La gestion et la valorisation actuelles des terrains marginaux

Suite à la réalisation de grands projets, de grands chantiers, se manifestent des transformations territoriales qui, parfois, produisent des morceaux de territoire non utilisés, délaissés. Ces derniers ont perdu leur fonction précédente – celle qui leur conférait un rôle territorial avant la modification introduite par une transformation anthropique d’envergure – et ne parviennent pas à assumer une nouvelle fonction. On a affaire, finalement, à des « terres délaissées », des « friches territoriales ». Ces fragments de territoire se distribuent en éclats selon les règles imposées par les nécessités du grand chantier, mais aussi suivant la propriété, les normes juridiques qui s’y appliquent et les activités précédentes et potentielles. Il apparaît utile de pouvoir qualifier ces friches, les localiser, évaluer leurs caractéristiques et les dynamiques qui les affectent. Ceci, bien sûr, avec pour finalité de comprendre comment se produisent ces espaces délaissés et comment ils peuvent « revenir à la vie territoriale active ».

Objectifs du PFE, définitions et questionnements initiaux 

Objet, visée et limites du travail de recherche 

Objet de la recherche 

La présente recherche consiste, in fine, à vérifier l’existence ou non d’un « système de lecture » des espaces qui se sont retrouvés délaissés lors de la réalisation de l’infrastructure ferroviaire à grande vitesse reliant les villes de Bologne et Milan, en Italie. Ceci suppose la définition probable de ce système de lecture. On tentera d’établir pour cela une liste de différents critères, qu’il s’agira de décrire au mieux. On peut aussi parler de « grille de lecture », mais ce terme présente le défaut d’être parfois connoté, et le risque d’introduire une confusion : il faut ici éviter d’envisager mentalement le « système de lecture » recherché comme une grille dont on voudrait remplir – et combler – l’ensemble des cases, et se concentrer simplement sur la recherche des critères pertinents qui peuvent définir ce système. On considérera que l’hypothèse de l’existence d’un tel système de lecture est a priori vérifiée si, à la lumière des différents critères qui auront été retenus, puis triés et hiérarchisés, une typologie, des catégories d’espaces se dégagent de manière suffisamment nette.

Limites du cas d’étude, dans l’objet et dans le rendu

Ce projet de fin d’études n’a pas vocation, dans son rendu :
– d’une part, de s’intéresser à une comparaison Tours/Bologne des problématiques abordées ni des conclusions issues du travail mené (d’autant plus que le sujet n’est pas traité en parallèle en France) ;
– d’autre part, de revêtir un aspect très opérationnel. Autrement dit, il n’est pas demandé – voire pas souhaitable dans un premier temps – d’approfondir la question de la valorisation, de l’usage futur des parcelles de terrain considérées, par exemple à travers la définition d’un « système » supplémentaire qui comprendrait des critères liés à ces enjeux. En effet, indépendamment des contraintes liées au temps imparti pour le projet de recherche, il semble avant tout judicieux de bien définir les critères susceptibles de permettre de lire les espaces délaissés dans leur ensemble. L’approche visant à la valorisation (au sens large) de ces espaces pourra, quant à elle, être l’objet d’un travail de recherche ultérieur. En revanche, rien n’interdit d’aborder, dans le cadre de ce PFE, les perspectives d’évolution (utilisation potentielle, remembrement…) de ces espaces. Une précaution est toutefois à prendre : les propositions personnelles qui pourraient émerger au gré de l’analyse, des rencontres et entretiens effectués devront être formulées dans les limites de la suggestion.

En somme, il est attendu du PFE d’identifier les friches, de les caractériser et de restituer les dynamiques qui les régissent. Il s’agit d’ « attribuer un caractère » à ces espaces, et, par là même, au processus qui a mené à leur création, au sens de leur état actuel. Car comprendre comment sont produits ces espaces peut s’avérer utile pour être en mesure d’envisager, ultérieurement, les conditions d’un « retour à la vie territoriale active ».

Questionnements initiaux

– Sur la perception de ce qu’est un espace dit « délaissé ».

Une friche « temporaire », par exemple, pour laquelle il peut exister une volonté, institutionnelle ou privée, de l’intégrer dans un projet à plus ou moins long terme, peut-elle être considérée comme un « délaissé » à proprement parler ? Ou, au contraire, les termes « délaissé », « abandonné » traduisentils plus volontiers un désintéressement quasi-total, ou un oubli pur et simple ce type d’espace ? On doit pouvoir répondre en partie à la question en s’intéressant aussi bien à la dimension affective que véhiculent ces mots qu’à celle que portent en eux, physiquement, les espaces délaissés. Il est possible que la dimension affective et d’attachement transparaisse des rencontres sur le terrain avec les habitants.

