La localisation d’objets en mouvement présente un enjeu réel pour de nombreux domaines. Parmi ceux-ci, la chirurgie assistée par ordinateur, domaine datant d’une vingtaine d’années, nécessite fréquemment l’utilisation de localisateurs. L’émergence ces dernières années des gestes médico-chirurgicaux assistés par ordinateur (GMCAO) a permis de mettre en évidence le besoin d’outils de localisation spécifiques, nécessaires par exemple au guidage de geste lors de la manipulation d’outils chirurgicaux. Cette étude s’inscrit dans le cadre de la localisation et de la poursuite en six dimensions (position et orientation) d’instruments chirurgicaux.
Un certain nombre de systèmes de localisation sont déjà utilisés cliniquement et offrent de nouvelles perspectives aux chirurgiens. Plusieurs modalités sont adoptées pour réaliser ce genre d’appareils. Ces différentes méthodes sont basées sur des principes physiques distincts. On distingue entre autres les modalités mécanique, optique et électromagnétique. On trouve également des descriptions de dispositifs qui mettent en œuvre des techniques hybrides [ASCENSION96] s’appuyant sur plusieurs modalités pour parvenir à un meilleur résultat.
Les systèmes mécaniques [KOSUGI88], [POYET96], [MARMULLA97] sont utilisés essentiellement pour des applications nécessitant un positionnement avec une excellente précision. La précision atteinte est sub-millimétrique pour les modèles les plus performants. Ils permettent de mesurer les six degrés de liberté (position et orientation). Cette technologie utilise une liaison mécanique rigide entre la cible à localiser et le dispositif de mesure. Cette liaison mécanique est contraignante et ne permet pas de suivre un déplacement en temps réel sans de fortes contraintes sur la trajectoire.
LES SYSTÈMES DE LOCALISATION MAGNÉTIQUES
Les systèmes électromagnétiques de localisation spatiale sont les seuls systèmes à permettre une localisation intra-corporelle. Ces systèmes souffrent cependant d’un problème global de précision et sont plus particulièrement sensibles à l’environnement électromagnétique dans lequel ils sont utilisés. Nous présenterons au cours de ce premier chapitre le principe général de fonctionnement des systèmes électromagnétiques et leur problème de précision globale.
Limitation des systèmes électromagnétiques
Les localisateurs magnétiques actuels satisfont au cahier des charges de certaines applications cliniques. Ils sont essentiellement utilisés en chirurgie ORL [FRIED95], [GUNKEL95], [KLIMEK96], [SCHMERBER97] ou en cardiologie [SHPUN97] où leurs performances sont satisfaisantes. La localisation spatiale par systèmes magnétiques permet principalement d’envisager la localisation de sondes intra corporelles. Cet aspect représente en effet l’atout majeur de ces systèmes magnétiques. Cette technologie présente cependant un inconvénient notable : à l’utilisation, dans les conditions standards de mise en œuvre (salle d’opération, par exemple), la mesure est souvent erronée et les spécifications du constructeur ne sont plus respectées. Effectivement, comme nous l’expliquerons plus loin dans notre étude, les localisateurs magnétiques sont sensibles à l’introduction dans le champ opératoire d’outils métalliques ou générateurs de perturbations électromagnétiques tels des perceuses ou autres outils de même nature [NIXON98], [BIRKFELLNER98], [BRYSON92]. Des imprécisions de plusieurs millimètres ne sont pas rares, ce qui empêche toute utilisation clinique de cette technologie pour des applications chirurgicales nécessitant une précision plus pointue, généralement millimétrique voire sub-millimétrique. Dans ce contexte, toute erreur de manipulation peut en effet entraîner de graves conséquences pour le patient.
Mise en évidence des phénomènes
Nous allons mettre en évidence au cours de ce paragraphe, les effets produits par la présence d’outils chirurgicaux métalliques dans le volume de capture sur les résultats fournis par un localisateur magnétique.
Objectifs
Nous débutons notre étude en nous plaçant comme utilisateur d’un système magnétique de localisation spatiale. Nous voulons observer le fonctionnement d’un localisateur magnétique, utilisé dans l’environnement électromagnétique classique d’un laboratoire situé en milieu urbain, en présence d’outils métalliques représentatifs d’une situation opérationnelle. Le système de localisation magnétique utilisé est le système miniBird™ commercialisé par la société Ascension Technology. Le procédé de calcul qui y est implémenté est présenté comme permettant la réduction des effets perturbateurs dus aux courants de Foucault. Par ailleurs, ce système est disponible au laboratoire.
Nous avons utilisé en parallèle le système de localisation optique Polaris™ développé par la société Northern Digital, comme outil de contrôle, afin de nous assurer que les effets observés sont uniquement dus aux phénomènes électromagnétiques créés par la présence des éléments métalliques. Nous pouvons ainsi vérifier que la position du capteur magnétique n’évolue pas au cours des différentes séries de mesures. Nous ne cherchons pas à caractériser le localisateur magnétique utilisé mais uniquement à observer toute variation engendrée sur les données fournies par le système par la présence des outils chirurgicaux métalliques disposés dans le champ opératoire.
