Le droit pharmaceutique sous lโancien rรฉgime
ย ย ย ย ย La profession dโapothicaire qui, au cours du Moyen Age, sโest distinguรฉe dโautres professions sanitaires ou non avec lesquelles elle รฉtait confondue, a รฉtรฉ soumise de bonne heure ร une rรฉglementation juridique. Dรจs le XIVe siรจcle, on relรจve des ordonnances royales concernant lโexercice de cette profession et lโassortissant de diverses obligations. Trรจs vite cependant, la rรฉglementation de la profession devait prendre un caractรจre corporatif. Dans de nombreuses villes de provinces les apothicaires sโorganisรจrent en communautรฉs ou ยซ jurandes ยป qui adoptรจrent des rรจglements et statuts homologuรฉs par le roi ou les autoritรฉs locales. Ces rรจglements corporatifs fixรจrent les conditions dโadmission ร la profession et celles relatives ร son exercice, dรฉterminant notamment de maniรจre prรฉcise les activitรฉs permises et les techniques ร employer. Dans la plupart des cas, cette corporation englobait non seulement les apothicaires, mais รฉgalement les รฉpiciers ou dโautres professions comme les confiseurs. Du reste, ร lโintรฉrieur de la corporation, les apothicaires รฉtaient soumis ร un statut particulier. En fait, la dรฉlimitation de leurs attributions souleva de nombreuses controverses. Lโexistence de la rรฉglementation corporative ne mit pas fin ร lโintervention de lโautoritรฉ royale ou des autoritรฉs locales dans ce domaine. La pharmacie devait conserver son rรฉgime corporatif jusquโร la fin de lโancien rรฉgime. Les corporations dโapothicaires furent mรชme exclues de la suppression des maitrises et jurandes ordonnรฉe par Louis XVI sous lโinfluence de Turgot par lโรฉdit de fรฉvrier 1776, mesure rapportรฉe du reste quelques mois aprรจs. Cependant, il parut nรฉcessaire de reformer le rรฉgime applicable ร la profession, au moins pour Paris et les faubourgs. Ce fut lโobjet de la dรฉclaration royale du 25 avril 1777 portant rรจglement pour les professions de la pharmacie et de lโรฉpicerie ร Paris : ce texte, sรฉparant les deux professions, donna aux pharmaciens une organisation corporative nouvelle sous le nom de collรจge de Pharmacie. Ainsi, le monopole de la fabrication et de la vente des mรฉdicaments sera affirmรฉ. Pour sโassurer que les professionnels aient des compรฉtences pour prรฉparer les remรจdes, on instaure une maitrise de pharmacie ; ainsi, les apothicaires deviennent ยซ maitres en pharmacie et sont seuls ร pouvoir avoir une ยซ officine ยป.Avec lโesprit de libertรฉ propre ร la rรฉvolution, lโassemblรฉe lรฉgislative supprima les corporations et, de fait, la surveillance des drogues au nom de la libertรฉ de commerce, par le dรฉcret du 2 mars 1791, dit du baron dโAllarde ยซ A compter du 1er avril prochain, il sera libre ร toute personne de faire nรฉgoce ou dโexercer telle profession, art ou mรฉtier quโelle trouvera bon .ยป De ce fait, la profession pharmaceutique, comme les autres, cessait dโรชtre organisรฉe et รฉchappait ร peu prรจs ร toute rรฉglementation. Cette situation parut vite inconcevable et la loi des 14-17 Avril 1791 dรฉcida que ยซ les lois et rรจglements existants au 2 mars 1791 relatifs ร lโexercice et ร lโenseignement de la pharmacie โฆโฆ continueront dโรชtre exรฉcutรฉs selon leurs formes et teneurs ยป. Ce principe de maintien de la rรจglementation antรฉrieure fut confirmรฉ par la loi des 19-22 juillet 1791 qui annonรงa cependant lโรฉlaboration de textes nouveaux (15).
