La glomérulonéphrite aiguë post-infectieuse demeure dans les pays en voie de développement la glomérulopathie la plus fréquente de l’enfant. En effet, si dans les pays développés, une prise en charge précoce des infections ORL et cutanées en a fortement diminué l’incidence, dans nos pays, la GNA post-infectieuse demeure un problème de santé publique, faisant partie intégrante des complications des infections poststreptococciques. De plus, la fréquence des formes sévères pose souvent un problème de pronostic vital à court terme. Depuis une dizaine d’années, d’importants efforts de sensibilisation du milieu médical, de la population, à une meilleure prise en charge des infections cutanées et ORL, nous laisse espérer une baisse de l’incidence de GNA post-infectieuse dans notre pays ; de même qu’une minimisation des complications grâce à une prise en charge plus précoce. L’évolution est alors en général favorable. Dans notre travail, nous étudions le profil épidémiologique, diagnostique thérapeutique et évolutif de 138 cas de GNA colligés dans l’Unité de Néphrologie Pédiatrique dans le Service P.III du Professeur Hadj KHALIFA à l’hôpital d’enfants CHU Ibnoti Rochd à Casablanca.
DEFINITION
La glomérulonéphrite aiguë est l’une des maladies glomérulaires les plus fréquentes chez l’enfant. Sa définition est peu précise le terme « aigu » signifie à la fois le début brutal de la maladie et son caractère curable. Pour éviter toute confusion avec d’autres syndromes néphritiques, le terme de « post-streptococcique » est utilisé. Cette notion est également ambiguë dans la mesure où si le streptocoque hémolytique est l’agent pathogène le plus souvent retrouvé chez les malades atteints de GNA, d’autres agents infectieux peuvent également être en cause. Par ailleurs, compte tenu de la fréquence d’épisodes infectieux dans les antécédents des enfants atteints de maladies glomérulaires en général, le caractère post-infectieux ne suffit pas à définir le type d’atteinte glomérulaire. La pratique des biopsies rénales et surtout leur étude en immunofluorescence permettent de mieux circonscrire le problème. La GNA post-infectieuse est une maladie caractérisée cliniquement par la survenue brutale, après 1 à 3 semaines après un épisode infectieux, d’une hématurie souvent macroscopique, d’oedèmes et d’une protéinurie qui peut être importante. Ces signes sont le plus souvent associés à une hypertension artérielle et à une diminution de la fonction glomérulaire pouvant parfois entraîner une oligo-anurie. Les critères histologiques peuvent se résumer en :
– une prolifération des cellules endocapillaires ;
– un exsudat de polynucléaires neutrophiles, de macrophages ;
– la présence de dépôts coniques espacés fixant le sérum anti-C 3et situés sur le versant épithélial de la membrane basale appelés « humps ».
Ainsi définie, la GNA post-infectieuse est une maladie curable dans la grande majorité des cas.
EPIDEMIOLOGIE
La GNA post-infectieuse est devenue rare dans les pays développés grâce à l’utilisation large d’antibiotique régulièrement efficace sur le streptocoque. Mais elle s’observe encore fréquemment sous forme épidémique en Afrique [99]. La GNA représente 1% de l’ensemble des hospitalisations en pédiatrie à Dakar [104]. Cependant, l’incidence réelle des GNA post-infectieuses est d’évaluation difficile car les cas infra-cliniques seraient 4 fois plus fréquents que les cas cliniquement évidents [103]. L’incidence de cas de GNA est donc sous-estimée, certaines d’entre elles survenant sans aucun signe clinique ou biologique détectable [100].
ETIOPATHOGENIE
L’agent infectieux le plus souvent responsable est un streptocoque bêta hémolytique du groupe A. Plusieurs types sérologiques sont néphritogènes : 1, 2, 3, 4, 6, 25, 55, 57, 60 et en particulier le type 12 et 49. L’infection déclenchante est le plus souvent amygdalienne ou pharyngée plus rarement cutanée. D’autres germes peuvent parfois induire une GNA post-infectieuse :
– bactéries : staphylocoque, pneumocoque, méningocoque
– virus : hépatite B, rougeole, varicelle, cytomégalovinis
– parasites: plasmodium, toxoplasme
– champignons : candida
De nombreux arguments suggèrent que la glomérulonéphrite aiguë postinfectieuse est une maladie à complexes immuns. Ces complexes immuns ne sont pas circulants, comme on l’a longuement cru, ils sont complexés localement dans les glomérules [113]. Des travaux ont montré la présence d’antigènes issus de souches de streptocoques néphritogènes dans le mésangium (mais non dans les humps) et dans les complexes immuns de patients ayant une glomérulonéphrite aiguë post-infectieuse et une biopsie rénale précoce [6 I ]. Il est possible que des antigènes streptococciques se lient in vivo à des protéines des gloméndes pour susciter 2 à 3 semaines plus tard la réaction inflammatoire marquant le début clinique de la maladie. Le rôle de troubles de l’immunité cellulaire et de facteurs génétiques reste discuté.
SYMPTOMATOLOGIE
La forme typique : la glomérulonéphrite aiguë post-streptococcique
Symptomatologie clinique
Le début est le plus souvent insidieux après un intervalle de 6 et 20 jours après un épisode infectieux. Il est rare que cet intervalle soit supérieur à 3 semaines. Il se manifeste par l’installation brutale:
– du syndrome oedémateux : au début discret, il peut devenir important. Ce sont des oedèmes de types rénaux prenant le godet, blancs, mous, indolores, déclives parfois associés à des épanchements pleuraux ou péritonéaux, plus rarement à un oedème pulmonaire ou cérébral.
