La rentrée universitaire d’Auguste Audollent
Auguste Audollent occupe son poste de professeur à la Faculté des Lettres de Clermont-Ferrand depuis 1893. Pour comprendre le contexte, il nous faut savoir que depuis 1870, l’Université est de retour en grâce auprès des gouvernants de la IIIe République, après une période difficile durant laquelle elle était considérée comme moins prestigieuse que le monde littéraire ou même les grandes écoles d’ingénieurs. La figure de l’universitaire français, à l’exception d’une petite minorité parisienne, souffrait d’une image peu valorisée. Mais entre 1880 et 1914, « la IIIe République multiplie par trois le nombre de postes » 93 et l’universitaire bénéficie d’une nouvelle image. De plus, la seconde partie du XXe siècle est le théâtre d’un « double mouvement d’expansion et de différenciation contrastée des milieux intellectuels : croissance parallèle du nombre d’intellectuels indépendants (publicistes , journalistes, gens de lettres, etc.) et des intellectuels d’Etat (enseignants et savants formés par l’Université rénovée) ».
Au moment de l’entrée en guerre, Auguste Audollent bénéficie donc d’un climat plus favorable pour l’Université, avec une nouvelle structuration et un renouveau de l’enseignement. Dès l’ordre de mobilisation, il a l’intention de rester à son poste et proposer ses services. Il en fait mention dans son journal, et il écrit au Recteur et au ministre de l’Instruction publique. A ce dernier, il demande à pouvoir monter dans l’un des trains prévus pour les fonctionnaires, par l’intermédiaire d’un ordre rédigé, pour redescendre à Clermont-Ferrand : « Monsieur le Ministre, obligé d’amener ici [Yport] précipitamment une partie de ma famille, j’y ai été surpris par la mobilisation générale. Mais j’ai le très vif désir de rejoindre au plus tôt mon poste, car il me sera possible d’y rendre en ce moment plus de services que dans une localité où je suis à peu près inconnu » . Dès son arrivée à Clermont-Ferrand, il se présente au Recteur pour lui proposer ses services.
Auguste Audollent effectue sa première rentrée universitaire en tant que Doyen de la Faculté des Lettres dans un contexte de guerre, ce qui est exceptionnel. Par ailleurs, c’est cette nouvelle fonction qui a renforcé son intention de se rendre utile dès le début. Parmi les étudiants inscrits, pratiquement la moitié d’entre eux sont mobilisés, mais seulement un seul professeur de la Faculté des Lettres est appelé : M. Boutry. L’année suivante est plus compliquée car cinq des onze professeurs que compte la Faculté doivent se rendre sur le front ; M. Boutry a été tué, ainsi que certains étudiants. Cela contraint l’Université à remanier l’organisation des cours et à faire appel à d’autres professeurs issus notamment de l’enseignement secondaire. Dans son discours de rentrée du 9 novembre 1914 , Auguste salue donc la présence des plus jeunes gens qui ne sont pas encore en âge d’être appelés, mais aussi et surtout celle des jeunes femmes qui permet de maintenir une certaine vie au sein de l’Université : les « salles de cours paraîtront moins désertes ». Il reconnaît à ces jeunes filles une certaine volonté de travailler : « elles ne sont pas les moins appliquées à profiter des leçons de leurs maîtres ». Il continue les années suivantes à les remercier pour leur présence et leur sérieux. En effet, depuis la fin du XIXe siècle, l’Université s’ouvre peu à peu aux femmes, même si cela reste un environnement encore largement sous domination masculine .Avant la rentrée, Auguste s’est longuement interrogé à propos de la reprise ou non des cours et des activités de recherches des Universités à l’échelle nationale. En effet, avec la mobilisation et les bouleversements à venir, que peut-il advenir de l’enseignement supérieur dans les prochains mois ?