Principe
Le produit miniBird™ se compose d’un générateur de champ magnétique trois axes, formé de trois bobines imbriquées, associé à une antenne. Un jeu de trois bobines réceptrices assure la mesure du champ au point de réception, générant ainsi neuf grandeurs qui permettent ensuite, via une algorithmie de calculer les trois coordonnées d’espace et les trois angles d’orientation. Les calculs sont réalisés par un processeur sur la carte électronique associée. Le signal résultat est fourni par une ligne RS232 à un PC hôte.
Les mesures effectuées sont des mesures statiques, c’est à dire que le capteur et la source sont fixes. Elles ont été réalisées pour deux valeurs de la distance source/capteur. La précision statique de ce système de localisation spatiale est égale à 1.8 mm RMS pour la position et 0.5° RMS pour l’orientation du capteur. Les résolutions statiques en position et en orientation sont respectivement égales à 0.5 mm et à 0.1° à 30.5 cm. Les performances du miniBird™ sont fournies et ont été vérifiées par le constructeur sur une plage d’utilisation allant de 20.3 cm à 76.2 cm. Nous avons donc placé le capteur à environ 40 cm (au voisinage du centre de la plage de fonctionnement optimal) puis à environ 70 cm de la source (en limite du domaine de validité des performances fournies par le constructeur).
Présentation des mesures
Les résultats obtenus sont exposés de la manière suivante : pour chacune des configurations (distance source/capteur ; position de l’outil), nous disposons de six figures sur lesquelles nous présentons les données fournies par le système miniBird™. Sur les trois figures de gauche sont présentées les données correspondant aux variables de position (x, y et z) et sur les trois figures de droite, les paramètres d’orientation du capteur (roulis, tangage, lacet).
Problème de précision globale : un état de l’art
Les sources d’imprécision mises en évidence au cours du paragraphe précédent représentent le critère limitatif des systèmes électromagnétiques de localisation spatiale et restreignent leur utilisation clinique. Cette technologie présente cependant le précieux avantage de pouvoir localiser à travers des tissus mous ou même des obstacles plus solides et donc d’envisager la localisation de sondes intra-corporelles. Les systèmes basés sur ce principe physique sont les seuls systèmes à autoriser ces applications. Cette potentialité a généré de nombreuses études relatives au problème de précision globale de ces systèmes. Ce travail de thèse s’inscrit dans le cadre de cette étude du problème de précision. Nous nous intéresserons en effet aux distorsions engendrées par la présence de matériaux métalliques dans le champ opératoire d’un système magnétique de localisation spatiale.
Nous présentons ici quelques travaux menés jusqu’à ce jour sur les systèmes magnétiques de localisation spatiale et plus particulièrement sur leurs performances et leurs imprécisions qui illustrent l’intérêt porté à ces systèmes.
Dans [CLEARY03], les auteurs s’intéressent plus particulièrement à la précision obtenue, au centre de la sphère de fonctionnement du système, sur l’orientation d’une cible fournie par le localisateur magnétique Aurora™ commercialisé par la société Northern Digital. Cet appareil est utilisé dans le cadre du développement d’un système de placement assisté par ordinateur d’aiguilles destinées à des interventions abdominales. Les résultats obtenus lors des tests effectués en conditions opérationnelles avec ce localisateur sont concluants puisque la plus mauvaise précision obtenue au centre de la plage optimale d’utilisation du système sur l’orientation d’une cible est de 0.7°. Cette précision est acceptable pour l’application clinique envisagée.
[MILNE96] évaluent les performances effectives du système de localisation Flock of Birds™ commercialisé par la société Ascension Technology. La plage d’utilisation optimale de ce localisateur est spécifiée et les interférences occasionnées par la présence de plusieurs alliages orthopédiques sont estimées. La plage d’utilisation optimale déterminée par les auteurs suite aux différents tests effectués est obtenue lorsque la distance source/capteur est comprise dans la plage [22.5-64] cm. Les erreurs relatives sur la position et sur l’orientation constatées dans cette plage sont inférieures à 2 %. La résolution obtenue sur la précision et sur l’orientation est respectivement égale à 0.25 mm et à 0.1°. Les performances du système, combinées à son insensibilité à la présence de plusieurs alliages orthopédiques, rendent possible son utilisation pour une multitude d’applications dans ce domaine chirurgical.
Certains fabricants ont cherché à résoudre, en partie, ce problème d’imprécisions engendrées par la présence de métal dans le champ opératoire en fournissant des outils spécialement adaptés à ce type de localisateur [TRAXTAL]. Cette solution n’est toutefois pas entièrement satisfaisante car elle ne permet pas de s’affranchir des perturbations engendrées par la présence éventuelle d’autres éléments métalliques dans le champ opératoire et peut également influer sur l’expérience du chirurgien.