La codification
ย ย ย ย Ce sont des recueils de textes applicables ร un domaine juridique dรฉterminรฉ. Le droit pharmaceutique a รฉtรฉ un des premiers ร donner lieu ร une codification. La loi du 8 mai 1951 avait prescrit la codification des textes lรฉgislatifs et rรฉglementaires concernant la pharmacie et la sante publique aprรจs avis de la commission de codification. Par application de cette loi, fut promulguรฉ le code de la pharmacie par dรฉcret du 6 novembre 1951.Ce texte en 144 articles rassemblait selon un plan mรฉthodique des dispositions lรฉgislatives concernant non seulement la police de la pharmacie, mais รฉgalement dโautres questions, substances vรฉnรฉneuses, thermomรจtres mรฉdicaux, ectโฆ. Ce code fit lโobjet de plusieurs modifications rรฉsultant notamment du dรฉcret du 25 aout 1952 et des lois des 1er aout, 6 aout 1953, 24 dรฉcembre 1953. Cependant, se poursuivit en mรชme temps la codification gรฉnรฉrale des textes concernant la santรฉ publique prescrite par lโarticle 3 de la loi du 8 mai 1951. Par dรฉcret du 5 octobre 1953 fut publiรฉe la codification des textes lรฉgislatifs concernant la sante publique y compris le livre V de la pharmacie. Ce code a rassemblรฉ dans 791 articles un certain nombre de dispositions lรฉgislatives et a รฉnumรฉrรฉ dans lโarticle 792 des conventions internationales concernant la sante publique qui sont annexรฉs au code (15).
La Cour suprรชme
La Cour suprรชme est composรฉe des formations suivantes :
โ 4 chambres permanentes : la chambre criminelle, la chambre civile, la chambreย sociale, la chambre administrative.
โ Les chambres rรฉunies,
โ Lโassemblรฉe gรฉnรฉrale consultative.
La chambre criminelle connaรฎt des pourvois en cassation en matiรจre pรฉnale. La chambre civile connaรฎt des pourvois en cassation en matiรจre civile et commerciale. La chambre sociale connaรฎt des pourvois en cassation en matiรจre sociale (droit du travail). La chambre administrative connaรฎt, par la voie du recours en cassation, des dรฉcisions rendues en dernier ressort par les organismes administratifs ร caractรจre juridictionnel ou par les cours et tribunaux, en matiรจre administrative. Le domaine de compรฉtence de la Cour suprรชme, en plus de sa compรฉtence consultative, est de juger en premier et dernier ressort :
โ lโexcรจs de pouvoir et de la lรฉgalitรฉ ;
โ le contentieux des inscriptions sur les listes รฉlectorales et des รฉlections locales.
Elle est compรฉtente, en dernier ressort, dans les contentieux des:
โ inscriptions sur les listes รฉlectorales et โ รฉlections aux conseils des collectivitรฉs locales โ pourvois en cassation.
La Cour suprรชme statuant sur un pourvoi en cassation peut se prononcer sur deux types dโarrรชts. Elle a le choix entre un arrรชt de rejet et un arrรชt de cassation. Lโarrรชt de rejet confirme lโarrรชt dโappel et met dรฉfinitivement fin au procรจs. Il ne peut plus รชtre mis en cause. Lโarrรชt de cassation annule la dรฉcision de la juridiction dโappel. Dans les affaires simples oรน le point de droit rรจgle la question de fond, la Cour suprรชme peut casser et statuer, cโest la fin du procรจs. Autrement, la Cour casse et renvoie lโaffaire devant une juridiction dโappel autre que celle qui a rendu la dรฉcision annulรฉe (11) (Art. 52 loi organique de 2008).
โข Si la Cour dโAppel de renvoi se conforme ร la dรฉcision rendue par la Cour suprรชme cโest la fin du procรจs.
โข Si la Cour dโAppel de renvoi reprend la solution censurรฉe, un nouveau pourvoi en cassation est possible. La Cour devra alors statuer toutes chambres rรฉunies.
o Si elle choisit de casser et de renvoyer la Cour de renvoi devra sโincliner.