Les premières lignes de son discours témoignent de cette interrogation : « Notre rentrée se fait cette année dans des conditions exceptionnelles : la guerre en appelant sous les drapeaux toute la jeunesse de France a privé l’enseignement supérieur de la plus grande partie de ceux qui fréquentent d’ordinaire les Universités. On a pu se demander pendant quelques temps si nos cours et conférences auraient bien raison d’être ». Ses inquiétudes sont apaisées par le ministre de l’Instruction Publique et des Be auxArts, qui invite les Universités à poursuivre leurs activités. Pour autant, Auguste Audollent a conscience que si les gens (professeurs, étudiants, personnels) sont physiquement présents et participent aux activités quotidiennes, cela ne peut pas balayer les inquiétudes : « nous allons pouvoir (…) reprendre nos exercices ordinaires ; dirai-je en toute tranquillité d’esprit ? On ne me croirait guère. […]. Est-ce à dire que nous détournons nos pensées des maux actuels de la patrie et de ses espérances ? Nullement, et l’anxiété qui étreint tous les cœurs français pèse aussi sur notre âme ».
Dans l’espoir d’une guerre courte : assurer la réputation de la famille et la fierté
Beaucoup de Français sont résolus à se battre car ils n’imaginent pas que la guerre puisse durer longtemps. Lorsqu’il évoque la mobilisation qui s’organise durant tout le mois d’août, Jean -Baptiste Chambat écrit qu’à Clermont-Ferrand, « tout s’est fait avec un parfait sang-froid et un indéniable esprit patriotique, voire même dans un certain enthousiasme, car tout le monde pense que la guerre sera de courte durée et que les mobilisés seront de retour dans leurs foyers pour Noël » . Ce sentiment est partagé par une grande majorité de la population française. Si Bernard en est assez convaincu, ses parents sont plus réservés à ce sujet. Pour autant, toute la famille est fière de le voir s’engager et l’encourage. Cette guerre est une occasion pour lui d’évoluer et d’accomplir des actions au service de son pays. Mais il est aussi important pour lui d’assurer la réputation de la famille à Clermont Ferrand, en agissant comme un combattant exemplaire. De leurs côtés, les parents et les autres enfants continuent de maintenir leurs liens amicaux et leurs relations.
La formation de Bernard et l’espérance d’une guerre courte : un devoir envers la Patrie mais aussi un travail qu’il doit accomplir avec sérieux pour la fierté de la famille Comme nous l’avons vu précédemment, la première idée qui pousse Bernard à s’engager est celle du devoir qu’il doit accomplir envers la Patrie menacée. Cette idée est largement partagée par sa famille, qu’il s’agisse de ses parents, de sa grand-mère ou de ses oncles et tantes (dans un cercle plus large).
Tous sont heureux de le voir servir le pays, y compris les plus jeunes. A ce propos, sa tante Marguerite Guiraud lui fait part, dans une lettre en juillet 1915, de la vision enfantine de sa fille Thérèse (six ans), qui est aussi la filleule de Bernard : « Ta filleule pense souvent à toi ; elle est très fière d’avoir un parrain à la guerre qui tue beaucoup d’allemands. A cet âge-là, on voit les choses de façon très simpliste et l’horreur de ces massacres d’hommes lui échappe. Elle veut que ce soit toi qui « gagnes », comme s’il s’agissait d’un jeu de barres » . Nous pouvons souligner que Thérèse répète simplement, avec son langage d’enfant, ce qu’elle apprend à l’école : en effet, on offre aux écoliers une vision manichéenne du conflit, le discours leur inculque l’idée d’une guerre du Bien contre le Mal, de la Civilisation contre la Barbarie.
L’importance de la réputation : étude de l’incident de la nomination (une punition)
Les Audollent sont une famille bourgeoise qui jouit d’une belle réputation à Clermont-Ferrand.
Installés depuis 1893, ils sont bien connus des personnalités de la ville, qu’ils fréquentent régulièrement. Auguste est tout de même le Doyen de la Faculté des Lettres et Catherine est engagée dans diverses œuvres de charité, même bien avant la guerre. L’engagement des fils pour la défense du pays en 1914-1915 n’est donc pas une surprise pour les clermontois : Bernard et Dominique suivent l’enthousiasme patriotique partagé par une grande majorité des jeunes bourgeois intellectuels français. Pour autant, Bernard sait qu’un faux pas de sa part ou un comportement déplacé peut non
seulement décevoir ses parents mais aussi ternir la réputation de la famille.
