La iatrogenie medicamenteuse

LA IATROGENIE MEDICAMENTEUSE

Définition

Selon l’OMS (1969), la iatrogénie se définit comme « toute réponse néfaste et non recherchée à un médicament survenant à des doses utilisées chez l’Homme à des fins de prophylaxie, de diagnostic et de traitement. » Bien que la prise de médicaments se soit aujourd’hui banalisée, leur usage n’en reste pas moins anodin. Qu’ils soient pris seuls ou en association, ils peuvent causer des effets indésirables plus ou moins graves sur l’état de santé du patient, allant de la simple fatigue à l’hémorragie digestive, voire même à la fracture de la hanche. Avec plus de 130 000 hospitalisations et 10 000 décès par an, la lutte contre les évènements iatrogènes médicamenteux devient un véritable enjeu de santé publique et est au centre des préoccupations de l’Assurance Maladie. Elle est une priorité affichée depuis la loi du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique, figure en bonne place dans le Programme National pour la Sécurité des Patients (2013-2017), et s’impose en thème majeur à travers la Stratégie Nationale de Santé (2018- 2022). Les évènements iatrogènes seraient évitables pour 30 à 60% (2). Parmi eux, on retrouve les interactions entre différents médicaments d’un même traitement, une erreur dans la prise du médicament : double dose, mauvais horaire de prise, non-respect du traitement prescrit, mauvaise observance… Tout patient est potentiellement concerné par la iatrogénie médicamenteuse. Cependant, ce risque tend à augmenter chez le sujet âgé souvent polymédiqué, plus sensible aux modifications des doses de leurs médicaments ou à l’ajout d’un nouveau traitement.

Epidémiologie 

Les enquêtes ENEIS

L’Enquête Nationale sur les Evènements Indésirables graves associés aux Soins en établissements de santé (ENEIS) a été réalisée par le Comité de Coordination de l’Evaluation Clinique et de la Qualité en Aquitaine (CCECQA) en 2004 et en 2009 pour répondre aux besoins exprimés par la Direction Générale de la Santé (DGS) et la Direction de l’Hospitalisation et de l’Organisation des Soins (DHOS). Cette enquête prospective permet d’estimer la proportion des séjours hospitaliers causés par un événement indésirable grave (EIG) et d’évaluer leur part d’évitabilité. Les enquêteurs étaient des infirmiers diplômés d’Etat ou des cadres de santé n’appartenant pas aux services d’enquêtes, et formés trois jours à la méthode ENEIS à partir de cas concrets. Ils se rendaient dans les unités tous les 2-3 jours, sur une durée d’observation totale de 7 jours, pour détecter les patients susceptibles de présenter un événement indésirable à partir d’un questionnaire. Si c’était le cas, un médecin était chargé de confirmer ou non la nature grave et indésirable de cet événement à partir de la consultation du dossier patient et d’une discussion avec l’équipe de soins.

Conclusion des enquêtes ENEIS

Les EIG causes d’hospitalisation sont retrouvés en proportion supérieure en médecine qu’en chirurgie. Un séjour sur 20 est causé par un EIG, et la fragilité des patients est impliquée dans 80% : âges extrêmes, pathologies chroniques graves, problèmes de mobilité… Concernant les EIG évitables, 63% sont liés à la gravité de la situation clinique du patient et 50% liés à l’urgence de la situation. Dans 18% des cas, le bénéfice potentiel attendu pour les soins prodigués était faible, ou nul. La part des EIG évitables est significativement plus élevée en 2009 qu’en 2004. Cette enquête nationale a permis de disposer de données épidémiologiques sur l’ensemble des EIG en France. La proportion de séjours causés par un EIG apparaît comparable à celle observée dans d’autres pays comme l’Australie. Une troisième enquête (ENEIS 3) pourrait permettre d’estimer la fréquence des EIG observés dans 3 secteurs que sont les établissements de santé, les EHPAD et les établissements de soins primaires et d’en connaitre la répartition.

