Durant cette année scolaire 2017/2018, j’ai réalisé mon stage filé en tant que professeure des écoles stagiaire dans une école maternelle de cinq classes à Igny, qui est un milieu plutôt favorisé. Je partage cette classe de vingt-cinq élèves de moyenne section avec une autre professeure des écoles stagiaire, dans un système de trois semaines / trois semaines.
Au cours des premières semaines, j’ai immédiatement remarqué que quatre de mes élèves étaient gauchers. Mes connaissances personnelles m’ont permis de comprendre rapidement qu’ils risquaient d’avoir des difficultés pour écrire dans les années à venir. Je me suis alors documentée et j’ai compris les causes de cette difficulté : les gauchers ont un geste de fermeture du bras, les empêchant de déplacer librement celui-ci, et entraînant alors une crispation du poignet, donc une mauvaise écriture. En approfondissant mes recherches, j’ai compris que les gauchers avaient leur « arrière-bras » qui était à la fois le segment directeur et le segment dirigé lors de la réalisation du geste graphique, alors qu’il faudrait qu’il y ait une répartition de ces rôles pour éviter la torsion du poignet. J’ai pu aussi remarquer que certains élèves droitiers de la classe avaient aussi ce problème de répartition des rôles des segments du bras. J’ai alors compris que certains de mes jeunes élèves, gauchers et droitiers, n’avaient tout simplement pas appris à déplacer correctement le bras, ce qui est pourtant un apprentissage indispensable à l’acquisition du geste graphique.
Or, cette acquisition est un pilier de la maîtrise de l’écriture, un enjeu social puisqu’il correspond à la base de nos moyens de communication, et par conséquent un apprentissage approfondi du geste moteur ne doit donc pas être négligé. Cependant, des obstacles peuvent ralentir, voire empêcher cet apprentissage. L’un de ces obstacles est la résistance au changement, l’élève peut entrer dans un mécanisme de défense : il refusera que l’on change son geste moteur car il pourra ressentir une remise en cause de son comportement moteur, et éprouver un sentiment de perte de ses capacités, ici motrices. Ainsi, même si l’élève répète le bon geste moteur, afin de construire le circuit de neurones nécessaire, il se mettra en position d’échec en raison d’un manque de motivation.
Ainsi, dans un premier temps, je vais définir ce qu’est le geste graphique et ses enjeux, avant d’expliquer les difficultés que rencontrent les droitiers et les gauchers (âge, nécessité d’un exercice répété, la mise en place possible d’une résistance au changement) dans l’apprentissage du geste moteur à réaliser, pour acquérir le bon geste graphique.
Puis dans un second temps, je présenterai l’exercice, plus précisément le jeu, que j’ai mis en place dans ma classe. J’analyserai son efficacité et l’impact des différents obstacles sur la progression des élèves participant à mon expérience.
Le geste graphique correspond au « fait d’exécuter une trace à l’aide d’un outil, un crayon ou tout autre outil scripteur. Ce qui suppose d’intégrer dans un geste efficace les propriétés de l’outil […]. » (Ministère de l’Education nationale, Le graphisme à l’école maternelle, 2015). Ainsi, quel que soit l’activité graphique demandée, que ce soit le graphisme (production de lignes, motifs et formes), le dessin (moyen d’expression et de représentation avec une dominante symbolique) ou l’écriture ((re)production de mots/textes à partir d’un code et de règles afin de produire du sens et communiquer), l’élève doit maîtriser son geste graphique afin de réaliser correctement la trace souhaitée.
Selon le Ministère de l’Education nationale, le geste graphique implique l’utilisation de nombreux processus.
Tout d’abord, il demande d’utiliser la perception visuelle, d’une part afin de prendre des indices visuels pour décrypter le modèle et occuper l’espace graphique, et d’autre part afin de contrôler, guider et réguler son geste de la main. Le geste graphique est par conséquent un mouvement qui est contrôlé et dirigé par le sens de la vue. Il est donc nécessaire de développer l’activité perceptive de l’enfant.
Le geste graphique demande aussi l’engagement d’un contrôle kinesthésique. En effet, l’enfant doit passer du geste spontané au geste volontaire pour finalement arriver au geste maîtrisé. Afin que l’enfant ait conscience du lien entre son geste et la trace qu’il laisse, et qu’une relation entre sa pensée et son action soit mise en place, il va s’entraîner à l’aide d’exercices graphiques. Ce type d’activité ne permet pas à l’enfant d’apprendre à écrire de manière directe : il permet de développer son geste pour qu’il maîtrise le tracé de formes qu’il aura anticipé, c’est une éducation à la motricité fine.
