La logistique de la médecine de catastrophe

L’ EXERCICE DE MEDECINE DE CATASTROPHE

L’exercice de médecine de catastrophe clôture l’enseignement de ce diplôme.
Il est obligatoire et fait suite à l’examen écrit. Il se déroule sur une demi journée. Les étudiants sont placés en condition réelle face à une urgence collective simulée. Il rassemble environ quarante étudiants selon les années.
Le thème et le lieu change tous les ans. Il reproduit en grandeur réelle avec les acteurs habituels des secours et de soins une situation d’urgence collective : un accident de bus avec de nombreuses victimes, un mouvement de foule dans un stade de football, un attentat avec un agent chimique sur la ville de Bordeaux, un crash d’avion pendant un meeting aéronautique, un accident de train, une fuite d’un élément radioactif dans une centrale nucléaire…
Une préparation minutieuse est nécessaire entre les différents services de secours (sapeur-pompier, associations de secourisme , ambulanciers privés) de soins (hôpitaux publics, cliniques privées, SAMU, D DASS) et de sécurité civile (Préfecture, Police, Gendarmerie). La préfecture de la Gironde coordonne l’organisation. Les militaires, les services municipaux, de l’équipement, des transports publics sont sollicités en fonction du t hème spécifique de l’exercice.
Des objectifs sont déterminés à l’avance. De nombreuses réunions préalables sont nécessaires. La cellule animation qui dépend de la préfecture est responsable de la préparation et du bon déroulement de l’exercice. Elle est composée d’un groupe restreint des principaux cadres des services (Préfecture, Police, Sapeur-pompier et SAMU). Tous les problèmes logistiques sont abordés : moyens humains, horaires, sécurité, transport, éclairage, mise en œuvre des moyens de transmissions interservices, repas, boissons, salle de réunion pour les briefings, abris en cas d’intempérie… Des conventions d’exercices sont arrêtées. Elles permettent de raccourcir la durée de l’exercice, de s’affranchir de problèmes logistiques trop coûteux ou insurmontables.
Des réunions internes pour chaque service font suites à celles de la cellule d’animation pour expliquer au personnel les objectifs à atteindre et leur rôle à jouer.
Cet exercice présente un double intérêt : l’entraînement des services concernés par un plan de secours préfectoral et l’évaluation des étudiants pour la validation d’un diplôme universitaire. Il serait difficile et coûteux de concevoir un dispositif aussi lourd essentiellement pour les étudiants du diplôme.
La chaine médicale des secours est définie par l’organisation médicale des secours. Elle comprend trois phases d’intervention : le ramassage, la catégorisation et l’évacuation des victimes.
Le ramassage des victimes comprend le relevage des blessés du lieu de la catastrophe appelé « chantier » et le transport jusqu’au poste médical avancé (P.M.A.). La catégorisation est le triage des victimes au P.M.A. selon leur degré de gravité. L’évacuation vers l’hôpital est accomplie après une régulation médicale par le SAMU. Le but est d’évacuer en priorité les blessés les plus graves une fois les lésions vitales stabilisées. A chaque étape de la chaine, du personnel médical, paramédical et secouriste assure une fonction bien déterminée.
Un responsable médical des secours est nommé : le directeur médical des secours ou D.S.M. Il représente l’autorité médical e. Sur le chantier un médecin de l’avant dirige les secouristes et les infirmiers de l’avant.
Les victimes sont relevées et triées sommairement selon un code secouriste et un bracelet de couleur est apposé au poignet. Le code de couleur correspond à une classification internationale : impliqués couleur verte, blessés légers ou urgences relatives (U.R.) couleur jaune, blessés graves ou urgences absolues (U.A.) couleur rouge, décédés couleur noire. Dans le P.M.A. un médecin chef et un infirmier chef dirigent l’ensemble du personnel. Le personnel médical et paramédical est disposé à l’entrée pour l’accueil des victimes, à l’intérieur pour le traitement des urgences absolues et des urgences relatives, à la sortie pour l’évacuation vers l’hôpital. Le personnel médical e t para médical porte des chasubles identifiant leur fonction.

MATERIEL ET METHODE

Nous allons développer les aspects pédagogiques de cet exercice en suivant le plan d’organisation d’un enseignement qu’on peut synthétiser en cinq grandes étapes:
– Faire une analyse des besoins, définir des finalités, établir un programme et définir un référentiel de compétences.
– Concevoir les principes du contrôle des connaissances.
– Choisir des modalités d’apprentissage et d’enseignement.
– Assurer la cohérence de l’ensemble.
– Définir le mode d’évaluation de l’enseignement, s es objectifs, ses paramètres et ses critères.
L’évaluation de l’exercice par les étudiants a été réalisée en 2008 par une fiche de satisfaction qui malheureusement n’a pas pu être remplie par l’ensemble des participants.

