Définition et épidémiologie
Définition
La GEM est une glomérulopathie chronique définie par la présence de dépôts granuleux (non linéaires) d’IgG sur la face externe, épithéliale de la MBG où ils sont détectés par immunofluorescence (IF) ; des dépôts de C3 leurs sont souvent associés.
Épidémiologie
La GEM est actuellement la deuxième étiologie principale du syndrome néphrotique de l’adulte. Elle est identifiée chez 7 à 20% dans les séries biopsiques [1,22]. L’incidence de la GEM reste néanmoins mal connue. Elle touche préférentiellement les hommes avec un sexe ratio de 2/1 [23]. Dans une étude rétrospective réalisée au Sénégal entre 2011 et 2015 elle représentait environ 33% des affections glomérulaires chez les personnes âgées [2]. Dans une étude rétrospective réalisée au Maroc, la GEM représentait environ 9,3% de l’ensemble des affections glomérulaires après la néphropathie lupique et la néphropathie à lésion glomérulaire minime (LGM) [3]. Un pic de fréquence survient classiquement entre 30 et 50 ans. Soixantedix [70] à 80% des GEM sont primitives [4]. Seules 20% sont secondaires, car elles surviennent chez des patients ayant une infection (syphilis, hépatites virales, lèpre), un lupus ou une maladie apparentée, un cancer, une intoxication médicamenteuse (sels de métaux lourds, Dpénicillamines) .
causes de GEM secondaires
Maladies auto-immunes
● Lupus érythémateux disséminé – Syndrome de Goujerot-Sjögren – Thyroïdite d’Hashimoto
– Cirrhose biliaire primitive
● Sarcoïdose
Infections
● Hépatite B – Hépatite C -Syphilis- VIH
● Lèpre
● Filariose
● Paludisme
Médicaments
● Sels d’or
● D pénicillamines – Captopril
● Sels de mercure – AINS
Néoplasies
● Adénocarcinome (sein, poumon, prostate, côlon, estomac, pancréas, foie) – Mélanome
● Lymphome non hodgkinien .
Les GEM idiopathiques sont habituellement considérées comme des maladies auto immunes, tandis que les formes secondaires impliqueraient des antigènes étrangers au glomérule comme dans le cas des GEM induites par le virus de l’hépatite B (VHB).
Anatomie de la barrière de filtration glomérulaire et physiopathologie
Anatomie de la barrière de filtration glomérulaire
La barrière de filtration glomérulaire est constituée de trois éléments : l’endothélium fenêtré des capillaires glomérulaires, la MBG, et des cellules viscérales différenciées appelées podocytes encrés à la MBG par des expansions appelées pédicelles. L’espace entre deux pédicelles adjacents forme une fente d’environ 40 nm constituant la fente de filtration, qui est recouverte sur son versant externe par une membrane protéique hautement spécialisée appelée diaphragme de fente. Lequel constitue l’ultime barrière de filtration qui s’oppose au passage des protéines et des substances de haut poids moléculaire [24]. On peut schématiquement distinguer trois structures dynamiques qui contrôlent l’intégrité de la barrière de filtration : 1) le diaphragme de fente qui est une jonction adhérente unique formée de certaines protéines telles que la néphrine, la p-cadhérine la densine, 2) le domaine basal qui permet l’encrage des podocytes à la MBG par l’intermédiaire de protéines d’adhésion comme les intégrines, 3) le cytosquelette des pédicelles qui interagit avec ces structures par l’intermédiaires de certaines protéines, comme la podocine et la CD2AP .
Pathogénie
La GEM est caractérisée par des dépôts sur le versant externe de la MBG. La cible antigénique se situe sur le podocyte [25]. La protéinurie apparait après l’apparition des dépôts qui s’associent à l’aplatissement des podocytes puis à leur effacement. Par la suite la MBG s’épaissit avec accumulation de la matrice extra cellulaire. La néphrite de Heymann constitue le modèle expérimental de la GEM chez le rat [25] Dans ce modèle les cibles antigéniques sont la mégaline et le complexe protéique associé à la mégaline (receptor associated protein [RAP]). La mégaline est une protéine de plus de 600KD, récepteur d’endocytose fixant de multiples ligands tels que le calcium, l’apoprotéine E J et B100, le complexe inhibiteur activateur du plasminogène urinaire, des antibiotiques, la lactoferrine, l’albumine, le complexe Trans cobalamine vitamine B12, et possiblement l’insuline [26,27]. L’injection d’un anticorps dirigé contre un épitope de cette protéine a permis de reproduire des dépôts de complexe immuns. De nombreux autres épitopes sont cependant nécessaires pour la formation de complexes immuns. L’ensemble mégaline et RAP est considéré comme le complexe antigénique de la néphrite de Heymann. La néphrite de Heymann peut être induite par l’injection intraveineuse de mégaline ou de RAP ou par l’injection directe d’anticorps anti mégaline et anti RAP. Les dépôts se forment en général quelques minutes après l’injection, et la protéinurie apparaît 5 à 6 jours plus tard. Les dépôts se forment au départ dans les puits recouverts de clathrine situés à la base des pieds des podocytes, puis s’étendent sur le versant externe de la MBG. Les mécanismes de cette extension sur la MBG elle-même dépourvue de mégaline restent inconnus. La formation des complexes immuns sur la surface des podocytes active la voie classique du complément avec la formation du complexe d’attaque membranaire (CAM) C5b-9 dans la membrane podocytaire via le récepteur à la vitronectine [28]. CAM joue un rôle central dans les lésions podocytaire et dans l’apparition de la protéinurie. Son rôle a été mis en évidence chez l’homme. Le premier antigène caractérisé chez l’homme, 20 ans après la caractérisation de la mégaline était l’endopeptidase neutre (NEP). En effet un premier cas de GEM a été décrit en 2002 consécutif à une immunisation materno fœtale dirigée contre NEP présente à la surface des podocytes, chez une mère qui avait un déficit constitutionnel en cette protéine [29]. Néanmoins le déficit en NEP est très rare (5 familles identifiées). Le NEP comme la mégaline ne semblent pas être impliqués dans la GEM idiopathique. Une publication nord-américaine en 2009 a identifié le premier antigène impliqué dans l’autoimmunisation responsable de la GEM idiopathique de l’adulte. En effet dans ce travail portant sur 37 patients présentant une GEM idiopathique, 70% des patients avaient un anticorps dirigé contre un antigène podocytaire, le récepteur de type M à la phospholipase de type A2 (PLA2R) [4]. Ces résultats suggèrent que comme dans la néphrite de Heymann et la GEM allo-immune néonatale, les dépôts extra membraneux des GEM idiopathiques sont formés in situ à la suite de la fixation des anticorps anti PLA2R sur l’antigène présenté à la surface du podocyte. Par la suite plusieurs publications ont confirmé ces résultats avec une prévalence de séropositivité fluctuant entre 50 et 80% selon les populations étudiées [30,31]. En outre la recherche d’antiPLA2R directement dans la biopsie rénale permet d’augmenter la sensibilité de la détection d’auto-immunisation au-delà de 80%, et plus encore de porter ce diagnostic de façon rétrospective en l’absence de sérum, ou en cas de prélèvement sérique tardif [32]. D’autres antigènes localisés sur le podocyte et la MBG ont par la suite été mis en évidence. En 2014 Nicolas Thomas et coll ont identifié comme autre cible antigénique, le domaine 7A de la thrombospondine (THSD7A) [6]. Les anticorps anti THSD7A sont positifs dans 1 à 5% des cas de GEM. Trois [3] autres antigènes ont été découverts en 2019, l’exostosine 1/2 [33] et le facteur de croissance neurotrophique d’origine épidermique (NELL1) [7]. L’exsostosine 1/2 apparait associée à des maladies auto-immunes [33], et dans 30% NELL1 est associée aux cancers [7]. En fin de compte le mécanisme principal quel qu’en soit l’origine (idiopathique ou secondaire) est la constitution du CAM au niveau du versant externe de la MBG. Les antigènes cibles peuvent être directement localisés sur la MBG ou le podocyte (GEM idiopathiques) ou être circulants, traverser la MBG et s’incruster sur son versant externe. Les anticorps produits en réaction de type (IgG4) vont se fixer sur leurs cibles antigéniques, et vont par la suite activer la voie classique du complément qui aboutira à la constitution de son produit final qui est le CAM C5b-9. Ce dernier crée un trou au niveau de la membrane cytoplasmique du podocyte. Il en résulte un effacement des pieds des pédicelles ou un détachement de ces derniers. Ceci sera à l’origine d’une perte de la sélectivité de la MBG entraînant une fuite massive de protéines se traduisant cliniquement par un syndrome néphrotique (SN).