C’est dans ce contexte que survient « l’incident de la nomination ». Ce petit événement en apparence assez anodin a pourtant des effets qui durent plusieurs semaines : cela commence en mai 1915 et ne se clôture définitivement que le 22 septembre 1915. Pendant tout ce temps, Auguste est bien décidé à défendre son fils avec vigueur et il finit par obtenir gain de cause.
Etudions à présent ce qui s’est passé, en suivant la chronologie des événements. Les lettres échangées entre Bernard, son père et sa mère sont les témoignages de cet incident et nous permettent de suivre tout cela en les croisant.
Tout commence par une liste rédigée par Bernard le 27 mai 1914 où il évoque une punition qu’il vient seulement de découvrir mais qui daterait de l’époque de sa formation à Clermont-Ferrand : « 1°) Je n’ai jamais su que j’avais été rayé du peloton 1914. Personne ne me l’avait dit. J’ai toujours cru que le lieutenant m’avait empêché de passer les examens de sa propre autorité.
Il est vrai que je suis sorti mardi soir, mais personne ne m’avait averti de ma punition , qui n’était du reste postée ni sur le registre des punis à la salle de service, ni sur la feuille d’appel des punis du poste .
De plus, je n’ai pas quitté le quartier un seul instant hier matin avant votre visite, comme vous avez l’air de le croire ».
A ce moment-là, nous ne savons pas exactement quand cela s’est passé, mais Bernard apprend que c’est cette punition qui aurait retardé son départ pour le front ; mais surtout, elle aurait aussi empêché sa nomination en tant que maréchal-des-logis, et même celle d’aspirant alors qu’il était proposé. Par la suite, il doit justifier non plus une mais trois puis quatre fautes avec les punitions qui les accompagnent. Il envoie cette liste à son père avec une lettre le 12 juin 1915, dans laquelle il pense qu’il a été puni car « tout le monde lui tombait dessus à la fois » : il justifie chacune des trois petites punitions. Auguste se charge alors de faire une réclamation auprès du ministre de la Guerre Alexandre Millerand pour effacer cela de son dossier. Il affirme que ce ne sont que des petites punitions qui, normalement, n’auraient pas dû conduire à cette radiation du peloton 1914. Toute la famille a le sentiment que c’est une injustice et soutient fermement Bernard. Les parents sont d’autant plus déçus de cette situation, car ils savent combien leur fils a fait de grands efforts pour racheter ses petites erreurs, et qu’il met du cœur à assurer son statut de chef de section. Dans sa lettre du 7 juin 1915 ,Catherine fait part de ses sentiments après un premier refus du ministère de réviser le jugement : « Je n’ai pas besoin de t’expliquer pourquoi nous avons été si profondément déçus en apprenant qu’on te refusait ta nomination. Il ne s’agit pas là d’un simple désappointement d’amour-propre. Depuis des mois j’envisageais ce titre d’aspirant comme le gage d’une existence nouvelle. Aux yeux de tous ceux qui ont été au courant de tes faits et gestes depuis trois ans, c’était la preuve d’un changement complet d’orientation ». Elle lui conseille donc de travailler dur pour que ses supérieurs finissent par lui accorder sa nomination. Pour elle, en tant que mère, ce refus est une déception car elle considérait ce grade comme l’aboutissement d’un long travail effectué et la récompense qu’il méritait après tant d’efforts : elle voit cela comme une reconnaissance qu’on lui refuse. Les réponses négatives de la part du ministère ne font que renforcer cette déception. Les autres membres de la famille ne sont pas en reste pour faire part de leur mécontentement et envoyer des mots de soutien. Le 15 juin 1915, Dominique écrit à son frère : « Inutile de te dire comme j’ai appris avec stupéfaction la nouvelle de ta non nomination. Vraiment il y a au monde des gens bêtes ou méchants ou de mauvaise foi. Je comprends tes regrets. Tâche de te grader au front, pour montrer que la valeur personnelle vaut peut -être autant qu’une automobile ». Dans ses lettres, Dominique se sert souvent de l’humour pour rassurer et réconforter son grand frère. Il ne doute pas que cette affaire sera bientôt réglée et tente d’apporter un peu de légèreté pour faire oublier ces tracas. Ses sœurs Anne-Marie, Brigitte et Monique lui écrivent également pour partager leur soutien. La famille peut aussi compter sur leurs amis et sur tous les gens qui connaissent bien Bernard. Catherine rapporte même que des camarades font le tour de la ville pour expliquer les faits et prendre sa défense.