Il existe également des méthodes de calibration élaborées pour compenser certaines perturbations comme celles engendrées par la présence d’objets métalliques statiques dans l’environnement proche du système magnétique. Le principe de ces méthodes de calibration consiste à mesurer les positions des points d’une grille 3D englobant le volume de capture. La grille tridimensionnelle obtenue, déformée par la présence des sources de perturbations, est alors combinée à des polynômes d’interpolation pour obtenir la grille authentique dont la cartographie exacte est réalisée parallèlement par un localisateur auxiliaire dont la précision est conforme aux exigences de cette opération. Les données fournies par le localisateur magnétique, entachées des erreurs occasionnées par la présence des différents sources de perturbation, sont corrigées à l’aide des polynômes d’interpolation identifiés grâce à la connaissance exacte des points de la grille. Cependant, toute modification de l’environnement électromagnétique dans lequel le système est en fonctionnement nécessite d’effectuer une nouvelle cartographie de l’environnement modifié. Cette méthode offre de bons résultats mais la cartographie préalable est une opération pointue qui doit être effectuée à chaque modification de l’environnement magnétique du localisateur. Dans [TIAN99], les auteurs présentent une méthode de calibration originale qui permet de s’affranchir des distorsions quasi-statiques créées par des objets métalliques en mouvement mais fixés solidairement au capteur. Cette méthode est mise en œuvre en utilisant le système Flock of Birds™ de la société Ascension Technology dont le miniBird™ utilisé précédemment est le module de base. Les résultats obtenus sont très bons puisque les auteurs annoncent que les erreurs de position rencontrées peuvent être diminuées d’environ 80 %. L’effet de la compensation sur les erreurs d’orientation est moins significatif et ne permet l’élimination que d’environ 40 % des erreurs constatées.
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Table des matières
INTRODUCTION
CHAPITRE I LES SYSTÈMES DE LOCALISATION MAGNÉTIQUES
Introduction
1. Limitation des systèmes électromagnétiques
1.1 Mise en évidence des phénomènes
1.1.1 Objectifs
1.1.2 Principe
1.1.3 Présentation des mesures
1.2 Problème de précision globale : un état de l’art
2. La localisation par systèmes magnétiques
2.1 La localisation
2.2 Notions d’électromagnétisme
2.2.1 Moment magnétique
2.2.2 Expression du champ magnétique
2.2.3 Approximation dipolaire
2.2.4 Notion de flux magnétique
2.2.5 Positions de Gauss
2.2.6 Accès à l’information magnétique
2.3 Mise en œuvre d’un système de localisation
2.3.1 Principe général
2.3.2 Complexité du système – répartition des capteurs et des sources
2.4 Etat de l’art industriel
3. Perturbations électromagnétiques
3.1 Effets sur le champ magnétique
3.2 Spécification des paramètres de l’étude
Conclusion
CHAPITRE II MODELISATION
Introduction
1. Contexte physique
1.1 Caractérisation des sources et des matériaux
1.2 Phénomènes électromagnétiques
1.2.1 Induction électromagnétique
1.2.2 Aimantation
2. Équations de l’induction
2.1 Équations de Maxwell
2.2 Relations constitutives des milieux
2.3 Bilan des courants
2.4 Équation de Helmholtz
2.5 Conditions aux limites
2.5.1 Conditions aux interfaces
2.5.2 Conditions aux limites
3. Modèle numérique de l’induction
3.1 Formulations physico-mathématiques
3.1.1 Présentation des potentiels électromagnétiques
3.1.2 Choix de la formulation
3.2 Méthodes numériques de résolution
3.2.1 État de l’art
3.2.2 La méthode des éléments finis
3.2.3 Présentation du logiciel FluxExpert
3.3 Modèle polynomial
3.3.1 Système linéaire
3.3.2 Interpolation et projection
3.3.3 Domaine de validité
3.4 Modèle analytique
3.4.1 Présentation
3.4.2 Loi de décroissance dans la profondeur
3.4.3 Adaptation des fonctions d’interpolation et de projection
3.4.4 Calcul des intégrants
Conclusion
CHAPITRE III VALIDATION
Introduction
1. Validation qualitative
1.1 Génération des maillages
1.1.1 Scénario 1
1.1.2 Scénario 2
1.1.3 Scénario 3
1.2 Propriétés physiques
1.3 Conditions aux limites
1.4 Résultats obtenus
1.4.1 Scénario 1
1.4.2 Scénario 2
1.4.3 Scénario 3
2. Validation quantitative
2.1 Objectifs du dispositif
2.2 Précision du modèle éléments finis
2.2.1 Sources d’erreur pour la modélisation
2.2.2 Quantification de l’erreur
2.3 Confrontation expérimentale
2.3.1 Dispositif expérimental
2.3.2 Mise en oeuvre de la modélisation
2.3.3 Résultats obtenus
3. Domaine de validité des modèles
3.1 Problématique
3.2 Comparaison des deux types de modèles
3.2.1 Définition de la géométrie
3.2.2 Résultats obtenus
Conclusion
CONCLUSION
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES