La grande Presse et les corollaires deson essor au XIXème siècle

Le Mandat de Patrice de Mac-Mahon. 1873-1879

Patrice de Mac-Mahon, dont le patronyme s’inscrit dans un creuset territorial et culturel Irlandais, est un homme du sérail militaire ; il est pensionnaire, dès l’âge de 12 ans, au Collège d’Autun (comme l’ont été avant lui Napoléon Bonaparte et son frère Joseph, ou encore Jean Carnot), il y reçoit une éducation stricte et élitaire ; reçu à la Grande Ecole de Saint-Cyr,il devient un brillant Officier qui démontre son courage et sa sagacité à la manœuvre tout au long de sa carrière.
Mac-Mahon est profondément monarchiste, c’est un garant de l’ordre moral et clérical. En cela il va, par réaction, faciliter la poussée de son contraire, Georges Clemenceau qui entre au Conseil municipal de Paris comme Secrétaire. Aux élections Sénatoriales de 1876, Victor Hugo obtientun siège. En 1877, à l’occasion des obsèques de Thiers, la ferveur républicaine est encore plusravivée et le défunt, qui fut pourtant le « boucher » de la Commune, est honoré par l’ensembledes Républicains modérés, comme radicaux. Ceci veut dire aussi que la France du territoire optepour une représentation républicaine, mais surtout dans son expression modérée, restant hostile aux radicaux, même s’ils arrivent à s’imposer ici où là et principalement à Paris.
Au total : la majorité républicaine s’impose partout, surtout à Paris, excepté dans le VIIIème arrondissement. A Paris des noms apparaissent et resteront inscrits dans l’Histoire, tels : Floquet, Gambetta, Clemenceau, de Girardin, Denfert-Rochereau, Louis Blanc, Grévy.
En 1878, l’exposition universelle de Paris permet de calmer légèrement l’opposition et le Gouvernement, tout en facilitant le maintien au pouvoir de Mac Mahon jusqu’en 1879. La majorité opposante élue au Sénat début janvier 1879 est de gauche, cela va décider Mac-Mahon à démissionner le 5 janvier 1879 ; il n’a plus de soutien parlementaire, il est réduit au silence et huit heures plus tard Grévy est élu 4 ème Président de la République Française.

Bilan du mandat de Patrice de Mac-Mahon

Militaire dans l’âme, ses services et commandements sont irréprochables : Il s’illustre à la prise de Sébastopol par sa victoire et le fameux : « j’y suis j’y reste ! » (1855). Nommé en Algérie, il guerroie contre la résistance Kabyle et assure la paix. Il est victorieux à Magenta (1859). Il sera nommé Gouverneur général d’Algérie.Blessé à la bataille de Sedan, il est fait prisonnier en 1870 avec l’ensemble de l’Armée. En 1871, il est nommé à la tête de l’Armée Versaillaise et combat la Commune. Il est Monarchiste, c’est surtout un fervent « clérical ». De 1887 à 1893, il sera le Président de la « Société des Secours aux Blessés militaires », qui deviendra, en 1940, la « Croix rouge Française ». C’est à Mac-Mahon que l’on doit la durée de 7 ans du mandat Présidentiel ; pendant 129 ans ce septennat fut la règle dans notre Pays.
Mac-Mahon a démissionné, car il n’a pu s’opposer au décret de mise à la retraite d’Officiers liésà la Monarchie, la majorité au Sénat étant de gauche, l’affaire était donc mal engagée pour lePrésident. Mac-Mahon démissionne car il lui est impossible de s’opposer au régime Parlementaire, il se range à la volonté nationale.