Maintenir les liens sociaux et les relations : Dominique à Paris / Le couple Audollent et ses relations
Même dans un contexte de guerre, maintenir les relations est une chose importante pour la famille, car cela peut être utile. Mais il s’agit aussi de garder une certaine sociabilité, renforcer les liens pour faire face aux inquiétudes de la guerre. Si la frontière entre vie privée et vie publique peut être opaque, les deux sont très importantes et sur un pied d’égalité.
Les relations d’Auguste et Catherine Audollent
Auguste correspond régulièrement avec ses collègues de l’Université qui sont sur le front pour les soutenir. A l’arrière, les liens entre les professeurs et les personnels qui sont restés se resserrent, afin de faire face aux difficultés du quotidien. La vie sociale et publique n’est pas abandonnée, elle est au ralenti et rendue plus « sérieuse » en raison du conflit. Ainsi, Auguste continue à entretenir ses relations professionnelles et amicales. Cela se traduit notamment par des dîners et des promenades.
Tout le monde a des proches qui sont sur le front : les dîners et les rencontres sont un moyen d’échanger les dernières nouvelles et de se questionner sur l’avancée de la guerre. Les problèmes de retard de la correspondance sont souvent une source d’inquiétude, et les échanges de nouvelles permettent de se rassurer mutuellement. En effet, grâce à ces discussions, Auguste peut donner à Bernard des nouvelles de certains de ses amis qui combattent dans d’autres lieux. A l’inverse, les informations que lui donne son fils à propos de certains de ses camarades sont transmises aux familles et amis concernés, qui sont ainsi rassurés pour quelques temps.
Auguste Audollent ne se contente pas de maintenir ses liens amicaux et ses relations. Il cherche également à établir de nouveaux contacts, afin d’être mieux informé des événements et de pouvoir aider ses deux fils. Comme il l’avoue lui-même, l’armée est un monde qu’il connaît peu. Aussi, il établit peu à peu des contacts avec des officiers militaires. Dans une lettre adressée à Bernard le 19 juillet1915 où il évoque son séjour à Paris, il écrit à propos d’un général avec qui il avait déjeuné en août 1914, et qu’il vient de revoir. Ce général commanderait à présent une autre division. Auguste entretient également des relations avec les « chefs » de Bernard, qui peuvent ainsi lui donner des nouvelles et dire ce qu’ils pensent de lui. Dans sa lettre, il explique que l’un d’eux aurait décidé de « le prendre sous son aile ». Toutes ces personnes sont pour Auguste des intermédiaires qui lui permettent de garder un œil protecteur sur son fils.
Arrivée sur le front et installation sérieuse de la guerre dans le quotidien de la famille
L’été 1915 est un tournant dans la vie de la famille Audollent. Bernard arrive enfin sur le front tandis
que Dominique entame les démarches pour s’engager à son tour. La guerre dure depuis un an et des cérémonies sont organisées un peu partout pour rendre hommage aux combattants qui sont morts et soutenir ceux qui continuent à se battre. Le conflit est maintenant bien installé dans le quotidien de la famille. L’espoir d’une guerre courte a disparu et il a fait place à une certaine forme d’acceptation : les familles françaises se résignent à voir le conflit durer longtemps. Surtout, elles comprennent avec inquiétude que cette guerre est terrible et très meurtrière. L’année 1915 est dominée par les « différentes batailles de l’Artois et de Champagne ». Ces batailles sont marquées du côté français par « l’idée récurrente chez Joffre d’un retour à la « percée », mot mythique qui exprime (…) l’espoir de pouvoir un jour briser le front ennemi sur un point précis ». Cette stratégie est peu efficace et la guerre de mouvement fait place à une guerre de position : les combattants des deux côtés sont désormais dans des tranchées et une position défensive. Les lignes de front bougent peu et les conditions de vie des combattants se dégradent. Les batailles sont par ailleurs terribles : « 1915 est après 1914 la plus meurtrière année de la guerre » (Duroselle) : 31 000 morts par mois en moyenne (…) contre 60 000 morts par mois en 1914 ».
