La littérature peut-elle être un outil de médiation des valeurs au cycle 2?

La littérature permet d’édifier un socle de valeurs communes qui nous apprend à décrypter nos émotions, le monde qui nous entoure et à en comprendre le fonctionnement. Par ailleurs, les œuvres littéraires qui s’appuient sur les mythes fondateurs constituent une partie importante de notre patrimoine artistique et culturel. Donner à tous une première culture littéraire est donc un objectif important de l’école primaire. L’œuvre littéraire va également permettre de guider l’enfant vers la citoyenneté. En effet, la littérature est un moyen d’échange qui favorise l’expression du jugement du lecteur et peut l’obliger à réfléchir à des dilemmes moraux par le prisme d’un héros ou d’un héroïne. C’est aussi un moment de partage grâce auquel l’élève doit apprendre à prendre en compte le jugement de ses camarades. Au cours de cet écrit réflexif, nous nous demanderons ce que l’on transmet, affectivement parlant, lorsqu’on lit une histoire aux enfants et nous verrons si, en choisissant des œuvres de façon pertinente en fonction de critères précis, on pourrait envisager une formation éthique et intelligente.

Les apports théoriques

La formation du citoyen

L’éducation civique, au cycle 2, doit permettre à chaque élève de mieux s’intégrer à la collectivité de la classe et de l’école au moment où son caractère et son indépendance s’affirment. Elle le conduit à réfléchir sur les problèmes concrets posés par sa vie d’écolier et ainsi à prendre conscience de manière plus explicite de l’articulation entre liberté personnelle, contraintes de la vie sociale, et affirmation de valeurs partagées. Le programme d’Education Morale et Civique insiste également sur l’importance d’exprimer ses propres sentiments. Dans la partie consacrée à la formation de la personne et du citoyen, en tant qu’espace interdisciplinaire, il est écrit que l’objectif est de « faire comprendre pourquoi et comment sont élaborées les règles, à en acquérir le sens, à connaitre le droit dans et hors de l’école ». Confronté à des dilemmes moraux simples, à des exemples de préjugés, à des réflexions sur la justice et l’injustice, l’élève est sensibilisé à une culture du jugement moral : par le débat, l’argumentation, l’interrogation raisonnée, l’élève acquiert la capacité d’émettre un point de vue personnel, d’exprimer ses sentiments, ses opinions, d’accéder à une réflexion critique. L’Education Morale et Civique a également vocation à former les élèves aux valeurs morales.

L’E.M.C n’a pas pour objectif prioritaire l’acquisition d’un savoir, mais l’apprentissage pratique d’un comportement. Ce domaine n’est donc pas lié à un enseignement, mais à tous. Les divers champs disciplinaires le renforcent et en montrent l’intérêt. Ainsi les sciences expérimentales font mieux comprendre les différences entre garçons et filles, l’histoire et la géographie ou les arts, les différences culturelles. L’éducation physique oblige à respecter le concurrent ou l’adversaire. Cet objectif se prête donc particulièrement à l’interdisciplinarité et au croisement avec des matières littéraires, qui sont elles aussi une composante majeure des programmes scolaires.

La littérature à l’école

Depuis deux siècles, la littérature adressée aux enfants, qu’elle soit ou ne soit pas « de jeunesse », est riche de chefs-d’œuvre. Elle s’est constituée comme un univers où les thèmes, les personnages, les situations, les images ne cessent de se répondre. La littérature adressée à l’enfance ne s’est jamais située en dehors de la littérature que lisent les adultes. Elle se porte seulement vers des lecteurs qui n’ont pas les mêmes interrogations sur le sens du monde que leurs parents, qui n’ont pas non plus la même expérience de la langue. En littérature « scolaire », la lecture débouchant sur une compréhension assurée du texte est l’objectif premier. Il ne s’agit pas d’une explication formelle des processus narratifs ou stylistiques qui serait trop complexe pour la majorité des enfants de cet âge. La littérature est considérée comme un ensemble de textes, dont la qualité littéraire ne fait aucun doute et que l’on s’approprie en les lisant. Cette lecture doit être suffisamment approfondie pour que l’élève garde la mémoire de ce qu’il a lu et puisse faire une référence de ses lectures ultérieures notamment lors de lectures en réseaux. Les élèves ont désormais des compétences de base pour comprendre de nouveaux textes dont le niveau va se complexifier. L’appropriation des œuvres littéraires appelle également un travail sur le sens. Elle interroge les histoires personnelles, les sensibilités, et les expériences des lecteurs. Elle crée l’opportunité d’échanger ses impressions sur les émotions ressenties, d’élaborer des jugements et de remettre en cause des préjugés. Le sens n’est pas donné, il se construit dans la relation entre le texte et le lecteur. Cette curiosité-là s’apprend, s’exerce, se développe progressivement. En effet, une culture littéraire se constitue par la fréquentation régulière des œuvres. Elle suppose une mémoire des textes, et une capacité à relier les œuvres entre elles. Elle est un réseau de références autour desquelles s’agrègent les nouvelles lectures. Les enseignants doivent construire un trajet de lecture, varié et adapté, pour permettre la rencontre des différents genres littéraires. Il importe en effet que tous les élèves aient eu la chance, dans leur scolarité, de rencontrer des œuvres — dont ils puissent parler entre eux, dont ils puissent discuter les valeurs esthétiques ou morales qui y sont mises à l’épreuve —, qui soient ce socle de références que personne ne peut ignorer.

La littérature à l’école joue donc un double rôle. Le plus connu et le plus exploité est celui de l’apprentissage de la lecture. En effet, elle favorise le développement des capacités de compréhension des élèves. Mais, elle a aussi un second rôle de médiation : elle permet à l’enfant de construire un rapport intime au monde qui l’aide à comprendre ses réactions et à donner du sens aux apprentissages dispensés à l’école.

