La lutte contre la traite des êtres humains inscrite très tardivement à l’agenda politique français

La lutte contre la traite des êtres humains inscrite très tardivement à l’agenda politique français

La politique publique de lutte contre la traite des êtres humains en France est relativement récente. Elle est le résultat d’une mise à l’agenda internationale et européenne qui apparaît dans les années 2000 (1). En conformité avec les conventions internationales, une véritable politique publique s’est mise en place sur le territoire français et les rôles des pouvoirs publics sur la thématique ont été précisément définis (2). Enfin, il s’agira d’analyser comment la politique publique de lutte contre la traite des êtres humains a progressivement cherché à intégrer le secteur associatif dans sa stratégie (3).

La mise à l’agenda internationale et européenne de la lutte contre la traite des êtres humains.

Selon Pierre Muller et Yves Surel , un problème public pourrait se définir comme “une perception de la part des acteurs d’un écart et d’une différence entre ce qui est, ce qui devrait être et ce qui pourrait être”. La prise de conscience du phénomène de la TEH comme problème public s’est faite très rapidement tout d’abord à l’échelle internationale puis à l’échelle nationale. Il a ensuite été possible d’observer la mise à l’agenda de ce problème, qu’il est possible de définir comme “l’ensemble des problèmes faisant l’objet d’un traitement sous quelque forme que ce soit, de la part des autorités publiques et donc susceptibles de faire l’objet d’une ou plusieurs décisions”. La mise à l’agenda du phénomène de la TEH s’est traduite par la signature et la ratification de plusieurs conventions internationales (1.1). Dans ce contexte, un cadre législatif français a émergé sur lequel la politique publique française de lutte contre la TEH s’est par la suite construite (1.2).

Une prise de conscience internationale

Selon les auteurs, William L.F. Felstiner, Richard L. Abel et Austin Sarat , la mise à l’agenda d’un problème public peut être décomposé en plusieurs étapes. Tout d’abord, l’étape du “naming” qui serait la prise de conscience d’un problème, la formulation d’un problème public, la construction de ce problème en problème collectif, puis l’étape du “blaming” qui arrive lorsqu’un problème est attribué par un groupe à un autre groupe, enfin le “claming” qui est la formulation de la revendication. Dans les années 2000, la traite a été envisagée comme une conséquence de plusieurs problèmes liés à la mondialisation et aux changements géopolitiques (naming). A cet effet, les conventions internationales ont contribué à la prise de conscience de ce problème public.
En une décennie de nombreuses conventions internationales ont été signées puis ratifiées sur le sujet de la lutte contre la TEH. Trois textes sont fondamentaux dans la définition juridique de ce problème public et dans l’imposition de normes contraignantes pour résoudre ce problème aux différents Etats parties.
Tout d’abord, en décembre 2000, est signé par 80 Etats, le protocole additionnel à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, dit protocole de Palerme , considéré comme le texte international principal concernant la lutte contre la TEH. Outre le fait que ce protocole, entré en vigueur le 25 décembre 2003, soit le premier texte international à avoir comme objet ce phénomène , il introduit également pour la première fois une définition précise de celui -ci, avec notamment les trois éléments cumulatifs de la traite sur lesquels seront basées toutes les définitions de la TEH, à savoir un acte, un moyen et un but . En 2014, 173 Etats étaient parties au Protocole de Palerme. La France l’a signé le 12 décembre 2000 et l’a ratifié le 29 octobre 2002 .Puis, à la suite du protocole de Palerme, à l’échelle européenne, est signée la Convention du Conseil de l’Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains, dite Convention de Varsovie. Entrée en vigueur le 1er février 2008, la France l’a signée le 22 mai 2005 et ratifiée le 09 janvier 2008, ce qui est également le cas de 46 Etats aujourd’hui .Cette convention constitue une avancée dans la prise en compte du phénomène puisqu’elle ne restreint plus la traite au cadre international mais admet qu’elle peut avoir lieu dans un seul et même pays. Dans le même temps, est créé une instance de contrôle d’application de cette convention : le Groupe d’Experts du Conseil de l’Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains (GRETA) , chargé de veiller à la bonne application de la convention dans chaque Etats parties. A cet effet, le GRETA publie régulièrement un rapport d’évaluation et de recommandations sur chaque pays. Le dernier rapport sur la mise en œuvre de la Convention du Conseil de l’Europe par la France a été publié le 6 juillet 2017.
Enfin, le dernier texte fondamental engageant la France, est la Directive 2011/36/UE du Parlement européen et du Conseil, sur la prévention de la traite des êtres humains et la lutte contre ce phénomène ainsi que la protection des victimes, adoptée le 5 avril 2011 . La directive précise deux nouveaux buts de la TEH, à savoir deux nouvelles formes d’exploitation : la mendicité forcée et l’exploitation d’activités criminelles. La directive devait être transposée au sein des législations nationales avant le 6 avril 2013.
Nadège Ragu, dans son article “Du bon usage de la traite des êtres humains -controverses autour d’un problème social et d’une qualification juridique” parle à propos de la décennie 2000-2010 d’une “production juridique et normative soutenue” autour de la thématique de la TEH. Selon elle, si la traite a été promue à l’agenda européen, c’est parce qu’elle est apparue comme un espace où d’autres débats contemporains pouvaient être poursuivis comme par exemple les rapports hommes/femmes et la prostitution, les nouvelles migrations internationales, la criminalité organisée, le travail exploité ou l’esclavage. La traite est tout d’abord entrée dans les débats publics européens au début des années 1990 comme une question relevant des droits des femmes, puis elle a rapidement été appréhendée selon une approche de type sécuritaire, abordée comme l’une des facettes des migrations illégales ou de la lutte contre la criminalité organisée.
Cette production juridique et normative soutenue a donné lieu à de nouvelles conventions internationales que de nombreux Etats, dont la France, ont ratifiées. A ce titre, ces Etats ont donc dû adapter leur législation nationale à ce nouveau cadre juridique international afin de respecter leurs obligations.