Les deux mandats de Jules Grévy 1879 à 1887

Le nouveau Président est déjà un élu de Paris. Il s’installe le soir même à l’Elysée. Sous sa houlette est constitué un Gouvernement de gauche modérée, mais la municipalité de Paris est nettement plus à gauche, elle tient à ses prérogatives et l’affirme ; elle demande la suppression des budgets affectés au Culte et aussi l’arrêt des subventions de la construction de Sacré-Cœur. A cette époque le Préfet Poubelle dirige le département avec une grande fermeté et tient à conserver la police sous sa totale juridiction, alors que la municipalité voulait ordonner et diriger sa propre police municipale. La République s’oppose à l’Eglise catholique, la laïcisation de l’enseignement est organisée et les Jésuites sont expulsés. Une amnistie est votée en faveur des Communards.
L’Assemblée nationale et leSénat, qui siégeaient à Versaillesdepuis le retour des Parlementaires de Bordeaux, vont, sous le premier mandat de Grévy, quitterVersailles en novembre 1879 et s’installer à Paris, au Palais-Bourbon pour les députés, et au Palais du Luxembourg pour les sénateurs.
Si les socialistes et les extrémistes n’inquiètent pas le Gouvernement, alors que Louise Michèle provoque quelques petites émeutes ici et là, c’est surtout l’esprit généralisé de revanche sur l’Allemagne qui inquiète les dirigeants ; cet esprit s’installe avec force et voit s’affronter les factions nationalistes de la « Ligue des Patriotes » de Déroulède contre les groupes socialistes dès le début de 1885. Les obsèques de Vallès et d’Hugo donnent lieu à de nombreuses échauffourées.
C’est à la même époque que le Clergé catholique cède l’église Sainte-Geneviève à l’Etat. Dans ce lieu est recréé le Panthéon avec pour première sépulture celle de Victor Hugo en 1886 ; cette même année 1886, Boulanger est nommé au Ministère de la Guerre et ce grâce à un fidèle ami et condisciple du Lycée de Nantes : Georges Clemenceau. Les gauches forment alors la majorité,mais ces gauches sont divisées en strates qui vont s’étager des modérés jusqu’à l’extrême gauche, en passant par l’incontournable radical Georges Clemenceau. Freycinet, Président du Conseil, dans le but d’équilibrer la distribution des postes aux uns ou aux autres, va céder, à la demande de Clemenceau, le Ministère de la Guerre au Général Boulanger.
-L’épisode du Général Boulanger en prise avec le pouvoir: C’est donc une amitié qui date du lycée qui vaut au Général cette nomination prestigieuse, mais c’est aussi ses convictions anticléricales et son peu d’intérêt pour les Officiers de la Monarchie. Le Général, dès sa sortie de Saint-Cyr, « monta » en grade à une vitesse telle qu’il fut à un moment rétrogradé par l’Etat Major ! Il est très populaire, et notamment près de la gauche, mais pas simplement du fait de son adoubement par Georges Clemenceau. Il a pourtant assuré sans le moindre état d’âme la répression de la Commune, ce qui ne fut pas vraiment une action favorable à la gauche. Mais Clemenceau à la conviction que Boulanger va épurer l’Armée des Royalistes, qu’il est loyal et qu’il va servir au mieux les intérêts républicains. Boulanger à un autre atout, c’est son physique : «… sa mâle prestance, son teint halé, qui par contraste, fait paraître plus clairs ses yeux bleus voilés de douceur, sa barbe blonde aux reflets roux […] Les femmes le jugent irrésistible » (78). Dès son arrivée au Ministère, rue Saint Dominique, il obtient la confiance de l’Armée avec des mesures symboliques : autorisation de porter la barbe pour les sous-Officiers, et d’autres encore plus populaires concernant la durée du service militaire national obligatoire : réduction de 5 ans à 3 ans ; à cet égard, il généralise le service à tous les citoyens et supprime les privilèges des exemptés: bourgeois aisés ou séminaristes. Les anticléricaux et le peuple de gauche exultent. Il fait adopter le fusil Lebel, le meilleur de l’époque. A l’occasion du 14 Juillet 1886 il remporte un triomphe lors de la revue à Longchamp et son programme, qui s’inscrit dans le cadre d’une revanche sur l’Allemagne, connaît un vif succès. Les radicaux avec Clemenceau, le principal soutien de Boulanger, mais aussi Rochefort avec son journal l’Intransigeant, et Paul Déroulède avec la « Ligue des Patriotes », lui amènent une franche et large adhésion. Plus encore, il va garder son poste de Ministre après un remaniement gouvernemental en décembre 1886 qui voit destituer Freycinet de la Présidence du Conseil au profit de René Goblet ; cette chute du Gouvernement est liée à un projet malencontreux de suppression des postes des sous-préfets.
Les radicaux sont donc écartés du gouvernement et une légère droitisation s’opère ; mais c’est dire combien Boulanger garde un large crédit dans les sphères du pouvoir, car c’est le seul à garder son portefeuille ministériel. Il profite de son pouvoir pour toujours plus provoquer l’Allemagne et s’affiche comme un revanchard outrancier. Pire, il mène des plans à l’insu du Président du Conseil. Le succès de Boulanger inquiète Bismarck et ce sera une affaire grave qui amènera la France au bord du conflit avec l’Allemagne en 1887 : Boulanger a installer un réseau d’espions sur les territoires allemands, ou annexés par le Reich en 1871. C’est l’affaire dite « Schnaebelé », du nom d’un commissaire de police, dénoncé par un agent double et suspecté d’espionnage au profit de Boulanger. Schnaebelé fait l’objet d’un piège organisé par les Allemands ; il est arrêté à l’occasion d’un faux rendez-vous projeté à la limite de la frontière, coté Français semble-t-il. Boulanger veut alors déclencher la mobilisation nationale et en découdre sur le champ, mais cette exaltation n’inspire guère le Président Grévy, pas plus que le Ministre des affaires étrangères Flourens (frèredu Communard, fils du Professeur Flourens du Collège de France) ; ils se concertent afin de désamorcer cette bombe en trouvant une solution diplomatique auprès de Bismarck. Au final, Schnaebelé sera relâché et l’affaire classée. Georges Clemenceau, lui-même, semble prendre ses distances avec Boulanger, nous en voyons un indice lorsqu’il lance le 20 avril 87 son fameux : « La guerre est une chose trop importante pour la confier aux militaires ! ». Cette affaire aura deux conséquences : elle démontre la dangerosité de Boulanger pour le Gouvernement et pour la Francepar le fait d’initiatives personnelles ; elle à aussi pour autre conséquence la chute du Gouvernement de René Goblet le 17 mai 1887. Le 31mai, Maurice Rouvier prend la place de Goblet. Rouvier est en désaccord très net avec Boulanger et c’est le Général Ferron qui hérite du Ministère de la Guerre. Cela prête le flanc à des manifestations. Les pacifistes ont éliminé le Général Boulanger, mais ni les radicaux, ni les nationalistes, n’acceptent cette éviction et cela amène la création du mouvement « Boulangiste ». Boulanger suscite d’extraordinaires manifestations de sympathie, mais Clemenceau, pourtant radical comme Boulanger, semble plus encore prendre ses distances : « … quels que soient les services qu’un homme ait rendus, quels que soient ceux qu’il puisse rendre, les républicains ont pour premier devoir de ne jamais exalter à ce point un individu. C’est à l’idée, à l’idée seule, qu’ils doivent leurs hommages ». (79). Boulanger semble sinon rejeté, du moins abandonné par les Radicaux.
A la fin de l’année 1887 le Président Grévy est amené à démissionner. Le gendre de Grévy, Daniel Wilson, appartenant à une famille dont la fortune est colossale, a en effet mis en place un trafic de décorations et plus encore est intervenu directement au sein de l’Elysée en facilitant l’obtention illicite de marchés publics. Wilson a aussi un journal dont il se sert pour étayer sa carrière politique ; c’est un radical de gauche qui siège au cotéde Léon Gambetta. Daniel Wilson sera condamné à 2 ans de prison pour ses malversations. Cette affaire discrédite le Président de la République et les Chambres demandent sa démission ; dans un premier temps Grévy refuse, mais il doit en définitive s’y résoudre etdémissionne le 2 décembre 1887. Le 3 décembre1887 est élu Sadi Carnot. C’est un polytechnicien (X 1857), spécialisé ensuite aux Ponts et Chaussées, il entre ainsi dans une carrière politique par la voie élective. Jules Grévy, lui, se retire ; il décédera le 9 septembre 1891 d’un œdème aigu du poumon.

Le Mandat de Sadi Carnot

3 décembre 1887 au 25 juin 1894 (date de son décès à la suite d’un attentat à Lyon). Le Président Carnot a une expérience du pouvoir et des affaires politiques, il a déjà été Ministre des Finances. Son mandat s’est joué dans un climat particulier en ce sens ou le boulangisme, qui bat son plein, vient passablement inférer sur l’ambiance politique gouvernementale ; mais c’est aussi l’affaire de Panama avec ses prolongements et plus encore la montée des anarchistes avec son cortège d’attentats meurtriers, dont le Président sera une des victimes.

L’Intermezzo du Général Boulanger sur la partition du Président Carnot

Nous l’avons constaté, Boulanger était adulé par les représentations politiques allant de la gauche radicale jusqu’aux monarchistes, il revient maintenant sur la scène. Il se présente aux élections en Dordogne pour y briguer le siège de député et il l’obtient le 8 avril 1888. Les monarchistes vont espérer pouvoir revenir aux affaires grâce à Boulanger en envisageant une refonte de la Constitution : « dissolution, révision, constituante». Clemenceau, qui voit très bien que les monarchistes se cachent derrière le général Boulanger, change son « Lebel » d’épaule et va dorénavant contrer systématiquement son grand ami et condisciple d’hier. Boulanger demande, le 12 juillet 1888, devant l’Assemblée, la dissolution du Parlement, et à cette occasion insulte Charles Floquet qui est Président du Conseil (radical) ; s’en suivra un duel au terme duquel Boulanger est blessé au cou. Début 1889 il prendra sa revanche ; en effet, en janvier Boulanger se présente à la députation de Paris,c’est là qu’il veut être consacré. La victoire semble lui être acquise : « Paris est en liesse. Une foule à la foisjoyeuse et frénétique envahit les grandes artères, braillant : « Vive Boulanger ! Vive Boulanger ! » (80). Boulanger est largement élu et la foule crie alors : « A l’Elysée ! A l’Elysée ! ». Ses proches veulent qu’il tente un coup d’Etat, et tous le supplient d’écouter la voix du peuple ! : « Mais le vainqueur plébiscité cependant reste impassible, le regard voilé, il se borne à dire: « Pourquoi voulez vous que j’aille illégalement conquérir le pouvoir, quand je suis sûr d’y être porté dans six mois par l’unanimité de la France ». (81).
Boulanger, militaire discipliné, ne peut concevoir l’idée de déroger aux principes fondamentaux de la légalité républicaine et préfère l’attente de l’élection. C’était sans doute mal vu, car par le fait il déçoit l’ensemble de ses supporters, des bonapartistes aux gens de l’extrême gauche. En effet le panel est large et les aficionados boulangistes sont largement représentés sur l’échiquier politique national ; pour exemples : Rochefort, qui a fait ses études à Saint Louis (qui s’est initialement engagé dans des études de médecine pour se réorienter très tôt dans l’exercice du journalisme et fonder avec Jules Vallès La chronique parisienneet qui travailla notamment au journal Le Figaro), est et restera un soutien inébranlable pour Boulanger. Rochefort appartient à l’extrême gauche boulangiste. Déroulède, lui, fréquentait le lycée Louis Le Grand, il devient poète et auteur. C’est un nationaliste de droite qui se caractérise par son goût des duels ; il se bat contre Léon Gambetta et Jean Jaurès. C’est aussi un boulangiste. Henri Michelin, du mouvement ouvrier, est très à gauche et proche de Georges Clemenceau, il est antisémite et lui aussi un inconditionnel boulangiste. Thiébaud, journaliste bonapartiste, lance une véritable campagne à l’américaine en faveur du Général Boulanger. De la droite à l’extrême gauche Boulanger est adulé et soutenu ; le 27 janvier 1889 voit son triomphe électoral à Paris. Thiébaud y assiste et tard dans la nuit tire la montre de son gousset : « Il est minuit cinq, Messieurs. Depuis cinq minutes le boulangisme est en baisse » (82). Comme le formule si bien Alfred Fierro : « Le militaire discipliné a prévalu chez Boulanger sur le joueur ambitieux » (78). La foule est déçue. Mais la Province fustige sévèrement la versatilité parisienne mettant en accusation son esprit de vagabondage, errances hasardeuses du républicanisme au césarisme sans vergogne, y voyant le seul fait de l’influence puériledes boulevardiers et des « rastaquouères ». Mais à l’Elysée, Carnot respire !!
Comment venir à bout de ce Général devenu un héros pour le moins gênant ? Le Gouvernement confie la tâche de son éviction au Ministre de l’Intérieur qui a la principale qualité de sa fonction : dénué de scrupule. Ernest Constant, puisqu’il s’agit de lui, échafaude un plan machiavélique : il fait courir la rumeur que le Général va être arrêté et traduit devant la HauteCour. En effet le Ministre poursuit parallèlement « La ligue des Patriotes » comme société secrète et Boulanger peut y être impliqué. C’est d’autant cocasse que Constant est franc-maçon et sait donc à quoi s’en tenir en matière de « société occulte » ! C’est le Ministre le plus indiqué pour mener à bien les basses besognes, il est, et le sera jusqu’à la fin de sa carrière, guidé par l’appât du gain et doté d’un profil qui se prête à toutes les adhésions vicieuses.

La Grande Presse et les corollaires de son essor au XIXème siècle

L’émergence d’une langue nationale

Le français, en tant que langue officielle nationale, s’est imposé par force d’ordonnance Royale en date du 15 août 1539, signée par François 1er, Roi de France ; cette ordonnance est dite de Villers-Cotterêts (naissance de l’Etat civil et des écrits notariés en français), fait que tous les actes, et pas seulement les actes administratifs, sont rédigés, sur le Royaume en français. Cela avait pour visée première d’imposer la langue du Roi dans les Provinces ; le français devient ipso facto langue d’Etat et, dès lors, il a vocation à prendre le pas sur le latin et les dialectes. Il serait trop simple de penser que du jour au lendemain le français s’imposa partout. Si les « Administrations » rédigent les actes en français, les gens, eux, continuent à parler les patois.
Le français est une langue en constante évolution qui prend racine à partir du bas latin, c’est-à dire d’un latin usité aux IIIème et IVème siècles. Cette langue était destinée à communiquer au quotidien et en cela elle est qualifiée de langage véhiculaire. Ce langage progresse vers un galloromain qui est parlé en Gaule romanisée. Le français se développera essentiellement à partir d’un noyau parisien. Lorsque l’on parle du français on pourrait aussi parler de la langue d’« Oïl », car ce terme peut aussi désigner le français au sens large. Cette langue d’Oïl s’est développée à partir du latin vulgaire, encore une fois ce latin qui désigne le « parlé » au jour le jour ; elle s’est implantée surtout dans le Nord : en Belgique, sur les îles Anglo-Normandes où on y note des influences mixées, autant Celtiques que Germaniques. Ces influences l’ont largement caractérisée par rapport à la langue « d’Oc », implantée au Sud de la France. Le latin va, lui, et au fil du temps, disparaître de notre paysage parlé, mais pour autant il restera la langue universitaire, et pour faire part de la persistance de cet attachement, soulignons que Bergson, en 1889, présente sa thèse en latin afin d’obtenir le grade de Docteur ès-lettre (thèse sur Aristote). Le latin a été une langue permettant de véhiculer les données et les idées scientifiques de Thomas d’Aquin à Kant, jusqu’à la fin du XIXème siècle. Chez nous, en France, mais comme ailleurs en Occident, le monolinguisme va s’installer progressivement sur le déclin du Latin. Pourtant la linguistique s’est construite grâce au latin qui était la langue d’une civilisation.
Les prémices de l’émergence du français s’affichent dès le XIème siècle, dans le « Francien » qui est un dialecte de l’Ile de France. Ce point de départ de diffusion est important car Paris est le centre des communications, le passage des religieux et des commerciaux, un lieu de rencontres. Hugues Capet, Roi de France (la partie Nord du Pays actuel, centrée sur l’Ile de France), abandonne le germain au profit de francien dès son élection en 987.
Au XIIème siècle, le français va devenir une langue de prestige, c’est celle des détenteurs du pouvoir. C’est une langue littéraire qui sert à la rédaction des poèmes et à la traduction des vers bibliques en prose. « Pour ce que le François est la langue la plus délectable à ouïr et la plus commune à toutes gens » (Brunetto Latino, poète florentin). Notons encore que les récits des voyages de Marco Polo sont dictés en Françoisalors que nous sommes là en 1298. Au XIVème siècle le français parlé en Angleterre recule devenant une langue étrangère ; Crécy, en 1346, sépare linguistiquement les deux Pays.
Si le latin est la langue des « savants » de la Sorbonne (1252), au Collège de France (crée par François 1er (mars, 1530), on commence à enseigner en français. La communauté universitaire écrit en latin, car la grammaire et les règles de cette langue sont précises contrairement à celles du français qui restera encore une langue approximative jusqu’au XVIème siècle. Soulignons que Descartes écrivait en latin à l’exception du Discours de la méthode.
La traduction des textes bibliques en Français (textes dont l’Eglise condamnait la lecture), la poussée des sciences et la volonté des Rois à imposer la langue de la cour, sont les trois facteurs qui vont contribuer à la diminution de la primauté du latin. Si Montaigne a appris le français à l’âge de 6 ans, il n’en reste pas moins que les religieux, notamment les Jésuites, ont pratiqué le latin jusqu’à la fin du XVIIIèmesiècle. En 1635, la création de L’Académie Française par Richelieu permet un dictionnaire et une grammaire, cela vient « fixer » la précision de la langue.
C’est la « révolution » qui ira plus loin dans l’imposition du français, et ce bien au-delà des volontés de l’Ancien régime, car si les Rois permettaient un certain bilinguisme (le patois pouvant côtoyer le Français), la politique révolutionnaire veut éradiquer les dialectes. La Patrie unique doit se doter d’une langue unique. A l’époque de Talleyrand et de l’Abbé Grégoire (qui sont alors, en 1790, chargés de la politique de la langue), on dénombre 28 millions de Français sur le territoire, mais seulement 3 millions d’entre eux le parlent, 6 millions le comprennent sans le parler, le reste parle les dialectes. La Révolution et sa tyrannie unificatrice est annoncée par Barère (Conventionnel) : « Le Français deviendra la langue universelle, étant la langue de tous les peuples. En attendant, elle deviendra la languede tous les Français » (Discours du 27 janvier 1794). Il faudra attendre Jules Ferry, à la fin du siècle, pour que les dialectes soient totalement interdits à l’Ecole et que l’on mette en place un enseignement scolaire obligatoire en Français dans toutes les localités du Pays. La généralisation accrue des possibilités de se déplacer sur le territoire va aussi faciliter les échanges et donc l’essor de la langue unique, mais il faut aussi citer l’importance du service militaire, de l’industrialisation et du rôle de la Presse. Les guerres vont aussi contribuer à l’unité linguistique du Pays jusqu’à une époque tardive.
Si le langage unitaire est un aspect important pour une Nation, l’identification du langage par des symboles visuels ou par le tact (Braille), est aussi considérable, c’est la lecture. La lecture a été longtemps réservée à l’élite. Lecture et écriture ont une histoire commune.

