La lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale

Repères historiques du développement de l’Etat social actuel; principes de la nouvelle gestion publique

Nos sociétés occidentales ont développé des actes sociaux qui ont fortement évolués depuis plus d’un siècle. A l’origine, des actions issues de la classe bourgeoise à l’intention des personnes dans l’indigence. Ces initiatives ont amené les Etats à développer des politiques sociales. Différents modèles d’Etat social ont été proposés, opposés, se sont succédé. Aujourd’hui, les experts des politiques sociales, s’appuyant sur les récentes recherches, montrent les limites du système d’Etat social en place. Ils appellent à un changement de paradigme redonnant à l’action sociale son sens premier: «une action publique de médiation (…) chargée d’assurer l’effectivité de nombreux droits-créances mais aussi de réduire les écarts entre le droit commun et les situations singulières» (Chauvière, 2007, p.18).

Nous n’avons pas l’ambition de dresser un portrait exhaustif de la notion d’Etat social. Cependant, nous proposons les repères clés mettant en évidence les origines des tensions actuelles dans le pilotage des institutions sociales.

Les politiques sociales sont nées à la fin du 19ème siècle pour maintenir l’ordre social en place et éviter les manifestations de mécontentement des classes populaires. La notion de risque social est apparue, définissant les circonstances auxquelles chacun peut être sujet et qui méritent que l’Etat intervienne en soutien. Il s’agissait à cette époque d’une aide sociale en faveur des plus démunis. Puis, la notion de responsabilité individuelle s’est développée. Avec elle, l’aide sociale est devenue «assurancielle», intervenant là où les personnes ne peuvent plus assumer certaines de leurs responsabilités. Lors des années de plein emploi du milieu du 20ème siècle, les nations occidentales aux économies stables se sont développées sous forme d’Etat-providence. En distribuant des indemnités pécuniaires sans attendre de contrepartie, l’Etat-providence incarnait la valeur d’égalité des chances recherchée (Esping-Andersen, 2008, p. 60).

De l’institution à l’organisation sociale

Dans le contexte actuel d’évolution des politiques sociales, l’équilibre des pouvoirs au sein des organisations est un véritable enjeu pour la place et la reconnaissance du champ professionnel. La capacité d’expertise et d’autorité du corps professionnel – que ce soit les intervenants du terrain, mais aussi les directions d’institution – est mise en jeu. Comme nous l’avons vu dans le chapitre précédent, c’est une crise de légitimité de l’action sociale qui est nourrie via les critiques envers l’Etat-providence (Soulet in: Rossini et al., 2000, p.57). Chauvière estime que le fonctionnement actuel des organisations et des institutions a fortement évolué. Si «les sciences de la gestion et du management témoignent de l’importance accordée à l’intelligence d’organisation pour une conduite plus rationnelle, elles sont productrices d’un mode de raisonnement et de normes opératoires»(2007, p.17). Ces raisonnements et normes ayant évolué selon les principes de la NGP impliquent un contrôle exacerbé via les outputs économiques et financiers. Chauvière considère que la gestion et le management se présentent désormais comme une rationalité tutélaire, hypertrophiée et dominatrice, rapetissant et délégitimant au passage tous les autres modèles de gouvernement. Le management des services publics tel que proposé par la NGP est porté par des professionnels qui ne sont pas issus des milieux économiques et financiers. Les identités professionnelles que l’on rencontre dans le travail social, et dans le service public en général, ont pour fondement la mission de cohésion sociale qui fait la société démocratique. Cette culture du travail social est diamétralement opposée aux préoccupations financières et autres conceptions véhiculées par la NGP (Gaulejac, 2011, p.157). Le comportement d’un groupe professionnel, d’une organisation ou d’une institution bien spécifique a une culture propre qui détermine, structure et hiérarchise les rapports entre les individus. Lorsque cette culture est questionnée, c’est tout l’équilibre du système de l’organisation qui est touché. Nous adoptons la définition de Gaulejac (2011, p.158) pour différencier organisation et institution :

L’institution est du côté des finalités, des raisons d’agir, des valeurs et du sens de l’action. L’organisation est du côté des moyens, des façons d’agir, de la mise en œuvre et de l’opératoire. L’institution remplit des missions, l’organisation met en œuvre des dispositifs, mobilise des Perspectives dans l’accueil collectif extrafamilial des enfants: prestation de garde ou service  ressources, répartit les tâches, coordonne les activités, élabore des programmes en vue de remplir ces missions.