– Sur les limites spatiales du PFE.

En termes de localisation, on a vu précédemment que l’étude devait porter sur un tronçon situé en milieu rural ou périurbain, mais pas en ville. La terre, en ville, serait trop « chargée affectivement ». Sans prétendre que l’attachement à la terre est moindre en milieu rural et/ou agricole, l’exercice même de la recherche conduite ici sur les délaissés pourrait se heurter, à l’intérieur ou à proximité des zones urbaines, à des réticences et à des enjeux économiques voire politiques plus prononcés qui entraveraient la bonne progression de l’étude, et son bien-fondé. Subsiste la question, complexe, du périmètre, à savoir la longueur et surtout la largeur du tronçon qui constituera le siège de l’étude. Quelle « emprise » sera la plus adéquate pour délimiter un périmètre, et en premier lieu pour faciliter la recherche des délaissés ? Les délaissés, en effet, ont très bien pu naître au sein d’aires affectées par l’arrivée d’une infrastructure ferroviaire lourde, mais rien ne permet encore d’affirmer que les terrains désormais abandonnés longent tous immédiatement la voie ferrée. La combinaison de l’emprise et des impacts de l’infrastructure à grande vitesse elle-même, et de facteurs multiples prédisposant un espace à perdre sa fonction antérieure, rendent périlleuse toute extrapolation hâtive sur ce point : seule une première analyse du terrain pourra permettre de trancher et de prendre les précautions nécessaires pour établir, si toutefois cela apparaît utile, une « norme » pour l’emprise de l’étude. Celle-ci sera un des résultats de la recherche. Quant à la longueur du périmètre d’étude, la volonté de pouvoir, à l’issue de la recherche, étudier les conditions dans lesquelles le « système de lecture » obtenu pourrait être transposé à d’autres lieux, imposerait d’opter pour un périmètre relativement étendu ; cependant, le périmètre devrait être suffisamment restreint pour éviter que l’étude soit bâclée.

Il sera raisonnable de considérer, pour commencer, la localisation d’un certain nombre d’espaces délaissés, après quoi une largeur pourra être évaluée. Il s’agit, autrement dit, de « capitaliser le terrain » avant d’en chercher une « norme de lecture », en ayant préalablement trouvé une quantité suffisante d’espaces délaissés. L’approche cartographique jouera, à ce titre, un rôle non seulement dans l’identification d’espaces délaissés, mais aussi dans la détermination de l’échantillon des espaces à retenir pour l’étude : exhaustivité des terrains délaissés sur un tronçon, une dizaine de terrains, …

– Sur la gouvernance du réseau ferroviaire à grande vitesse et les implications locales.

Quelles sont les bonnes questions à se poser ? Il semblerait que l’intérêt de la question réside dans l’interaction entre les acteurs liés à l’infrastructure (matériellement et politiquement parlant) et la société locale, ou la société civile locale voire hyper locale, et ses élus.

Pour S. Neri Serneri , « la dimension locale délimite le seuil de formation d’un espace social, au sens propre, en mesure de contenir et d’organiser en son propre sein les sphères individuelles, familiales ou de groupe, de les disposer selon des articulations systématiques et fonctionnelles aussi bien que d’en accueillir les dynamiques d’échange, d’opposition conflictuelle ou de subordination hiérarchique. De la même manière, vers l’extérieur la société locale est le sujet qui entre en contact et noue des rapports avec d’autres réalités socio-spatiales. Décisif et caractérisant demeure, en tout état de cause, le lien constitutif avec le territoire : constitutif au sens premier de son appartenance à un espace donné et défini par des produits, des sujets et des transformations spécifiques, mais constitutif aussi au sens profond que, de ce territoire, la société locale tire les ressources environnementales et historiques qui en alimentent les capacités propulsives.

Qu’entend-on par « espace délaissé » ?