Evolution de l’intérêt pour la lecture au XIXème siècle

Au XIXème siècle la société va évoluer considérablement. Pour en faire état, et d’une façon très laconique, nous nous référerons à une étude incontournable, celle de Maggiolo, qui concerne l’évolution de la lecture (84) ; nous renvoyons à ce travail considérable pour l’approfondissement des données apportées. Cette étude met en évidence le fait d’une progression sans précédent de la lecture au XIXème siècle : On passe de plus de 63% d’illettrisme, sous la révolution, en 1789, à moins de 30% d’illettrisme sous Jules Ferry. Comment juger de ce fait ? : Il s’agit d’une étude qui a été réalisée en prenant comme donnée essentielle l’apposition des signatures des citoyens au bas des registres des mariages. Le postulat est donc basé sur la corrélation préétablie entre la lecture et l’écriture au regard de la seule capacité à signer ; ceci est un bien faible indice significatif mais plus certainement « politique ». Signer est donc, pour l’auteur, un indicateur d’alphabétisation autant que de capacité à lire.
Au regard de cette étude on constate combien le XIXème siècle est marqué par la massification de l’accès à la lecture.
A cette époque, il y a-t-il des variabilités affichées entre les régions,les sexes ou autres considérations ? : Plus d’hommes que de femmes présentent cette capacité de lire ; l’écart est très marqué de 1800 à 1850, il va se réduire au fil des décennies jusqu’à la fin du siècle. Chose marquante, au niveau des couples qui se forment, on constate que le fait de « signer » est un des éléments qui détermine et fixe le choix des partenaires entre eux. Il existe des disparités sur le territoire : au Nord d’une ligne tracée de Saint Malo à Genève, l’auteur note une forte alphabétisation et, inversement, le Sud de la France, la région Occitane, mais aussi à l’Ouest, la Bretagne, sont des zones territoriales qui vont présenter un fort taux d’illettrisme. Faut-il y supposer une volonté d’opposition de ses régions, et pour certaines le désir irréductible de conserver et revendiquer des identités culturelles spécifiques ? Pour la Bretagne, faut-il y voire, de surcroît, l’effet de l’isolement de contrées situées au bout du Continent et peu desservies par des voies carrossables, contribuant ainsi à un repliement vers la quasi autarcie ?
Nous voudrions aussi citer, à l’occasion de ce rappel, deux études réalisées récemment sur l’état actuel de l’illettrisme en France ; elles font partde chiffres paradoxalement très différents : une étude de l’INSEE, publiée dans le journal Le Mondedu 18 décembre 2011, qui fait part d’un taux de 7% d’illettrisme en France. Une autre étude, Universitaire celle-là, répondant à une méthodologie détaillée, nous indique un taux d’illettrisme bien différent : de 30% en France en 2012 ! (89) (Jean Batiste NOE, Historien en économie, étude publiée dans Ecole et Education, du 5 août 2012). Ce dernier pourcentage nous ramènerait 230 ans en arrière ! Ce pourcentage tient encore une fois aux critères d’évaluation et peut-être guidés par des intérêts peu scientifiques.