RESULTATS

Les objectifs font partie de ceux retenus pour le diplôme universitaire par un collège d’enseignants de la société française de médecine de catastrophe (S.F.M.C.) dirigée par le Médecin général René Noto : faire face à une situation d’urgence collective, connaitre la gestion, l’organisation et la technologie propre des soins dans ces situations d’exception. L’exercice de simulation de jour ou de nuit doit clôturer l’enseignement théorique. Il se déroule obligatoirement après l’examen écrit.
Nos objectifs pour l’exercice sont la mise en situation des participants face à un événement catastrophique, l’application pratique des grands principes inculqués dans les deux séminaires d’enseignement théorique.
La population d’étudiants du diplôme est très variée. Des médecins, des infirmiers, des infirmiers anesthésistes, des servi ces des urgences-SAMUSMUR, de service de réanimation de la région du grand Sud-ouest prédominent.
Certains viennent de la région Ouest. Quelques médecins, infirmiers, pharmaciens travaillant pour des organismes humanitaires sont présents. Enfin des médecins étrangers d’Afrique francophone participent chaque année.
La population est mixte, d’âges différents de 30 à 60 ans environ. Un médecin est retraité et aspire à participer à des missions humanitaires.
Les modalités pédagogiques sont établies par le Dr. Eric Tentillier qui coordonne l’enseignement du diplôme. Le programme du diplôme est détaillé dans l’annexe C. Chaque année il fait appel comme intervenant à des médecins, cadres infirmiers, pharmaciens, personnel de la sécurité civile, experts en communication ayant une compétence notoire dans la médecine humanitaire, la gestion de crise exceptionnelle.
L’évaluation des étudiants s’effectue par la présence sommative sur le site de l’exercice, l’émargement de la feuille de présence et le contrôle par les médecins et cadres titulaires du service aux différents postes de la chaine médicale des secours. L’activité des étudiants pendant cet exercice fait l’objet d’une observation par les enseignants, les médecins et cadres titulaires du SAMU 33. Elle n’est pas systématique et il n’y a pas de traces écrites. Il n’y a pas actuellement de référentiel sur l’évaluation des compétences de l’étudiant pendant l’exercice.
Les étudiants sont convoqués à une date précise le matin à 8h00 par le secrétariat du Pr. P. Dabadie à un lieu défini qui n’est pas connu avant par les participants. Ils doivent être habillés en tenue de travail. Après l’appel et le contrôle de la présence, une réunion d’information commence. Le thème de l’exercice est dévoilé, les objectifs à atteindre s ont développés.
Les étudiants sont disposés tout au long de la chaine des secours, mis en situation et évalués par les formateurs. L’attribut ion du poste est définie à l’avance par les formateurs en adéquation si possible avec la fonction et l’exercice professionnel de l’étudiant.
Le travail demandée aux étudiants est la prise en charge des nombreuses victimes selon les rudiments de la médecine de catastrophe : examiner les blessés, catégoriser les victimes en fonction de leur degré de gravité, remplir correctement la fiche médicale de l’avant, stabiliser les fonctions vitales, évacuer en priorité les victimes les plus graves, transmettre les informations à la régulation du SAMU 33. Certains étudiants vont diriger l’ensemble du personnel médical et paramédical, organiser la gestion du poste médical avancé.
À chaque poste, un médecin ou un cadre infirmier ou un infirmier anesthésiste titulaire du service du SAMU 33 encadre l’étudiant. A la moitié du temps imparti les étudiants changent de fonction.
L’exercice se termine par un débriefing de l’ensemble du groupe des étudiants. Etape par étape, du chantier, au PMA jusqu’à l’évacuation les participants expriment individuellement leur impressions. Les réactions sont riches, constructives parfois animées. Un responsable du diplôme anime la séance et guide les étudiants. Les formateurs et les observateurs relèvent les faits marquants et les erreurs de tactique ou de te chnique. A la fin du débriefing, un responsable de l’enseignement clôture la séance par une synthèse.
L’évaluation réalisée par les étudiants n’est pas significative car les fiches recueilles de façon anonyme ne sont pas assez nombreuses. Certaines réponses ne sont pas exploitables. Des réponses sont évasives au lieu de répondre par oui ou par non. Le manque de temps et le recueil des données à distance de l’exercice expliquent le nombre réduit de retours ( une dizaine de questionnaires revenus)
Néanmoins cet exercice est très bien accueilli et à poursuivre. Il ressort plusieurs points communs étayés par un commentaire des participants :
– la plupart des étudiants n’ont pas vécu avant une catastrophe réelle ou un exercice du type afflux massif ou gestion de crise.
– les objectifs théoriques sont atteints mais un seul exercice ne permet pas d’être complètement opérationnel sur le terrain : «… peut-on être opérationnel après un seul exercice ? »
– le nombre des étudiants est trop nombreux par rapport aux formateurs qui encadrent l’exercice. Certains participants n’ont p as été évalués : « malgré toute la bonne volonté de l’encadrement, on a le sentiment d’être un peu tout seul dans son coin. »
– Le nombre de postes attribués aux étudiants est insuffisant. Certains sont passés à un seul poste : « vu le nombre d’étudiants, il faudrait que chacun participe à temps égal dans la chaine des secours. »
– Les « objectifs à atteindre pour l’étudiant et pour les titulaires du service. » ne sont pas clairement définis à chaque poste de travail.
– Cet exercice de mise en situation « est nécessaire,indispensable pour mettre en pratique les apports théoriques. »
– L’étudiant à du mal à trouver sa place en tant qu’acteur : « …dans un entraînement qui sert d’exercice au SAMU 33. »
– L’encadrement n’est pas toujours pédagogique. Au lieu de : « tu devrais faire ci… N’oublie pas de faire ça… Ne perds pas de vue tes objectifs… » Il est dit : « Dépêche toi ! Qu’est ce que tu f… ! Prends tes radios. »
– A la question: faut-il améliorer la prise en charge de l’étudiant durant l’exercice ? oui à l’unanimité. « Il faudrait un enseignant à chaque poste afin qu’il puisse superviser les actions des étudiants et les corriger en direct si besoin. »
– Le débriefing à chaud est indispensable au terme de l’exercice. Il n’a pas eu lieu pour l’année 2008 : « prévoir un vrai débrief ing à distance pour partager le vécu. Débriefing à réaliser en salle decours une semaine après. »
Les réponses recueillies reprennent en totalité les réflexions déjà constatées par les formateurs et les étudiants au cours des précédents exercices.