o A dรฉfaut, la Cour Suprรชme saisie statuera une derniรจre fois et cette fois sans renvoi (9 et 10). (art. 53 et 54 loi organique de 2008)
Arrรชt Nยฐ18 du 7 mai 2020 de la Cour suprรชme/chambre criminelle
ย ย ย ย ย Les faits ร lโorigine de lโarrรชt nยฐ18 du 7 mai 2020 de la Cour suprรชme sont en rรฉalitรฉ relatifs ร une affaire de trafic illicite de mรฉdicaments. En premiรจre instance ร Diourbel, les prรฉvenus รฉcopent dโune condamnation de 5 ans dโemprisonnement ferme pour les dรฉlits dโassociation de malfaiteurs, de complicitรฉ de contrebande et dโexercice illรฉgal de la profession de pharmacien. Ils ont interjetรฉ appel ร la Cour dโAppel de Thiรจs mais quand lโaffaire a รฉtรฉ รฉvoquรฉe ร la barre, il sโest trouvรฉ quโA.W. D avait dรฉjร bรฉnรฉficiรฉ dโune grรขce par dรฉcret prรฉsidentiel nยฐ2019- 754 du 3 avril 2019. Malgrรฉ cette mesure de grรขce, la Cour dโAppel de Thiรจs a confirmรฉ le jugement de premiรจre instance sur la dรฉclaration de culpabilitรฉ et les peines prononcรฉes contre les deux prรฉvenus. Toutefois sur lโaction civile, la Cour dโAppel a infirmรฉ le jugement de premiรจre instance et a statuรฉ de nouveau en allouant la somme de 25.000.000 FCFA ร lโordre national des pharmaciens du Sรฉnรฉgal et au Syndicat des Pharmaciens Privรฉs du Sรฉnรฉgal. Non satisfait de la dรฉcision de la Cour dโAppel confirmant la condamnation de premiรจre instance malgrรฉ le dรฉcret de grรขce, le Procureur gรฉnรฉral prรจs la Cour dโAppel de Thiรจs sโest pourvu en cassation devant la chambre criminelle de la Cour suprรชme, considรฉrant que la Cour dโAppel a violรฉ la loi en รฉcartant le dรฉcretย prรฉsidentiel accordant la grรขce ร A. W. D. Devant la Cour suprรชme, la question รฉtait de savoir si la Cour dโAppel รฉtait compรฉtente pour apprรฉcier la lรฉgalitรฉ dโun dรฉcret de grรขce et dโรฉcarter son application au procรจs en cours. Par son arrรชt nยฐ18 du 7 mai 2020, la Cour suprรชme (Chambre Criminelle) a rejetรฉ le pourvoi formรฉ par le Procureur gรฉnรฉral prรจs la Cour dโAppel de Thiรจs en considรฉrant que cโest ร bon droit que la Cour dโAppel a รฉcartรฉ le dรฉcret prรฉsidentiel accordant la grรขce au sieur A. W. D. Le moyen unique tirรฉ de la violation de la loi et soulevรฉ par le Procureur gรฉnรฉral prรจs la Cour dโAppel de Thiรจs a รฉtรฉ inopรฉrant. Le Procureur fait ici rรฉfรฉrence aux articles 8 de la loi nยฐ 2014-26 du 3 novembre 2014, abrogeant et remplaรงant la loi nยฐ 84-19 du 19 fรฉvrier 1984 portant organisation judiciaire et 19 du dรฉcret nยฐ 2015-1145 du 3 novembre 2015 fixant la composition et la compรฉtence des Cours d’appel, des Tribunaux de grande Instance (TGI) et des Tribunaux d’Instance (TI). Ces dispositions prรฉvoient que ยซ les juridictions ont, au cours des instances dont elles sont saisies, compรฉtence pour interprรฉter et apprรฉcier la lรฉgalitรฉ des dรฉcisions des diverses autoritรฉs administratives ยป. Il sโagit ici du mรฉcanisme de lโexception dโillรฉgalitรฉ. En effet, le juge pรฉnal dispose de la prรฉrogative de contrรดler la lรฉgalitรฉ dโun acte administratif quโil doit appliquer. Sur le bien-fondรฉ de la dรฉcision de la Cour dโAppel, l’arrรชt attaquรฉ รฉnonce, qu’en l’espรจce, il ne s’agit pas d’un contentieux tendant ร l’annulation du dรฉcret attaquรฉ qui ne peut intervenir que dans le cadre d’un recours pour excรจs de pouvoir, mais ยซ d’une exception d’illรฉgalitรฉ qui ne vise pas l’annulation de l’acte administratif (โฆ) ยป. La juridiction supรฉrieure rรฉaffirme la position du juge de la Cour dโAppel qui, loin de prรฉtendre annuler le dรฉcret en question, nโa fait quโusage de la prรฉrogative que lui confรจrent les textes prรฉcitรฉs en matiรจre dโapprรฉciation dโun acte administratif, fut-il un dรฉcret prรฉsidentiel. Ainsi, en considรฉrant que ce pouvoir d’accorder la grรขce au susnommรฉ ne doit รชtre mis en ลuvre qu’aprรจs que la dรฉcision prononรงant sa condamnation