– d’une hypertension artérielle : elle est sous la dépendance de la rétention hydrosodée. Elle peut être menaçante et se compliquer de convulsions par oedème cérébral, oedème aigu du poumon par surcharge volémique aiguë. Les complications oculaires sont exceptionnelles.
– d’une oligurie faite d’urines troubles, foncées, concentrées, « bouillon sale » ;
– d’une hématurie macroscopique.
Symptomatologie paraclinique
Hématurie
Une hématurie macroscopique ou au moins microscopique est pratiquement constante bien que des cas de GNA aient été rapportés avec un sédiment urinaire normal ou presque. La présence de cylindres granuleux est habituelle à l’examen du sédiment urinaire. En cas de doute, la présence d’hématies déformées au microscope à contraste de phase reflète l’origine glomérulaire de l’hématurie [41, 115].
Protéinurie
La protéinurie est un symptôme majeur. Elle est de type non sélectif et contient de nombreux produits de dégradation de la fibrine [45]. Le plus souvent modérée, elle peut être importante, supérieure à 50 mg/kg/24h ; un syndrome népluotique existe à la phase précoce dans 20 à 30% des cas [55].
Fonction glomérulaire
Le débit de filtration glomérulaire est souvent diminué. Le taux de créatinémie est élevé mais peut être proche des valeurs normales (7 à 14 mg/1). Le débit sanguin rénal est normal bien que la fraction filtrée soit toujours diminuée. Le pouvoir de concentration des urines est conservé tandis que le taux d’urée sanguine peut s’élever de façon disproportionnée par rapport à celui de la créatininémie.
Ionogramme sanguin
Le sodium urinaire est effondré et la fraction excrétée du sodium est très basse : (inférieur à 50 m eq / 24h). Une hyponatrémie par dilution est habituelle quand l’hydratation n’a pas été restreinte. Une acidose hyperchlorémique avec hyperkaliémie modérée a été rapportée chez des patients non oliguriques.
|
Table des matières
INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE : RAPPELS SUR LA GLOMERULONEPHRITE POST-INFECTIEUSE
I — DEFINITION
II — EPIDEMIOLOGIE
III — ETIOPATHOGENIE
IV SYMPTOMATOLOGIE
IV. 1. La forme typique : GNA post-streptococcique
1 V. 1 .1. — Symptomatologie clinique
1V.1.2. — Symptomatologie paraclinique
IV.1.3. — Symptomatologie histologique
I V .2. Formes cliniques
1V.2.1. — Formes symptomatiques
IV.2.2. — Formes du nourrisson
IV.2.3. — Formes associées
IV.2.4. — Formes compliquées
V DIAGNOSTIC
V.1. — Diagnostic positif
V.2. — Diagnostic différentiel
V.3. — Diagnostic étiologique
VI — TRAITEMENT
VI.l. — Traitement symptomatique
VI.1.1. — Repos au lit
VI.1.2. — Régime désodé
V1.1.3. — Restriction hydrique
VI.1.4. — Diurétiques
VI.1.5. — Antihypertenseurs
VI.1.6. — Epuration extrarénale
VI.2. — Traitement antibiotique
VI.3. — Traitement préventif
VII — EVOLUTION ET PRONOSTIC
DEUXIEME PARTIE : TRAVAIL PERSONNEL
CHAPITRE I : MATERIEL ET METHODE
I — MATERIEL
II — METHODE
III — CRITERES D’INCLUSION ET D’EXCLUSION
CHAPITRE II : RESULTATS
I — DONNEES EPIDEMIOLOGIQUES
I.1. Fréquence de la GNA post-infectieuse
1.2. — Fréquence de la GNA selon l’âge
1.3. Fréquence de la GNA post-infectieuse selon le sexe
1.4. — Fréquence de la GNA post-infectieuse selon le niveau socio-économique
I.S. — Répartition selon les saisons
1.6. — Répartition annuelle des GNA post-infectieuses
1.7. — Origine de nos malades
II — ETUDE CLINIQUE
11.1. — Foyer infectieux initial
11.2. — Délai d’apparition de la maladie
11.3. — Circonstances de découverte
11.4. — Signes cliniques de début
11.5. — Complications à l’arrivée
III — ETUDE BIOLOGIQUE
111.2. — Bilan hématologique et inflammatoire
111.3. — Indice infectieux streptococcique
111.4. Dosage du complément
IV — ETUDE RADIOGRAPHIQUE
IV.1. — Radiographie pulmonaire
IV.2. Echographie ale
IV.3. Echocardiographie
IV.4. Tomodensitométrie cérébral
V — TRAITEMENT
V.1. — Repos au lit
V.2. Restriction hydro-sodée
V.3. — Médicaments
V.3.1. — Diurétiques
V.3.2. — Antihypertenseurs
V.3.3. — Anticonvulsivants
V.3.4. — Epuration extrarénale
V.3.5. — Antibiotiques
VI — EVOLUTION
VI.1.- Evolution à court terme
VI.1.1. — Evolution favorable
VI.1.2. — Complications aiguës
VI.2. — Evolution à long terme
CHAPITRE III: DISCUSSION ET COMMENTAIRE
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
ANNEXES