La laïcité désigne au sens actuel la séparation du civil et du religieux. Le principe de séparation des pouvoirs politiques et administratifs de l’État du pouvoir religieux en est une application. Au sens contemporain, elle est le principe d’unité qui rassemble les hommes d’opinions, de religions ou de convictions diverses en une même communauté. Le mot « laïc », apparu au XIIIe siècle, est issu du latin laicus « commun, du peuple (Laos) » terme ecclésiastique repris au grec d’église, laikos, « commun, du peuple (Laos)», par opposition à, klerikos (clerc), désignant les institutions proprement religieuses. Laicus est une vocabulaire de l’église de l’antiquité désignant une personne qui n’est clerc ni religieux. Le concept laicus est une séparation du pouvoir ecclésiastique et du pouvoir séculier. Au sens contemporain, le substantif laïc désigne familièrement l’école républicaine. La laïcité sécularise la puissance publique et renvoie l’activité religieuse dans la sphère privée. Jean Baubérot défini la laïcité contemporaine sous trois aspects : «l’État est sécularisé, la liberté de croyance et de culte est garantie, et les croyances sont égales entre elles. » Aujourd’hui on oppose trois conception de la laïcité : la conception française, américaine et turque.
Les origines et la marche vers la laïcité
De la reforme de la fin du XIXe siècle au révolution kémaliste
La reforme du XIXe siècle
a) Le Tanzimat
Etant un pays multiconfessionnel et pluriethnique, la Turquie a dû trouver un moyen pour faire coexisté la loi islamique (charia) et législation impériale (kanûn), ainsi que l’exigence d’une formule juridique pour la coexistence des groupes ethniques, des langues, des religions et des droits. La gestion de la religion et de la politique relevait ainsi du césaro-papisme. L’institution religieuse est dominée par le sultan. L’empire qui s’est désagrégé tente de se reconstruire en se modernisation par de nombreuse réformes. D’où le tanzimat.
Le Tanzimat correspond aux reformes et à la restructuration de la bureaucratie ottomane au milieu du XIXe siècle. Réformes qui ont pris l’Occident comme model. Il était initié par les réformateurs ottomans et ont été institutionnalisées dès l’avènement de la république en 1923. Il a accordé une égalité entre tous, quelle que soit leur religion. C’est la première sécularisation de la turquie. Cette réforme s’achève en 1876.
b) La révolution des Jeunes Turcs
Cette tradition de l’autonomie du politique a été transmise pendant la révolution de 1908 aux Jeunes Turcs. Une grande manifestation a marqué cette révolution. Les Jeunes Turcs faisaient parti des membres « Union et Progrès », crée par des intellectuels et des officiers ottomans réformateurs cherchant à se libérer de l’emprise européenne. En 1908, ils ont obligé le sultan à rétablir la constitution de 1876, avant de le contraindre à abdiquer l’année suivante. Ils dominèrent la vie politique ottomane de 1908 jusqu’au démantèlement de l’Empire, après la première guerre mondiale.
Les Jeunes Turcs étaient venus au pouvoir en 1913 après la défaite de la seconde guerre balkanique sous la bannière du « Parti Union et Progrès ».
La révolution kémaliste
a) Principes kémalistes
L’idéologie kémaliste est basée sur les principes d’Atatürk qui se résume en six principes fondamentaux :
– le républicanisme qui selon Mustafa Kemal représente les souhaits du peuple.
– le populisme car la révolution kémaliste a été une révolution sociale.
– le laïcisme qui est défini comme la relégation de la religion dans la sphère privée
– le révolutionnarisme où l’élimination des traditions jugées archaïques et traditionnelles au profit d’un concept moderne et réformateur.
– le nationalisme qui assure l’indépendance de la nation face aux puissances étrangères. La révolution kémaliste était basée sur la volonté d’appartenir à un même peuple.
– l’Etatisme car selon lui même la modernisation de la Turquie ne peut venir que de l’état du développement économique et technologique. Après la crise de 1929, l’économie turque était devenue étatiste et l’état est interventionniste.