DISCUSSION ET PERSPECTIVES

L’ EVALUATION DES ETUDIANTS PENDANT L’ EXERCICE

L’étude de satisfaction de l’évaluation de cet exercice est peu fiable car la méthode est rétrospective, les données recueillies sont insuffisantes et représentent un biais. La formulation des questions ouvertes ne permet pas une quantification.
L’intérêt pédagogique de l’exercice est excellent mais pas assez structurée.
L’étudiant pour être évalué doit pouvoir être identifié par un badge qu’il porte durant toute la durée de l’exercice. De même pour tous les acteurs titulaires de chaque service, l’identification par une chasuble ou un badge est indispensable.
Il est difficile de connaître toutes les identités des étudiants pour les formateurs d’une part et les titulaires du service d’autre part. Ces derniers découvrent le groupe d’étudiants le jour de l’exercice.
Le personnel médical et paramédical titulaire du service participe à l’exercice avec les étudiants du diplôme pour leur évaluation et non l’inverse. En effet une situation d’afflux massif est peu fréquente dans l’exercice normal. Le personnel moins expérimenté se place alors aussi en situation d’apprenant.
Les enseignants ou formateurs jugent l’évolution de l’étudiant au milieu de la chaine des secours. Ils posent des questions, peuvent recadrer une erreur de procédure, demandent une justification de l’action. L’évaluation de l’étudiant doit être positive et pédagogique. Cet exercice ne doit pas brusquer l’étudiant découvrant une situation nouvelle au cours d’une évaluation qui valide un diplôme. Les enseignants circulent sur l’ensemble de la chaine médicale. Ils doivent posséder la liste des étudiants pour noter des remarques individuelles.
Ils ne sont pas assez nombreux pour encadrer les étudiants. Des étudiants ont rapporté une impression d’isolement au milieu de ce t exercice.
Le nombre élevé des étudiants représente le principal écueil à l’évaluation correcte par les enseignants. Il se rajoute aux participants des différents services du plan de secours. Il y a donc à chaque poste de la chaine médicale un ou plusieurs étudiants excédentaires. L’espace dans la tente du P.M.A est restreint. Il faudra plutôt choisir un P.M.A. plus vaste en dur, un gymnase, une grande salle de réunion, un hangar d’avion pour travailler dans de meilleures conditions.
Les postes clefs de la chaine médicale des secours (D.S.M., médecin et infirmier chef P.MA., médecin du chantier, médecin évacuation, médecin trieur à l’entrée du P.M.A.) sont attribués à un nombre restreint d’étudiants. Le choix est difficile et source de frustrations. Il faut veiller à ce que les étudiants désignés à ces fonctions aient une réelle utilité dans leur futur exercice professionnel. Les étudiants évoluent si possible à deux postes distincts. La gestion du temps et des étudiants est difficile, et certains ne passent qu’à une seule fonction. C’est trop peu.
C’est la remarque la plus fréquemment rapportée par les étudiants à l’issue de l’exercice. Un responsable à la gestion des étudiants du diplôme est nécessaire et doit s’occuper totalement à cette tâche avec rigueur.