A l’arrière, la famille Audollent se rend compte de cela puisque de plus en plus d’amis et de connaissances perdent un ou même plusieurs proches au front. Cela alimente leur inquiétude pour leurs fils. L’ambiance est très pesante car l’anxiété est permanente et le deuil touche de plus en plus de familles. La guerre bouleverse tous les aspects du quotidien. Les gens sont suspendus aux nouvelles qui arrivent chaque jour du front, les restrictions se multiplient, les prix augmentent sans cesse. Le couple Audollent ne peut que constater l’augmentation du nombre de blessés dans les hôpitaux clermontois. Sur le front comme à l’arrière, la guerre devient une réalité et fait désormais partie intégrante de la vie de la famille. Il leur faut supporter l’inquiétude, la séparation et espérer enfin une victoire de la France. Des premiers pas de Bernard sur le front à l’organisation de la famille à l’arrière, en passant par l’engagement de Dominique, nous verrons comment la guerre s’installe durablement dans le quotidien des Audollent.
L’engagement de Dominique à l’été 1915
Dominique est âgé de dix-huit ans à l’été 1915, il est temps pour lui de s’engager à son tour. Depuis l’entrée en guerre en août 1914, la famille a convenu qu’il devait effectuer sa première année d’étude de droit à Paris avant de revenir à Clermont-Ferrand pour s’engager comme son frère aîné. Par ailleurs, il travaille beaucoup afin de réussir son année et envoie régulièrement ses résultats (qui sont très bons) à ses parents et à son frère. La famille a depuis longtemps compris que la guerre n’est pas près de s’arrêter, et Dominique se réjouit de pouvoir y participer. Voici ce qu’il écrit à son frère Bernard dans sa lettre du 15 juin 1915 : « Si tu savais comme je te porte envie. Je serais très, très vexé et chagriné de ne pouvoir prendre une part quelconque à l’action. Mais je crois pouvoir, malheureusement pour beaucoup d’autres, être sûr d’aller joindre le front. Que tout doit y être beau. On s’y bat, on tape, on reçoit des marmites à verse, on tombe, se relève et recommence ». En tant que cavalier émérite, voici ce qu’il ajoute : « Dis-moi, ne vois-tu pas combien doit être passionnante une charge de cavalerie où l’on presse son homme à perdre haleine, où l’on volte, tourne, revient e t frappe, tue, refrappe encore ? Voilà la mêlée, voilà ce que j’aimerais ». Dominique fait par ici d’un enthousiasme certain et reconnaît s’emporter dès qu’il évoque le front, qu’il idéalise beaucoup. Sur ce point, les deux frères se ressemblent. Tous deux ont un caractère assez fort et ils sont impatients. Ils partagent une vision commune de l’engagement. Dominique admire son frère et espère suivre son exemple le plus tôt possible.
Cependant, avant de se rendre sur le front, le jeune homme rencontre des difficultés dans ses démarches pour s’engager, bien qu’il ait anticipé. Anne-Marie donne des explications à Bernard dans sa lettre du 8 juin 1915 : « A propos de Dominique, Gori (élève de Ste Croix, tu le connais ???) est venu déjeuner dimanche à la maison, et nous a dit que cent des jeunes gens de la classe 17 (il en fait partie) qui voudraient s’engager ne pourraient le faire que dans l’infanterie, les dépôts des autres armes (cavalerie, artillerie, chasseurs, etc.) étant pleins. Ce serait fort ennuyeux pour Dominique. Reste à savoir si c’est vrai ! ». A la fin du mois, elle écrit que la situation semble encore plus bloquée : « Dominique pense arriver ici dans une quinzaine de jours et s’engager dans 20. Cet engagement est toujours énigmatique. J’ai vu hier S. Becq qui m’a dit (…) qu’on ne pouvait plus s’engager nulle part, même pas dans l’infanterie comme je te l’avais dit dans ma dernière lettre ». Pour autant, Dominique ne doit pas tarder car, comme l’explique Catherine à Bernard, le délai d’engagement est fixé au 14juillet.