b) Les reformes politiques
Suite à l’occupation de l’Empire ottoman par les Alliés, des négociations de paix se sont ouvertes. Mais les turcs refusent de se faire représenter par le sultan. Mustafa Kemal est élu président de l’assemblée à l’unanimité. Il franchit une étape supplémentaire vers la fin du sultanat. Mustafa Kemal fort du rejet des turcs envers la proposition du sultan est déterminé à mettre fin à cette institution. Pour ce faire, il réunit la Grande assemblée nationale de Turquie le 30 octobre. Pour Mustafa Kemal il faut mettre fin au sultanat sans porter atteinte au califat. A la tribune il propose : « Il n’y a qu’une manière de sortir de l’impasse où nous nous trouvons. Que le Parlement promulgue une loi séparant le sultanat du califat, abolissant le sultanat, et expulsant Mehmed VI du pays. ». D’où l’abolition du sultanat est le 17 novembre Mustafa Kemal a prononcé un discours à l’assemblée : « Il faut changer radicalement de système. J’ai décidé en conséquence, que la Turquie serait une République autoritaire, gouvernée par un Président investi de la totalité du pouvoir exécutif. » Puis il lit le projet de loi constitutionnelle qu’il avait rédigé : « La forme du gouvernement de l’État turc est la République. Elle est administrée par la Grande Assemblée, laquelle régit les différents départements par l’organe des ministres et choisit dans son sein le Président de la République. Celui-ci est le Chef de l’État. Il préside, quand il le juge nécessaire, l’Assemblée Nationale ainsi que le Conseil des ministres, dont il choisit le président parmi les membres de l’Assemblée. La liste des membres du gouvernement est soumise par le Président de la République à l’approbation de l’Assemblée. » .
En 1923, le parti unique dénommé « Parti Républicain du Peuple » a été crée. C’est ainsi que la République est proclamée le 29 octobre 1923. Atatürk fut élu à la présidence de l’Assemblée nationale à deux reprises, le 24 avril 1920 et le 13 août 1923. Il s’agissait alors d’une charge cumulant les fonctions de chef d’État et de gouvernement. Lorsque la République est proclamée le 29 octobre 1923, Atatürk en est élu le premier président pour quatre ans, conformément à la constitution.
Le 30 novembre de la même année, İsmet İnönü forme le premier gouvernement. La République turque commence à s’élever sur les principes suivants : « La souveraineté appartient sans restriction ni condition à la Nation » et « Paix dans le pays, paix dans le monde ». Quelques années plus tard, sentant le peuple s’éloigner de plus en plus du parlement et de lui-même, Mustafa Kemal a crée une parti d’opposition « parti libre de la Turquie » en 1930. Une faction de parti politique qu’il dissoudra 3 mois plus tard. Pour que la nouvelle république éclose, Mustafa Kemal abolit le califat, qui est détenu par les sultans ottomans depuis l’incorporation de l’Égypte à l’Empire ottoman en 1517, le 3 mars 1924. Selon lui, pour devenir moderne, la Turquie doit rompre avec le poids de l’islam Mustafa Kemal propose la sécularisation totale de la Turquie devant les parlementaires. La loi fut votée à l’unanimité à mains levées afin de limiter l’influence de l’islam sur les établissements publics et culturels. C’est la manifestation de l’anticléricalisme, car l’islam était considéré comme « un cadavre pétrifié ».
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Table des matières
Introduction
I – Les origines et la marche vers la laïcité
A – Du reforme de la fin du XIXe siècle à la révolution kémaliste
1. La reforme du XIXe siècle
a) Tanzimat
b) La révolution des Jeunes Turcs
2. La révolution kémaliste
a) Principes kémalistes
b) La reforme politique
B- Les reformes kémalistes
1. Juridique
a) L’instituions des codes
b) Les autres reformes
2. Socio- économique
a) La Laïcisation sociale et des mœurs
b) Economiques
C – La laïcité en tant que principe constitutionnelle
1. La réalité laïque
a) Principes et fonctionnement de la laïcité
b) Domaine principalement concerné
2. Les acteurs de la société turque et de la laïcité
a) Armée et parti politique
b) Société civile et les femmes
II- La remise en question de la laïcité et le retour des islamistes
A- Le ralentissement et limites des avancées laïques
1. Constat
a) L’alternance politique et le phénomène etrepreneurial généralisé
b) Rendre la laïcité de plus en phase avec la société
2. Les limites
a) Une profonde transformation sociale
b) Dégradation de la situation politique
B- La résistance de la laïcité face à la montée des islamistes
1. La montée des islamistes
a) L’affirmation de l’islam politique
b) L’AKP
2. La résistance de la laïcité
a) Le problème des voiles islamiques
b) Les manifestations pro laïques
C- L’avenir de la Turquie laïque
1. La Turquie laïque et l’Union Européenne
a) Le rapprochement à l’Europe
b) La réalité contradictoire
2. La Turquie laïque et le monde musulman
a) Entre laïques et musulmans
b) Le « retour probable » au statut quo antes
Conclusion
Glossaire
Bibliographie