|
Table des matières
INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE : LA GLOMERULONEPHRITE EXTRAMEMBRANEUSE
1. Définition et épidémiologie
1.1. Définition
1.2. Épidémiologie
2. Anatomie de la barrière de filtration glomérulaire et physiopathologie
2.1. Anatomie de la barrière de filtration glomérulaire
2.2. Pathogénie
3. Diagnostic positif
3.1. Circonstances de découverte et signes clinique
3.2. Signes paracliniques
3.2.1. Biochimie
3.2.2. Hématologie
3.2.3. Sérologies
3.2.4. Urines
3.3. Histologie et classification
3.3.1. Microscopie optique
3.3.2. Immunofluorescence (IF)
4. Complications
4.1. Complications thrombo-emboliques
4.2. Complications infectieuses
4.3. Autres complications
5. Diagnostic différentiel
6. Évolution et pronostique
6.1. Évolution
6.2. Pronostique
6.2.1. Facteurs pronostiques
6.2.2. Rechutes après rémissions
7. TRAITEMENT
7.1. But du traitement
7.2. Moyens
7.2.1. Moyens non médicamenteux
7.2.2. Moyens médicamenteux
7.2.2.1. Moyens non spécifiques (traitement conservateur)
7.2.2.2. Traitement spécifique (traitement immunosuppresseur)
7.2.2.2.1. Corticoïdes
7.2.2.2.2. Corticoïdes associés aux agents cytotoxiques
7.2.2.2.3. Inhibiteurs de la calcineurine (CNIs)
7.2.2.2.4. Mycophenolate mofetil (MMF)
7.2.2.2.5. Rituximab
7.2.2.2.6. Hormone adreno-corticotrope (ACTH)
7.2.3. Indications
7.2.3.1. Prise en charge des rechutes
7.2.3.2. Prise en charge des résistances
7.2.3.3. Prise en charge chez le transplanté
7.2.3.4. Prise en charge des formes secondaires
DEUXIEME PARTIE : TRAVAIL PERSONNEL
1. Méthodologie
1.1. Cadre d’étude
1.1.1. Structure du service
1.1.1.1. Personnel
1.1.1.2. Formation
1.2. Schéma d’étude
1.3. Population d’étude
1.3.1. Critère d’inclusion
1.3.2. Critère d’exclusion
1.4. Recueil de l’information
1.4.1. Données recueillies
1.4.2. Définitions des paramètres opérationnelles
1.5. Analyses statistiques
1.6. Considérations éthiques
2. Résultats
2.1. Résultats descriptifs
2.1.1. Données socio démographiques
2.1.1.1. Diagramme de flux des patients
2.1.1.2. Age
2.1.1.3. Genre
2.1.1.4. Antécédents et comorbidités
2.1.2. Données cliniques avant l’administration du Rituximab
2.1.2.1. Pression artérielle
2.1.2.2. Œdème
2.1.2.3. Thrombose veineuse et embolie pulmonaire
2.1.3. Données biologiques avant l’administration du Rituximab
2.1.3.1. Albuminémie
2.1.3.2. Créatininémie
2.1.3.3. Protéinurie des 24h (PU24h)
2.1.3.4. Anticorps anti-PLA2R (Ac anti-PLA2R)
2.1.3.5. Anticorps anti-nucléaire
2.1.3.6. Histologie
2.1.4. Données thérapeutiques
2.1.4.1. Données sur le Rituximab
2.1.4.1.1. Protocole
2.1.4.1.2. Origine du rituximab
2.1.4.1.3. Prémédication
2.1.4.2. Autres traitements immunosuppresseurs reçus
2.1.4.3. Autres traitements
2.1.4.3.1. Traitement par IEC/ARA2
2.1.4.3.2. Traitement anticoagulant
2.1.4.3.3. Traitement par statines
2.1.4.3.4. Traitement par diurétiques
2.1.4.3.5. Antibioprophylaxie et antiviroprophylaxie
2.1.5. Évolution
2.1.5.1. Données cliniques à M3, M6 et M12 (pression artérielle et œdèmes)
2.1.5.2. Données paracliniques à M3, M6 et M12
2.1.5.2.1. PU24h
2.1.5.2.2. Albuminémie
2.1.5.2.3. Créatininémie
2.1.5.2.4. CD19
2.1.5.2.5. PLA2R
2.1.5.3. Rémission biologique
2.1.5.4. Rémission immunologique
2.1.5.5. Complications
2.2. Résultats analytiques
2.2.1. Évolution des paramètres cliniques à 3 mois
2.2.2. Évolution des paramètres cliniques à 6 mois
2.2.3. Évolution des données biologiques à 3 mois
2.2.4. Évolution des données biologiques à 6 mois
3. Discussion
3.1. Données socio-démographiques
3.1.1. Age
3.1.2. Genre
3.2. Données cliniques avant l’administration du rituximab
3.2.1. Pression artérielle
3.2.2. Œdèmes
3.2.3. Thrombose veineuse et embolie pulmonaire
3.3. Données biologiques avant l’administration du Rituximab
3.3.1. Albuminémie
3.3.2. Créatininémie
3.3.3. Protéinurie des 24h (PU24h)
3.3.4. Anticorps anti-PLA2R (Ac anti-PLA2R)
3.3.5. Anticorps anti-nucléaire
3.4. Histologie
3.5. Données thérapeutiques
3.5.1. Données sur le Rituximab
3.5.2. Prémédication
3.5.3. Autres traitements immunosuppresseurs administrés
3.5.4. Autres traitements
3.5.4.1. Traitement par IEC/ARA2
3.5.4.2. Traitement anticoagulant
3.5.4.3. Les statines
3.5.4.4. Diurétiques
3.6. Évolution
3.6.1. Données cliniques à M3, M6 et M12 (pression artérielle et œdèmes)
3.6.2. Évolution des paramètres biologiques à M3, M6 et M12
3.6.2.1. PU24h
3.6.2.2. Albuminémie
3.6.2.3. Créatininémie et débit de filtration glomérulaire estimé (DFGe)
3.6.2.4. Anti-PLA2R
3.6.2.5. CD19
3.6.2.6. Rémission biologique
3.6.2.7. Rémission immunologique
3.7. Complications
3.8. Difficultés et faiblesses de cette étude
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
ANNEXES