Charcot et l’Agrégation de Médecine

Charcot est devenu Médecin des Hôpitaux, maintenant il vise le titre de Professeur Agrégé de médecine. Il se présente au Concours en 1857. Le stress, ou autre chemin de réticences psychologiques ? Il tire une question… : « L’expectation en médecine »… A-t-il lu « l’expectoration » ? Il fonce, car il connaît très bien la pneumologie. On l’arrête. « L’EXPECTATION EN MEDECINE ! Monsieur Charcot !»… Il est troublé, muet, il se dérobe ! C’est l’échec ! L’expectation était bien un choix paradoxalement actif, permettant de laisser évoluer les signes selon les cas cliniques,permettant au cas où d’envisager une guérison spontanée, ou de mieux considérer l’évolution afin de peaufiner son observation. Charcot devait rester quelques temps dans l’expectative du prochain Concours ! Il accumule les articles et les publications : La Société de Biologie lui est ouverte. « Les maladies de l’aorte », « La claudication intermittente », « Le tremblement sénile », « De l’usage du thermomètre » (qui peutêtre inspira Jules Romains pour son « Docteur Knock »), « Du pronostic et de l’évolution des maladies par la prise de la température », « de la recherche du sucre avec la liqueur de Fehling et de celle de l’albumine avec la méthode de Heller »…
En 1858, il est nommé Chevalier de la Légion d’Honneur. C’est là une très grande distinction qui présage de son avenir.
En 1860: Charcot se représente au Concours de l’Agrégation en 1860, il tire à l’oral « Les hémorragies intestinales ». Il est tellement stressé, puis dérouté, qu’il met un terme à son exposé avant la fin du temps qui lui est accordé. Rayer, qui est présent dans le jury, le retient et Charcot va au bout de la question. La poursuite de la réponse n’est pas brillante, mais il se rattrape avec la seconde question : de la pneumologie ! : « Les pneumologies chroniques ». Charcot obtient l’Agrégation. Pour certains ce sera là encore : « les abominables et incessants passe-droits auxquels donnent lieu les concours, cérémonies fallacieuses, réglées d’avance » (109). Plus tard Charcot favorisera sans aucun état d’âme ses élèves les plus dévoués. Charcot se délecte de son succès, il est reçu auprès de son grand ami Vulpian, camarade de promotion.
Avec ses travaux relayés par la Société de Biologie et sa réussite à l’Agrégation il peut considérer un poste comme Chef de Service.
En novembre 1861Achille Fould est nommé Ministre des Finances. Illico Vulpian et Charcot se voient attribuer chacun un service à la Salpêtrière ; ils en auront la pleine responsabilité.
Lorsque Charcot et Vulpian arrivent à la Salpêtrière, il y résident 5.035 patients dont : 2.600 indigentes malades et 1.513 aliénés ; une centaine de « reposantes » (les retraitées filles de salle) séjournent aussi en ce lieu. 1862souvenons nous, c’est aussi l’année de nomination de Rayer comme Doyen de la faculté de médecine de Paris. Aspect important, car Rayer veut créer de nouvelles Chaires : une de « Pathologie médicale » pour lui, une autre de d’« Histologie » pour Robin, et enfin une Chaire d’« Histoire de la Médecine » ; cela engendre des jalousies. Charcot prend en charge le service Pariset ; la Surveillante infirmière, Margueritte Bottard est âgée de 42 ans, elle est entrée la Salpêtrière au début 1841, chez Trélat père, puis chez Falret, chez Lasègue, maintenant elle a pour patron Charcot.
Le Patron organise son service. Moreau de Tours est aussi à la Salpêtrière, il y dirige un service d’aliénés. Charcot lui rend visite, non pas parce qu’il s’intéresse aux pathologies mentales, mais pour chercher chez Moreau des cadavres. Il n’a pas abandonné le goût pour l’anapath. Chez Charcot les malades sont porteurs d’anomalies physiques de toutes sortes, de la paralysie jusqu’à la goutte. Dans le crâne des malades de Moreau Charcot n’y perçoit rien qui ne soit pas conforme aux autres cerveaux et ce même au microscope. Les aliénistes le savent et depuis ne font plus beaucoup de nécropsies. Charcot aime pratiquer l’anatomo-clinique et il compare les cerveaux des « fous » de Moreau, qui sont à priori normaux, à ceux de ses malades décédés chez lui de maladies qui affectent le système nerveux. Comme au temps de son séjour d’interne à la Salpêtrière, il est à l’abri, il peut expérimenter sur un nombre considérable de malades : « Nous sommes, en d’autres termes, en possession d’une sorte de musée pathologique vivant dont les ressources sont considérables… ».