Les plastrons représentent un problème conceptuel pour l’étudiant. En effet les signes cliniques alarmants de la fiche ne correspondent pas avec l’attitude calme et placide du plastron. C’est perturbant pour l’étudiant qui doit agir avec empathie. Il est préférable de faire jouer le plastron qui mime les signes de détresses devant l’étudiant. Ces signes cliniques peuvent évoluer dans le temps simulant un blessé qui s’aggrave. C’est une difficulté supplémentaire pour le plastron qui doit bien connaître son rôle et pour le formateur qui doit prendre plus de temps à former le groupe des plastrons. L’étudiant doit tout au long de la chaine médicale réévaluer le patient et modifier la rédaction de la fichemédicale.
Dans certains exercices les étudiants du diplôme font office de plastrons (Exercice « Métrotox » du diplôme de médecine de catastrophe de Toulouse, mai 2003). Les étudiants vivent l’intégralité de la chaine de décontamination chimique et de la chaine médicale des secours. Cett e immersion totale garde un intérêt de découverte incontestable. Elle est consi dérée peu pédagogique car l’étudiant est passif. Elle est mal vécue pour cert ains en tant que victime. Pour d’autres au contraire elle permet de vivre et de comprendre l’intégralité du dispositif.
Afin de palier à un nombre élevé d’étudiants, il est possible de scinder le groupe en deux. Un premier groupe joue les plastrons, l’autre les acteurs de la chaine des secours. A la moitié du temps les deux groupes permutent. Cette méthode est adoptée dans les formations spécialisée aux risques N.R.B.C. du personnel médical à la décontamination chimique ou radiologique du CHU de Bordeaux et dans les formations de formateurs N.R.B.C. de la zone de défense civile Sud-ouest. Elle nécessite par contre un formateur dédié à la gestion du groupe.
L’exercice doit être arrêté à la moitié du temps, ce qui peut perturber le déroulement de l’exercice. C’est difficilement concevable dans un exercice de grande ampleur avec des étudiants dispersés sur le site.

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Table des matières

Chapitre 1 : Introduction 
Aspect général du problème
Aspect particulier du problème
But du travail
Chapitre 2 : Le diplôme de médecine de catastrophe et l’exercice pratique de médecine de catastrophe
2.1 -Le diplôme de médecine de catastrophe
La finalité du diplôme
Le programme
Les enseignants
Les étudiants
2.2 – L’exercice pratique de médecine de catastrophe
Le thème
Les services participants
Les objectifs, la cellule d’animation
La chaine médicale des secours
La fiche médicale de l’avant
Les plastrons ou « fausses victimes »
Les observateurs
Les invités
La logistique de la médecine de catastrophe
Le matériel médical
Chapitre 3 : Matériel et méthode
Chapitre 4 : Résultats
Objectifs de l’exercice
Evaluation des étudiants par les formateurs
Le travail demandé aux étudiants
Le débriefing
Evaluation réalisée par les étudiants
Chapitre 5 : Discussion – Perspectives
5.1 – Evaluation des étudiants pendant l’exercice
Evaluation des étudiants
Limites à cette évaluation
Problème des « plastrons » ou fausses victimes
5.2 – Perspectives
Principes de l’encadrement des étudiants
Pistes de travail
Chapitre 6 : Conclusion
Glossaire
Bibliographie
Annexe A : Fiche pédagogique du diplôme universitaire de désastres sanitaires
Annexe B : Fiche pédagogique de la capacité de médecine de catastrophe
Annexe C : Programme de médecine de catastrophe, année 2007-2008. Université Victor Segalen Bordeaux 2
Annexe D : La fiche médicale de l’avant
Annexe E : La catastrophe de l’autoroute A63 à Lugos en Gironde le 29 août 2004

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