L’émergence du cadre juridique français

Pendant de nombreuses années, les autorités françaises ne prenaient pas la mesure de l’ampleur du phénomène de la traite sur le territoire et aucune mesure relevant de la politique publique n’était prise. Selon le rapport du GRETA, publié en 2013 , “les autorités françaises ont pris un certain nombre de mesures pour lutter contre la traite des êtres humains […]. La France étant en premier lieu un pays de destination, les autorités ont mené un certain nombre d’initiatives dans les pays d’origine pour prévenir la traite. […] Néanmoins, le GRETA estime que davantage doit être fait en direction des personnes se trouvant déjà en France et appartenant à des groupes vulnérables à la traite”. La France a d’ailleurs été par deux fois condamnée par la Cour européenne des droits de l’homme pour non-respect de ses engagements internationaux . La première fois en 2005 pour ne pas avoir respecté les droits de la victime et la seconde fois en 2012 pour ne pas avoir traduit dans son droit interne les textes internationaux, de l’ONU, du Conseil de l’Europe, et de l’Union Européenne. En 2001 pourtant, des associations, comme le Comité Contre l’Esclavage Moderne (CCEM) et son directeur à l’époque M. Philippe Boudin, sollicitaient l’Assemblée nationale afin qu’un rapport d’information soit préparé sur la lutte contre les différentes formes de l’esclavage aujourd’hui. Le texte, intitulé “Rapport d’information – par la mission d’information commune sur les diverses formes de l’esclavage moderne” écrit par Christine Lazerges, Alain Vidalies , fut adopté dans le contexte de l’adoption par les Nations Unies du protocole de Palerme. Déjà en 2001, la mission parlait de “l’ampleur du phénomène de l’esclavage dans notre pays aujourd’hui, de la diversité des formes qu’il recouvre, et [la mission] a malheureusement constaté qu’il était mal combattu”. Elle remarquait aussi dans ce rapport que les textes juridiques français étaient très mal adaptés, notamment les délais de prescription qui étaient très défavorables aux victimes , les peines insuffisamment dissuasives , pour des résultats évidemment très limités. Malgré tout, il faut attendre la loi du 5 août 2013 , pour que la directive 2011/36/UE de l’Union Européenne soit transposée dans le droit interne français. L’infraction de traite des êtres humains apparaît pour la première fois dans le code pénal français à l’article 225-4-1 par la loi du 18 mars 2003 mais est modifiée avec la loi du 5 août 2013 comme suit: “La traite des êtres humains est le fait, en échange d’une rémunération ou de tout autre avantage ou d’une promesse de rémunération ou d’avantage, de recruter une personne, de la transporter, de la transférer, de l’héberger ou de l’accueillir, pour la mettre à sa disposition ou à la disposition d’un tiers, même non identifié, afin soit de permettre la commission contre cette personne des infractions de proxénétisme, d’agression ou d’atteintes sexuelles, d’exploitation de la mendicité, de conditions de travail ou d’hébergement contraires à sa dignité, soit de contraindre cette personne à commettre tout crime ou délit. La traite des êtres humains est punie de sept ans d’emprisonnement et de 150 000 euros d’amende.” Cette nouvelle définition inclut toutes les formes d’exploitation que recouvre la TEH.
A la suite de cette loi, d’autres textes législatifs français ont joué un rôle clé dans la politique publique de lutte contre la TEH comme la circulaire du 22 janvier 2015 qui précise la politique pénale et la protection des victimes en rappelant toutes les conventions internationales et européennes existantes et le cadre législatif français. L’instruction du 19 mai 2015 relative aux conditions d’admission au séjour des ressortissants étrangers, victimes de la TEH ou de proxénétisme est également très importante. Enfin, la dernière en date est la loi du 13 avril 2016 visant à renforcer la lutte contre le système prostitutionnel et à accompagner les personnes prostituées, dont le chapitre 1er est intitulé “renforcement des moyens de lutte contre le proxénétisme et la traite des êtres humains aux fins d’exploitation sexuelle” qui est un changement de paradigme total puisque la loi accorde des droits aux victimes de proxénétisme en matière de protection, de droits sociaux et d’accès au séjour. Le délit de racolage est en effet supprimé, et des mesures visant à réduire la demande sont introduites comme l’infraction d’achat d’actes sexuels punie d’une contravention et d’une peine complémentaire de stage de sensibilisation.
La politique publique de lutte contre la TEH s’est donc traduite par un renforcement du cadre législatif français. A la suite de ce changement législatif, une instance de coordination nationale, chargée d’assurer le pilotage de la politique publique entre tous les acteurs concernés, a été créée.