L’importance respective des causes et facteurs contributifs pourra être identifiée pour formuler des recommandations en termes de priorités d’action et de prévention. Selon le Ministère de la Santé, les objectifs du projet ENEIS 3 seraient :
– Estimer l’incidence des EIG associés aux soins observés dans les établissements de santé, dans les EHPAD et en soins de santé primaire
– Estimer la part évitable de ces EIG
– Suivre l’évolution de l’incidence des EIG en établissement de santé .

Etude EMIR

En 2007, le Centre Régional de Pharmacovigilance (CRPV) de Bordeaux a présenté l’étude EMIR (Effets indésirables des Médicaments : Incidence et Risque), sur les hospitalisations liées à un effet indésirable médicamenteux. Cette étude, financée par l’AFSSAPS, avait pour objectif principal d’estimer l’incidence des hospitalisations motivées par la survenue d’un effet indésirable. Ses objectifs secondaires étaient d’estimer la proportion d’effets indésirables évitables, et également de comparer les résultats à ceux obtenus lors de l’étude d’incidence de 1998 qui avait montré que 3,19% des hospitalisations en service de spécialités médicales des hôpitaux publics étaient dues à des effets indésirables médicamenteux. 63 services de court séjour de CHU et CH ont participé à cette étude, regroupant 2692 patients. On a pu observer 97 cas d’effets indésirables ayant entrainé une hospitalisation : 70% d’effet indésirable proprement dit, 30% d’interaction médicamenteuse. 167 médicaments ont été impliqués (1,7 médicament par cas) avec surtout des médicaments du SNC (26%), cardiovasculaires (22%) et des anticancéreux et immunomodulateurs (17%) Les admissions causées par un effet indésirable ont représenté 3,6% de l’ensemble des séjours hospitaliers, soit 1 480 000 journées d’hospitalisation par an.

Assurance Maladie : 3 types d’études

La iatrogénie liée à un traitement

En 1998, une étude (3) menée par les CRPV portant sur l’évaluation des risques iatrogènes médicamenteux évitables met en évidence que 13% des hospitalisations secondaires à des effets indésirables sont liées à une hémorragie sous AVK, soit environ 17 000 hospitalisations par an, dont plus de la moitié évitable. Ce constat a mené à des compagnes de communications par l’AFSSAPS auprès des professionnels de santé entre 2000 et 2004 avec le « Bon usage des AVK » Seulement 64% des patients ont eu un INR mensuel, 22% ont eu un INR en zone dangereuse, et la moitié n’a jamais reçu d’éducation thérapeutique concernant son traitement.

La iatrogénie liée aux interactions médicamenteuses

Une étude (4) a été menée en 2000 avec pour objectif d’évaluer l’importance du risque évitable de la iatrogénie médicamenteuse lié à certaines Associations Formellement Contre Indiquées (AFCI), les trois les plus souvent prescrites étant :
– Associations de médicaments antimigraineux
– Associations de dérivés de l’ergot de seigle et de macrolides
– Association d’antiparkinsoniens et d’antiémétiques neuroleptiques .

Les facturations de médicaments établies au cours de l’année par des pharmaciens d’officine ont permis d’identifier des couples de médicaments correspondant à des AFCI. Sur près de 300 millions de délivrances, 58 823 comportaient au moins à l’une des 11 AFCI ciblées par l’étude. Parmi les prescripteurs toutes spécialités confondues, 15% avaient prescrit au moins une fois l’une des 11 AFCI (88% étaient des médecins généralistes) .

La iatrogénie liée à l’incompatibilité entre traitement et patient
Une étude (5) a été menée en 2000 dans la région des Pays de la Loire sur la prescription médicamenteuse avec contre-indication absolue chez la femme enceinte. Parmi les 96% des femmes incluses, seules 0,3% ont été exposées à des médicaments contre indiqués formellement. On retrouve le plus fréquemment les anti-inflammatoires non stéroïdiens, la vitamine D à forte posologie, le misoprostol et des tétracyclines.

