LA LITTÉRACIE, UNE NOTION POUR PENSER LES RAPPORTS À L’ÉCRIT ET SON APPROPRIATION

L’insertion par l’activité économique, un nouveau modèle de cohésion sociale ?

Face à la crise économique des années 80, l’  »État-passif providence » dit compensateur est perçu comme une machine à indemniser inadaptée au contexte de chômage de masse et d’exclusion. Cette crise philosophique a conduit l’avènement d’« un nouvel âge du social » (Rosanvallon, 1995, p 12) où les règles du vivre ensemble sont redéfinies autour de la notion d’insertion et où  »l’État-actif providence » est amené à jouer le rôle de  »chef d’orchestre » dans le maintien de la cohésion sociale. L’insertion serait alors perçue comme une voie à explorer pour dépasser les limites de l’aide sociale traditionnelle et faire émerger les principes d’un nouveau modèle de cohésion sociale.

Mot d’ordre commun des nouvelles politiques sociales mises en place depuis le début des années quatre-vingts, les vocables d’  »insertion » ou de  »politiques d’insertion » se situent au carrefour des notions de travail, protection sociale et socialisation des individus. Ils marquent la fin « des clivages nets entre travail et protection attachée au travail d’un côté et de l’autre dispositifs assistanciels pour les exclus du travail » (Lafore, 2000, p 93). Au vu d’une part toujours grandissante d’individus exclus du marché du travail, les dispositifs d’insertion, initialement conçus comme temporaires et marginaux, dessinent aujourd’hui le paysage des politiques de l’emploi et viennent d’une certaine manière reconstruire les rapports entre travail, protection et garantie des ressources.

« Un social de troisième type » (Donzelot, 1991), « un tiers secteur » (Eme, Laville, 1988), le secteur de l’IAE s’est alors implanté dans le paysage national et propose une conception nouvelle de la solidarité pour les personnes exclues du marché du travail où social et économique se trouvent conciliés. Construit sur la base de ce décloisonnement, il joue le rôle d’intermédiation entre l’emploi salarié et le non-emploi dans une logique de transition professionnelle fondée sur la mise au travail.

L’insertion, une nébuleuse polysémique ou diffractée 

Instituée en  »obligation nationale » (pour les jeunes au début des années quatre vingts), puis en impératif national » (pour les pauvres à la fin de la décennie), la notion d’insertion, jusque-là peu problématisée, va faire l’objet dès le début des années quatre-vingt-dix d’un véritable travail social de conceptualisation de la part des sociologues (Guyennot, 1998). Plus de vingt ans plus tard, un certain embarras entoure cette notion empirique qui reste encore relativement floue et ceci malgré le sens précis qu’ont tenté de lui donner les chercheurs et professionnels. Utilisée pour désigner tout à la fois des politiques sociales concernant le travail, la formation professionnelle et les conditions d’accès à l’emploi, la notion d’insertion fait l’objet de débats controversés.

En tant qu’outil de décision politique, elle apparaît par ailleurs indéniablement simplificatrice du réel et dévoile des choix idéologiques qui viennent impulser ses indicateurs pour l’action (Balzani, 2003). La prolifération de ses référentiels d’action tend à donner à l’insertion un visage labyrinthique (Nicole-Drancourt, 1991), « constat de l’éclatement de ce monde empirique, tant en termes de champs d’activités, de politiques, de procédures, de mesures administratives, de types d’organisation et de pratiques professionnelles, de catégories et de statuts des personnes en insertion […] Si société d’insertion il y a, elle est archipel d’insertions. » (Eme, 2006, p 90).

La notion d’insertion se caractérise alors par une multitude de sens « qu’il est difficile de réduire à un plus petit dénominateur commun ce qu’on pourrait appeler un concept » (Eme, 2006). Cette pluralité sémantique issue de ses usages sociaux et de ses définitions institutionnelles, nous amène à qualifier cette notion empirique de prénotion au sens de Durkheim (1894). Construire le concept sociologique d’insertion en dépassant les présupposés et les multiples définitions attribuées à cette notion apparaît illusoire et dangereux puisqu’il risquerait d’être contaminé par ses multiples représentations de sens commun: « l’utilisation de la notion d’insertion comme concept sociologique risque toutefois de conduire, sans peut-être en avoir conscience, à introduire dans les champs de l’analyse les présupposés de l’action sociale et les principes idéologiques qui sont au cœur du débat social actuel. » (Paugam, 1996, p 15).

Fait social massif et nouvelle forme de gouvernance de l’individu exclu du marché du travail, l’insertion est une notion centrale des politiques sociales et des acteurs de terrain qui de par son caractère polysémique et sa prolifération labyrinthique apparaît comme un phénomène diffracté, phénomène qui nous incite, dans un premier temps, à nous arrêter sur ce terme pour en déceler les processus principaux en jeu.

De l’intégration à l’insertion : un passage synonyme de déliaison

Depuis son émergence, la notion d’insertion est venue supplanter le concept d’intégration utilisé aujourd’hui qu’en référence à un public d’origine étrangère (Bailleau, 1990). Ce passage de la notion d’intégration à celle d’insertion peut être interprété comme un  »éclatement du social » qui rendrait obsolète la notion d’intégration, le social ne pouvant plus être pensé dans son unité. Quand le concept d’intégration signifiait  »rendre entier », la notion d’insertion  renvoie plutôt à l’idée d’  »inclusion », d’  »introduction » ou encore d’  »incorporation ».