L’implication des pouvoirs publics dans la lutte contre la traite des êtres humains en France

Jusqu’en 2012, la législation française a évolué en conformité avec les textes internationaux transposés dans notre droit, comme vu précédemment. Cependant, le rapport du GRETA, publié en 2013 , recommandait aux autorités françaises de créer une véritable instance de coordination nationale qui ait “l’autorité, le mandat et les ressources nécessaires pour mener à bien son rôle de coordination de la politique et de l’action des services de l’administration et des autres organismes publics luttant contre la traite des êtres humains ”.
Ainsi, les autorités françaises gouvernementales ont créé en 2013 une structure interministérielle chargée de coordonner la politique publique de lutte contre la traite des êtres humains (2.1), travaillant en étroite collaboration avec les différents acteurs concernés (2.2).

La mise en place de la politique publique

Afin de répondre aux engagements internationaux en matière de lutte contre la TEH et notamment concernant la coordination nationale entre tous les acteurs nationaux chargés de lutter contre ce phénomène le gouvernement français a créé par décret n°2013-7 du 3 janvier 2013 , la mission interministérielle pour la protection des femmes contre les violences et la lutte contre la traite des êtres humains (MIPROF), rattachée originellement au Ministère chargé des droits des femmes et actuellement au Secrétariat d’Etat chargé de l’égalité entre les femmes et les hommes . La mission de la MIPROF est double et concernant la lutte contre la TEH, l’article 2.4 du décret stipule que la MIPROF doit “assurer la coordination nationale de la lutte contre la traite des êtres humains” et selon l’article 6 “pour l’exercice de sa mission de coordination nationale de la lutte contre la traite des êtres humains, la mission est chargée d’assurer le suivi de la mise en œuvre de la convention du Conseil de l’Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains du 16 mai 2005 en liaison avec le groupe d’experts sur la lutte contre la traite des êtres humains (GRETA)”. Comme son nom l’indique, même si la MIPROF est rattachée au Secrétariat d’Etat chargé de l’égalité entre les hommes et les femmes, la mission est basée sur une structure interministérielle. Ainsi concernant la TEH, elle travaille en étroite collaboration avec différents ministères comme le Ministère de la Justice, de l’Intérieur, des Affaires Sociales…etc.
La MIPROF a été en charge d’élaborer le premier plan d’action national de lutte contre la traite des êtres humains . Adopté en conseil des ministres le 14 mai 2014, ce plan constitue le principal instrument de cette politique publique française. A travers ce plan, le gouvernement se donnait trois priorités, à savoir l’identification et l’accompagnement des victimes de la traite, la poursuite et le démantèlement des réseaux de la traite, et faire de la lutte contre la traite une politique publique à part entière. Le plan étant arrivé à son terme à la fin du mois d’avril 2017, la Commission Nationale Consultative sur les Droits de l’Homme (CNCDH), en tant que rapporteur national indépendant sur la lutte contre la traite des êtres humains, a été chargée d’évaluer le premier plan et de fournir des recommandations pour l’élaboration du second plan à partir des mesures qui ont pu être mises en œuvre totalement ou partiellement dans le cadre du premier plan. Ce deuxième plan d’action national, basé sur les contributions des ministères et des associations, est actuellement en cours d’élaboration et d’arbitrage avec les différents ministères y participant, et sera sûrement présenté à la fin de l’année 2018.
Cependant, comme le souligne le dernier rapport du GRETA, le rattachement de l’instance de coordination nationale de lutte contre la traite des êtres humains au Ministère chargé des droits des femmes pose plusieurs problèmes. En effet, en étant rattachée à ce ministère, la politique publique de lutte contre la traite des êtres humains se concentre plus naturellement sur l’exploitation sexuelle car il s’agit d’une des formes d’exploitation affectant plus les femmes. Or, comme vu en introduction, il existe en France différents types d’exploitation dont sont victimes de nombreuses personnes, qu’il ne faut pas négliger (mendicité forcée, contrainte à commettre des délits, esclavage domestique). Le GRETA préconise donc que l’instance de coordination nationale de lutte contre la traite des êtres humains en France ne soit pas rattachée à un ministère en particulier mais directement au Premier Ministre.
Dans le cadre de son rôle de coordinatrice, la MIPROF est amenée à travailler avec de nombreux partenaires institutionnels ayant un rôle dans la lutte contre la traite des êtres humains.

