtale au cours de la grossesse. L’insuline fœtale est un facteur majeur de croissance, l’insuline maternelle ne passant pas la barrière placentaire. Elle agit sur le métabolisme fœtal en stimulant l’apport transplacentaire de glucose ainsi que la synthèse de glycogène et de protéines, nécessaires à la croissance fœtale(9). L’hyperinsulinisme in utero peut induire un fœtus LAG. En cas de diabète maternel, le glucose maternel passe la barrière placentaire, pas l’insuline, dès lors le fœtus est en hyperglycémie et son pancréas sécrète de l’insuline pour réguler sa glycémie mais il existe un stockage avec une glycogénose importante, ce qui induit la macrosomie. .
Facteurs placentaires
La croissance fœtale est liée au bon développement placentaire ainsi qu’à son fonctionnement. Elle est indissociable de la croissance placentaire. Les variations du milieu maternel sont captées par plusieurs transporteurs de la famille des GLUT (glucose transporter) localisés sur le placenta(9). Celui-ci s’adapte par le biais de régulations endocriniennes qui modulent le transfert de substrats au fœtus. Ces substrats ont en effet un retentissement sur la composition du milieu intra utérin et sur la croissance fœtale .
Facteurs maternels
Il existe une hérédité concernant la taille, le poids actuel ainsi que le poids de naissance de la mère. Les habitudes maternelles telles que les addictions et la nutrition sont également des facteurs déterminants dans la croissance fœtale.
Autres étiologies
Il existe d’autres causes rares de macrosomie comme le syndrome de Beckwith-Wiedemann (caractérisé par une macrosomie, un omphalocèle, une macroglossie, une hypoglycémie néonatale) et les syndromes de Sotos (macrosomie associée à une macrocéphalie, une dysmorphie faciale, une très grande taille et de grandes extrémités), de Marshall-Smith (macrosomie associée à une dysmorphie faciale et anomalies squelettiques) et Weaver (diagnostic différentiel du syndrome de Sotos).
Dépistage par facteurs de risques
Antécédents
Les facteurs de risque de la macrosomie sont nombreux et doivent ainsi être pris en compte. Les professionnels doivent être vigilants durant le suivi de grossesse étant donné les complications liées à l’accouchement. Un diabète préexistant chez la mère ou un antécédent de diabète gestationnel sont les principaux facteurs pouvant engendrer une macrosomie rhizomélique chez le nouveau-né.
Nous noterons dans les antécédents maternels que le poids de naissance de celle-ci influence le poids de naissance du nouveau-né. Le poids de naissance du père a également son importance(6). Si l’un ou les deux parents étaient macrosome(s) à la naissance, ils ont plus de risques d’avoir un enfant macrosome à leur tour. Un antécédent de dystocie des épaules, de lésions du plexus brachial et/ou de macrosomie lors de précédents accouchements sont également des facteurs de risque importants. Nous retrouvons dans un tiers des cas de macrosomie des antécédents de macrosomie lors des précédentes grossesses .
Une prise de poids excessive au cours de la grossesse est également un facteur de risque. Le risque de macrosomie est multiplié par 4 si une obésité maternelle est associée à une prise de poids supérieure à 16 kilogrammes au cours de la grossesse(11). Il est donc important d’informer les patientes avant et durant leur grossesse quant à leur prise de poids qui n’est pas sans conséquence. Le poids de naissance des nouveau-nés augmente avec la parité et également avec l’âge maternel. En effet, le risque d’avoir un enfant macrosome est multiplié par 2 voire 3 chez une patiente multipare qui est donc plus âgée qu’une primipare en général(1). La multiparité est donc un facteur de risque de macrosomie.
|
Table des matières
1. Introduction
2. Revue de la littérature : la macrosomie
2.1 Définition
2.2 Physiopathologie
2.2.1Facteurs génétiques
2.2.2Facteurs endocriniens
2.2.3Facteurs placentaires
2.2.4Facteurs maternels
2.2.5Autres étiologies
2.3 Dépistage par facteurs de risques
2.3.1Antécédents
2.3.2Grossesse actuelle
2.3.3Au cours du travail
2.4 Diagnostic
2.4.1 Clinique
2.4.2Paraclinique
2.5 Complications
2.5.1 Néonatales
2.5.2 Maternelles
3. Problématique, hypothèses
4. Matériel et méthodes
5. Résultats
5.1 Caractéristiques de la population maternelle et néonatale
5.1.1 Caractéristiques maternelles
5.1.2 Caractéristiques néonatales
5.2 Travail et accouchement
5.2.1 Complications maternelles
5.3 Nouveau-né et état néonatal
6. Discussion
6.1 Rappel des principaux résultats
6.2 Caractéristiques maternelles
6.2.1 Caractéristiques démographiques
6.2.2Antécédents médicaux et obstétricaux
6.2.3 Déroulement de la grossesse
6.2.4 Dépistage clinique de la macrosomie
6.2.5 Dépistage paraclinique de la macrosomie
6.3 Travail et voie d’accouchement
6.4 Etat des lieux des complications
6.4.1 Complications néonatales
6.4.2 Complications maternelles
6.5 Forces et faiblesses de l’étude
6.5.1 Les forces
6.5.2 Les faiblesses
7. Conclusion