L’éducation de l’enfance dans le champ du travail social

Le travail social est le résultat des politique sociales, soit un ensemble d’actions visant à réduire les écarts manifestes des individus par rapport aux normes d’une société donnée (Voyé (1998), cité dans Rossini et al. (2000), p.194). La question de l’appartenance de l’accueil extrafamilial des enfants dans le giron du travail social nécessite une explicitation de l’impact de ce champ d’activité dans la réduction de l’écart entre la norme et une frange de la population.

Dans l’histoire du développement des structures d’accueil, nous pouvons voir que les mutations des organisations familiales ont considérablement influencé les attentes des parents et les missions des institutions (Spack in: Rossini et al., 2000, p.143). Des attentes de gardes, mais d’éducation aussi, font de l’accueil collectif extrafamilial un service avec une fonction sociale indiscutable. Dans leur ouvrage sur la politique suisse en matière d’accueil préscolaire, Meyer, Spack et Schenk (2002, p.131) montrent que «répondre à la demande de catégorie de parents rencontrant des situations quotidiennes spécifiques» est un réel défi que les institutions doivent affronter. Concilier vie familiale et vie professionnelle ne serait pas un bien marchand que l’on consomme selon son gré, mais effectivement un service à vocation sociale pour permettre aux individus ayant le statut de parents de pouvoir accéder au marché du travail, au même titre qu’une personne n’ayant pas d’enfant à charge. De même, pour l’enfant placé en institution, la qualité éducative de la prise en charge lui permet de développer les apprentissages nécessaires à la réussite de sa scolarité et son intégration dans la société. Ces propos pourraient être considérés comme une lapalissade, cependant, il ressort clairement que les questions de qualité de la prise en charge restent toujours au second plan des discussions, au profit des considérations économiques et financières (Benoit, 2006, p.59).

Dès lors, il apparait que l’accueil collectif extrafamilial des enfants répond à deux missions sociales centrales: permettre l’accessibilité au marché du travail par les parents dans un but de lutte contre la précarisation des familles; assurer l’égalité des chances des enfants ne disposant pas d’un environnement suffisamment stimulant de part l’absence de leurs deux parents. Ces propos sont également subversifs, car un raccourci serait de dire que la panacée de notre société réside dans le modèle traditionnel de la femme au foyer et l’homme au travail. Or, rien de tel dans notre réflexion.

Management institutionnel, compétences et représentativité

La fonction de direction d’institution d’accueil collectif extrafamilial des enfants est soumis à autorisation dans le canton de Vaud. L’Office d’accueil de jour des enfants (OAJE) détermine les conditions d’octroi de l’autorisation d’exploiter la structure d’accueil. L’une de ces conditions est la réalisation d’une formation permettant d’acquérir des compétences dans les disciplines de gestion d’équipe et de comptabilité (site web de l’Etat de Vaud). Ces critères montrent que la représentation de la fonction de direction, pour l’organe de contrôle de l’Etat, est orientée sur une gestion courante du fonctionnement de la structure d’accueil. Elle participe de la position politique et administrative face à ce champ professionnel et à son niveau de compétence attendu. Ces compétences peuvent être acquises en suivant des modules de formation dans différentes écoles. L’OAJE valide la proposition de formation présentée par la direction de l’institution, qui se doit de l’accomplir dans les cinq années qui suivent sa prise de fonction. Nous pouvons trouver des modules de formation issus d’écoles non professionnelles, de filières issus d’autres champs professionnels, des filières de formation spécifiques à l’accueil de l’enfance, ou, enfin, la filière de formation des directions d’institutions sociales, socio-éducatives et médico-sociales. Sans vouloir développer une analyse de la représentation de la fonction de direction à travers les modules de formation, l’analyse du cursus d’une filière professionnelle nous permet de mettre en avant un autre axe de représentation. Partant des remarques tirées du chapitre précédent et qui montrent que l’éducation de l’enfance est, face aux usagers et bénéficiaires des structures d’accueil, une action sociale en soi, nous portons notre regard exclusivement sur la formation de master en direction stratégique d’institution sociale de la HES-SO. Les disciplines d’étude proposées dans le cadre de cette formation nous permettent de montrer ce que le monde scientifique estime opportun de maîtriser lorsque l’on investit une fonction de direction.