Les différents acteurs publics et leur rôle

Comme indiqué en introduction, les pouvoirs publics sont les acteurs chargés de mettre en œuvre la politique publique à l’échelle nationale. En France, en plus de la MIPROF pilotant et coordonnant les actions, il existe une pluralité d’acteurs et d’actrices relevant des pouvoirs publics qui mettent en œuvre tous les jours la politique publique de lutte contre la TEH. Il ne faut pas négliger non plus le travail fait par les associations, qui sera développé dans notre démonstration à la partie suivante. De façon non exhaustive, les différents acteurs relèvent principalement du Ministère de la Justice, du Ministère de l’Intérieur, et du Ministère de l’Europe et des Affaires Etrangères.
En effet, les acteurs contribuant à la lutte contre la traite des êtres humains et relevant du Ministère de la Justice sont principalement les juridictions interrégionales spécialisées (JIRS). Créées par la loi du 9 mars 2004, ces juridictions permettent de regrouper des magistrats du parquet et de l’instruction possédant une expérience en matière de lutte contre la criminalité organisée. Elles bénéficient également de dispositifs novateurs en matière d’enquête comme des infiltrations, des sonorisations, des équipes communes d’enquête entre plusieurs pays.
Par ailleurs, comme l’indique la note d’information du Ministère de l’Intérieur du 19 mai 2015, l’identification formelle des victimes de TEH relève de la compétence exclusive des forces de l’ordre . “L’identification des victimes est de la compétence exclusive des forces de l’ordre qui engagent le processus d’identification dès lors qu’elles considèrent qu’il existe des motifs raisonnables de penser qu’un étranger est victime de la traite des êtres humains ou de proxénétisme. La détection et l’identification des victimes doivent être effectuées par un personnel formé et qualifié. Les services de police ou les unités de gendarmerie recherchent ces indices par le recueil de différents éléments sur l’identité de la personne, sur son trajet depuis son pays et de son entrée en France. Dès lors que les signes de la traite sont détectés, ils doivent mener une enquête approfondie pour déterminer si une personne est effectivement victime”. Les acteurs relevant du Ministère de l’Intérieur sont donc très importants et cruciaux dans la lutte contre la traite des êtres humains. A ce titre, différents offices centraux de police judiciaire spécialisés, et ayant un rôle clé dans la lutte contre la traite des êtres humains, sont rattachés au Ministère de l’Intérieur, comme l’Office central de lutte contre la délinquance itinérante (OCLDI) relevant de la gendarmerie nationale, tout comme l’Office central de lutte contre le travail illégal (OCLTI) , et l’Office Central pour la répression de l’immigration irrégulière et de l’emploi d’étrangers sans titre (OCRIEST) , l’Office central pour la répression de la traite des êtres humains (OCRTEH) , tous deuxrattachés à la Police Nationale. Ces différents offices collaborent avec plusieurs acteurs nationaux et internationaux, notamment les associations, dans le but de démanteler les réseaux.
D’autres institutions ont également un rôle crucial, comme l’Office Français de Protection des Réfugiés et des Apatrides (OFPRA) qui, depuis 2013, a créé un groupe thématique TEH avec quatre autres groupes chargés de détecter les demandeurs d’asile les plus vulnérables. Les procédures sont aménagées afin de s’adapter à la particulière vulnérabilité de certaines victimes. Enfin, le rôle du Ministère de l’Europe et des Affaires Étrangères est également clé, notamment grâce à la présence d’un ambassadeur thématique chargé des menaces criminelles transnationales et de la lutte contre les trafics illicites d’armes légères et de petit calibre. Concernant la lutte contre la traite des êtres humains, depuis 2010, son rôle est de contribuer à sensibiliser à la lutte contre la traite sur la scène internationale, à représenter la France dans les forums internationaux, notamment aux Nations Unies et à développer des initiatives dans le cadre de la mise en œuvre des conventions pertinentes . Il existe également une coordinatrice technique sur la lutte contre la traite en Europe du Sud Est, rattachée à la représentation permanente de la France auprès de l’Office des Nations Unies , chargée de mettre en œuvre des actions de coopération dans plusieurs pays afin de renforcer leurs capacités institutionnelles et de soutien à la société civile, et dispose pour ce faire d’un budget annuel.