Le geste graphique demande aussi de mettre en place de nombreux autres processus. Comme dit précédemment, l’enfant doit pouvoir anticiper son geste, c’est-à-dire qu’il doit avoir développé ce processus cognitif. La maîtrise de sa latéralité va aussi lui permettre de mieux gérer l’organisation spatiale de son support et de sa main. Enfin, l’enfant doit avoir atteint une certaine maturité, dont la maturité neuro-motrice : cela signifie qu’il doit avoir développé la capacité motrice à réaliser certaines actions et de manière volontaire.
Ainsi, le geste graphique peut être défini comme une action complexe qui demande de mettre en place et de maîtriser de nombreux processus, dans le but de réaliser un geste contrôlé laissant une trace écrite volontaire sur un support à l’aide d’un outil scripteur.
Faire acquérir le geste graphique à l’élève est l’un des objectifs du professeur des écoles. En effet, lorsque que celui-ci se réfère aux Instructions Officielles tirées du Bulletin officiel spécial n°2 du 26 mars 2015 qui présentent les programmes du cycle 1, il est indiqué que les enfants doivent « acquérir les multiples habiletés nécessaires à l’écriture : utiliser leur regard pour piloter leur main, utiliser de façon coordonnée les quatre articulations qui servent à tenir et guider l’instrument d’écriture (épaule, coude, poignet, doigts), contrôler les tracés, et surtout tracer volontairement des signes abstraits dont ils comprennent qu’il ne s’agit pas de dessins mais de lettres […]. » (Ministère de l’Education nationale, Bulletin officiel spécial n°2 du 26 mars 2015: Programme d’enseignement de l’école maternelle, 2015). Toutes ces habilités indiquées par les programmes de 2015 (motricité fine, utilisation du regard, …) correspondent aux différents processus à développer chez l’élève pour qu’il acquiert le geste graphique. Les Instructions Officiels demandent donc au professeur des écoles de développer le geste graphique de l’élève.
Comme expliqué précédemment, ce processus s’effectue à l’aide d’exercices graphiques qui sont une activité graphique dite à dominante fonctionnelle (Ministère de l’Education nationale, Le graphisme à l’école maternelle, 2015). En effet, le graphisme habitue « les enfants à contrôler et guider leurs gestes par le regard, les entraînent à maîtriser les gestes moteurs […], à prendre des repères dans l’espace de la feuille » (Ministère de l’Education nationale, Bulletin officiel spécial n°2 du 26 mars 2015 : Programme d’enseignement de l’école maternelle, 2015). Ainsi, grâce à l’acquisition du geste graphique, les enfants auront développé des processus, comme la motricité fine, qu’ils pourront ensuite exploiter dans l’acte d’écriture.
C’est pour cette raison que le professeur doit être vigilant dans l’apprentissage du geste graphique : ce dernier constitue la base qui permettra ensuite à l’enfant d’apprendre à écrire. De plus, l’apprentissage de l’écriture est un enjeu social puisqu’elle correspond à une activité culturelle, à un moyen de communication. Il ne faut donc pas négliger la première étape nécessaire à son apprentissage : l’acquisition du geste graphique.
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Table des matières
Introduction
1. Partie théorique
1.1 Le geste graphique – définition
1.2 L’intérêt par rapport aux Instructions Officielles
1.3 Les obstacles rencontrés par les élèves dans la maîtrise du geste graphique
1.3.1 Les gauchers dans un monde conçu pour les droitiers
1.3.2 … mais quelques droitiers rencontrant certaines difficultés comparables à celles des gauchers : un manque d’apprentissage
1.4 La nécessité d’un apprentissage fastidieux du geste moteur
1.5 Questionnement et hypothèses
2. Partie pratique
2.1 Méthodologie
2.1.1 Participants
2.1.2 Matériel
2.1.3 Tâche
2.2 Résultats
2.2.1 Phase 1
2.2.2 Phase 2
2.2.3 Phase 3
2.2.4 Phase 4
2.3 Discussion
2.3.1 Phase 1
2.3.2 Phase 2
2.3.3 Phase 3
2.3.4 Phase 4
Conclusion
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