Politique du développement des lieux d’accueil collectif extrafamilial des enfants et tensions stratégiques aux trois niveaux de gouvernance

Nous avons choisi de présenter la stratégie du Conseil fédéral et de la confronter aux prises de position des cantons (CDAS et CDIP), ainsi qu’à celle de l’Initiative des villes. Cela permet de montrer, selon les trois niveaux de gouvernance de notre pays, la considération du dispositif d’accueil de jour extrafamilial des enfants dans le contexte de la politique de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale.
Nous pouvons constater, à travers les prises de position de ces acteurs, que ce dispositif est clairement reconnu comme une mesure réelle de soutien à une stratégie de lutte contre la pauvreté. La portée de ce que signifie le placement de l’enfant est par contre significativement différent. Au niveau des directions cantonales des départements en charge de l’aide sociale, il s’agit essentiellement d’un moyen permettant l’activation des bénéficiaires de l’aide sociale. Du côté de l’Initiative des villes – et dans une moindre mesure au niveau du Conseil fédéral – le dispositif d’accueil revêt également un intérêt certain en tant qu’outil permettant un encouragement précoce, en particulier pour les enfants évoluant dans des contextes sociaux précaires et pour les familles migrantes. Le système actuel d’intervention envers les bénéficiaires de l’aide sociale – actions ciblées sur l’activation des personnes en visant la réinsertion professionnelle – est alors contesté par L’initiative des villes qui trouve trop réducteur de ne considérer que les personnes fragilisées par l’inactivité professionnelle.

Le discours au sujet de l’accueil collectif extrafamilial évolue et s’invite dans les politiques de formation et d’intégration. L’enjeu réside dans l’accessibilité des structures d’accueil aux bénéficiaires des aides sociales, aux working poor, aux familles migrantes et à toutes les personnes touchées par la pauvreté et l’exclusion sociale.

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Table des matières

INTRODUCTION 
L’ACTION SOCIALE EN SUISSE: VERS UN NOUVEAU PARADIGME? 
EVOLUTION DE L’ACTION SOCIALE EN SUISSE ET MODALITÉS D’INTERVENTION DANS LE CHAMP DE L’ACCUEIL COLLECTIF EXTRAFAMILIAL DES ENFANTS 
Repères historiques du développement de l’Etat social actuel; principes de la nouvelle gestion publique
De l’institution à l’organisation sociale
L’éducation de l’enfance dans le champ du travail social
Management institutionnel, compétences et représentativité
CONTEXTE POLITIQUE DE LA THÉMATIQUE DE LA LUTTE CONTRE LA PAUVRETÉ ET L’EXCLUSION SOCIALE; LIEN DE CAUSALITÉ AVEC L’ACCUEIL EXTRAFAMILIAL DES ENFANTS
Politique fédérale et nationale de lutte contre la pauvreté et l’exclusion
Politique cantonale vaudoise d’action sociale depuis 2006
Contexte politique, légal et administratif de l’accueil de jour des enfants dans le canton de Vaud
Politique du développement des lieux d’accueil collectif extrafamilial des enfants et tensions stratégiques aux trois niveaux de gouvernance
PLACE DE L’INNOVATION DANS LE CHAMP DE L’ACCUEIL COLLECTIF EXTRAFAMILIAL DES ENFANTS; CRITIQUE DOCUMENTAIRE 
DIRIGER: DISPENSER DES PRESTATIONS OU DÉVELOPPER UN SERVICE PUBLIC EFFICACE?
QUESTIONNER ET EXPLICITER LES PRATIQUES
PAROLES DE PROFESSIONNELS
PRINCIPES D’ACTION SOCIALE ET CAPACITÉ D’INNOVATION DES DIRECTIONS
Des logiques de gestion
Qui induisent des tensions dans les institutions
Où la place des familles, de l’enfant et des missions sociales d’accueil sont questionnées
Par les priorités de management
CONCLUSION 

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