La littérature comme « médiateur culturel »

La fiction crée un univers particulier qui s’inspire du réel et le transcende. Elle offre une fenêtre ouverte sur le monde et permet de mieux le comprendre, de le ressentir, de le juger.

« Un roman est un miroir que l’on promène le long d’un chemin » Stendhal.

La citation encourage le lecteur à étudier notre univers et fait du livre une expérience symbolique. Cette conception de l’écriture narrative trouve écho dans le discours de certains psychologues. Pour Jérôme Bruner « le récit donne forme à ce qui existe dans le monde réel et lui confère même une sorte de droit à la réalité.» Ainsi l’enfant, comme l’adulte, trouve dans le récit littéraire une illustration concrète des valeurs parfois abstraites qu’on lui demande d’intégrer. Héros et héroïnes lui renvoient en miroir les épreuves qu’ils rencontreront le long de leur chemin et leur permettent de découvrir une façon de les appréhender. Il est d’ailleurs inscrit dans les programmes « l’imagination et la créativité sont convoquées » et ce dans tous les domaines. Selon la psychologie, la littérature permet également à l’enfant de prendre en compte les inquiétudes et les émotions qui parasitent les apprentissages. Il faut alors parvenir à ouvrir l’esprit de l’enfant au désir d’apprendre et l’aider à rompre avec les peurs qui le paralysent.

C’est là qu’intervient la littérature de jeunesse. En effet, pour Edwige Chirouter, le texte littéraire est un support privilégié « elle [la littérature] établit un pont entre l’expérience singulière – qui, par son caractère trop intime, empêche la prise de recul et l’analyse – et le concept – qui, par sa froideur, peut nuire à l’implication personnelle» . L’enfant, justement du fait de sa difficulté naturelle à sortir de sa subjectivité peut avoir du mal à appréhender certaines notions. A cela, vient s’ajouter une expérience du monde forcément limitée. C’est pourquoi, par le texte littéraire, l’enseignant peut lui donner des outils qui l’amèneront progressivement à affiner son raisonnement et à l’émanciper de son seul point de vue tout en prenant appui sur ce qu’il sait du monde, de son monde. L’enfant s’empare alors de questions dont on lui a fait penser qu’elles n’étaient que pour les adultes.

Le lien avec le socle commun

Le Socle Commun de Culture et de Compétences, mis en place en 2016, doit permettre aux élèves de développer des capacités et des attitudes qui leur serviront pour leur vie entière. On y retrouve la question de la littérature et des valeurs de citoyenneté à plusieurs reprises. La compétence 1 « Maîtrise de la langue française », indique que tout élève devra apprendre à prendre la parole en public et débattre en exprimant ses opinions et respecter celles d’autrui. On retrouve d’ailleurs cette idée de travail collectif et de capacité de jugement et d’expérimentation du jugement critique dans le « parcours citoyen » et la compétence 6. Le dispositif des séances, qui sont mises en place au croisement de l’EMC et de la littérature, respecte ces prérogatives puisqu’il propose des situations de débat dans un cadre strict et organisé. Les élèves, grâce à l’album, abordent la notion de l’individualité de chacun et de sa place dans la société. La compétence 3, culture scientifique et technologique, indique qu’à la fin de sa scolarité obligatoire, tout élève doit avoir une représentation cohérente du monde reposant sur des connaissances. La littérature et l’étude des valeurs qu’elle véhicule permettent d’interroger le monde selon diverses approches, en lien avec la réalité ou le monde imaginaire, ces deux univers s’appréhendant parallèlement. La compétence 5 « Culture humaniste » souligne que l’enseignant doit donner des repères communs pour aider à la construction du sentiment d’appartenance à la communauté des citoyens et développer la conscience de l’universalité des expériences qu’ils vivent. Durant cette séquence, les élèves interrogent justement cet écart qui existe entre ce qui relève de leur individualité et ce qui relève au contraire de préoccupations communes aux autres. La compétence 7 appelée autonomie et initiative insiste sur les capacités d’autonomie, avec la possibilité d’échanger, d’agir et de choisir en connaissance de cause, en développant la capacité de juger par soi-même et l’esprit d’initiative. Chacun doit avoir conscience de l’influence des autres sur ses valeurs et ses choix. L’envie de prendre des initiatives implique la curiosité.

La littérature permet de faire le lien entre ces diverses compétences et d’amener les élèves à acquérir de nouvelles compétences et connaissances linguistiques, mais aussi morales et civiques. C’est que ce le dispositif que je présent s’attache à montrer : le partage des valeurs via le partage de textes littéraires.

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Table des matières

Introduction
1 – Les apports théoriques
1.1- La formation du citoyen
1.2 – La littérature à l’école
1.3 – La littérature comme « médiateur culturel »
1.4 – Le lien avec le socle commun
2- Le dispositif
2.1- Pourquoi ce livre ?
2.2 – La réflexion en amont
2.2.1 – Le choix de cette séquence et mes hypothèses de départ
2.2.2 – Mes objectifs
2.3- L’organisation du dispositif
2.3.1 – L’aménagement de la classe
2.3. 2 – Le calendrier des séances
2.3.2- Les consignes
2.3.3 – Le rôle du PES
3.Les séances
3.1 – La séance 1
3.2 – La séance 2
3.3 – La séance 3
3.4 – La séance 4
4- La collecte et l’analyse des données
4.1 – La question de l’évaluation
4 .2 – Une analyse individuelle
4.3 – Une évaluation qui se prolonge dans le temps et les disciplines
4.3 -Analyse des données
Conclusion
Ma pratique
La réponse à ma problématique
Bibliographie

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