Lorsqu’il arrive à la Salpêtrière Charcot à 37 ans ; Il connaît bien les grandes pathologies du corps humain, mais pas celles que l’on appelle les « maladies des nerfs ». Il ne connaît pas non plus les maladies mentales, et n’aime guère les aliénistes.
Il va fonder la Neurologie à la Salpêtrière. Il a déjà étudié les paralysies, les épilepsies, les hémiplégies, les raideurs des membres ou les pertes de motricité… Mais il y a d’autres aspects qu’il veut aborder afin de mieux classer ces pathologies : les tics, les tremblements, les paralysies agitantes… On confond beaucoup de choses, il y a beaucoup de flou et il veut apporter un peu d’ordre dans ce domaine qui va devenir la « neurologie ». Sa manière de procéder est simple : il va tout lire sur le sujet qu’il explore. Il veut tout savoir de ce qui a été publié. Il note, pour avoir retenu son mode original de différentiation des tremblements (avec des longues plumes), que Duchenne de Boulogne peut lui en dire encore plus. Il s’intéresse aussi à Duchenne car il maîtrise la photographie (que Charcot considère comme un sujet d’avenir), il est bon clinicien, il pratique l’électricité médicale… que demander de plus ? Il fait venir Duchenne dans son service. On dit Duchenne de Boulogne (car il est né à Boulogne-sur-Mer) pour le différentier des autres Duchenne. On fait de même avec Moreau (Moreau de Tours).
Duchenne a fait ses études de médecine à Paris à l’époque où naissait Charcot ; ensuite il est retourné exercer à Boulogne dans son pays natal. Marié, il perd sa femme à la suite d’une fièvre puerpérale, ce qui à l’époque était hélas courant. Il se remariera. Duchenne travaille beaucoup sur l’électrothérapie en reprenant ce qu’avait fait Marat (le médecin et politicien révolutionnaire). Il établit la topographie des muscles en stimulant les nerfs et les muscles à travers la peau. Il invente ainsi l’électrodiagnostic.
Il revient à Paris et tous ceux qui vont le rencontrer vont s’accordersur l’originalité du personnage, mais aussi sur ses connaissances hors du commun. Il parcourt les services et continue ses travaux sur « l’électrisation localisée », sur ses applications en pathologie ou en physiologie à des fins thérapeutiques. Il travaille encore sur l’« atrophie musculaire progressive » (1849), sur l’«ataxie locomotrice » (1858), la « paralysie labio-glosso pharyngée » (1860).
Lorsqu’il retrouve Charcot à la Salpêtrière, en 1862, il vient d’écrire sur « la myopathie pseudohypertrophique », et surtout il rencontre un succès en publiant « Le mécanisme de la physionomie humaine et l’analyse électro-physiologique de l’expression des passions ». Il essaie de comprendre l’action participative de chaque muscle dans la globalité de l’expression. Charcot donne toutes les facilités à Duchenne au sein de son service. Si Duchenne est un génie instinctif, Charcot rationalise et structure, ils sont complémentaires. Charcot organise son service en créant des laboratoires spécifiques : la Photographie, la microscopie (car le microscope est primordial pour Charcot).

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Table des matières
Préambule
1/ Rappel sur l’évolution politique de 1800 à 1894
2/ La grande Presse et les corollaires deson essor au XIXème siècle
2-1 : ~Emergence d’une langue nationale
2-2 : ~Evolution de l’intérêt pour la lecture au XIXème
2-2-1 : La volonté de l’Etat
2-2-2 : Les lieux de lecture
2-2-3 : Une Presse accessible au plus grand nombre
3/ La Presse au XIXème siècle
3-1 : ~Progrès techniques permettant l’essor de la Presse
3-1-1 : L’amélioration de l’imprimerie, de l’encrage, du papier
3-1-2 : La diffusion rapide des journauxgrâce au chemin de fer
3-2 : ~Du publiciste au journaliste, d’un art élitaire à la littérature industrielle
3-3 : ~La bête noire de l’édition au XIXème siècle : La censure
4/ Rappels sur la vie et la carrière de Jean-Martin Charcot 
5/ La mort de Charcot et ce qui reste de sa vie et de son œuvre à la lecture de certains des titres de la Grande Presse parisienne du 19 août à la fin août 1893 
Conclusion
Bibliographie
Annexes

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