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Table des matières
Introduction
Partie I. La Grande Guerre des Audollent : Accepter les bouleversements et s’engager
Chapitre 1. L’entrée en guerre : la famille Audollent et l’élan patriotique
A) La déclaration de guerre : défendre la Patrie menacée
1. Défendre la patrie face à l’attaque allemande : l’engagement de Bernard
2. La vision du couple Audollent
3. La rentrée universitaire d’Auguste Audollent
B) Dans l’espoir d’une guerre courte : assurer la réputation de la famille et la fierté
1. La formation de Bernard et l’espoir d’une guerre courte
2. L’importance de la réputation : l’incident de la nomination
3. Maintenir les liens sociaux et les relations
Chapitre 2. Arrivée sur le front et installation sérieuse de la guerre dans le quotidien
A) La désillusion d’une guerre courte
1. L’arrivée de Bernard sur le front et la confrontation à la réalité
2. L’établissement d’une correspondance assidue pour maintenir le lien avec la famille
3. L’engagement de Dominique à l’été 1915
B) A l’arrière : les engagements familiaux et leur incidence sur la vie fami liale
1. Auguste : l’engagement personnel et l’engagement universitaire
2. Les engagements de Catherine Audollent
3. « L’engagement » des enfants Audollent
Partie II. La guerre vécue par les Audollent : une expérience affective
Chapitre 1. Les relations familiales à l’épreuve de la guerre
A) La correspondance : mise en lumière des relations familiales
1. La correspondance : matérialité des sources et écrits de l’intime
2. La correspondance : un objet émotionnel ?
3. La fréquence des lettres et les destinataires
B) Etude des liens familiaux
1. La relation entre les parents et les enfants Audollent
2. La relation entre les frères et sœurs Audollent
3. Les Audollent et Marie Petit de Julleville : le rôle de grand-mère
Chapitre 2. Les relations sociales à l’épreuve de la guerre et la foi comme lien familial
A) Les relations sociales
1. La vie publique et les amitiés
2. Partager ses visions : les écrits intellectuels d’Auguste Audollent
3. La vie sociale sur le front
B) Le rôle de la foi
1. La foi sur le front : les messes et les aumôniers
2. Le rôle de son oncle Pierre et de sa grand-mère : la foi qui protège
3. La foi à l’arrière : la vie religieuse de la famille, les communions des enfants
Partie III. Endurer les épreuves de la guerre
Chapitre 1. La vie combattante : des tranchées de Verdun aux permissions en famille
A) De nouvelles expériences et la formation de Fontainebleau
1. L’expérience des tranchées : entre Verdun et la Somme
2. La formation à l’Ecole de Fontainebleau
3. De nouvelles responsabilités : observateur dans l’aviation
B) Les permissions : la parenthèse des retrouvailles familiales
1. L’attente et l’organisation logistique
2. Les permissions : projets et récits
3. Le retour : regain d’énergie et tensions
Chapitre 2. La mort de Bernard Audollent et la fin de la guerre
A) La mort de Bernard en mai 1917 : un deuil public et privé
1. Le « cercle de deuil » : la famille Audollent/Petit de Julleville
2. Un deuil privé : la perte d’un fils et d’un frère
3. Un deuil public : photo-souvenir et lettres de condoléances
B) La fin de la guerre
1. Les sources : le manque de correspondance
2. Une famille marquée : de nouveaux rôles et de nouveaux rapports
3. Le retour de Dominique et une famille « réunie »
Conclusion
Annexes et Bibliographie