La prise en compte du secteur associatif

Dès le début de la mise en place de la politique publique internationale et nationale, le travail et le rôle des associations nommées également “société civile”, “organisations non gouvernementales” ont été pris en compte par les rédacteurs des textes internationaux et nationaux. D’abord seulement citées par quelques articles, elles ont petit à petit fait leur place dans les textes juridiques. L’idée de la coopération et des partenariats pouvoirs publics -secteur associatif s’est peu à peu mise en place. Après avoir été pris en compte à l’échelle internationale dans les différentes conventions (3.1), le secteur associatif a été intégré dans le cadre juridique de la politique publique nationale (3.2).

La prise en compte du secteur associatif à l’échelle internationale

Outre le fait que le secteur associatif a été très influent dans la rédaction des conventions internationales, ce qui sera développé dans la partie suivante, les rédacteurs de ces conventions avaient très vite saisis le fait que le secteur associatif joue un rôle clé dans la lutte contre la TEH, notamment en ce qui concerne la prise en charge de la victime mais également le repérage de certaines situations de traite. Les conventions internationales en matière de lutte contre la TEH intègrent donc le rôle du secteur associatif.
Le Protocole de Palerme (protocole additionnel à la convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes), ratifié en 2000, fait référence aux acteurs de la société civile à la partie II, sur l’assistance et la protection accordées aux victimes de la traite des personnes , mais également à la partie III sur l’échange d’informations et de formation . Cependant, en 2000, même si leur rôle est reconnu, aucun chapitre ni article n’est à proprement parlé consacré au rôle du secteur associatif et à la coopération avec ces dernières.
Dans la Convention de Varsovie, en 2005, on observe à ce titre un changement important, puisqu’en plus d’être citées à plusieurs paragraphes tels que par exemple concernant l’assistance aux victimes , le rapatriement , la protection des victimes , un chapitre entier se consacre à la coopération avec la société civile. Le chapitre 6, comprenant 4 articles, est en effet intitulé “coopération internationale et coopération avec la société civile”. A ce titre, Nicolas Le Coz, président du GRETA de 2011 à 2016, dans un entretien accordé au Collectif Ensemble contre la traite des êtres humains, en 2014, à propos du rôle donné aux associations d’aide aux victimes de traite, estimait que “la Convention anti-traite du Conseil de l’Europe est le seul instrument juridique international qui reconnaît pleinement un rôle aux associations d’assistance aux victimes de traite des êtres humains et qui, forte de ce constat, donne des obligations aux Etats. Il ne s’agit pas ici de démagogie de la part des délégués des gouvernements qui ont négocié le texte entre 2003 et 2005 mais tout simplement de pragmatisme. ”
Ainsi, les conventions internationales entre 2000 et 2010 avaient commencé à intégrer le secteur associatif et à le considérer comme un acteur clé de la lutte contre la traite des êtres humains.