soit devenue dรฉfinitive, le juge d’appel est allรฉ au-delร de ce que prรฉvoit la loi (โฆ) ยป ; la juridiction suprรชme reconnaรฎt le bien-fondรฉ de lโargument du juge dโAppel par rapport au caractรจre dรฉfinitif que doit revรชtir les condamnations รฉligibles ร la grรขce. En lโespรจce, lโaffaire รฉtait pendante devant la Cour dโAppel. Cโest la raison pour laquelle, le juge a estimรฉ ยซ que la mesure de grรขce, intervenue ร ce stade de la procรฉdure, est manifestement entachรฉe d’irrรฉgularitรฉ ; qu’il รฉchet, en consรฉquence, d’รฉcarter le dรฉcret de grรขce et de dire qu’il ne saurait avoir aucune consรฉquence sur le prรฉsent litige ยป. La solution de la chambre criminelle de la Cour suprรชme est remarquable lorsquโelle rรฉaffirme le principe de la sรฉparation des pouvoirs. Ainsi en accordant la grรขce au prรฉvenu A.W.D alors que la dรฉcision de condamnation, frappรฉe d’appel, est susceptible d’รชtre rรฉformรฉe, l’autoritรฉ administrative s’est immiscรฉe dans le dรฉroulement d’une procรฉdure judiciaire en cours, en violation flagrante du principe de la sรฉparation des pouvoirs ยป. Dโailleurs, la Constitution dispose clairement que le pouvoir judiciaire est indรฉpendant du pouvoir lรฉgislatif et exรฉcutif (Art.88) et que les juges ne sont soumis quโร lโautoritรฉ de la loi dans lโexercice de leurs fonctions (art.90). Toutefois, mรชme si le dรฉcret est entachรฉ dโillรฉgalitรฉ, il reste en vigueur car nโayant pas fait lโobjet dโannulation. En effet, les prรฉrogatives reconnues aux juges des Cours dโAppels, des Tribunaux de Grande Instance (TGI) et des Tribunaux dโInstance (TI) pour interprรฉter et apprรฉcier la lรฉgalitรฉ dโun acte administratif, ne leur donnent pas pour autant la compรฉtence dโannuler lโacte administratif en question. Sโils constatent lโirrรฉgularitรฉ de lโacte, ils ne peuvent quโรฉcarter son application ร lโaffaire dont ils sont saisis. Ainsi, lโacte administratif irrรฉgulier subsiste tant quโil nโest pas annulรฉ par le juge de lโexcรจs de pouvoir, ou retirรฉ par lโautoritรฉ administrative compรฉtente. Lorsque le mรฉcanisme de lโexception dโillรฉgalitรฉ est mis en jeu, les tiers ne peuvent se prรฉvaloir de cette dรฉcision au cours dโune autre affaire mettant en question le mรชme acte administratif. Par ailleurs, le prรฉvenu a pu รชtre libรฉrรฉ aprรจs lโintervention du dรฉcret de grรขce. Ce qui vient estomper davantage les efforts de rรฉpression du trafic illicite de mรฉdicaments.
|
Table des matiรจres
INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE : GENERALITES
I. Lโhistoire du droit pharmaceutique
I.1 Le droit pharmaceutique sous lโancien rรฉgime
I.2 La loi du 21 germinal de lโan XI (1803)
I.3 La loi organique du 11 septembre 1941
I.4 La codification
II. Les sources du droit
II.1 Les sources nationales
II.1.1 Les sources lรฉgislatives
II.1.2. Les sources extra-lรฉgislatives
II.2 Les sources internationales
III. Lโorganisation judiciaire du Sรฉnรฉgal L’organisation judiciaire comprend
III.1 Le tribunal d’instance (TI)
III.2 Le tribunal de grande instance (TGI)
III.3 Les Cours dโAppel
III.4 Les tribunaux du travail
III.5 La Cour suprรชme
IV. Lโorganisation de la profession pharmaceutique
IV.1 Prรฉsentation de lโOrdre des Pharmaciens du Sรฉnรฉgal. Loi 73-62 du 29 dรฉcembre 1973 portant crรฉation de lโordre des pharmaciens
IV.1.1 Prรฉsentation
IV.1.2 Conseil de section
IV.1.3 Conseil national
DEUXIEME PARTIE : TRAVAIL PERSONNEL
I. Problรฉmatique
II. Objectifs de lโรฉtude
II.1 Objectif gรฉnรฉral
II.2 Objectifs spรฉcifiques
III. Mรฉthodologie
IV. Rรฉsultats
IV.1 Jugements rendus par les juridictions de premier degrรฉ
IV.2 Jugements rendus par les juridictions supรฉrieures
V. Commentaires
V.1 Sur les jugements rendus par les juridictions de premier degrรฉ
V.2 Sur les jugements rendus par les juridictions supรฉrieures
CONCLUSION
REFERENCES
Tรฉlรฉcharger le rapport complet