La grande hétérogénéité des espaces délaissés 

Au cours des 1ères rencontres Nature & Paysage , tenues sur le campus universitaire de Blois en 2009, divers intervenants ont eu l’occasion de s’exprimer sur leur vision des délaissés. Chilpéric de Boiscuillé (directeur de l’ENSP – Ecole Nationale Supérieure du Paysage) et Emmanuel Brochard (directeur du CAUE de Loir-et-Cher), dans une tentative de définition et de cadrage de la thématique, évoquent des espaces « inemployés, abandonnés, vides », dont le recensement devrait « prendre en compte la perception des habitants, souvent riverains ». Il existerait une « hiérarchie des délaissés inemployés [dans leur hétérogénéité] : les délaissés ont une identité, ce que n’ont pas les pieds d’immeubles, les bords d’infrastructures et autres remblais qui n’ont pas été qualifiés. Comme dans le jeu du taquet, le délaissé est la case vide nécessaire au mouvement, la respiration de l’urbaniste, avant d’être le cauchemar de l’élu. » MM. de Boiscuillé et Brochard émettent l’idée que ces espaces ne seraient peut-être que des « résistances au changement », dans la mesure où « ils parasite[raient] la vision d’une ville ou d’une campagne maîtrisée ». Cette remarque est très intéressante à considérer dans le cadre du PFE, où les délaissés ferroviaires se concevraient spontanément comme les résultats du changement, plutôt. On se pose alors la question : peuvent-ils être les deux en même temps ? Les intervenants concluent par les paroles suivantes : « Leur existence est peut-être avant tout une respiration utile, elle redonne du sens aux notions de temps, une vision des restes de l’aménagement, un lieu sans ordre pour toutes les exclusions, personnes, mauvaises herbes… Ce sont peut-être alors des espaces ‘‘vitaux’’ dans des identités provisoires. » On observe, au passage, que les deux personnes se placent dans un registre qui est, certes, métaphorique, mais teinté de beaucoup d’incertitude et d’interrogation. Ceci peut traduire le caractère récent et balbutiant du champ de la réflexion sur les délaissés, tout comme la récurrence du « peut-être ». Par ailleurs, l’expression « restes de l’aménagement » revêt une connotation plutôt péjorative en ce qu’elle décrirait presque des espaces qui non seulement n’ont pas été voulus, mais auxquels on ne souhaite pas davantage offrir de considération après. De Boiscuillé et Brochard semblent, néanmoins, omettre ou négliger dans leur réflexion le caractère qui peut être éminemment rural des délaissés – ou « bords d’infrastructures » dans leur sémantique pour les terrains qui concernent le PFE –, lorsqu’ils affirment : « Ces espaces délaissés ont pour dénominateur commun d’être sous influence urbaine. » Sauf à considérer que l’influence urbaine sur un terrain (et non, par conséquent, le caractère nécessairement urbain de celui-ci) peut se manifester par physiquement par la création d’une infrastructure de la liaison entre deux grandes entités urbaines comme Milan et Bologne, ce qui lèverait toute ambiguïté tout en donnant assurément raison aux deux intervenants. Cette question rejoindra celle du rapport affectif à l’espace, abordée plus loin.

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Table des matières

Introduction
I. Objectifs du PFE, définitions et questionnements initiaux
A. Objet, visée et limites du travail de recherche
1. Objet de la recherche
2. Limites du cas d’étude, dans l’objet et dans le rendu
3. Questionnements initiaux
B. Définitions et réflexions
1. Qu’entend-on par « espace délaissé » ?
2. Exemples de gestion des espaces délaissés
3. La prévision du phénomène de délaissement
4. La question du rapport affectif à l’espace
II. Méthodologie, terrain d’étude et hypothèses de travail
A. Synthèse des objectifs poursuivis et des outils mis en œuvre
B. Choix du tronçon d’étude
1. Le réseau ferroviaire à grande vitesse en Italie
2. Modalités de sélection de la ligne à grande vitesse
3. La ligne ferroviaire à grande vitesse Milan-Bologne
4. Le périmètre d’étude
C. Formulation des hypothèses de travail
D. Apports et limites des outils mis en œuvre
1. Approche cartographique
2. Aspects législatifs relatifs à l’expropriation et aux limites de constructibilité
3. Les délaissés dans la planification
4. La gestion et la valorisation actuelles des terrains marginaux
III. Résultats de recherche
A. Représentation visuelle des terrains délaissés
B. Etude quantitative et interprétations
1. Méthode de calcul retenue
2. Résultats
C. Le calcul des pertes en terres cultivables
D. Réponses aux deux premières hypothèses de travail et interrogations en suspens
E. Un système de lecture des délaissés émerge-t-il ?
1. Principe d’un système de lecture des délaissés
2. Forme possible d’une matrice des critères
3. Exploitation envisageable en théorie d’un tel outil
4. Exemple de système réduit appliqué au périmètre d’étude
5. Conclusions sur la validité et la fiabilité d’un tel système
Conclusion
Bibliographie

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