L’intégration du secteur associatif dans la politique publique nationale

Les conventions internationales, en consacrant pleinement un rôle aux associations, ont de cette manière, donné des obligations aux Etats parties. Ainsi, ces derniers ont dû intégrer le secteur associatif et la coopération avec celui-ci dans leurs textes juridiques.
Le rôle des associations est souvent rappelé par les textes législatifs français, à l’instar de la note d’information du Ministère de l’Intérieur du 19 mai 2015 qui “invite à nouveau à porter la plus grande attention à la qualité des relations entretenues avec les associations qui jouent un rôle primordial dans l’assistance et l’aide aux victimes de la traite des êtres humains ou du proxénétisme tout particulièrement celles réunies dans le collectif “Ensemble contre la traite des êtres humains” ou tout autre association spécialisée dûment référencée dans votre département. Elles peuvent constituer un relais pour la complétude des dossiers.”
Afin de respecter ces engagements internationaux, la MIPROF dispose également d’un comité d’orientation composé de représentants de l’Etat et des collectivités territoriales, des représentants d’institutions et commissions administratives à caractère consultatif, et de personnalités qualifiées. Depuis le nouveau décret adopté en 2016, dix représentants associatifs actifs en matière de violences faites aux femmes et de lutte contre la TEH siègent au comité d’orientation. Concernant la traite, il s’agit du Collectif Ensemble contre la traite des êtres humains, l’association Hors la Rue, l’Amicale du Nid, le Comité contre l’esclavage moderne, le Mouvement du Nid, ALC et France Terre d’Asile. De cette façon, le secteur associatif est intégré à l’élaboration de la politique publique de lutte contre la traite des êtres humains.
Par ailleurs, dans le premier plan d’action national de lutte contre la traite des êtres humains, plusieurs mesures concernaient directement ou indirectement le secteur associatif.

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Table des matières
REMERCIEMENTS
Liste d’acronymes
SOMMAIRE 
INTRODUCTION 
Chapitre I 
La lutte contre la traite des êtres humains inscrite très tardivement à l’agenda politique français
1. La mise à l’agenda internationale et européenne de la lutte contre la traite des êtres humains
1.1. Une prise de conscience internationale
1.2. L’émergence du cadre juridique français
2. L’implication des pouvoirs publics dans la lutte contre la traite des êtres humains en France
2.1. La mise en place de la politique publique
2.2. Les différents acteurs publics et leur rôle
3. La prise en compte du secteur associatif
3.2. L’intégration du secteur associatif dans la politique publique nationale
Chapitre II
Un secteur associatif mobilisé depuis plusieurs années
1. Le tissu associatif comme élément indispensable de lutte contre la traite des êtres humains en France
1.1. Un rôle historique de lanceur d’alerte sur la thématique
1.2. Une expertise de terrain incontournable pour les pouvoirs publics
2. Un secteur associatif soutenu par les pouvoirs publics
2.1. Les pouvoirs publics : un soutien matériel aux associations
2.2. Des défis qui perdurent
3. Un secteur associatif soumis au jeu politique des relations internationales
3.1. L’influence du contexte politique sur le fonctionnement des associations
3.2. L’influence directe sur les politiques publiques et sur le secteur associatif
Chapitre III 
Une coopération entre les pouvoirs publics et le secteur associatif existante mais encore trop fragile 
1. Les résultats positifs des actions de coopération
1.1. Coopérer pour mieux repérer, identifier et accompagner les victimes
1.2. Des actions de coopération dans le but de mieux protéger les victimes
2. Les limites à la coopération
2.1. De nombreuses limites protéiformes
2.2. Un sujet peu médiatisé et peu connu du grand public
3.1. Les recommandations générales des instances internationales
3.2. Des recommandations spécifiques au contexte français
Chapitre IV 
Une coopération indispensable face aux nouveaux défis en matière de lutte contre la TEH
1. La crise migratoire européenne
1.1. Les causes d’une crise migratoire européenne
1.2. Les conséquences en matière de TEH
2. La croissante professionnalisation des réseaux
2.1. Des réseaux de plus en plus professionnels et organisés
2.2. Mettant en difficulté les autorités et associations dans leur formulation de réponses
3. L’avènement des Nouvelles Technologies de l’Information et de la Communication
3.1. Les nouveaux défis imposés par les NTIC
3.2. Les réponses apportées par les acteurs de la lutte contre la TEH
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE 
ANNEXES

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