Ce déplacement notionnel marque ainsi une situation nouvelle où le processus social d’intégration, en panne, se trouve incapable d’unifier le  »corps social ». L’insertion est alors bien souvent assimilée à celle d’intégration opposée à la notion d’exclusion (Balzani, 2003) ; dans la réalité ces deux notions se différencient et nous proposons de comprendre ce que chacune d’elle nous dit de l’ordre social.

Intégration et cohésion sociale : le travail en tant que  »grand intégrateur »

Barel (1991) a mis en évidence deux manières d’aborder la question du lien social. La première consiste à observer ses  »défaillances », ses  »trous », ses  »déchirures » qui, en creux, sont censés dessiner, par miroir inversé, ce qu’est le lien social. La limite d’une telle perspective est qu’elle postule en une « normalité intangible » (p 42) à laquelle doivent se soumettre les membres de la société et que les déviants doivent rejoindre. Le lien est alors conçu comme normativité. Or, « on ne peut plus tenir pour acquise une hiérarchie du lien où l’individu et le micro-social ne peuvent se normaliser qu’en s’alignant sur le macro-social. » (Ibid.). Une autre approche revient au contraire à comprendre la production du lien social qui se modèle indéniablement en fonction de son époque et de son contexte particuliers sans qu’on ne préjuge aucune norme. D’ores et déjà, on peut se demander quelle fonction donner à l’insertion : est-ce un retour au principe de normativité de l’individu au vue de ses  »défaillances », ses  »manques » ou au contraire est-ce un outil de reconstruction du lien social sans qu’aucune norme ne soit pré-établie ? (Eme, 2006).

La prise en compte de la fabrique du lien social au sein de différents espaces revient à le penser comme le résultat final d’ « un réseau ou d’une cascade d’intégrations multiples » (Barel, 1990, p 89). L’intégration se réalise ainsi au sein d’une multitude d’univers socioculturels ou socio-économiques (famille, ville, village, association, parti, groupe social, entreprise, etc) différents d’une intégration à l’autre. Il faut relever cependant le trait commun que partagent toutes ces intégrations : leur caractère actif. Elles ne se limitent donc pas à l’incorporation d’éléments passifs « mais supposent presque toujours une adaptation réciproque de ce qui intègre et de ce qui est intégré » (Barel, 1991, p 43). « Mieux : l’intégration de l’un est en partie l’intégration de l’autre » (Barel, 1990, p 90). Une nouvelle fois, on peut se demander si l’insertion sous-entend cette même réciprocité ou si, au contraire, elle est synonyme d’une adaptation stricto sensu de l’individu aux normes sociétales.

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Table des matières

Introduction générale
PARTIE I : L’INSERTION PAR L’ACTIVITÉ ÉCONOMIQUE, UN ESPACE SPÉCIFIQUE D’ACCOMPAGNEMENT DES  »INEMPLOYABLES »
Introduction de la partie I
Chapitre 1 : L’insertion par l’activité économique, un nouveau modèle de cohésion sociale ?
I. L’insertion, une nébuleuse polysémique ou diffractée
II L’insertion par l’économique, la construction d’un espace spécifique de gestion des  »incapables à l’emploi »
Chapitre 2: L’insertion par l’activité économique, un accompagnement dans et vers l’emploi, social et professionnel de populations éloignées durablement du marché du travail
I. Construction et configuration du secteur de l’IAE comme acteur clé des politiques de lutte contre les exclusions
II. Une double régulation de l’accompagnement, par les règles d’en haut et par les règles d’en bas
III. Accompagnement par la formation de personnes durablement éloignées de l’emploi: le cas des ACI du NPDC
Conclusion de la partie I
PARTIE II : LA LITTÉRACIE, UNE NOTION POUR PENSER LES RAPPORTS À L’ÉCRIT ET SON APPROPRIATION
Introduction de la partie II
Chapitre 3 : Culture de l’écrit et ordre littéracien
I. L’ordre littéracien comme raison graphique
II. L’ordre littéracien comme système de réalisation linguistique spécifique
Chapitre 4 : Littéracies, pratiques sociales et culturelles situées
I. L’ancrage socio-culturel des dispositions littéraciennes
II. L’ancrage contextuel des dispositions littéraciennes
Chapitre 5 : Littéracie et appropriation, l’acculturation à l’écrit en toile de fond
I. Apprendre, un processus de transformation conceptuelle opéré par le sujet
II Appropriation de l’écrit et processus d’acculturation à l’ordre littéracien
Conclusion de la partie II
Partie III : CONTINUITÉS ET POINTS DE RUPTURE DANS LES RAPPORTS À L’ÉCRIT
Introduction de la partie III
Chapitre 6 : Présentation de l’enquête de terrain
I. Les principes méthodologiques de la recherche : sur le chemin de la compréhension
II. Protocole d’investigation mis en œuvre
III. Les caractéristiques des terrains d’investigation
Chapitre 7 : Littéracies professionnelles et quotidiennes, des pratiques situées dépendantes de leur contexte littéracien
I.  »Littéracie restreinte » en ACI et accompagnement dans l’emploi
II. Littéracie quotidienne restreinte versus élargie et contexte social et familial
Chapitre 8 : Appropriation et processus d’acculturation à l’écrit
I. Les conceptions liées à l’écrit : lire et écrire, entre engagement et résistance
II Les fonctionnements et stratégies vis à vis de l’écrit : entre persistance et changements dans les procédures
III. Les éléments constitutifs du rapport au savoir : entre signifiance et dénégation de l’apprendre
Chapitre 9 : Comprendre l’appropriation de l’écrit en contexte d’insertion par le travail
I. Quatre figures de l’appropriation de l’écrit dégagées
II. Les critères explicatifs entrant en jeu dans l’appropriation de l’écrit
Conclusion de la partie III
Conclusion Générale

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