Les outils 

Les critères de Beers

« Un médicament est considéré comme potentiellement inapproprié lorsqu’il présente un mauvais rapport bénéfice/risque et/ou une efficacité discutable quand il est prescrit chez la personne âgée, alors même qu’il existe des thérapeutiques plus sûres. »

C’est une liste établie aux Etats-Unis par un panel de 13 experts comprenant gériatres, pharmaciens et IDE cliniciens selon un consensus de la méthode Delphi (méthode qualitative de détermination d’un référentiel) avec 3 forces de recommandations (Forte/Faible/Insuffisante) et 3 niveaux d’évidence (Elevé/Modéré/Bas).

Cette liste a été publiée en 1991, puis revue en 1997,2003,2012,2015 et 2019. Elle est divisée en 5 catégories depuis la révision de 2015 :
• Médicaments à proscrire chez toute personne âgée
• Médicaments à utiliser en s’entourant de précautions
• Médicaments à éviter du fait d’interactions médicamenteuses
• Médicaments à utiliser avec précaution en cas de fonction rénale altérée
• Médicament avec fortes propriétés anticholinergiques .

Il existe 3 classifications selon le système biologique, la classe et le nom du médicament. Ces critères de Beers permettent la diffusion de la notion des Médicaments Potentiellement Inadaptés (« MPI ») auprès des prescripteurs. En revanche, l’usage de cet outil reste complexe. Il prolonge le temps requis pour identifier les médicaments inappropriés, contient de nombreux médicaments peu utilisés en pratique courante en France et n’est pas adapté au contexte des soins palliatifs.

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Table des matières

INTRODUCTION
PARTIE 1 : LA IATROGENIE MEDICAMENTEUSE
1.1 Définition
1.2 Epidémiologie
1.2.1 Les enquêtes ENEIS
1.2.2 Résultats des enquêtes ENEIS
1.2.3 Conclusion des enquêtes ENEIS
1.3 Etude EMIR
1.4 Assurance Maladie : 3 types d’études
1.4.1 La iatrogénie liée à un traitement
1..4.2 La iatrogénie liée aux interactions médicamenteuses
1.4.3 La iatrogénie liée à l’incompatibilité entre traitement et patient
1.5 Les outils
1.5.1 Les critères de Beers
1.5.2 La liste de Laroche
1.5.3 Medication Appropriateness Index (MAI)
1.5.4 Les critères STOPP/START
1.6 Identification des évènements indésirables graves liés aux médicaments
1.6.1 Population gériatrique
1.6.2 Altérations fonctionnelles
1.6.3 Modifications pharmacocinétiques
1.6.3.1 Absorption
1.6.3.2 Distribution
1.6.3.3 Métabolisme
1.6.3.4 Elimination
1.6.4 Modifications pharmacodynamiques
1.7 Evaluation de la capacité à identifier les évènements indésirables liés aux médicaments
1.8 Méthodes de détection des hospitalisations pour cause iatrogène
PARTIE 2 : MESURE DES HOSPITALISATIONS POUR CAUSE IATROGENE A L’HOPITAL
2.1 Contexte
2.1.1 Présentation du CH Edmond Garcin à Aubagne
2.1.2 Exercice de la pharmacie clinique
2.2 Matériel et méthodes
2.2.1 Objectif de l’étude
2.2.2 Critères d’inclusion
2.2.3 Outil utilisé
2.2.4 Recueil des données
2.2.5 Caractéristiques étudiées
2.2.6 Durée de l’étude
2.3 Résultats
2.3.1 Population étudiée
2.3.2 Admission pour cause iatrogène
2.4 Discussion
2.5 Conclusion
PARTIE 3 : IATROGENIE ET LIEN VILLE-HOPITAL
3.1 Lien ville-hôpital
3.1.1 Définition
3.1.2 Pourquoi ?
3.1.3 Comment ?
3.2 Pharmacien d’officine et iatrogénie
3.2.1 Dossier Médical Partagé
3.2.2 Bilan de médication
3.2.3 Entretiens pharmaceutiques
3.3 CEPRIM
3.3.1 Recrutement des patients
3.3.2 Déroulement de la consultation
3.3.3 Lien avec les acteurs de ville
3.3.4 Bilan pharmaceutique
3.3.5 Limites au développement
3.3.6 Perspectives et satisfaction patients
CONCLUSION

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